Bonjour à tous ! J'espère que vous allez bien.

Perso je suis un peu malade, guère géniale sachant que je vais en convention dehors tout le week-end (Harajuku pour ceux qui connaissent). J'espère que c'est juste pour aujourd'hui, j'aimerais être tranquille pour les prochains jours...

Voilà donc le chapitre 15, bonne lecture !


Chapitre 15 : Secret love song

Décembre débuta avec une arrivée de petits flocons guère stables pour tenir plus de vingt-quatre heures. Les messes basses sur James cessèrent peu à peu (sans doute le premier match entre Serdaigle et Poufsouffle avec la victoire de ces derniers en fut vaguement pour quelque chose), mais Lily sentait toujours des mauvais regards quand elle apparaissait, de même pour Lucy. Avoir découvert « La Tanière »permettait ainsi aux jeunes filles de souffler davantage. Lily essayait tant bien que mal, à écrire à son grand frère deux fois par mois, ses lettres étaient d'abord envoyées à Harry et Ginny, étant dans l'obligation de transmettre les missives en mains propres. Le couple voyait dès que possible leurs fils chaque semaine, Lily craignait en revanche, qu'Albus ne fasse pas le moindre effort pour communiquer avec James.

Jason, depuis lors, était pour de bon rentré dans le groupe d'amis de Lily, de manière progressive. Il lui arrivait parfois de s'absenter, pour ses entraînements de Quidditch et des rendez-vous avec sa prétendante du moment, mais il passait désormais la majorité de ses heures libres avec ses nouveaux compagnons. Il aimait particulièrement taquiner Lily et quelquefois Solange jusqu'à ce que cette dernière atteigne sa limite. La fille aînée Londubat avait un peu plus de mal à accepter un nouveau venu, garçon et Serpentard qui plus est, mais Hugo et Lily en étaient persuadés que ce n'était qu'une question de temps et qu'elle l'appréciait malgré tout. Mary de son côté, n'avait guère perdu la dynamique qu'elle entretenait déjà avec lui, même si elle était désormais bien plus amicale et Hugo, bien qu'il ne l'avouera jamais à voix haute, était content d'avoir une présence masculine supplémentaire et qui s'intéressait quelque peu à ses jeux de rôle papier.

Lorsque le professeur Flitwick passa dans les classes la deuxième semaine de décembre pour prendre les noms de ceux qui restaient à Poudlard, Lily avait sincèrement hésité à mettre le sien. Que serait Noël de toute façon, sans James, sans une nouvelle fois Dominique et Fred avec par-dessus le marché, les adultes sous tension ? Ses grands-parents, particulièrement Molly, insisteraient de nouveau pour que tous leurs enfants soient présents, conflits ou non. Ils ne voulaient plus connaître des fêtes avec un fils absent ou fuyant sa famille. L'atmosphère risquerait donc d'être électrique et une autre dispute pourrait être à prévoir. Lorsque Lily confia ses craintes à Hugo après le cours de Potions, celui-ci acquiesça tristement la tête.

- Personne n'a envie de rentrer à la maison Lily, tu n'es pas la seule. Lucy d'abord, Albus ensuite, Roxanne c'est tous les ans, même Rose et moi sommes tendus à ce sujet.

- Et Louis ? interrogea Lily une fois le reste du groupe réuni, se dirigeant vers la cour recouverte d'une neige qui tombait et disparaissait tous les deux jours désormais.

- Tu sais bien, tous les deux ans lui et ses parents passent le réveillon en France. Je crois que Teddy et Victoire viennent avec eux en plus, pour présenter Scott à la famille Delacour. Si ça se trouve, peut-être qu'ils pourront voir Dominique ?

Lily ne répondit rien, gardant pour elle les confessions de sa cousine. Dominique n'avait pas évoqué le sujet dans sa dernière lettre, mais il était probable qu'elle ferait tout pour ne pas croiser sa sœur, Teddy et le bébé.

- Eux au moins, ils seront tranquilles avec ce problème, admit Hugo en soufflant de la chaleur sur ses gants.

- J'aimerais pouvoir rester aussi, ajouta Mary à leurs côtés, qui avait perdu son sourire. Noël n'a jamais été un moment convivial chez moi à l'inverse de vous. Chaque année, on se réunissait pendant une semaine dans le manoir de mes grands-parents maternels avec Scorpius et ses parents. Mais vous comprenez, depuis le décès de ma tante l'année dernière, l'austérité a fait place au lugubre.

Sur cette précédente phrase, Mary balança légèrement la tête, luttant pour cacher son mal-être. Tout comme Scorpius avant elle, l'anniversaire de la mort d'Astoria Malefoy l'avait rendue plus fermée et sombre que jamais. De la même façon que Lily, La Tanière lui offrait quelques heures de répit, quand elle ne se noyait pas dans les cours.

- L'an passé, reprit-elle plus faiblement, mon oncle et Scorpius ressemblaient à des inféri…ma mère ne cessait de faire son intéressante, un rien méritait des critiques de sa part. Par respect pour l'étiquette, mon père ne la reprend pas en public, il agit donc comme il en a l'habitude : faire en sorte de changer de sujet à chacune de ses interventions. Mes grands-parents de leur côté, essayaient de se focaliser leurs attentions sur mon frère et moi, mais entre l'un qui a peur de laisser échapper le moindre mot de travers et l'autre qu'on se soucie à peine…ça n'a pas sauvé la fête.

- Je suis désolé pour ça Mary, compatit Hugo, peiné.

- Tu veux que je propose à mes parents de t'accueillir pour le Nouvel An ? tenta Lily. Ils ont bien dit oui l'année dernière pour Scorpius.

- C'est gentil Lily, mais je n'oserais pas déranger, ce sont des festivités familiales, secoua la tête Mary.

- Pourtant, ça peut se négocier, la Saint-Sylvestre est plus détente que Noël, reprit Hugo. Mais c'est comme tu le sens Mary, tu es aussi la bienvenue chez moi si j'arrive à convaincre mes parents. Et puis de toute façon, on a les hiboux.

Les joues de Mary se pourprèrent et elle acquiesça silencieusement, touchée.

- Je ne conseille pas de venir chez moi, ajouta Solange d'une petite voix. Pas à cause de mes parents, mais…à chaque matin de Noël et premier janvier, nous allons à Saint-Mangouste…enfin vous savez que…c'est…

-…déprimant, acheva Hugo à sa place en voyant que Solange commençait à se tortiller les doigts par stress.

- Et toi Zabini, tu ne me proposes pas de m'inviter pour le réveillon ? renchérit Mary avec plus d'entrain pour compenser.

Ce dernier, un peu en retrait sur le banc de pierre où il était le seul assis, répondit avec détachement :

- Non pas spécialement, je ne suis pas fan de Noël. Je hais les longs repas de famille.

- Comment peux-tu ? s'exclama Lily. D'habitude, c'est la meilleure fête de l'année ! Les décorations, la neige, la nourriture, les cadeaux, les chants, les…

- Des guirlandes kitch avec un hiver de plus en plus absent à cause du réchauffement climatique provoqué par les Moldus, les plats trop gras et lourds, les cadeaux qu'on achète surtout par obligation que par réelle envie, être forcé de voir des gens que tu connais à peine ou que tu détestes… débita Jason, guère convaincu.

- Oh tais-toi, ça dépend chez qui, c'est tout ! protesta Lily, vexée.

Les vacances tant redoutées finirent ainsi par arriver, avec de légers flocons pour accompagner, avec la quasi-totalité des élèves se rendant à Pré-au-lard. Pendant tout le trajet à pied, Lily, Hugo, Solange et Mary subirent les taquineries transformées en dispute entre Jason et Alice. Voyant que la grande sœur n'était plus aussi réceptive à ses piques, Jason s'était donc rabattu sur la cadette et leur relation, au départ distanciée en ne se connaissant guère, devint comme chat et chien.

Lily avait même du mal à déterminer si Alice le détestait ou rentrait trop facilement dans son jeu en se vexant. Chacune de leurs interactions se ressemblait : Jason la taquinait, Alice ripostait, il continuait, elle finissait par bouder et quand Jason allait trop loin en voulant rigoler, la plus jeune répondait avec des insultes. Le groupe ne prenait d'habitude jamais très au sérieux leurs petites espiègleries, mais exceptionnellement, Solange dut intervenir avec l'aide de Mary lorsqu'Alice eut l'idée d'ensorceler des boules de neige. Le manque de précision des lancers fit que le quintet arriva dans le train avec leurs manteaux et leurs cheveux humides. Alice fut renvoyée avec ses copines pour le voyage quand elle voulut de s'incruster dans leur compartiment, mais elle passait toutes les demi-heures devant eux en jetant des regards noirs à Jason.

En début d'après-midi, peu avant un énième déplacement d'Alice, Lily remarqua Rose et Scorpius dans un recoin entre deux wagons. Intriguée, elle pencha la tête le plus possible en se collant contre la vitre pour chercher à voir, ou ne serait-ce qu'entendre quelques bribes de leur discussion, ce qu'il se tramait. Face à face contre le mur, Rose, une nouvelle fois, ne semblait pas à son aise tandis que Scorpius, que Lily n'apercevait que de dos, avait l'air de la conseiller et l'aidait à se calmer si on se fiait à l'expression de la jeune fille.

- Ce n'est pas bien d'espionner Lily, releva Hugo avec un discret sourire, assis en face d'elle.

- Je n'espionne pas, je surveille, se défendit Lily sans quitter Rose et Scorpius des yeux. Tu as remarqué qu'ils ont de plus en plus de messes basses tous les deux ?

- Ils sont meilleurs amis, ce n'est pas nouveau…

- Non là, c'est différent, se redressa Lily en dévisageant Hugo. On dirait que…que Scorpius rassure réellement Rose. Et ce n'est pas la première fois. Tu as bien vu qu'elle avait souvent une petite mine ? Scorpius semble être le seul à pouvoir lui redonner le sourire et avec qui elle peut vraiment se confier. Tu ne trouves pas ça bizarre toi ?

Hugo, en compagnie de Mary qui avait suivi discrètement la discussion, la fixa, interdit avec un sourcil levé. Aucun ne remarqua l'entrée furtive d'Alice qui lança une dragée au visage de Jason qui laissa échapper un juron sonore.

- Ce que je trouve bizarre, c'est que ça t'intéresse autant, commenta Hugo. Rose ne va pas toujours bien et alors ? Elle finira par nous le dire, ou pas, ce sont ses affaires. C'est même tant mieux qu'elle ait quelqu'un à qui se confier.

- Mais ce n'est pas comme d'habitude, insista Lily. Et puis, on est sa famille, non ? Si elle avait un réel souci, pourquoi Scorpius doit être le premier au courant ? Pourquoi veut-elle particulièrement se livrer à lui et pourquoi est-ce le seul à lui redonner le sourire ? On dirait que…on dirait que…

- On dirait presque que tu es jalouse, acheva Mary avec un léger amusement.

- Que...que quoi ? s'écria Lily, outrée. Moi jalouse !? Mais enfin…jalouse de quoi même ?

- Sujet sensible le Malefoy ? s'incrusta Jason après avoir tiré la langue à Alice qui referma la porte du compartiment en faisant un geste grossier du doigt.

- Avec Lily, évidemment ! lui répondit Hugo avec un petit ricanement. Mais alors une réaction comme ça, c'est une première !

- Arrête Hugo ! Je m'en fiche de lui ! Il n'y a rien à débattre ! se vexa Lily. Soyez aveugles si vous voulez, mais moi, je trouve ça louche leurs comportements à tous les deux, ils nous cachent quelque chose !

Elle ignora la main de Solange qui lui tapotait l'épaule comme unique soutien et attrapa un morceau de parchemin afin de rédiger une lettre pour Teddy puis pour Dominique. Lily ne prononça plus le moindre mot jusqu'à la fin du trajet, enfermée dans ses réflexions, ne sachant pas ce qui l'avait le plus blessé : que ses amis réfutent ses hypothèses ou qu'ils conçoivent qu'elle puisse éprouver de la jalousie. Elle n'arrivait pas à déterminer envers qui elle était censée être envieuse : Rose ou Scorpius ? Pour se changer les idées, elle fit en sorte de laisser vagabonder son imagination en fantasmant sur d'autres scénarios de rencontre avec Wilhem, mais en vain, toute histoire était fade et inachevée. Cela faisait des semaines qu'elle n'avait plus pensé au garçon brun…


Le redoutable vingt-quatre décembre arriva bien trop rapidement aux yeux de Lily. Elle avait à peine avancé dans ses devoirs, car l'écriture et l'échange de lettres avec ses amis (enfin, moins avec Jason, ce dernier envoyait davantage des commentaires sarcastiques que de vraies nouvelles…) occupaient tout son temps libre. Si bien qu'après s'être préparée à contrecœur, Lily avait hésité à embarquer son carnet pour le Terrier, mais sa mère l'en dissuada bien vite. La journée n'avait ressemblé qu'à un cumul de frustration, rien que ce matin, ses parents refusèrent qu'elle les accompagne rendre visite à James, les mineurs n'étant pas autorisés à se rendre à la prison.

- Azkaban a même des salles dédiées aux rencontres familiales où les enfants peuvent venir, pourquoi Douglas n'en a pas ? avait-elle pesté alors qu'Harry et Ginny s'apprêtaient à transplaner devant le palier.

- Le traitement n'est pas le même, tenta de lui expliquer son père. La prison correctionnelle a pour objectif de reconstruire des bases saines pour ses occupants, les entrevues sont donc limitées en nombre de personnes et les peines sont plus courtes, pas besoin d'emmener un enfant là-dedans.

- Peut-être, mais c'est stupide ! leur balança Lily sous le claquement sonore du transplanage.

La neige avait au moins été clémente de réapparaître durant l'après-midi. Si Poudlard connaissait de moins en moins d'hivers rigoureux au fil des années, cela était pire pour la petite ville d'enfance Lily. Les apparitions des flocons se comptaient parfois sur les doigts d'une main pendant le mois de décembre et s'il y avait bien une chose que Lily détestait, c'était un Noël sans aucune trace de givre. Heureusement, une fois arrivée au Terrier par la cheminée à dix-huit heures, Lily remarqua instantanément une bonne couche supplémentaire de manteau blanc dans le jardin et les champs entourant la maison.

- Joyeux Noël ! accueillit immédiatement la grand-mère de Lily en se précipitant pour embrasser les quatre Potter. Enfin, tout le monde est là, venez dans le salon vous asseoir.

- Tout le monde, c'est vite dit, marmonna dans sa barbe Lily avant de saluer le reste de la famille.

Dès le début du repas, Lily exerça un effort pour être aimable et fut loin d'être la seule. Même si ses parents ignoraient pleinement son oncle Percy et sa tante Audrey, chacun semblait faire en sorte de bien paraître. Molly, cette fois sans son très cher fiancé dont elle ne cessait de louer ses mérites, ne se cachait nullement, mais très peu d'adultes tenaient une conversation avec elle plus de dix minutes. Lucy campait en tailleur sur le fauteuil de son grand-père, muette comme une tombe, les yeux rivés au sol et n'accepta uniquement de bouger qu'au moment de se mettre à table. Elle fit même en sorte de s'asseoir le plus loin possible de ses parents et de sa sœur, sans pour autant être proche d'Harry et Ginny. Lily ignorait si elle était également fâchée contre eux, mais contrairement à Percy ou Audrey, Lucy leur répondit plus poliment, bien qu'avec un peu moins de chaleur que la renommée, lorsque sa tante et son oncle lui posaient une question.

Durant le long et copieux repas, les pensées de Lily s'égarèrent à imaginer le réveillon morose de Mary et Scorpius. Leurs entourages jouaient-ils aussi bien le même manège que la sienne ? À quoi ressemblaient des fêtes de famille avec l'absence d'un prisonnier, un père veuf et ancien criminel, une mère dont le décès avait fragilisé chaque membre tandis que la sœur semblait, selon les dires de Mary, la discréditer sous la passivité de son mari ? Des enfants silencieux, assis sur leurs chaises, n'osant pas ouvrir la bouche, par peur, par colère ou par dépit ? Un étrange tableau se dessinait dans son esprit aux couleurs sombres et ternes jusqu'à ce que la voix de portante de sa tante Angelina la tire de ses pensées.

-…vous imaginez ? Il était si heureux en passant à la boutique, cela faisait plaisir à voir et on a été ravi d'être invité.

- De quoi ça parle ? chuchota Lily à sa voisine, Roxanne à l'occurrence.

- Tu dors ou quoi ? Du futur remariage dans le monde Moldu du père de Perrine et d'Harry ! s'exclama Roxanne. Ce fut le potin le plus gros avant les vacances à l'école.

Lily faillit lui rétorquer qu'elle faisait bien plus attention aux potentiels ragots sur sa propre famille que sur celle des Finnigan, mais en se souvenant ce que ces derniers avaient vécu à la découverte du nouvel amour de Seamus, elle se ravisa immédiatement.

- Seamus en a même profité pour inviter d'anciens membres de l'AD, reprit Ginny, plus avenante. La majorité est venue, évidemment, enfin, si on oublie les quelques lâches ou indésirables…glissa-t-elle plus doucement.

- Comme qui ? interrogea Lucy en levant la voix bien plus que nécessaire. Je meurs d'envie de savoir.

Il y avait quelque chose de bizarre avec son comportement. Lucy exprimait une étonnante curiosité sur son visage et un sourire étrange, comme si elle connaissait déjà la réponse à sa propre question. Les hypothèses de Lily semblèrent se confirmer, car aussitôt, Ginny réagit avec plus de distance et de retenue.

- Et bien…Marietta Edgecombe évidemment, elle ne veut plus entendre parler de nous. Cho Chang ne viendra pas non plus, mais je pense que c'est davantage une affaire de calendrier. Lavande, ça va de soi, et puis, il y a aussi…

- Smith, Zacharias Smith, le fameux papa bien lâche de ton fiancé Molly ! s'exclama Lucy en se retournant vers sa sœur, les bras croisés. Et pas une quelconque excuse d'agenda évoquée non ? C'est étrange que tu nous aies occultés l'homophobie de ton futur beau-père ! N'aurais-tu pas également quelque chose à cacher sur ce sujet, Molly Weasley bientôt Smith ?

Les visages se tournèrent vers la plus grande des cousines Weasley tandis que les parents de Lucy fusillèrent du regard leur plus jeune fille. Molly reposa ses couverts et fixa avec souveraineté sa sœur.

- Très mature Lucy, vraiment très intelligent, c'est tout ce que tu as trouvé ce soir pour être intéressante, ça ne t'a pas suffi le procès ?

- Molly s'il te plaît, intervint Arthur alors que Lily eut le souffle coupé face à la remarque de sa cousine et que la moitié des adultes se redressèrent sévèrement. Nous faisons en sorte que la soirée se déroule bien et revenir sur ce qu'il s'est passé ces derniers mois est une très mauvaise idée.

- Excusez-moi, mais c'est Lucy l'insolente et c'est à moi qu'on adresse les reproches ? lui rétorqua sa deuxième petite-fille née, outrée.

- Dit la harpie pédante…glissa Roxanne sans aucune retenue.

- Roxanne, ne t'y mets pas toi non plus ! gronda immédiatement sa mère.

Molly ne prit aucunement en considération l'insulte de Roxanne, elle gardait ses yeux hargneux sur Lucy.

- Et pour répondre à ta question puisque ça te passionne vraiment, redémarra Molly, la validation ou non, totalement légitime, de Mr Smith sur le mariage entre Dean Thomas et Seamus Finnigan ne m'intéresse pas. Timeo et moi n'en parlons pas non plus, on se fiche de ce que raconte la presse à scandale sur ce sujet. S'ils veulent rendre leur union légale chez les Moldus pour se sentir toléré, grand bien leur fasse, je m'en lave les mains, mais qu'ils assument leurs réputations derrière dans ce cas.

- Sauf qu'il serait peut-être temps d'accepter que ce type d'amour existe, non ?

Cette fois, ce fut vers Rose que toutes les têtes se dirigèrent, à l'autre bout de la table. Confuse, Lily regarda Hugo sans savoir trop quoi faire, un peu surprise de la réaction de Rose. N'était-ce pas celle qui refusait d'ordinaire de répondre aux piques de Molly avec qui il lui arrivait de s'entendre ? L'une des rares petits-enfants qui ne s'engageait pas dans les conversations explosives et prônait plutôt le calme et la sagesse ? Son intervention et l'expression qu'elle libérait étaient inhabituelles, même Molly semblait quelque peu déconcertée par sa prise de parole, en particulier la sécheresse avec laquelle elle l'avait prononcé.

- La question n'est pas qu'il existe Rose, répondit Molly légèrement confuse. C'est que…cette catégorie de relation, tu l'as bien vu toi-même, n'est pas du tout encouragée dans le monde sorcier. Nous sommes en sous-nombre, si les hommes devenaient sodomites et les femmes des gamahucheuses, on risquerait l'extinction.

- Cela vire très Héritier Noir tout ça, bravo Molly ! ironisa Lucy. Tu ne veux pas non plus qu'on n'épouse que des Sang-Purs non plus pour « rétablir notre magie » ? Limite comme toi et ton « Sang-plus-très-Pure » Timeo ?

- Les filles, s'il vous plaît…supplia la matriarche Weasley en voyant son dîner tourner rouge.

Mais aucune ne l'écouta, Rose fut la première à reprendre la parole avec animosité.

- On n'a aucune obligation de se forcer à se marier et à avoir des enfants juste pour sauver le peuple sorcier ! Tu n'as pas entendu nos parents ? Seamus et Dean semblent bien plus heureux depuis qu'ils se sont réunis ! À cause de ce genre de réflexion, qui empêche deux simples personnes de s'aimer, s'assumer et s'unir, ils finissent par être malheureux et peut-être même par se tuer !

- Rosie, intervint Audrey avec prudence, je suis sûre que ce que Molly voulait dire, c'est…

- Oh je sais très bien ce qu'elle a voulu dire, pas besoin de changer les mots pour la couvrir ! interrompit Rose avec fureur.

- Rose, ça ne me plaît pas trop le ton que tu emploies, réprimanda son père. Tu n'as pas à parler comme ça à Molly malgré ton désaccord, et encore moins à couper la parole à ta tante.

Voir Ron corriger, voire s'énerver contre ses enfants faisait toujours bizarre à Lily. Lui qui était l'un de ses oncles le plus drôle et le plus cool, l'observer faire preuve d'autorité paraissait à ses yeux aussi étrange que la colère qui semblait gagner peu à peu Rose.

- Ron, s'il te plaît, réagit Hermione avec sévérité. N'ajoute pas de l'huile sur le feu, nous devons tous nous calmer.

- Il n'empêche que, que vous le vouliez ou non, être homosexuel, ça détruit des familles, point final, ignora totalement Molly la recommandation de sa tante, en ressaisissant ses couverts, comme si elle s'attendait à avoir le dernier mot.

- Stop ! scandèrent de nombreux adultes, à bout de nerfs.

Grave erreur, le teint de Rose changea immédiatement et alors que quelques timides conversations tentèrent de reprendre, elle se leva de sa chaise avec une telle violence que son assiette en fut presque renversée.

- Dans le monde Moldu au moins, il n'existe pas d'articles de grandes presses écrits par cette répugnante mégère qu'est Preciosity Snaper, rapportant ce couple comme un scandale, dangereux et nuisible ! Ils acceptent qu'aimer quelqu'un du même sexe que soi, ne soit pas un comportement à bannir et ne soucient pas de la baisse de la natalité « par leur faute », eux ! Ils ne sont pas aussi rétrogrades que tes propos ignobles !

- Jeune fille, le sujet est clos, rassis-toi immédiatement ! tonna son père.

- Parce qu'elle a raison, c'est ça, hein ?! Vous êtes d'accord avec elle ? rugit Rose qui se mit à trembler avec une telle haine sur son visage que Lily n'avait jamais imaginé chez elle.

- Ce n'est pas la question, temporisa son grand-père. Tu as bien vu que nous soutenons tous Dean et Seamus.

- Alors pourquoi on ne lui dit rien à elle ? s'incrusta de nouveau Lucy en pointant du menton sa sœur aînée.

- ÇA SUFFIT ! coupa Percy. Ne recommence pas Lucy, nous avons ordonné de vous taire ! Quand cesseras-tu d'agir comme une enfant ?

Lucy allait rétorquer quelque chose de cinglant à son père, mais sa grand-mère, qui distribuait à chacun une grande cuillère de purée pour les calmer, lui tapota les épaules et secoua la tête, comme un signe encourageant à laisser tomber. Sifflant un juron qui lui valut des gros yeux, Lucy retourna à son assiette et engloutit dans sa bouche le plus de nourriture possible. Rose quant à elle, resta un instant debout avant que sa mère ne claque des doigts pour qu'elle se rasseye. Elle s'exécuta à contrecœur, en silence, le visage caché derrière des mèches de cheveux.

Le crépitement du feu fut le seul à être entendu pendant plusieurs minutes, Lily ignora qui fut celui qui relança les discussions par la suite. Coupée de tout appétit, elle chipota longuement dans son assiette avant que le dessert n'apporte à nouveau davantage de gaieté.

À minuit, les premières lettres de bonnes fêtes arrivèrent ainsi qu'un lot de cadeaux. La famille Weasley avait gardé pour habitude de les déballer le matin, mais leurs correspondances avaient parfois un peu d'avance. Cette année, ce fut son oncle Ron qui réceptionna toutes les cartes pour éviter une agglutination des chouettes et les ouvrait pour en trouver le destinataire quand aucun prénom n'était précisé dessus.

- Ça, c'est un de tes collèges Hermione, ça, c'est…pour toi Roxanne je présume que c'est une de tes amies. Ça, c'est pour Harry, celui-ci c'est Albus, je suppose que c'est Malefoy comme d'habitude, et lui c'est…je crois que c'est pour toi Rose, mais…

Il se tut un instant ce qui n'inquiéta aucunement quiconque en premier lieu. Mais voyant que la transmission tardait à venir, Rose finit par lever la tête et à peine s'était-elle approchée de son père pour récupérer sa lettre qu'elle poussa un grand cri :

- NON PAPA, NE LA LIS PAS !

Mais il était trop tard, Ron semblait en avoir trop découvert. Le message déplié dans sa main gauche, il scruta sa fille avec une vaste pâleur. Tout le monde s'était figé après l'exclamation de Rose et les observait sans trop comprendre. Hermione, soudainement effrayée, se fraya un chemin vers son mari tandis que la figure de Rose se décomposait peu à peu.

- R…Rose ? Qu…qui c'est…Willow Moncky ? C'est…c'est un garçon ? balbutia Ron, le doigt pointé sur le courrier, le poignet tremblotant.

À ces mots, tous se pétrifièrent et un ange parcourut le salon. Lily ne comprit pas tout de suite la question de son oncle jusqu'à ce que Lucy ne pousse une exclamation horrifiée et que Rose ne finisse par lâcher :

- Non, c'est une fille, et nous sommes ensemble.

Les tasses de chocolat chaud préparées par Molly sur un plateau se fracassèrent au sol. Lily eut l'impression que ses oreilles se mirent à siffler, comme si un Bomba Maxima avait explosé à quelques centimètres de ses pieds. Incapable d'aligner une seule pensée cohérente, l'addition des évènements eut du mal à se former dans sa tête si bien que les propos suivants de Rose résonnèrent en écho dans ses tympans :

- Merci d'avoir tout gâché. Joyeux Noël.

Rose contourna les membres de sa famille sur son passage et quitta le salon puis la maison, sans que le moindre son ne se fît entendre. Lily vit flou l'espace d'une minute tandis que son oncle Ron, refusant de lâcher la lettre, baissa son bras, sonnant complètement perdu.

- Vous…vous croyez qu'elle plaisante ? demanda d'une voix timide Percy.

- N'en rajoute surtout pas Percy, grogna George. Je connais toutes les blagues imaginables et celle-ci est loin d'en être une.

- Je n'en reviens pas…entendit à sa gauche Lily, qu'elle reconnut étant sa grand-mère. Jamais soupçonné que…notre…notre petite Rosie…

Lentement, tante Hermione s'assit sur le canapé et se prit la tête dans les mains. Elle ne semblait pas particulièrement paniquée, à défaut de bien d'autres. Lily suspectait, de par ses sourcils froncés, qu'elle s'évertuait à trier ses pensées. Son oncle Ron de leur côté, allait et venait dans ses cent pas, comme un lion en cage.

- Et tu le savais ?! s'adressa-t-il à Hugo d'une voix bien plus aiguë que la normale, aucunement rassuré.

- Pas du tout, répondit Hugo en haussant les épaules, gardant une attitude calme, mais légèrement déstabilisée. Ce n'est pas un sujet avec lequel elle se confie à moi.

- Et vous non plus ? renchérit Ron en fixant un à un ses neveux.

Tous secouèrent la tête et le silence régna de nouveau. Lily prêta un instant particulier à observer à Albus pour guetter sa réaction. Comme tout le monde, il laissait paraître une expression de choc, mais sans pour autant se sentir réellement impliqué. Il profita du calme temporaire pour retourner à sa lettre. Ce fut à cet instant que la jeune Molly prit la parole :

- Cela explique mieux son comportement de tout à l'heure… Je me disais bien qu'elle était étrange. Tout de même, pourquoi a-t-il fallu qu'elle se fourre là-dedans ? Elle ne pouvait pas faire attention, ce ne sont pas des choses à se savoir, surtout pour quelqu'un aussi prometteuse qu…

- OH BON SANG MOLLY TAIS-TOI ! rugit soudainement Hermione, ce qui fit peur à tout le monde. Ma fille n'est ni malade ni un monstre, le premier qui pensera le contraire aura affaire à moi ! Tu n'as réussi qu'à la pousser à bout en revenant sans cesse sur ce futur mariage de Seamus et Dean, j'espère que tu es fière de toi !

- Et si ce n'est que temporaire ? tenta la matriarche Weasley, visiblement toujours dans le déni. Ce n'est qu'une adolescente, elle est si jeune…peut-être une expérience ?

- Je ne pense pas qu'elle aurait réagi ainsi si elle n'en était pas certaine Molly chérie, secoua la tête son mari d'une voix calme.

- Évidemment, vous croyez que c'est facile pour elle, d'accepter d'être aussi différente dans un monde qui rejette qui elle est réellement ? renifla Hermione avec une pointe colère.

- La seule qui la rejette ici, c'est Molly ! revint à la charge Lucy en se levant. C'est elle qui mériterait de prendre la porte !

Molly lui répondit par une injure et les adultes s'en mêlèrent. Alors qu'une tempête de cris et répliques résonnait dans toute la pièce, les trois plus jeunes, accompagnés d'Albus, se faufilèrent pour se réunir dans le couloir.

- Tu n'en savais vraiment rien Al ? Ni toi Hugo ? interrogea Roxanne à voix basse.

- Clairement non, rétorqua Albus. Comme si je m'intéressais sur le genre de personne que Rose aime…

- Mais tu es avec elle tous les jours ! insista Lily, assez agacée par le peu de sympathie que démontrait son frère.

- Et alors ? Je ne suis pas à ses bottes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ma vie ne se limite pas qu'à elle.

- Oh pardon c'est vrai, tu te fiches tellement de tout en ce moment, à croire que tu ne fais même plus partie de la famille !

- Ne commencez pas tous les deux ! siffla furieusement Hugo.

- Ton père a super gaffé quand même, lui glissa Roxanne avec une grimace. De quel droit il se permet de lire en entier la lettre de sa fille et de lui provoquer sa sortie de placard sans son consentement ?

- Arrête là, ce n'est pas le sujet ! gronda Hugo alors que Lily clignait plusieurs fois des yeux de confusion face à l'expression « sortir du placard ». Il vaudrait mieux d'abord chercher Rose, ça fait au moins dix minutes qu'elle doit être dans le jardin toute seule dans la neige et elle doit être sacrément bouleversée au vu des évènements !

- Attends, n'y allons pas tous en même temps, reprit Roxanne, plus grave. Sinon elle pourrait se sentir agressée.

Une impression de déjà-vu traversa Lily de part en part. Une fille isolée, dehors, triste et abandonnée de tous… Sans réfléchir une seconde de plus, elle déclara :

- Je vais y aller, je resterai avec elle si elle souhaite parler et on rentrera quand elle sera rassurée.

- Tu es sûr que ça ira ? Je peux aussi venir si tu veux, proposa Hugo, anxieux.

- Ne vous inquiétez pas, Rose s'est déjà confiée à moi une fois sur son mal-être et nous sommes plutôt proches, elle saura m'écouter. Je viendrais te chercher si elle te réclame Hugo.

- D'accord, vas-y tant que les adultes ne remarquent rien, glissa Roxanne en jetant un coup d'œil derrière elle. Bonne chance.

Lily s'éclipsa et le plus silencieusement possible, elle quitta la maison.

Les Moldus diraient qu'il s'agissait d'un « vrai froid de canard » à l'instant même où Lily mit le pied dehors. Il ne neigeait plus, heureusement, depuis des heures. Elle eut peu de difficulté à retrouver sa cousine : les traces laissées derrière elle la guidèrent et l'emmenèrent près du petit étang un peu plus loin. Rose, uniquement éclairée par la lumière s'échappant des fenêtres, était assise sur une vieille chaise de terrasse rongée de mousse. La tête baissée, recroquevillée pour se protéger du froid alors qu'elle ne portait qu'une robe noire pailletée aux manches transparentes et des souliers vernis. Lorsque Lily arriva auprès d'elle, Rose ne prit pas la peine de se retourner.

- Tu t'inquiétais ? demanda-t-elle, la voix cassée.

- Évidemment…ça va aller ? questionna Lily avec timidité et prudence.

Rose ne répondit pas. Ne voulant pas se risquer à s'asseoir dans la neige, Lily fit rapidement demi-tour et chercha une deuxième chaise dans la grange de son grand-père. En tombant sur une vieille lampe à pile au moment de sortir, elle la glissa sous son bras et l'emporta pour rejoindre Rose. Elles étaient presque dans le noir et impossible de voir au-delà de l'étang. Ce dernier n'avait pas gelé, mais Lily préférait avoir une source de lumière non loin pour ne pas mettre les pieds n'importe où. Une fois de retour près de Rose, elle s'installa à ses côtés en silence et patienta jusqu'à qu'elle prenne la parole pour ne pas la brusquer. Celle-ci ne tarda pas, le nez reniflant :

- Je suis désolé de vous décevoir…

- Que…quoi ? bégaya Lily, ne s'attendant pas à une pareille réponse. Bien sûr que non tu ne nous déçois pas.

- Je n'en suis pas si sûre…expira Rose. C'est mal vu depuis des années chez les sorciers anglais, on le sait tous… À l'époque de Kingsley Shacklebolt comme ministre, Rita Skeeter soupçonnait une romance entre Albus Dumbledore et Gellert Grindelward. Il existait donc une possibilité que…que les mentalités changent…mais les partis plus traditionnels ont refait surface en politique… Tu as bien vu le lynchage que se sont pris Seamus Finnigan et Dean Thomas… Un jour, Miu m'a dit au sujet de Seamus, je m'en souviens encore, « c'est un miracle que ses enfants ne lui en veuillent pas. Moi, si j'avais un parent pareil, je ferais tout pour l'effacer de ma vie ». Je crains qu'elle…m'abandonne si elle apprenait que…

Lily déglutit difficilement à ses mots. Elle avait l'impression de revivre son horrible mal-être avec Dominique quand elle s'était confessée un an et demi plus tôt, mais en pire, car c'était un sujet qui la dépassait totalement et bien plus tabou.

- Je…c'est étrange, mais je me sens également comme…libérée d'un poids… avoua Rose. C'est la première fois que je tiens tête à Molly et que je m'emporte autant dans une discussion avec la famille. Tu sais comment je suis quand quelque chose me tient à cœur, mais jusqu'ici, j'ignorais que…que je perdrais patience aussi vite. Et papa qui a lu ma lettre…pourquoi ne s'est-il pas arrêté lorsqu'il a vu qu'elle m'était adressée ? Ne pouvait-il pas…attendre que tout le monde soit parti pour me poser la question ?

- C'est ton père, il est un peu maladroit, tenta difficilement de lui répondre Lily. Je crois qu'il doit s'en vouloir de…mais là tout de suite, il est surtout…enfin chacun l'est, mais…il doit digérer tout ça.

- C'est sûr que ce fut un coming-out légendaire, railla Rose amèrement.

- Un quoi ? se retrouva à nouveau perdue Lily par le vocabulaire utilisé.

- Coming-out, c'est comme ça qu'on appelle…le fait d'avouer qu'on est…gay…ou lesbienne. Mais si cette information pouvait rester qu'entre les membres de la famille, ça m'arrangerait bien… À l'école si ça se savait…ce serait affreux.

Lily s'osait à la dévisager. Rose avait les pupilles rouges, mais ne semblait plus transparaître son chagrin, si ce n'étaient les quelques hoquets qu'elle laissait échapper. Elle se tut un certain moment et contempla le ciel.

- J'aurais dû dire à Willow d'attendre avant d'envoyer sa lettre, on aurait pu éviter cette situation, admit-elle tristement.

Lily ne sut lui répondre. Elle scruta les cieux également, bordés d'étoiles.

- Depuis quand elle et toi… ? se risqua-t-elle, sans pouvoir regarder sa cousine. Vous étiez déjà ensemble quand tu t'étais inquiété pour elle lors du Quidditch ?

- Non, se livra Rose. J'avais craqué sur elle lorsqu'elle avait rendu un livre de Roxanne. Tu te souviens, après les examens ? À l'époque, pendant tout l'été, j'étais dans un état épouvantable… Je ne comprenais pas…ce qu'il m'arrivait, ce que je ressentais… Jamais je n'avais éprouvé ça pour qui que ce soit, cette…fascination. D'autant plus que…tu l'as bien vu, nous sommes totalement opposées, elle et moi, ça n'avait pas de sens que…je m'intéresse à elle. Je m'en suis rendue malade, je n'arrêtais pas de me remettre en question sur…qui j'étais, qui j'aimais…et je crevais d'angoisse. Je me suis rendu compte que…les garçons ne m'avaient jamais attiré alors que les filles…c'était elles que j'admirais, avec qui je n'étais pas toujours à l'aise d'agir comme…comme tout le monde. Quand j'ai fini par admettre que…c'était l'autre sexe qui me plaisait…j'en ai voulu mourir…ou m'enfuir…j'avais peur qu'on me juge, que cette révélation me transforme à tout jamais et de tout perdre… Je n'arrivais pas à me confier, j'étais terrifiée…j'essayais d'en parler, mais…

-…mais c'était trop dur, acheva à sa place Lily tandis que sa discussion avec Rose durant ce soir de juillet prit ainsi un tout nouveau sens.

- Exact, dit Rose dont les dents commençaient à claquer. À la rentrée, avec les entraînements de Quidditch, j'y assistais tous les jours, rien que pour voir Willow. Je savais que j'avais une chance, car Roxanne avait avoué sa sexualité en juin, mais j'ignorais…de quelle façon l'aborder, si je lui plaisais, tout en évitant que cela ne devienne suspect… C'est elle qui a fait le premier pas, une semaine avant le premier match de l'année. Elle m'a pris à part en me disant que…elle avait remarqué que je la regardais beaucoup, et pas uniquement aux entraînements. Elle avait deviné que je connaissais le type de personne qu'elle aimait et que je devais moi aussi, être dans le même bateau. Petit à petit, on s'est parlé en cachette et…son accident de Quidditch nous a permis de…on a pu s'embrasser après ça…et sortir ensemble, secrètement.

Rose poussa ce qui paraissait un long soupir de soulagement, comme si prononcer toutes ses paroles, l'avait libéré d'un poids de dix kilos. Lily, sans voix, n'avait pas osé l'interrompre. Mais une question néanmoins, lui brûlait les lèvres :

- C'est…embrasser une fille, qu'est-ce que ça fait ?

Lily sentit ses joues chauffer et tripota ses doigts, mal à l'aise. Rose, nullement gênée, quitta le ciel des yeux et la dévisagea.

- Je ne l'ai jamais fait avec un garçon Lily, et ça ne m'a jamais intéressé. Pour moi, c'est aussi naturel d'embrasser une fille, que pour toi ça doit l'être avec un garçon.

- Ah, commenta Lily en se retenant de lui répondre qu'elle n'avait en réalité jamais rien expérimenté. Et du coup, ça se passe bien avec Willow ?

- Ce n'est pas facile tous les jours, révéla Rose en balançant ses pieds. Comme je te l'ai dit, on est très opposé, il arrive même qu'on se dispute régulièrement sur des broutilles… Je veux aussi aller doucement, c'est ma première copine et je découvre tout ça…mais je n'aime pas qu'on se cache. On n'a pas le choix, et je ne supporte pas ça. Willow me répète que c'est normal, qu'on aura ça toute notre vie, mais l'idée de…de ne pas pouvoir ne serait-ce que…que lui prendre la main en public ça me… J'ai envie qu'on soit traité de la façon que n'importe quel couple ! Et pas en se réfugiant dans le monde Moldu pour espérer à peine plus de paix ! Pourquoi n'aurais-je pas aussi ce droit, d'être heureuse ? Cela me frustre…tellement ! Alors entre tout ce qu'il se passe dans ma relation, avec la famille, les études et Molly qui en remet une couche, j'ai fini par…par en avoir assez tout simplement.

- C'est tout à fait normal, compatit Lily en s'évertuant de la rassurer comme elle pouvait. N'importe qui aurait déjà explosé aussi, au bout d'un moment…

Rose la regarda de nouveau, un subtil sourire reconnaissant illumina son visage.

- Et on s'étonne que je ne sois pas à Gryffondor après ça… Je ne m'en suis jamais plainte auparavant, mais je t'avoue que je ne dirais pas non à un peu d'héroïsme et de bravoure là maintenant.

Les deux filles eurent quelques éclats de rire, ce qui détendit également Lily avant qu'elles ne retournent à leur observation du ciel. Jamais Lily n'avait pensé qu'une atmosphère d'hiver pouvait être aussi belle que celui de l'été… Rose avait pourtant été très courageuse ce soir, elle pouvait en être fière, même si cela signifiait devoir se battre tous les jours pour qu'on accepte qui elle était. Lily l'admirait, la jalousait légèrement en outre pour cela. Mais du coup…cela voulait dire en fait que…

- Rose…tu veux que je t'avoue également quelque chose ?

Se sentant dorénavant ridicule, Lily prit une bouffée d'air frais avant de confesser à son tour.

- Pendant tout ce temps…je croyais que, toi et Scorpius vous…enfin tu comprends quoi ? Que vous vous…tournez autour. Comme ces dernières semaines, vous étiez sans arrêt ensemble, tous les deux…qu'il était le seul que tu voulais voir…le seul qui te rendait heureuse…donc j'ai pensé que…

Pendant une fraction de seconde, Rose fut comme momifiée avant de s'esclaffer soudainement.

- Moi et Scorpius ?! Mais alors pas du tout !

Elle rigolait si fort qu'elle en avait presque le fou rire. Elle retrouva peu à peu son calme après une bonne dose d'éclats et s'essuya une larme au coin d'un œil.

- Plus sérieusement…lui et moi, on a un lien très spécial. Parfois je me dis que…dans un monde parallèle, peut-être qu'on aurait tenté quelque chose…ou pas, je l'ignore, il est tellement… Pour moi, c'est bien plus qu'un meilleur ami, c'est comme…une espèce d'âme sœur platonique, un second frère, tu comprends ?

- Je…je crois, hocha la tête Lily, restant embarrassée.

- Mais c'est vrai qu'on a beaucoup discuté lui et moi, ces derniers mois, reconnut Rose, reprenant son sérieux. C'est d'ailleurs le seul avec qui j'ai réussi à en parler parce que je savais qu'il m'accepterait, peu importe qui j'aimais.

- Je n'aurais pourtant pas parié ça de lui, vu sa famille, glissa Lily, pas très convaincue.

- Tu te trompes, il est bien plus tolérant que tu le penses… Bon malgré le fait que du côté de son père...enfin bref… J'ai donc pu lui avouer ça et lui me racontait…plein de choses. Mais je ne peux pas te le dire.

- Ses secrets ne m'intéressent pas, ne t'en fais pas, se redressa Lily, exprimant le plus possible son détachement.

- Je stressais davantage de me confier à Albus, continua Rose, moins assurée. Tu as bien vu la manière dont il est dernièrement, et Miu…ce serait pire. Je songeais aussi en parler à Hugo, mais je n'avais pas encore trouvé un moyen d'en venir à ce sujet. Quant aux divers membres de la famille, je n'y pensais même pas…ils ont à peine pris ma défense contre Molly, on dirait presque qu'ils étaient d'accord avec elle.

- Franchement, j'en doute, dit sincèrement Lily. Une fois le choc passé, je suis sûre qu'ils ne te jugeront pas…bon peut-être pas Molly. Et Percy et Audrey je n'en sais rien. Mamie par contre, je crois qu'elle est dépassée par ce genre de chose donc il est possible qu'elle soit dans un certain déni de la situation, mais sans pour autant ne plus t'aimer. Tu la connais, elle se tuerait plutôt que de fâcher avec ses petits-enfants.

- J'espère que tu dis vrai…souffla de nouveau Rose. Mais ce rejet de la part des sorciers…ça me met hors de moi. Préférer la réputation et l'honneur avant tout, quitte à être malheureux toute sa vie… ce monde me dégoûte parfois.

Ses dernières phrases firent trembler sa voix et elle lâcha malgré elle, un sanglot. Lily se leva de sa chaise et la prit immédiatement dans ses bras. Rose pleura un long moment, de bonnes minutes, cachée dans son étreinte. Lily supposait que c'était tout ce que Rose avait retenu au plus profond de son cœur depuis des mois qui s'évacuait, alors elle la laissait faire. Ne pas craquer avec elle fut une épreuve tellement Lily était émue par ce que sa cousine lui avait révélé. Bien plus tard, Rose finit par se calmer doucement et s'écarta de Lily, dont l'épaule droite était désormais tachée de bave et de coulis noir de mascara, mais cette dernière s'en fichait.

- Ça va un peu mieux ? lui demanda Lily une fois que Rose eut dépassé sa quinte de toux provoquée par le manque de souffle durant ses pleurs.

- Oui…je ne sais pas pour les prochaines heures, mais…ça se terminera un jour, je m'y ferai. C'est juste que…tout ça…c'est tellement dur. Tu n'imagines même pas.

Lily ne pouvait pas être plus d'accord avec elle. Elle lui caressa le dos avant que des bruits de pas ne la fassent sursauter. Tante Hermione, illuminée par sa baguette, s'approchait des deux adolescentes, une couverture sur ses épaules.

- Vous êtes là les filles ? Rentrez donc, cela fait presque une heure que vous devez être dehors, il ne faudrait pas tomber malade.

Hermione se pencha vers son aînée pour l'emmitoufler et remarqua ses yeux rouges. En voyant sa mère, les larmes de Rose menaçaient à nouveau de couler et sa lèvre inférieure reprit ses tremblements.

- Oh ma chérie, mon petit cœur, ne t'en fais pas, ça va aller, la consola Hermione en lui caressant ses cheveux. Ton père et moi sommes fiers de toi, tu m'entends ? Fiers de toi, et on le sera toujours.

- Je…je suis tellement désolée maman, pardon, pardon…dit Rose alors que ses joues recommençaient à s'humidifier.

- Ce n'est rien ma Rosie, on est là…tu veux qu'on discute un peu avant de revenir au chaud ? requit doucement sa mère.

Rose hocha la tête et eut un gémissement de chien battu. Lily céda sa chaise à sa tante et repartit sans un mot au Terrier. Avant de rentrer, elle se retourna et entendit au loin les pleurs de Rose, dont elle distinguait la forme enlacée contre Hermione. Le cœur serré, elle les laissa se consoler mutuellement et s'engouffra derrière la porte.


Et voilà, chapitre fini !

Alors Rose, qui avait deviné ce qu'elle cachait ?

Par ailleurs, c'est le premier coming-out que je publie, je l'ai réécris au moins deux fois tellement j'avais peur que ça ne passe pas, que ça soit pas crédible (la dispute avec sa famille, pas son coming-out). Donc j'espère que ça vous va...

Á la semaine prochaine pour le chapitre suivant, Mayday !