Hello,
Nouveau fandom que j'explore, celui de SPN. Je m'attaque directement au Destiel parce que Destiel, what else ?
J'ai averti dans le résumé, mais je le répète : attention, il va y avoir des détails assez hardcore et gores. Du langage que votre mère n'aimerait pas entendre dans votre bouche. De la dépression. Et des relations homosexuelles. Si ce n'est pas votre truc, passez simplement votre chemin, je vous assure que vous n'allez rien rater.
L'histoire est en cours d'écriture mais j'arrive sur la fin, donc NORMALEMENT, je devrais pas vous laisser sans conclusion.
Je ne sais pas encore quel rythme de parution je vais prendre, les chapitres sont courts, donc peut être deux fois par semaine, à voir.
Je n'ai pas de bêta, donc désolée pour les fautes qui peuvent encore trainer.
Enjoy !
A murder of crows
Une salle d'attente, c'est fade comme première impression. Le papier peint vert canard a connu de meilleurs jours sans doute avant même la naissance de Dean - c'est dire s'il est périmé, en passe de revenir à la mode peut être, cycle sans fin d'attraction et répulsion. Des cadres remplis de tournesols d'un jaune pisseux (Van Gogh ? Bah, il n'est pas marchand d'art, peu importe.) tentent d'apporter un peu de gaieté à ces murs trop sombres, trop proches. C'est pas une salle d'attente, à peine un couloir entre l'entrée et le reste. Au moins les fauteuils de velours forêt complètement râpé sont pas mal, on est loin des chaises en plastique du cabinet de l'autre connard. Dean coche un bon point pour le nouveau Doc. Un point pour ses fesses cajolées, c'est correct, non ? Par contre la moquette beigeasse pue un peu, vague relent de tabac, d'humidité et de chien mouillé.
Sa jambe droite tressaute, métronome de son immobilité. Il n'aime pas attendre. Il est arrivé en avance, incapable de savourer son petit dej' assis au café au bout de sa rue, incapable de rester dans son Impala à écouter de la musique peinard. Putain il n'a aucune envie d'être là, dans cette salle d'attente moche à pleurer.
Un cliquetis discret d'une clé qu'on tourne vient de la porte capitonnée de cuir brun qui le sépare de son nouveau tripoteur de caboche. Il se passe les mains sur le visage en soupirant, glisse les doigts dans ses cheveux châtain clair coupés court, gratte sa nuque, et se lève - saute de son siège - avant même que le battant ne s'ouvre sur la salle de torture.
- Agent Winchester ?
Dean a un temps d'arrêt, une micro hésitation, un battement de cœur de flottement avant de hocher la tête et d'entrer dans le cabinet, les mains enfoncées dans la poche centrale de son sweat à capuche gris.
- Asseyez-vous, je vous en prie.
Il garde les yeux résolument baissés mais perçoit la direction que la voix grave et basse, un rien rauque, indique. Avec un soupir discret, il s'installe sur une des deux chaises qui fait face au bureau, vaguement conscient des pas feutrés qui le suivent et le dépassent. La chaise est pas mal, son cul apprécie.
- Vous étiez suivi par le docteur Chuck Shurley à la demande du directeur adjoint Robert Singer, c'est bien cela ?
Dean hoche la tête en silence. Évidemment que c'est ça, c'est écrit dans le dossier, pourquoi tu demandes ? Putain, il ne veut pas être ici.
- Vous avez demandé à changer de psychiatre, puis-je vous demander ce qui n'allait pas avec le précédent ? Je ne veux pas les détails, mais j'aimerais savoir si je peux éviter de commettre les mêmes impairs.
Commence par arrêter de me parler comme un foutu dictionnaire, toi et ta voix de… Son monologue intérieur est tranché net dans un éclat saphir quand il fait l'erreur de regarder l'autre. C'est autorisé d'avoir des yeux capables de transpercer l'autre à ce point ? C'est forcément illégal, il est à deux doigts de demander au Doc Novak s'il a compté chaque neurone de son cerveau. Il aimerait bien avoir le résultat, pour la science. Il cligne des paupières, se décolle de l'outremer, essaye de se fixer ailleurs et choisit finalement de faire comme si la tonne de bouquins qui trônent derrière le psy avaient un intérêt pour lui. Il soupire.
- Il a un grain, ce mec. J'en ai eu marre qu'il me parle comme si j'étais un gamin en pleine crise d'ado. J'ai passé l'âge.
Le doc hoche à peine la tête. C'est ça, retiens bien ce que je dis, Blue-eyes.
- Bobby a insisté pour que je sois suivi, ce n'est pas mon choix et il est hors de question que mon psy se prenne pour mon père ou mon meilleur pote. Je n'ai pas choisi d'être là, je n'en n'ai aucune envie, j'espère qu'il vous a prévenu ?
Novak incline la tête et croise les doigts sur son bureau. Dean regarde partout, sauf vers lui.
- Je suis au courant, oui.
Arrête de me fixer mec, arrête. Je suis pas un de tes foutus bouquins, tu peux pas lire en moi comme ça.
Le Psychiatre se lève et fait quelques pas, passe dans son dos.
- Peut-être préféreriez-vous un fauteuil, ou le divan, Monsieur Winchester ?
Dean se retourne, jette un coup d'œil aux deux fauteuils qui se font face, et au divan calé près de la grande baie vitrée. Il se lève en silence et pose ses fesses à côté de la fenêtre. Il ne s'allonge pas, faut pas déconner. Il passe un bras sur le dossier et perd son regard vers la grisaille de l'extérieur. C'est moche, c'est froid, il flotte. La haie est très proche, masque la rue mais pas la tristesse du temps.
- Je n'ai pas besoin d'être ici, je vais bien. Bobby flippe pour rien.
Novak est dans un fauteuil, un bloc à la main, un stylo dans l'autre. Il ne lui tourne pas le dos, mais presque.
- Pourquoi est-ce que Monsieur Singer pense que vous avez besoin d'aide ?
- Demandez-lui ?
Me fais pas croire qu'il ne t'a rien dit. Tu me gonfle déjà.
- C'est à vous que je demande, Monsieur Winchester. Vous êtes mon patient, pas lui.
Il y a une toile d'araignée sur la rambarde en fer forgé. Dentelle délicate presque déchirée par les gouttes qui perlent et s'y agglutinent. La tisseuse n'est pas visible, chassée par la pluie.
- J'ai fait une crise d'angoisse sur ma dernière scène de crime.
C'est lâché comme on abandonne un sac poubelle, comme on jette un mégot par la fenêtre d'une voiture. Avec dédain et désintérêt. En espérant quand même que personne ne relève.
- Mais c'est passé, je vais bien.
C'est ça oui.
- Est-ce que vous voulez m'en dire plus sur cette crise ?
Dean lui jette un coup d'œil, jauge le doc, trop propre sur lui, son costume sombre trop net, sa chemise trop blanche, ses cheveux trop noirs. Ses yeux trop bleus, qui le happent quand il tourne à peine la tête vers lui, le scannent sans retenue, c'est presque obscène.
- Vous savez qu'en plus du secret médical que je vous dois en toute circonstance, je suis accrédité par le FBI. Vous avez le droit de me parler de vos affaires en cours si vous jugez en avoir besoin.
Retour sur la toile d'araignée. Les gouttes glissent et se rejoignent, deviennent trop lourdes et chutent sur le métal peint en noir.
- Vous avez déjà senti l'odeur de la cervelle humaine ?
Un murmure, un souffle qu'il espère passer inaperçu. Il cache ses mains dans la poche de son sweat. Ses doigts risquent de trembler.
- La mort, ça pue, mais ça… C'est différent.
Oh, il aperçoit deux petits cils, à peine détachés sur la brique sombre du bord de la fenêtre. Un mouvement presque imperceptible quand une goutte a frôlé la cachette de l'araignée. Elle est toute petite, risque de se faire emporter par la moindre ondée. Il sort une main et tapote distraitement la vitre pour faire bouger la bestiole, mais elle ne bronche pas. Il laisse ses doigts sur la surface froide.
- C'est ce que vous avez trouvé sur cette scène de crime ?
Il ne confirme pas, ne contredit pas non plus. Cache de nouveau sa main, serre les poings, baisse la tête et fixe le sol.
- L'Utahraptor, c'est le nom que les gratte-papier lui ont trouvé. Parce qu'il a commencé dans l'Utah et qu'il éventre ses victimes, ils ont trop regardé Jurassic Park.
La moquette lie de vin à ses pieds lui semble trop agressive tout à coup. On dirait du sang coagulé. Il relève les yeux sur le lambris sombre des murs, promène le regard sur les bibelots qui y sont accrochés. Des lances, des épées, des sabres anciens. C'est trop belliqueux pour coller avec le type trop propre sur lui emmanché d'un balais dans le fondement.
- Mais la dernière, il lui a fracassé le crâne, il en a fait de la bouillie, il ne l'a pas laissée se vider comme les autres. Il a précipité les choses.
Dean risque un coup d'œil vers Novak. Il n'a aucune réaction.
- Pourquoi est-ce que cette victime vous a touché plus que les autres selon vous ?
Il ronronne presque, comment est ce qu'on peut avoir une voix aussi calme en parlant de tripes à l'air et de cervelle éclatée ?
Dean déglutit, essaie d'en masquer le bruit qui résonne trop dans le silence feutré.
- Je ne sais pas. Peut être que c'était celle de trop à ce moment-là. Mais c'est passé.
Le doc relève la tête et pose bloc et stylo sur ses cuisses.
- Vous avez pourtant mentionné un détail important, quelque chose qui différait des scènes précédentes.
Le silence s'étire et s'étend autant que les nuages gris au dehors. Le froid transperce à travers la baie vitrée et frappe Dean, s'enroule autour de lui. Il a pas de chauffage ce putain de psy ? Il fait un quart de tour sur le divan et remonte les genoux, essaye de se réchauffer. Tant pis pour le divan, il pose les pieds dessus. Il va pas retirer ses pompes.
- C'est différent parce que… C'est plus réel, je crois. J'ai vu un paquet de cadavres, et pas toujours frais. On m'avait dit que les pires étaient les noyés, mais non putain, ça c'était pire que tout.
Il cache ses mains dans les manches de son sweat un peu trop grand pour lui et enserre ses genoux. Il se déteste, on dirait une gamine de 15 ans qui vient de se faire jeter par son crush de la semaine. Il a juste froid, c'est juste la température qui le gêne, il ne pète pas les plombs.
- Avez-vous la sensation qu'une victime au crâne fracassé soit définitivement perdue ?
Dean ferme les yeux. Le doc poursuit, de cette voix grave, aussi grave qu'une tête défoncée.
- L'assassin n'a pas seulement tué sa victime, il a détruit son identité, son visage et en répandant le contenu de sa boîte crânienne, s'en est pris à l'être autant qu'au corps. L'odeur est effectivement très différente du sang ou de la putréfaction, elle vous a marqué parce qu'elle vous a forcé à ressentir cette différence de traitement.
Dean frissonne et inspire un peu fort, parce que l'odeur est gravée dans sa mémoire, et lui colle la gerbe plus vite qu'une bonne cuite.
- Vous avez déjà senti ça.
C'est pas une question, c'est juste une phrase comme ça.
- J'ai fait médecine. J'ai eu l'occasion de travailler dans divers services, ou avec les pompiers, et oui, j'ai déjà vu des cadavres. Je sais ce que sent la mort ou la cervelle.
Dean regarde vers le doc. Il a tourné son fauteuil vers lui (quand ?) et pose ses putains d'yeux trop bleus sur le pathétique agent du FBI qui pleurniche d'avoir vu un peu de matière grise arroser les murs jusqu'au plafond. Moque toi, vieux, j'm'en fout.
- Est ce que vous dormez correctement monsieur Winchester ?
C'est bien, change de sujet si tu tiens à ta moquette.
- Je ne veux pas de médocs.
- Je n'ai pas demandé si vous en vouliez.
Joue pas sur les mots putain.
- Je dors peu, parce que je travaille et j'oublie parfois l'heure qu'il est.
- Vous oubliez aussi de manger ?
Ah. Oui, évidemment. Ca se voit comme le nez au milieu du visage, avec son sweat devenu trop grand, il flotte dans son jean - merci à l'inventeur de la ceinture. Il a l'air d'un anorexique qui fonce se fourrer deux doigts dans la gorge après chaque feuille de salade.
- Ça arrive.
- Vous vivez seul ?
Eh quoi, tu veux pas mon téléphone non plus ?
- Avec mon frère. Il vous plairait, il mange sainement, dort sept heures par nuit, picole pas, fume pas, baise pas. Rien.
Novak expire un souffle court par le nez. Ça doit être l'équivalent d'un éclat de rire chez Monsieur Balai dans l'cul.
- Pour commencer, j'aimerais que vous tentiez de calquer vos horaires de sommeil et vos repas sur ceux de votre frère. Vous êtes collègues n'est ce pas ?
Putain Bobby, tu lui as filé mon CV et le livret de famille ?
- Oui. Mais je ne vois pas ce que ça va changer. Je vais bien et…
- Monsieur Winchester.
Là, c'est la version Blue-eyes d'un poing abattu sur la table. Il n'a même pas haussé la voix. Il n'est même pas sec, mais ces deux mots lui font fermer son clapet.
- Vous êtes épuisé mentalement et physiquement. Vos mains tremblent de manque de sommeil et d'hypoglycémie. Ce que je vous demande, c'est de lever légèrement le pied jusqu'à notre prochain rendez-vous.
Dean lève les yeux au ciel et commence à ouvrir la bouche, mais il n'a pas le temps de sortir ses conneries.
- Je ne compte pas vous mettre sous traitement, et si la question se posait toutefois, j'en discuterais avec vous. Sommes-nous d'accord ?
Ouais ok, faisons ça mon pote. Sûr que faire un gros dodo après une bonne pizza, ça va arranger ma caboche. Qui va très bien, merci.
Le psychiatre se lève, Dean décolle du divan comme s'il était monté sur ressort. Il suit le doc jusqu'à la porte, ne lui serre pas la main et ose à peine le regarder en face. Il fixe sa cravate aussi bleue que ses yeux, c'est à elle qu'il marmonne vaguement son accord pour le rendez-vous prévu trois jours plus tard.
Ca aura duré à peine 45 minutes. Mais il sort dans la rue les jambes flageolantes, épuisé, tremblant. L'impression d'avoir été passé au mixeur, réduit en bouillie. Putain de psy.
Il rentre chez lui, se fait le quatrième café de la journée, il n'est même pas midi. Sam est au bureau, lui est condamné à bosser à la maison, on veut pas voir sa tête de déterré, il sape le moral des troupes. Alors il s'installe dans le salon, sur le canapé, une pile de dossiers sur la table basse.
Son frère le trouve à la même place des heures plus tard. La nuit est tombée mais Dean n'a même pas eu la présence d'esprit d'allumer la lumière, il voit assez avec le lampadaire de la rue, phare isolé qui éclaire le salon d'une lueur jaunâtre.
Sam soupire en accrochant son manteau à la patère, actionne les interrupteurs, ne répond pas au grognement que pousse son râleur de frère. Il s'active dans la cuisine, ne demande pas comment s'est passé le rendez-vous. Surtout ne pas demander.
- Tu manges ?
Ca, il demande toujours.
- Parait que je dois.
Ouais, tu m'étonnes. Au moins son nouveau psy n'est pas aveugle. Il sort deux assiettes, dresse le couvert sur la petite table ronde de la cuisine.
- C'est bientôt prêt, tu peux venir.
Il l'entend soupirer, mais il se lève. Si tu crois que je vais te servir à domicile, tu rêves mon grand. Tu veux pas la becquée non plus ?
Dean fait la gueule à son assiette de lentilles curry, mais il ne commente pas. Il pioche là dedans comme un gosse qu'on force à finir ses épinards, bien décidé à montrer qu'il déteste ça. Sam s'en fout, il mange, c'est déjà bien. Même s'il ne parle pas, même s'il ne le regarde pas. Lui, il voit bien les joues creusées, les lèvres coincées dans une moue qui se veut neutre, les valises sous ses yeux qui pourraient contenir toute la garde robe de Paris Hilton. L'automne n'est pas seule responsable de cette peau blafarde, de ses yeux aux capillaires explosés où le vert qui tenait de l'émeraude passe plus pour de la flotte glauque.
Dean…
C'est étouffant.
Ils débarrassent en silence, vaisselle expédiée. Dean chope une brioche un peu rassie dans le placard et retourne s'installer devant la table basse.
Sam secoue la tête dans son dos.
- Je vais me coucher.
Tu devrais en faire de même. Mais il ne faut pas le dire, sinon tu vas t'énerver et te casser, encore.
- Bonne nuit Sammy, je termine ça et je vais y aller aussi.
Comme si j'allais te croire.
Il n'est pas allé se coucher. Sam le retrouve le lendemain matin, assis en tailleur sur le tapis à long poils blancs, écroulé sur la table basse, la tête posée sur les dossiers. Il a la joue sur la photo de S… la pauvre fille au crâne fracassé. Tu parles, chouette compagne pour la nuit hein, de quoi faire de beaux rêves. Putain, Dean.
Sam ne le réveille pas, parce que s'il le fait, son frère va juste se remettre au boulot après s'être rempli le bide de café. Alors il se casse sans bruit, il prendra son petit dej au bureau.
