Diri-Chan : Ahaha, mais le pire, c'est que dans ma tête, il est tout mimi aussi XD Bon, ceci dit, Malfoy a un pouvoir de guérison hors normes, alors il a peut-etre des chances de retrouver son aspect normal... ;)
Guest : Merci pour tes encouragements
Cela faisait des siècles qu'il était né, et des siècles qu'il avait faim.
Il avait senti ce qui pourrait enfin faire cesser cette faim séculaire, et il était venu, et il avait espéré, et il avait attendu, et attendu, et attendu, et il attendait, et il attendrait, mais la faim était toujours là, et il avait beau attendre et espérer, rien ne changeait, et il avait toujours aussi faim.
Il avait été faim, il avait été attente, il avait été espoir, il avait été besoin, et il se sentait devenir autre chose.
Rien ne changeait et tout changeait, et c'était pire, car il savait ce qu'était la faim, l'attente, l'espoir, le besoin, mais qu'il ignorait ce qu'il allait devenir et qu'il n'aimait pas y penser.
Il n'avait pas l'habitude de penser.
Il n'avait pas l'habitude d'ignorer.
Il n'avait pas l'habitude d'aimer ou de ne pas aimer.
Il avait l'habitude d'avoir faim. Cela faisait des siècles qu'il était né, et des siècles qu'il avait faim.
Il attendait.
Mais il n'attendrait plus très longtemps.
·
Potter laissa les cuisiniers tranquilles.
Drago espérait que Rosier, au moins, s'en sortirait. Et le type auquel on avait arraché la langue. Et l'enfant battu. Et Ackerley, également. Le pauvre avait lui-aussi eu une enfance horrible, après tout. Ça commençait à faire trop de gens pour lesquels espérer, lui qui avait depuis longtemps pris la décision de ne plus rien attendre du destin, et il savait que ses prières avaient peu de chances d'être exaucées. Alors au moins Rosier… Et… Et tout de même l'autre, ou… En tout cas, Rosier.
Ils étaient passés par la laverie, puis avaient fait un tour sur la plage, et Drago avait de nouveau parcouru le petit cimetière des yeux, sans trouver le courage de s'y promener, et sans oser demander à Potter plus de temps qu'il ne lui en accordait déjà pour aller chercher la tombe de Gregory.
Puis ils étaient remontés dans les appartements. Drago avait voulu se remettre au travail, mais Potter avait insisté pour qu'ils musardent ensemble, et ils s'étaient mis à enchaîner les disques qu'ils avaient reçus. Le Sang-Mêlé jugea inadmissible que Drago ne parvienne pas à faire la différence entre toutes les musiques moldues qu'il avait sélectionné : Techno, électro, house, transe, dubstep, trap… Drago n'entendait que des sons répétitifs, discordants et bizarres, et avait bien du mal à dénicher une mélodie dans ce vacarme. C'était malgré tout amusant de voir Potter marquer le rythme en hochant la tête avec son grand sourire contagieux.
Plusieurs fois, il sortit des vinyles de leur pochette en affirmant : « Celle-ci, tu vas voir, c'est un peu différent, tu vas peut-être aimer… » Drago écoutait les premières secondes en tâchant de garder l'esprit ouvert, puis finissait invariablement par lever les yeux vers Potter, vers son insupportable sourire joyeux, et c'était ensuite une épreuve que de ne pas devenir vexant en riant.
Potter ne s'absenta qu'une demi-heure pour aller transmettre un message ou une information, et Drago en profita pour se rafraichir sur le balcon.
Il avait conscience qu'ils ne faisaient que repousser le problème en se contentant de lui changer les idées.
La dernière fois où Drago avait repoussé un problème, les choses s'étaient mal finies pour lui…
Il pouvait peut-être balancer un ou deux noms, pas plus. Juste de quoi calmer les ardeurs de Potter à défendre sa propriété. Il avait deviné seul pour Ackerley, et Drago ne l'avait pas défendu avec assez de volonté pour le détromper. Il pouvait rajouter un homme : Pourquoi pas le moustachu avec son nez tordu, celui qui avait fini par tuer la Née-Moldue. Il n'était pas sûr et certain que celui-ci ait fait partie des violeurs, mais après tout, il ne pouvait affirmer ça avec conviction pour aucun des détenus présents. Si ça se trouvait, même Rosier, après avoir joui de le voir détaller comme une petite souris, avait finalement pu décider de s'amuser avec lui… Drago le connaissait mal, après tout.
Ensuite, il prendrait le Veritaserum, et pourrait affirmer à Potter, et en toute sincérité, n'avoir aucune idée de l'identité du gardien qui avait déplacé son corps inconscient dans son lit.
Et Potter en profiterait pour l'interroger sur tout le reste.
« Une cape, Malfoy, gronda une voix derrière lui. Un manteau, une doudoune, un putain de cache-nez. Une couverture, même, si c'est l'idée de porter un vêtement civil qui t'inquiète… »
Potter vint l'enlacer sans réaliser qu'il encourageait ainsi son prisonnier à désobéir.
Drago se reposa sur le corps chaud.
Ils restèrent un moment un silence, puis Drago déclara avec douceur :
« Je vais te donner des noms. Il faut juste que j'y réfléchisse un peu…
– Tu ne devrais pas avoir besoin de réfléchir beaucoup si tu décides de dire la vérité…
– Ce n'est pas ça, tenta de se justifier Drago. Il faut que je réfléchisse au fait de prendre ou non le Veritaserum. Ou alors… Ou alors de laisser Mulan utiliser son occlumencie, si… Tu sais, j'étais évanoui la plupart du temps… »
Potter hocha doucement la tête en soupirant, puis admit : « Okay. Prends ton temps. Mais je n'attendrai pas éternellement. »
Le silence revint, confortable, apaisant, rythmé par le bruit des vagues et les froufroutements léger des albatros qui se nettoyaient ou se lissaient les plumes.
« Demain, tu… » commença Drago. Potter se crispa. « Tu… Tu comptes passer un moment à Londres ?
– Surement, oui.
– Il… Il y avait ce restaurant moldu, près de la gare. Vers la droite en sortant, je crois. Pas loin en tout cas. Il n'avait pas l'air de grand-chose, mais je me souviens qu'ils faisaient des sushis à emporter.
– Des sushis à emporter ?
– Oui, c'était bizarre. Un truc de moldus. On ne pouvait pas manger sur place, mais… Ils vendaient la nourriture à emporter dans des espèces de petites barquettes en plastique. On en avait acheté, une fois, parce qu'on avait un train moldu à prendre, et que c'était pratique. C'était bon, aussi. Alors, si tu sens que tu vas avoir du retard, et si par hasard tu passes devant… Je me souviens que la devanture était noire, avec un dessin de… »
Drago s'interrompit en sentant Potter trembloter contre lui, et le découvrit en train de réprimer un fou-rire. Il fronça les sourcils.
« Je dis ça au cas où tu…
– Oui, oui, je vois tout à fait, gloussa Potter. Des sushis à emporter. Drôle d'idée. J'espère tomber dessus. Si c'est le cas, je visiterai cette bizarrerie avec curiosité et plaisir, bien sûr !
– Je ne suis pas complètement borné, Potter ! Je sais apprécier les bonnes idées des moldus, même si elles sont rares !
– Oui, je vois ça ! C'est très tolérant de ta part ! »
Durant le repas, Potter insista pour que Drago lui dresse la liste de ses plats et desserts préférés. S'il cherchait à mettre le Sang-Pur en porte-à-faux, il en fût pour ses frais : Les meilleurs repas qu'il avait dégusté dans sa vie avaient clairement été préparés par des Sorciers étoilés et reconnus. A la limite, par des elfes de maison.
« Bon Sang, Malfoy ! Je ne te demande pas où trouver le meilleur ragoût d'Angleterre ! Je veux t'entendre dire par exemple : J'aime le ragoût.
– Et j'en suis incapable. Je préfère un excellent ragoût à de mauvais sushis, mais je préfère d'excellents sushis à un ragoût médiocre !
– Tu sais que c'est parfois un supplice de discuter avec toi ?
– Nous ne sommes pas obligés de parler en mangeant.
– Pitié, on sait tous les deux que, maintenant que tu t'y es fait, tu ne pourrais plus t'en passer… »
Là-dessus, c'était Potter qui avait raison.
Le lendemain, Drago passa la matinée à jeter à la cheminée quasiment chaque courrier qu'il tentait de rédiger avec la Plume à Papote. Les mots de Potter s'écrivaient malgré lui sur le papier :
« … et malgré toute l'attention que vous portez à notre projet, je n'attendrai pas éternellement, nous ne pouvons donner suite à votre demande dans les délais que vous nous indiquez : Je n'attendrai pas éternellement. Nous reviendrons vers vous aussitôt qu'une disponibilité… »
Ça, ou bien des pensées parasites et obscènes sur le corps de Potter. Cet idiot avait réellement préparé des poèmes, avec des rimes et tout le tintouin, et avait prétendu qu'il ne lui réciterait pas le plus beau de tous tant que Drago ne lui aurait pas rendu la pareille. C'était ridicule, et immature, et gênant, et une perte de temps, mais la pensée le tiraillait malgré lui :
« … ci-dessous la liste des ingrédients nécessaires :
- Essence de millepertuis, 1 gallon,
- Des émeraudes dont l'éclat, huit syllabes, à enchaîner avec un verbe au futur,
- Aconit tue-loup fraiche : 2 livres,
- Aconit tue-loup en poudre : 1 livre,
- S'il est là, comblera, six syllabes. Illumine ce qui sera, huit syllabes. Ce qui sera quoi ? Un chemin ? Un chemin qui mène… Un chemin qui…
- j'ai déjà parlé de l'aconit ? »
Ou pire encore, des vieilles rancunes que Drago pensait avoir dépassé depuis longtemps :
« … que toute l'équipe de Monsieur Potter vous remercie pour la faim, votre charmante attention, et vous souhaite de faire cesser cette faim séculaire et une bonne continuation. Des siècles que j'ai faim. Combien ? Quatre fois ? Cinq fois ? »
Potter était passé le voir avant de prendre le ferry, et Drago l'avait embrassé comme si leurs vies à tous deux en dépendaient. Il avait ouvert la bouche pour glisser sa langue dans celle de Potter, et sa mâchoire avait produit un craquement brutal qui lui avait fait monter les larmes aux yeux. Son sexe encore mal guéri s'était gorgé de sang et dressé sous sa robe. La douleur avait été affreuse : En gonflant, la peau tirait sur les cicatrices. Des ecchymoses plus sévères que les autres pulsaient comme si on le frappait de nouveau. Il s'était frotté à l'entrejambe de Potter pour étouffer la sensation, et avait gémit comme un animal en chaleur, partagé entre plaisir et douleur.
Potter avait finalement réussi à détacher ses lèvres des siennes, l'avait contemplé avec un regard fiévreux, et après plusieurs secondes de respiration hachée, avait finalement murmuré d'une voix rauque : « Okay, je… Je peux rester aujourd'hui. Exceptionnellement. »
Sur le moment, ça avait rassuré Drago. Ça l'avait rassuré au point qu'il avait pu rire et encourager finalement Potter à partir.
Et Potter était parti.
Et Drago s'était maudit de ne pas avoir saisi sa chance.
Il avait failli courir dans les couloirs et les escaliers pour le rattraper. Il avait même ouvert la porte, avant de se reprendre, et de parvenir à se convaincre qu'il était réellement nécessaire pour le Survivant de poursuivre sa thérapie.
Il s'était alors rabattu sur le balcon et les albatros, et un sac complet de friandises Gullgrub y était passé. Les pauvres volatiles avaient déjà du mal à décoller, et ne parviendraient bientôt plus à voler si Drago les gavait ainsi chaque semaine.
Puis il avait travaillé en regardant nerveusement l'heure et en tentant de nouvelles techniques pour parvenir à faire moins d'erreurs : laisser les doigts de sa main gauche effleurer la plume à Papote, garder les yeux fixés sur le papier, s'accorder des pauses, laisser jouer un disque de musique sans paroles…
A 18h, il n'y tint plus. C'était l'heure à laquelle le ferry était supposé débarquer à nouveau sur l'île. Peu importaient les Selkies, les Détraqueurs, le probable retard qui empêcherait Potter d'arriver à l'horaire prévu, il enfila l'une des capes du Directeur – Une jolie chose en satin qui ne protégeait pas vraiment du froid mais qui avait la couleur, la douceur et la légèreté d'une tourterelle – et se dirigea vers l'embarcadère.
Trois gardiens attendaient déjà là : Runcorn, Welbert, et un nouveau. Trois hommes, et aucun qui ne l'ait déjà violé. Une situation bizarre, et qui ne le mit donc pas vraiment en confiance. Il resta debout, légèrement à l'écart – ils étaient assis sur des bites d'amarrage et Drago doutait qu'il puisse en faire autant sans paraître provoquant – et après avoir bien coincé dans son col la masse de cheveux qui lui cachait la joue – il avait remarqué Wellbert tendre le cou pour tenter d'apercevoir quelque chose – il s'emmitoufla dans la cape et attendit.
Les trois hommes se partageaient une cigarette en discutant tranquillement. Une odeur de moldu flottait sur le quai, surpassant presque celle de la mer. C'était une senteur désagréable, mais tellement inhabituelle pour Drago qu'il se surprit à prendre de grandes inspirations pour en profiter tout de même.
Au bout d'un moment, un albatros vint se poser sur une rambarde à demi-écroulée. Il était difficile d'être sûr, car il faisait déjà noir, mais la taille et le motif sur le dos pouvaient être ceux de Vif-Eclair, et cette présence le rassura aussitôt.
Encore plus tard, Runcorn fit apparaitre un petit feu de campanule dans une espèce de jarre en métal qui avait été installée là. Il appela Drago qui s'approcha légèrement pour profiter de la chaleur des flammes bleues.
« La dernière fois, ils ont eu plusieurs heures de retard », indiqua le Major.
Difficile de répondre « je sais » ou « je m'en souviens » sans sonner impertinent… Drago chercha ses mots, mais Runcorn reprit sa conversation avec ses deux comparses, et le prisonnier put finalement garder le silence.
Enfin, on entendit la corne de brume dans le lointain, puis on devina une masse un peu plus sombre grossir à l'horizon et se préciser.
Le bateau mit une éternité à réaliser sa manœuvre, mais quand ce fut fait, Potter et deux marins sautèrent avec élégance sur le quai et entreprirent de fixer les amarres. Drago rongea son frein jusqu'à être remarqué. Quand Potter leva la tête pour interpeler Runcorn, il croisa son regard, sembla surpris quelques secondes, puis un sourire plus lumineux que le feu de campanule éclaira son visage.
Il abandonna son travail sur les amarres et vint le rejoindre.
« Tu es venu m'attendre, fit-il stupidement remarquer.
– De toute évidence, Potter, grinça Drago.
– Et tu ne fais pas la gueule pour mon retard.
– Non, mentit-il.
– Tu as même mis une cape. »
Drago baissa la tête sur sa tenue, fronça les sourcils et adressa un regard à son interlocuteur pour le défier de poursuivre ses platitudes.
« C'est tellement adorable de ta part, poursuivit Potter à voix basse. Je ne peux pas m'empêcher de me demander ce que tu as prévu d'autre pour me faire plaisir. Tu m'as écrit mon poème ? »
Drago se drapa dans les restes de sa dignité et rebroussa chemin vers le château. Il avait eu le temps, malgré le manque de luminosité, de voir apparaître le fameux sourire penaud que Potter revêtait pour attendrir son monde.
« Malfoy ! l'entendit-il crier dans son dos. Malfoy, tu sais que c'est de l'insubordination de partir comme ça ?! Je suis le patron, ici, tu sais ?! »
Il referma la porte sur les rires des gardiens avant de risquer d'en entendre davantage. Là aussi, il avait reconnu le sourire. Il l'avait entendu.
Pendant des années, Drago avait vu Potter sourire victorieusement. Il n'avait pas réalisé – il avait autre chose à faire que de s'intéresser à lui – que le Survivant disposait en réalité d'un véritable arsenal de sourires à revêtir pour chaque occasion. Le sourire sincère, le sourire joyeux, le sourire contraint, le sourire fatigué, le sourire méprisant, le sourire fier, le sourire gêné, le sourire penaud… Il exhibait ses parfaites dents blanches à la moindre occasion, et désormais, Drago Malfoy, comme tous les autres, craquait et se ratatinait et jetait l'éponge face à tous les sourires désarmants de Harry Potter.
Pire que de connaître et reconnaître ses sourires, Drago se sentait ulcéré par le fait qu'il les sentait même venir, qu'il les devinait avant même qu'ils n'apparaissent.
