Stiles avait toujours aimé Halloween, là n'était pas le problème. Cette année avait simplement été difficile à gérer et l'unique humain de la meute de Beacon Hills n'avait pas franchement eu le temps de s'appesantir sur une chose aussi triviale qu'une fête. Une fête aussi horrifique que gentillette. Stiles avait droit à son lot d'horreurs plus ou moins régulièrement alors les affres d'Halloween ne lui faisaient plus autant d'effet qu'auparavant. Un tueur en série faisait décidément bien moins peur lorsque l'on se retrouvait plongé à l'intérieur de la face cachée – et surnaturelle – du monde qui l'entourait. Ainsi, il se retrouva à décorer sa maison en catastrophe, et de manière très… Sommaire. Il n'avait pas le temps. Scott l'avait appelé – encore – pour faire une énième session de recherches en ce jour après avoir enquêté sur place et forcément, rentrer à dix-huit heures pour s'attaquer à cette activité des plus humaines que poser des décorations d'Halloween ne laissait pas une grande marge de manœuvre et c'était bien dommage. Stiles regretta de ne pas avoir pensé à acheter plus de choses, de ne pas avoir pris d'avance et de s'être si mal débrouillé dans cette affaire. Terminant d'accrocher une tête de mort-vivant du côté extérieur de sa porte, il soupira. Des choses à faire, il en avait encore des tas et savait d'ores et déjà qu'il ne pourrait pas pleinement profiter de sa soirée parce qu'il devait continuer de faire des recherches. Encore et toujours. Il y passait sa vie, ces temps-ci.
Stiles leva les yeux au ciel, qui s'assombrissait à vue d'œil et sentit un frisson parcourir son corps de manière extrêmement agréable, comme s'il avait froid. Et… Ah oui. Se rendant compte qu'il avait eu l'idée stupide de sortir en pantalon de jogging et en t-shirt uniquement, l'hyperactif pesta contre lui-même et partit se réfugier à l'intérieur en frictionnant ses bras. Il monta directement dans sa chambre en maugréant des paroles difficilement intelligibles pour le commun des mortels. Il n'avait pensé à aucun déguisement et même s'il en avait eu le temps, sans doute n'aurait-il pas pu en profiter et faire le tour des maisons de son quartier pour foutre la frousse aux bambins venant chercher des bonbons : il avait bien trop de choses à faire. Bordel, il n'avait même pas pensé à acheter le moindre sachet de friandises ! Agacé au possible, Stiles souffla bruyamment et enfila une veste.
Cette soirée promettait d'être nulle et banale à la fois. Banale parce qu'au final, il ne participait même pas à cette fête qui, d'ordinaire, le faisait rire. Alors oui, il avait peur en regardant des films d'horreur, mais pour le reste… Il riait beaucoup et, parfois, faisait peur à des enfants avec son vieux costume de Batman un peu cheap – c'était un petit plaisir coupable qu'il s'accordait une fois par an… Mais pas cette fois. Trop de choses à faire. De plus, encore une fois, il n'avait rien prévu. Et puis il apprit quelques minutes plus tard qu'il allait se retrouver seul pour la soirée, par-dessus le marché ! Son père allait finalement passer la nuit au poste, comme il le faisait de temps à autres. Réprimant la vague de tristesse qui monta en lui, Stiles décida de se faire un petit quelque chose à manger avant de se mettre au travail. Grignoter, c'était bien sympa, mais ça ne calait pas un estomac et depuis peu, l'hyperactif disait vouloir faire attention à sa ligne. Bien qu'il n'en ait pas besoin et qu'il avait un corps pouvant ingurgiter n'importe quoi sans grossir, eh bien… Il prenait en compte le fait de ne pas faire de sport – il n'aimait pas ça et puis, soyons honnêtes, il avait la flemme – et même s'il mangeait sainement, il grignotait un peu n'importe quoi lorsque son ventre criait famine. D'ailleurs, s'il avait pensé à faire le plein de bonbons pour Halloween, sans doute les aurait-il tous déjà mangés avant de se rappeler, trop tard, qu'ils n'étaient pas pour lui.
Stiles commença mettre l'eau à bouillir puis par se faire une petite salade, histoire de gagner du temps. Il avait dix bonnes minutes avant de pouvoir mettre le riz – ça changeait des pâtes. Que faire en accompagnement ? Envoyant à moitié valser ses bonnes résolutions, Stiles pencha pour un steak parce que… Eh bien, l'air de rien, il n'était pas motivé et cette fatigue de faire encore et toujours la même chose l'usait, d'autant plus que son père s'avérait absent. Au départ, Stiles avait prévu de continuer son travail tout en regardant un film avec son paternel, histoire de profiter un peu de lui… Mais non. Son paternel croulait sous les dossiers, les enquêtes en tous genre et le poste de police continuait d'être en sous-effectif constant. Les temps étaient durs et le shérif ne pouvait pas se permettre de prendre le moindre congé. En fait, les heures supplémentaires étaient devenues monnaie courante pour lui. Les finances n'étaient pas dans le rouge, mais presque, d'autant plus que les frais des précédentes hospitalisations de Stiles étaient particulièrement onéreux. Il fallait du temps pour les rembourser. Du temps, et de l'argent. Alors, Noah ne disait jamais non au travail et Stiles ne pouvait pas émettre la moindre critique. De son côté, il n'avait pas encore eu le temps de trouver un job à temps partiel pour l'aider. Et il allait sérieusement falloir qu'il s'y mette. Pour l'instant, Noah assumait, mais il avait passé la cinquantaine et la fatigue commençait à s'ancrer sur son visage, déjà marqué par les années. Stiles, sans doute plus que quiconque, était conscient que son père n'était pas éternel et ne le serait jamais.
Stiles s'efforça de se reconcentrer sur sa salade, qu'il déposa sur la table, et il attendit, en surfant sur son téléphone. Lorsque le moment fut propice, il mit le riz et remua légèrement, avant de se poser à nouveau. Il zieuta rapidement le paquet. Dix minutes. Acceptable, mais relativement long à ses yeux. De manière générale, il aimait tout expédier. Que tout s'enclenche sans accrocs. Que tout roule, que tout s'enchaîne. Alors forcément, patienter pour que le riz cuise… Stiles mit la table et en profita pour allumer la cheminée du salon. Il faisait un peu frais ce soir et il ne tenait pas à se couvrir plus que nécessaire. La chaleur du feu embauma rapidement une partie de la maison grâce aux récupérateurs de chaleur qui faisaient leur travail à merveille.
Alors que l'hyperactif retournait surveiller le riz, la sonnerie de la porte d'entrée retentit. Ses sourcils se froncèrent très légèrement. Techniquement, il n'attendait personne, chacun de ses amis fêtant Halloween de son côté. Stiles avait bien proposé, une semaine plus tôt, de faire une soirée meute ayant pour thème la fête de l'horreur, mais tout le monde avait déjà prévu quelque chose. Le jeune homme s'y était pris un peu tard. Si l'on ajoutait à cela que son père devait travailler… Stiles n'avait aucune idée de l'identité de la personne qui venait de sonner. Sa prévenance reprenant le dessus, il songea à la pauvre âme attendant sur le pas de sa porte, endurant le froid pour il ne savait quelle raison. Ainsi, il se précipita vers l'entrée et ouvrit rapidement la porte. Ses yeux descendirent sur une petite silhouette, la silhouette d'un gamin. Le petit garçon, adorable dans son costume de sorcier, avait de jolis traits asiatiques et un regard de chat… Au sens littéral du terme. Stiles s'émerveilla devant la qualité de ses lentilles : jamais il n'en avait vu avec un rendu aussi net et crédible ! Le panier – vide – de l'enfant le rappela à l'ordre. Ce soir était spécial, et les trois quarts de la ville fêtaient Halloween. Stiles retint un soupir. Même à son âge, il aimerait faire comme ce gosse, parcourir les rues avec innocence, juste pour faire croire qu'il faisait peur, et récolter des bonbons – même s'il trouvait ça atrocement mauvais pour la santé. Cependant, il avait grandi, et se retrouvait avec une tonne de travail, avec toutes les responsabilités qui en découlaient, à devoir faire des recherches pour une meute complètement désorganisées mais qu'il aimait d'amour. Il força un air guilleret à s'inscrire sur son visage et s'accroupit face à l'enfant, pour être à sa taille.
- Bonsoir petit, tu…
- Un bonbon ou un sort ? Le coupa le garçonnet.
Stiles sentit un frisson étrange le parcourir. Était-ce son air malicieux, ses yeux de chat atrocement réalistes ? Son ton froid, contrastant avec l'espièglerie que l'on pouvait lire sur son visage ? Décidant que les affaires surnaturelles l'avaient rendu un peu trop paranoïaque, l'hyperactif fit une grimace embêtée.
- Désolé petit, je n'ai rien à te donner. J'ai complètement zappé d'acheter ces merdes… Pardon, ces trucs, là, se reprit-il d'un air penaud.
La malice gagna d'autant plus le visage du garçon, dont le sourire s'élargit. Un sourire à la fois moqueur et… Etrangement froid. Stiles repoussa un nouvelle fois cet élan de paranoïa qui n'avait pas lieu d'être. Sans doute était-il fatigué, plus qu'il ne le pensait, à fleur de peau. C'était ça de vivre dans une angoisse quasi permanente, de devoir se méfier de tout et de tout le monde sans arrêt. Lâcher la bride lui ferait du bien.
- Par contre, je peux te donner un peu d'argent si tu veux, comme ça, tu pourras t'acheter plein de bonbons ! S'exclama l'hyperactif. Ça te va ?
Il n'avait que cette idée. Le garçonnet était mimi et le laisser partir tout en sachant qu'il serait déçu de son absence de récolte lui serrait le cœur. Quelques pièces… Il devait avoir ça dans son portefeuille.
Mais le petit secoua la tête.
- Je veux des bonbons, renchérit-il de sa voix aigüe d'enfant.
Stiles eut davantage l'air contrit.
- Eh bah désolé petit sorcier, mais je n'en ai pas.
- Pas grave, fit l'autre en haussant les épaules.
Sans laisser le temps à l'hyperactif de répliquer ou de lui dire au revoir, le petit garçon se retourna et s'en alla d'un pas rapide. Puisqu'il était dos à lui, Stiles n'eut pas l'occasion de voir son sourire carnassier, ses yeux de chat briller d'un éclat doré tout sauf naturel, des yeux de chat réels. Lorsqu'il se fut assez éloigné, il retourna vers la maison Stilinski, qu'il avait repéré depuis plusieurs jours déjà et rit. Son interlocuteur, Stiles, était rentré, jugeant inutile de rester dehors sans raison. La rue étant vide, le petit sorcier dont le costume ne reflétait pas la réalité, vit son corps s'étirer et ses vêtements changer. Apparut alors un homme d'allure jeune, aux traits d'eyeliner marqués, aux adorables yeux de chat et à la tenue sophistiquée. Il eut un rictus. Pas mauvais, mais bel et bien moqueur.
- Pas de bonbons… Tu auras donc un sort, murmura-t-il d'un air satisfait.
