« Ça va ? demanda Nathan à sa cheffe. T'es toute pâle…
- Oui ça va… J'suis juste un peu fatiguée… mentit-elle en souriant faussement.
- C'est pour ça que t'as pleuré… ? tenta-t-il hésitant.
- Nathan… S'il-te-plaît…
- Ok… accepta-t-il en la fixant perplexe.
Candice détourna le regard en voyant Antoine revenir vers eux.
- Marquez a noté tout ce qu'on avait sur la maison et ils cherchent… Il m'a filé l'adresse de l'appart de la tante… On va y faire un tour ? proposa-t-il. »
Les deux acquiescèrent, décidant de suivre le commissaire dans son idée. Évidemment, Candice s'empara à nouveau du volant de leur voiture de location et suivit le GPS dont la voix meublait le silence ambiant. Derrière, Nathan oscillait entre sa cheffe et son grand-chef, sentant qu'une tension émanait très clairement de leurs deux corps crispés. Et c'est dans un mutisme imbattable que l'équipe débarqua devant l'ancien domicile des sœurs Dejean. La blonde observa la bâtisse, typique des vieux immeubles du centre-ville coloré. Elle se satisfit intérieurement du crépis rose et des volets assortis avant de descendre pour approcher la porte d'entrée.
« C'est un digicode… T'as les noms des occupants actuels ? demanda-t-elle à Antoine.
- Monsieur et Madame Dumas… annonça-t-il sérieusement.
La blonde se retourna doucement et le fixa l'air dépité.
- Tu te moques de moi c'est ça ?
- Absolument pas… rétorqua-t-il fièrement. Madame Arnoux a amoureusement épousé monsieur Dumas en 2021 et ils habitent dans ce charmant appartement de 47m2 depuis deux ans… D'autres questions ?
- T'aurais dû te reconvertir dans l'immobilier au lieu de passer le concours de commissaire… Ça te serait allé comme un gant… lança-t-elle presque avec amusement.
- Nan… Ça m'aurait embêté, t'aurais été triste sans me voir au bureau tous les jours…
- C'est sûr que ça aurait été plus compliqué pour te pourrir la vie… Mais j'aurais trouvé…
- Ah bah c'est sûr que sur ce point, je n'en doute pas une seule seconde… La reine de la vacherie…
- Une femme blessée ça peut faire des dégâts… répliqua-t-elle en souriant hautainement. »
Antoine n'eut même pas le temps de répliquer que le bras de Nathan s'immisça entre eux pour appuyer sur le digicode. Étonnés, les deux collègues le regardèrent sans oser ouvrir la bouche.
« Sinon on était encore là demain… » se justifia-t-il gêné.
Mutiques, les deux se retournèrent à nouveau et fixèrent la porte devant eux. Nathan, hochait négativement la tête, dépité d'assister à leur joute verbale ridicule, lorsqu'une voix féminine retentit…
« C'est pour quoi ?
- Madame Dumas ?
- Oui ?
- Police… On aurait quelques questions à vous poser au sujet d'anciens propriétaires de votre appartement… annonça Antoine.
- Allez-y ! Première porte sur la droite au deuxième étage. »
Le commissaire grimpa les escaliers le premier, suivi des deux agents montpelliérains. Ils trouvèrent rapidement ladite porte et madame Dumas les accueillit en souriant.
« Est-ce que cette femme est passée vous voir récemment ? l'interrogea Nathan en lui montrant une photo d'Émilie.
- Euh non… Ça ne me dit rien… Pourquoi ?
- Elle a vécu ici quelques années, il y a sept ans et on enquête sur elle… On voulait vérifier si elle était repassée ici…
- Je ne crois pas. Et si mon mari avait eu une visite, il m'en aurait parlé…
- Vous pourriez lui demander et nous recontacter au cas où ?
- Euh oui… accepta-t-elle en récupérant la carte du commissaire. D'accord… bafouilla-t-elle apeurée par la présence policière dans son salon. Mais il ne va rien nous arriver ?
- Non… lâcha Candice en souriant doucement. On avait simplement quelques questions à vous poser mais visiblement, elle n'est pas passée ici… Pas de panique… la rassura-t-elle volontairement.
- D'accord… »
. . . . .
« Bon bah chou blanc ! s'écria Nathan en refermant la grande porte cochère derrière lui.
- Donc on est surs qu'il s'agit de la maison de vacances… J'vais rappeler le bureau pour qu'ils se bougent un peu…
- Ok… acquiesça-t-elle en remontant en voiture avec son adjoint.
- Dis… Je voulais te demander un truc mais…
- Vas-y…
- J'ai un ami à moi qui vit sur Nice en ce moment et… j'aurais bien été le saluer… Je le vois jamais et comme je suis sur place fin', j'me suis dit que…
- Euh… Là maintenant ? S'étonna-t-elle presque angoissée.
- Je sais pas… On a rendez-vous demain avec le gynéco… Il est 15h… On a rien à faire avant les nouvelles de Sète… Mais si tu veux pas c'est pas grave hein…
- Non c'est pas ça… murmura-t-elle en fixant son commissaire au loin.
- Ok… J'ai compris…
- De quoi ? lâcha-t-elle vivement en se retournant vers lui.
- T'as pas envie de te retrouver seule avec lui…
- Mais non… mentit-elle. Pas du tout… N'importe quoi… Alors d'accord… Vas-y et on se retrouve ce soir…
- T'es sûre ?
- Mais oui tu peux y aller !
- Où ça ? demanda Antoine qui s'approcha de la fenêtre ouverte du véhicule.
- Nathan doit voir quelqu'un… Alors du nouveau ?
- Mehdi a bien récupéré le journal intime de Camille dans le coffre-fort… Y a des tonnes et des tonnes d'écriture… Il est dessus mais ça risque de prendre du temps…
- Et pour la maison ?
- Ils cherchent encore… Mais des villas comme ça y en a plein… Puis les infos de Jean datent d'il y a plus de sept ans… La voierie a très bien pu changer…
- Bon bah… y a plus qu'à attendre alors… souffla-t-elle dépitée.
- J'vous laisse… ? osa Nathan en ouvrant sa portière.
- Oui ! À tout à l'heure… répondit sa cheffe en souriant. »
Antoine se contenta d'un signe de tête et reposa ses yeux sur la commandante. Et inévitablement, la blonde fuyait son regard, toujours gênée d'avoir laissé échapper ses sept petites lettres devant lui… Et lui ne savait comment appréhender la situation, conscient de l'effort qu'il lui avait fallu pour les laisser sortir… Alors, à son image, il opta pour la douceur…
« Et nous… ? Qu'est-ce qu'on fait ?
- Comment ça ? balbutia-t-elle déroutée par l'ambiguïté de sa question.
- Cet après-midi… qu'est-ce qu'on fait ?
- Ah… Euh… Bah je sais pas…
- Tu veux qu'on aille se balader ? proposa-t-il tendrement.
- Où ça ?
- Dans la vieille-ville ? On pourrait se manger une p'tite glace…
Surprise, Candice releva subitement la tête vers lui, perdue.
- Y a le meilleur glacier de la ville là-bas… se justifia-t-il conscient du double-sens de sa proposition.
- Tu connais la ville toi ? s'étonna-t-elle.
- Ouais… On était venus faire un week-end avec Jennifer y a quelques années…
- Super… marmonna-t-elle en haussant les sourcils. Toujours dans l'ombre des ex…
- Candice…
- Oui bah monte… On va aller y faire un tour va…
- Nan mais si t'as pas envie c'est pas grave… C'était juste histoire de s'occuper et de passer un peu de temps ensemble… maugréa-t-il en s'installant dans la voiture.
- Excuse-moi… bafouilla-t-elle.
- Je fais pas ça pour qu'on reparle de tout à l'heure hein…
- Hum…»
Et c'est dans un nuage de gêne que les deux amoureux débarquèrent dans la vieille-ville. Et heureusement pour eux la haute saison commençait à se disperser… Vidant les ruelles de leurs touristes habituels et rendant le calme à ce quartier si typique du sud-est méditerranéen. Et comme il s'en serait douté, Candice adorait s'arrêter aux petites boutiques de vêtements, s'amuser à frôler les tissus et comparer les motifs. Mais dans cette échoppe, Candice s'arrêta longuement, regardant fixement une jolie robe rose à motifs violets. La commandante hésitait… à nouveau partagée entre son cœur et sa raison. Et face à l'attente interminable qu'elle imposait à son collègue, ce dernier décida de s'immiscer dans la boutique à son tour et s'approcha doucement.
« Je me disais aussi… plaisanta-t-il en rigolant doucement...
Surprise, Candice se retourna vers lui et lâcha la robe.
- Essaie-la !
- Non… Tant pis je… commença-t-elle en quittant le magasin.
- Elle te plaît ou pas ?
- Oui fin'… Je…
- Alors va l'essayer ! »
Candice s'exécuta et fit intervenir la vendeuse pour essayer la robe. Elle s'enferma dans la cabine avant d'ouvrir le rideau perplexe.
« Ah bah elle vous va nickel ! s'exclama la jeunette en souriant.
- Ah bon… ? répliqua-t-elle hésitante.
- Regardez de dos ! continua-t-elle en apportant un miroir sur roulettes.
- Ah oui ça va… confirma-telle à son tour en souriant.
- Votre chéri à l'air subjugué en tout cas… Je serai vous je la prendrai… chuchota-t-elle en tirant le miroir sur le côté. »
Candice observa son « chéri » à travers le miroir. Mains dans les poches, appuyé contre le présentoir du magasin, Antoine se contentait de la fixer de loin, ne préférant s'immiscer dans son intimité pour ne pas la brusquer. Et étonnamment, il la vit se retourner vers lui quelque peu gênée.
« T'en penses quoi ? osa-t-elle demander tout bas.
Antoine s'approcha doucement, le regard fixe.
- Elle te va bien…
- T'es sûr ?
- Mais oui… Elle est super belle… »
« Elle est super belle » … répéta-t-elle dans son esprit, presque déçue… Candice aurait sûrement préféré un « TU es super belle » mais encore une fois, Antoine ne se mouillait pas trop. Préférant la distance plutôt que la proximité… Alors la blonde se retourna à nouveau et confirma l'achat à la vendeuse. Cette dernière acquiesça avant d'échanger un regard complice avec le commissaire qui s'approcha doucement du comptoir.
« Je vous dois combien ? Lança-t-il en sortant sa carte bleue alors que la blonde sortait de la cabine.
- Non ! protesta-t-elle en s'approchant vivement.
- Si ! Ça me fait plaisir…
- Mais Antoine…
- Trop tard ! répliqua-t-il fièrement satisfait. »
Et à nouveau, le commissaire était d'une mignonnerie imbattable. Et à nouveau Candice le maudissait intérieurement pour ça… Car oui, à chaque fois qu'il agissait de la sorte, Candice sombrait à nouveau dans les frasques de l'amour… Alors même qu'elle devait pourtant rester dans la retenue.
« Merci pour la robe… souffla-t-elle tout bas alors qu'ils reprenaient leur route.
- Tant que tu ne craques pas à chaque boutique ça va… plaisanta-t-il.
- Mais tu me connais…
- Justement… »
Candice rigola doucement avant de promettre que ce serait son seul craquage du jour. Même si elle aurait bien avoué qu'à cet instant précis elle craquait pour une tout autre chose. Au lieu de ça, elle se laissa guider vers d'autres ruelles avant que le commissaire ne l'entraîne chez ce fameux glacier. Et vu la file d'attente devant le bâtiment, Antoine ne lui avait pas menti sur le succès de cet italien. Ils finirent par récupérer leur commande et le policier lui proposa une dégustation en front de mer. La blonde accepta, suivant son collègue sur ce banc bleu qui trônait sur la promenade des Anglais.
« Alors ? Verdict ? demanda-t-il presque la bouche pleine.
- J'avoue qu'elle est bonne…
- Ça aurait été dommage de pas y aller non ?
- Ouais… Merci… chuchota-t-elle timide.
- Tu veux goûter ? proposa-t-il en tendant son cornet vers elle.
- Hum… Mais elle est hyper bonne !
- Chocolat-Pistache… Rien de meilleur…
- Mais sans supplément chantilly cette fois donc ?
- Nan ! J'te jure qu'elle est tellement délicieuse que la chantilly aurait altéré le parfum…
- Je regrette presque de pas avoir pris chocolat…
- Tiens… proposa-t-il à nouveau.
- Merci…
- Attends… commença-t-il en approchant son pouce de sa joue. Le chocolat c'est sympa mais ça laisse des traces… plaisanta-t-il.
- Ah bon ? paniqua-t-elle en se frottant la joue à son tour.
- Tu fais concurrence à la petite, c'est ça ? plaisanta-t-il.
- Mais non… Je…
- C'est bon… T'inquiète pas… Y a plus rien…
- Merci… répondit-elle gênée. »
Antoine se réinstalla confortablement sur ce banc, laissant le silence s'installer et le soleil les réchauffer. Et apaisée par l'instant, Candice se délectait de son cornet tout en appréciant la douceur de cette fin d'après-midi. Rapidement, ses yeux se posèrent sur ces goélands qui chahutaient face à eux, se lançant bec contre bec poussant quelques cris vindicatifs. Eux semblaient libres de vivre sans remords, sans regrets, sans tracas… Tout ce dont elle rêvait finalement… Mais elle, était rongée par ses peurs qui l'empêchaient de le chahuter lui, celui qui dévorait son cornet avec passion… Lui qui venait à nouveau de lui prouver que malgré tout, il respectait son choix de ne pas revenir sur sa déclaration du midi…
« Je t'aime » avait-elle laissé sortir… difficilement certes… mais tout de même avec une certaine assurance. C'était comme si ces sept lettres venaient de briser la carapace qu'elle s'était forgée. Et depuis cet instant, toute sa carcasse menaçait de s'effondrer, risquant d'exposer son intimité aux yeux de tous. Alors Candice luttait encore un peu… S'efforçant de feindre une solidité faussement bétonnée. Histoire de ne pas trop affaiblir sa fierté… Histoire de faire croire que cet aveu n'avait pas forcément d'impact… Or son partenaire n'était pas dupe… Et la fixant de coin, il s'autorisa un bref sourire en la constatant plongée dans ses pensées.
« Tu crois qu'ils sont amoureux ? demanda-t-elle à Antoine en montrant les oiseaux de la tête.
- Hein ? l'interrogea-t-il perplexe.
- De ? bafouilla-t-elle.
- J'ai pas compris… continua-t-il alors que son téléphone sonnait. Ouais Mehdi ?
- Bon on a épluché le journal intime…
- Attends je te mets sur haut-parleur pour Candice.
- Alors ? demanda-t-elle.
- Aucune mention du viol… Et on l'a relu plusieurs fois…
- Merde…
- Mais y a des pages arrachées…
- C'est sûrement dessus qu'il y avait mention de ce viol…
- Et Émilie les a arrachées pour les montrer à son violeur qu'elle avait sans doute réussi à retrouver… compléta Antoine.
- Donc le meurtrier d'Émilie serait le violeur de Camille… Et y a quoi d'autre dedans ?
- Oh ! Des tas de trucs… On a fait une liste de tous les éléments qu'on apprenait mais… c'est long.
- J'aimerais le lire. Vous pouvez le déposer chez moi ? Comme ça demain, dès que je rentre je l'ai sous la main.
- Ok.
- Et la maison ? demanda le commissaire.
- On l'a retrouvé. C'est une vieille villa à Balaruc. Les propriétaires sont partis en vacances pour la semaine. Ils doivent nous rappeler en début de soirée.
- Ok. Vous nous tenez au courant surtout ! Bon boulot !
- J'espère que vous ne profitez pas trop quand même… intervint Élodie d'un ton amusé.
- Écoute… J'vais t'envoyer une photo et tu constateras par toi-même… répondit-il en plaisantant.
- Si c'est pour me narguer tu peux la garder…
- Attends… Je finis mon cornet de glace et je te montre…
- Ah l'enf….
- Pardon ?! la coupa-t-il faussement autoritaire.
- Rien…
- Hum. J'ai presque cru entendre une grossièreté…
- Du tout ! Enfin ! Tu sais bien que je suis sage comme une image…
- Évidemment… Bon ! On vous laisse. Salut. Conclut-il en raccrochant tout sourire sous les yeux ébahis de Candice. Quoi ?
- Eh bah… Je vois que ça se taquine… Et tu vas lui donner un bon point pour sa sagesse aussi ?!
Antoine rigola doucement face à la jalousie évidente de Candice.
- Ou une punition pour ses abus… Je sais pas encore…
- Ah bah c'est sûr que pour abuser… Elle abuse hein… Et elle y va franco en plus !
- Tu l'aimes pas hein ?
- Arrête ! Elle est insupportable… Elle se croit au-dessus de tout le monde ! J'ai encore en tête la façon dont elle m'a presque humilié la dernière fois… Et puis toi t'es là, tout mielleux… Pffff… souffla-t-elle agacée.
- Mais moi j'ai aucun problème avec elle… C'est un bon élément… Elle fait le travail demandé… Elle est efficace…
- Bah évidemment ! Quand on travaille pour les beaux yeux du patron aussi…
- Pourquoi ? Tu t'y connais dans ce domaine ? la taquina-t-il gentiment.
- T'es chiant ! pesta-t-elle contre ses provocations.
- Chocolat ? osa-t-il proposer d'une voix enfantine pour se faire pardonner. »
. . . . .
