Ce jour-là, Scott McCall arriva au lycée d'excellente humeur. En fait, il était radieux comme jamais il ne l'avait jamais été auparavant. Ses yeux étincelaient, son sourire était éclatant et sa dentition, toujours aussi parfaite. Il avait coiffé ses cheveux de manière harmonieuse et a l'air naturel et sa tenue, qui pouvait sembler tout à fait normale, se montrait particulièrement recherchée. Pour une fois, Scott avait fait attention aux détails. Lydia Martin, férue de mode, aurait été fière de lui. Elle lui avait d'ailleurs donné quelques conseils, sans toutefois se douter que Scott, en plus de les écouter, prendrait la peine de les appliquer. Beau au naturel – il pouvait remercier la lycanthropie qui était à l'origine de son impressionnant glow-up –, il n'avait d'ordinaire pas besoin de grand-chose pour être présentable et gagner le cœur de la gent féminine. Mais ce jour était spécial et Scott voulait plaire.

Et pas à n'importe qui.

- Wouah !

Scott se retourna et son sourire se fit d'autant plus lumineux lorsqu'il croisa le miel du regard de son meilleur ami. De son côté, Stiles le regardait d'un air effaré.

- Bro, t'as bouffé un soleil ou je rêve ?

- Et comment, rit Scott.

D'autorité, il passa un bras autour des épaules de l'hyperactif qui traînait avec lui depuis des années et dont il ne pouvait pas se passer. Les raisons à cela étaient nombreuses et l'une d'elles prédominait en ce jour. Elle était là, partout. Dans le regard de Scott. Dans la manière dont il initiait les contacts avec son meilleur ami. Dans son sourire. Dans son attitude. Dans le visage de Stiles, qui finit par, plus timidement, sourire à son tour. Était-ce de la gêne qui colorait ses joues ? Probablement.

- Et… Il y a une raison à cette joie dégoûtante ? Demanda l'hyperactif en grimaçant faussement.

- Je sens juste que je vais passer une excellente journée et une super soirée, répondit le latino en avançant sans lâcher son ami.

Le visage de Stiles sembla s'illuminer un instant.

- La soirée meute ! Se rappela-t-il.

Son sourire s'élargit. Oui, la soirée meute. Scott y pensait beaucoup, enfin non, c'était mentir : il songeait surtout à ce qu'il se passerait après et qu'il pourrait commencer pendant. A l'intérieur de l'une des poches de son sac à dos se trouvait un petit quelque chose qu'il avait payé cher, très cher, et Scott n'attendait qu'une chose.

Pouvoir l'utiliser.

Mais pas tout de suite, pas ici ! Le moment devait être propice et intimiste. Scott avait tout prévu. Tout. Et si tout se passait bien, Stiles et lui devraient finir nus dans la soirée, échangeant leurs fluides et s'unissant de manière torride. Si le principal intéressé était au courant ? Stiles était trop coincé, trop pur. Il parlait de sexe à tort et à travers, de manière complètement débridée en présence de la meute, mais seulement parce qu'il n'avait aucun filtre. Jamais il n'irait coucher avec quelqu'un comme cela, encore moins reconnaître les sentiments qu'il avait forcément envers lui ! Parce qu'au fond, ils n'étaient pas meilleurs amis. Ils étaient… Quelque chose. Quelque chose de plus, que Scott était le seul à voir. Alors forcément, Stiles avait besoin d'un coup de pouce et tout alpha qu'il était, il se devait de lui montrer la route à suivre, de le guider vers les affres d'un univers qu'il ne connaissait pas encore. Lui en parler ne serait pas forcément des plus utiles. Stiles, dans le déni, réfuterait indubitablement cette attirance qui les liait et refuserait, par conséquent, de faire quoi que ce soit qui pourrait les lier de manière concrète.

Le produit que Scott gardait sur lui était le coup de pouce qui l'amènerait sur le chemin de la raison. Un aphrodisiaque des plus puissants, pour la bonne et simple raison que ce n'était pas un simple produit stupéfiant acheté au premier dealer ou magasin étrange venu.

Scott avait, il y a un mois de cela, contacté le druide d'une ville voisine en passant par Deaton. Son excuse avait plutôt bien marché : l'idée, officiellement, était de parlementer avec quelques druides pour en faire des alliés de la meute et de les avoir de leur côté en cas de problème. Scott avait, pour une fois, si bien joué la comédie que le vétérinaire n'y avait vu que du feu. Et puis de toute manière, pourquoi aurait-il douté de lui ? Scott était un vrai alpha : un jeune homme bon. Qui pourrait imaginer la noirceur qui se développait au rythme de son obsession ? Il y avait des mois qu'il ne voyait plus Stiles comme un ami. Des mois qu'il se rapprochait doucement de lui, qu'il obtenait quelques contacts physiques – purs –. Des mois qu'il lui consacrait un peu plus de temps, des mois qu'il essayait de voir si quelque chose était possible entre eux.

Mais Stiles était trop coincé alors, ça n'avançait pas. Il fallait bien que Scott force un peu le destin. Autrement, les choses ne bougeraient jamais et il ne pourrait jamais goûter à la luxure avec ce corps qui le tentait tant. Stiles s'habillait mal mais Scott connaissait son corps. Bien qu'un peu complexé, l'hyperactif se changeait avec l'équipe de crosse, dans les vestiaires et le latino avait déjà eu l'occasion d'observer à la dérobée la très fine musculature de l'hyperactif. Sa peau si claire et pourtant, pas pâle. Ses grains de beauté trop nombreux pour être comptés. Alors oui, ce qu'il voyait régulièrement lui plaisait. Et sa personnalité, tout autant que le reste, lui donnait envie de le croquer.

Qui Stiles pouvait-il laisser insensible ? Personne. Mais seul l'alpha qu'il était aurait le privilège de profiter de la personne qu'il désirait ardemment.

Sa main, auparavant sur l'épaule de Stiles, descendit pour aller se loger sur sa taille alors qu'ils arrivaient devant leur salle de classe. L'hyperactif se raidit, son sourire se crispa, mais il ne se déroba pas. Si Scott faisait attention à son odeur, sans doute se serait-il aperçu de la gêne qui l'étreignait. Cependant, il avait arrêté d'utiliser ses sens olfactifs à son égard le jour où il s'était rendu compte que ce qu'il ressentait pour Stiles dépassait – et de loin – le stade de l'amitié. Et puis, ce qui n'était au départ qu'une histoire de sentiments s'était tout doucement transformé en une obsession des plus malsaines.

- Scott, tu rayonnes ! S'exclama Lydia en voyant les deux amis arriver.

Elle ne pouvait pas en dire autant de Stiles qui laissait peu à peu sa crispation se voir. Stiles, qui, subtilement, réussit à s'éloigner sans donner l'impression à Scott qu'il le dérangeait avec ce geste, cette main sur sa taille. La banshee, de son côté, se recoiffa et discuta avec l'alpha qui, jamais, ne perdit Stiles des yeux. Il demeurait dans son champ de vision, appuyé nonchalamment contre le mur, à côté de la porte de leur salle de classe. Dissimulant sa gêne qui doucement passait, l'hyperactif envoyait un message à son père. Deux, en fait. Le premier concernait son absence de la soirée : le shérif ne devait pas l'attendre pour manger, ni s'inquiéter de ne peut-être pas le voir rentrer. Les chances qu'il passe la nuit au loft étaient grandes. Bien que les loups-garous n'étaient pas sensibles à l'alcool, il leur arrivait souvent d'en ramener et d'en boire une grande quantité – certains adoraient le goût. Stiles n'était pas un grand buveur, mais il redoutait toujours ces soirées qui, paradoxalement, l'excitaient à chaque fois. Il adorait le concept de se retrouver, tous ensemble, et de passer un moment agréable, à parler, à jouer à des jeux, vidéos ou non, et parfois à regarder des films. C'était Isaac qui avait, au départ, proposé cette idée au reste de la meute, histoire de renforcer leurs liens à tous.

Elle avait été adoptée, à l'unanimité.

Enfin, Derek n'avait pas réellement dit oui, c'était à peine s'il avait émis un avis plus clair qu'un grognement, mais son avis de boomer ne comptait pas. Peter, de son côté, avait émis un sourire révélateur : farceur de nature, il avait là le terrain parfait pour jouer avec ses pairs et les embêter à souhait.

La première soirée meute avait été un peu timide, mais il s'était avéré qu'elle avait conquis tout le monde. La seconde avait été une franche réussit et cette fois, l'on s'était bien plus vite détendu, à tel point que Stiles avait perçu un net rapprochement entre Lydia et Isaac. Rapprochement au milieu d'un couloir plongé dans la pénombre, un rapprochement couplant frissons et grognements appréciateurs. Oui, Stiles avait potentiellement aperçu des choses qu'il ne voulait absolument pas voir – des préliminaires plus ou moins discrets. A vrai dire, l'envie de se rincer les yeux avec de l'eau de javel lui avait pris, mais il s'était rétracté en imaginant les dégâts irréversibles sur sa rétine. Depuis, il pratiquait l'amnésie volontaire et se retrouvait à pouvoir parler à ses amis sans revoir cette scène intime.

Ce soir aurait donc lieu la troisième soirée meute de l'histoire de leur bande particulière et hétéroclite. Stiles songea d'ailleurs qu'il ne boirait pas plus de deux verres, tout bonnement parce qu'il détestait perdre le contrôle de lui-même. Il aimait savoir ce qu'il faisait, ce qu'il disait et surtout, s'en souvenir. Son hyperactivité lui causait déjà bien assez de soucis lorsqu'il était sobre, alors autant minimiser les dégâts. Et puis… Ainsi, il profiterait. Pas besoin de se défoncer à l'alcool pour s'amuser. Il avait autrefois cru le contraire, tout jeune con qu'il était : certaines expériences lui avaient alors appris qu'il se fourvoyait largement, d'autant plus que la gueule de bois qui suivait à chaque fois était loin d'être agréable à vivre. Stiles n'était pas idiot pour retenter de se mettre une cuite tout en sachant qu'il en retirerait plus de désagréments qu'autre chose.

La matinée qui suivit fut on ne peut plus classique. Cours, exercices, leçons. En élève modèle, Lydia écoutait le tout religieusement et gardait une présentation de ses cours parfaite. Perfectionniste, elle optimisait et rendait ses feuilles toujours plus agréables à regarder. Isaac essayait d'en prendre de la graine, sans en avoir réellement envie. Si Stiles se déconcentrait régulièrement et finissait par ne plus entendre la voix du professeur, ce n'était pas un problème : les cours ne lui avaient jamais posé quelque problème que ce soit. En fait, tout était facile, à ses yeux. De plus, il ne voyait pas l'intérêt de se donner tant de mal pour présenter ses cours aussi parfaitement que le faisait Lydia qui, soyons honnêtes, avait la même facilité que lui. A côté de lui, Scott faisait mine de s'intéresser à ce qu'il se passait du côté du tableau, mais ses pensées étaient ailleurs. Loin, très loin. Le regard perdu dans le vide, il rêvait éveillé. Il jeta un coup d'œil à l'horloge murale et manqua de soupirer. Le temps jusqu'à la délivrance était long et il ne lui tardait qu'une chose : mettre son plan à exécution. Il risqua un discret regard vers son meilleur ami, assis à côté de lui. Quelle torture d'être si loin et si proche de lui à la fois ! Seule la volonté de faire les choses bien empêchait Scott d'initier le contact sans attendre. La peau constellée de grains de beauté lui faisait envie à un point inimaginable, tant et si bien qu'il ne put s'empêcher d'imaginer le corps nu de l'hyperactif ondulant contre le sien. Scott serra les poings et ne put retenir une envie, un besoin. Il l'assouvit, parce qu'il était simple et que… Stiles lui devait bien ça, bordel ! Oui, il le lui devait, pour toutes ces fois où il l'avait sauvé, toutes ces fois où il l'avait protégé, cet humain à la fragilité adorable.

Scott remaniait l'histoire à sa sauce, l'utilisait comme prétexte pour justifier tout ce qu'il jugeait comme tout à fait normal. Et le pire, c'est qu'il était inconscient du tournant qu'avait pris son obsession. Il était malade. Malade d'un amour qui n'avait rien de sain et qui n'avait d'amour que le nom.

Stiles tourna brusquement la tête vers lui et le regarda d'un air effaré avant de retirer sèchement la main qui avait élu domicile sur sa cuisse. Si son regard trahissait une confusion mêlée à un certain agacement, Scott y vit une adorable timidité. Le professeur leur jeta un regard, ce qui avorta dans l'œuf la future tentative de Stiles d'émettre une opposition orale. L'enseignant, habitué à devoir traquer leurs moindres bavardages, les attendait au tournant pour les punir et dans l'état actuel des choses, Stiles ne tenait absolument pas à gagner des heures de colles, qu'il partagerait uniquement avec son meilleur ami. Il était adorable et il l'adorait, mais son petit jeu incompréhensible commençait sérieusement à le déranger. Plus que ça : il le mettait réellement mal à l'aise. Scott, loin de se douter de la tournure que prenaient les pensées de l'hyperactif, vit dans son silence forcé une acceptation indiscutable à ses yeux. Il était gêné parce qu'il n'avait pas encore l'habitude d'être touché. Pouvait-il lui en vouloir d'être inexpérimenté ? Non. Scott ne lui en voudrait jamais.

Jamais.

Alors, il réitéra et ses sens volontairement muselés ne captèrent pas la croissance de l'agacement de l'hyperactif qui l'envoya une fois de plus balader sèchement. Conscient de la surveillance constante du professeur qui, sous cet angle, ne pouvait voir ce qui se jouait sous le bureau des élèves, Stiles s'empara de sa feuille de cours à moitié vide et griffonna le fond de sa pensée sans plus attendre. Rapidement, il mit son mot sous le nez de Scott, en espérant qu'il comprenne le malaise dans lequel il le mettait et ne pas avoir à le repousser une troisième fois. Il avait été mesuré dans ses propos tout en mettant au clair le fait que son acte incompréhensible le dérangeait tout autant qu'il l'agaçait. Scott s'attarda sur la dernière phrase, griffonnée à la va-vite, comme la plupart des mots de Stiles. Il avait cette graphie sèche, cette manière d'écrire qui montrait la vitesse à laquelle ses pensées fusaient dans sa tête.

« On est potes, frère. »

Si Scott hocha la tête pour faire comme s'il avait compris son dérapage et qu'il retint effectivement ses élans tactiles durant le reste du cours, cette ridicule petite phrase continua de tourner en boucle dans son esprit.

On est potes, frère.

Dans sa tête, ces mots sonnaient faux.