Chapitre 5
Steve se gara devant la morgue, perdu dans ses pensées, il venait de faire la pire erreur de sa vie et il le savait, le problème était de savoir comment réagir maintenant. Il était à la fois soulagé et dépité d'avoir une enquête ce samedi. Ne pas travailler lui aurait permis d'avoir du temps pour penser et de trouver comment se sortir de ce bourbier, mais en même temps cette urgence professionnelle lui donnait une bonne raison de ne pas répondre à Charlie. Charlie qui lui avait envoyé une multitude de messages depuis la nuit précédente, variant entre l'inquiétude et la colère, ce que Steve aurait compris si son amant avait été au courant de sa bêtise, mais il ne voyait pas comment il pouvait l'être, son sorcier était en Roumanie alors que lui-même était à Hawaï.
"Bon qu'est-ce qui se passe ? demanda Danny que Steve avait récupéré sur la route.
- Rien, répondit le brun avec mauvaise humeur.
- Rien ? Je sais qu'on est samedi et qu'on ne devait pas travailler, crois-moi ça me gave aussi.
- Grace ?
- Oui, j'ai dû annuler notre journée tous les deux.
- Désolé.
- Enfin le point n'est pas là, tu fais la tête bien plus que d'habitude et ton portable n'arrête pas de sonner."
Steve n'avait aucune envie de se confier sur ses états d'âmes à son partenaire. Il appréciait Danny, il voyait une amitié se dessiner entre eux, mais lui parler de Charlie ? Il n'avait jamais parlé de son amant à qui que ce soit, dans l'armée, l'homosexualité n'était toujours pas bien vue, encore moins chez les Seal, alors il avait toujours gardé sa relation secrète. Ses amis militaires savaient qu'il avait quelqu'un dans sa vie, mais c'était tout, alors il avait un peu de mal à s'imaginer tout raconter à Danny, il avait besoin d'être plus en confiance avec lui avant de le faire.
L'arrivée de la gouverneure le sauva d'avoir à répondre à son partenaire et dévia la conversation, jusqu'au soir. Toute l'équipe fut mobilisée sur le meurtre et l'enlèvement des filles de l'ambassadeur des États-Unis aux Philippines et se concentra dessus. Le téléphone de Steve cessa de sonner, mais il savait que ce n'était qu'à cause du décalage horaire et que Charlie tenterait à nouveau de le joindre une fois le jour levé en Roumanie.
En effet, il reçut à nouveau un message en début de soirée qu'il ne lut qu'avant d'entrer dans une boîte de nuit à la recherche de leur suspect.
"Il faut qu'on parle."
Il n'avait pas eu besoin d'ouvrir le message pour le lire et pour que son cœur se fende en deux. Charlie lui en voulait, c'était certain et son mutisme n'aidait pas, mais il était au milieu d'une enquête très sensible où le temps était primordial, il ne pouvait se permettre d'en perdre maintenant pour rassurer son amant.
Danny et Steve s'accoudèrent au bar de la boîte de nuit, cherchant leur suspect des yeux et tout de suite reluqués par deux très jolies femmes.
"Il semblerait qu'on attire l'attention, commenta le blond en désignant les jeunes femmes qui leur firent coucou.
- Concentre-toi, s'il te plaît, concentre-toi ! le supplia Steve pas du tout dans le bon état d'esprit pour apprécier d'être courtisé.
- Attends, laisse-moi te poser une question…
- Vas-y.
- Deux très belles femmes nous font de l'œil et ça ne te fait pas réagir du tout ? Faut-il que je vérifie ton pouls ? T'es vivant ? Allô ?"
Agacé, Steve quitta le bar à la recherche de leur suspect, Danny le poussait dans ses retranchements, il n'avait pas envie de parler de son erreur, pas au milieu d'une enquête.
"Eh, attends, c'était quoi cette tête ?
- Quelle tête ?
- Ta tête d'enterrement ! Qu'est-ce que tu as aujourd'hui ?
- Tu imagines des choses, s'agaça Steve en déambulant dans les salles blindées de monde.
- J'imagine des choses ?
- C'est ça !
- Attends ! Attends une minute. Si j'en crois mes instincts de détective, il s'est passé quelque chose hier soir. J'ai raison ?
- Tu es perspicace, capitula Steve, déjà certain de le regretter.
- Merci.
- Regarde le charmeur à six heures, déclara Steve en repérant leur gars.
- C'est notre homme."
Danny laissa tomber la conversation au plus grand soulagement de Steve et ils allèrent s'occuper de l'homme. Malheureusement, celui-ci n'était qu'un intermédiaire et envoya l'équipe sur une mauvaise piste, au petit matin cependant, ils comprirent que les parents de la fille avaient dû oublier de leur parler d'une rançon demandée. Steve et Danny se rendirent sur le lieu où la voiture de l'ambassadeur était garée, mais ne surent où se rendre ensuite. Le militaire fit alors la seule chose qui lui vint à l'esprit, malgré la boule qui se forma dans son ventre, et appela Catherine. Il fit de son mieux pour ne pas lui donner d'espoirs, mais il entendait bien dans sa voix qu'elle espérait quelque chose entre eux. La jeune femme avait fait l'université militaire avec lui et était une bonne amie, jusqu'à la veille.
"Catherine ? Tu as été avec elle la nuit dernière, non ? lui demanda Danny qui était resté à côté de lui le temps de son appel.
- Mais quel grand détective tu fais !
- Oh, donc elle attrape les méchants pour toi, elle couche avec toi, est-ce qu'elle cuisine aussi ?"
Steve ignora la question et se concentra sur Catherine qui avait trouvé quelque chose, elle leur envoya l'adresse et les deux hommes se mirent en action sans perdre une minute. Ils furent rejoints par Kono et Chin et purent sauver la jeune fille.
Le soldat pensa qu'il allait enfin pouvoir souffler un peu et réfléchir à la manière dont il allait gérer sa vie personnelle, mais c'était sans compter sur Danny.
"Tu peux m'expliquer un truc ? demanda le blond quand ils furent seuls dans la voiture de Steve. Pourquoi tu tires la tête si tu as conclu avec Catherine hier soir ?
- Parce que c'était une erreur."
Son téléphone sonna à ce moment-là, coupant Danny dans sa prochaine question. Le soldat vérifia le numéro entrant et décrocha en lisant le nom de sa sœur, arrivée quelques jours avant.
"Oui, Marie ?
- Il y a un homme qui demande à te voir."
Steve eut l'impression qu'une tonne de pierres venait de tomber dans son estomac.
"Qui est-ce ?
- Il dit s'appeler Charlie. Tu le connais ?
- Oui, je le connais. Laisse-le s'installer s'il te plaît.
- OK, OK, attends, il veut…
- Steve…"
La voix grave et empreinte de tristesse de son amant le fit s'arrêter sur le bas-côté, la culpabilité se mit alors à le ronger.
"Sa-salut, bégaya-t-il. Il faut que je te laisse.
- Steve, tu ne peux pas continuer de m'ignorer."
Le reproche, mais surtout la tristesse qui passèrent à travers le combiné lui mirent les larmes aux yeux. Pourquoi avait-il fallu qu'il déconne ainsi ?
"J'ai encore du boulot, mais on parlera plus tard.
- Ne me force pas à venir à ton bureau."
La menace s'imprima en lettres claires dans l'esprit du soldat, il savait que son sorcier était tout à fait capable de le trouver où qu'il soit et qu'il le ferait s'il continuait à le mettre de côté comme il le faisait depuis la veille.
"Je te retrouve chez moi."
Steve raccrocha et se prit la tête entre les mains, il se sentait plus bas que terre, et retenait ses larmes de honte de couler.
"Steve ? la voix de Danny était calme, presque douce, compatissante. Charlie c'est bien le rouquin qui était à l'enterrement de ton père ?"
Le brun se contenta d'acquiescer pour lui répondre. Il savait déjà que son partenaire avait assemblé les pièces du puzzle et attendait sa réaction.
"Vous êtes ensemble depuis combien de temps ?
- Dix ans.
- Pfiou, ça fait un moment !"
Steve laissa un sourire en coin étirer ses lèvres, oui ça faisait un moment, et tous ses plus beaux souvenirs de vie étaient avec lui. En plus, il était soulagé que son coéquipier prenne la nouvelle de sa relation avec un homme si bien, ça l'aurait embêté que ça vienne gâcher leur relation, il aimait bien travailler avec Danny. Son sourire se fana, il avait envoyé sa relation avec Charlie à la poubelle avec ses bêtises.
"Et tu as couché avec Catherine hier soir ?
- Oui.
- Et tu as refusé de répondre aux appels de Charlie depuis ?
- Oui.
- Il doit être furieux."
Steve laissa échapper un petit rire amer.
"Qui ne le serait pas… Enfin bref, on a des rapports à écrire.
- Dans tes rêves, t'es vraiment qu'un tas de muscles sans cervelle, c'est pas possible !
- Quoi ? Qu'est-ce que j'ai fait ?
- Ton rapport va attendre ! Tu rentres chez toi et tu lui parles ! Plus tu attends, plus il va t'en vouloir !
- Et tu comptes t'inviter dans la conversation ?
- Non, mais je viens avec toi pour être sûr que tu ne te défiles pas à nouveau ! En route !"
Steve fit comme demandé, si même son partenaire s'y mettait, il n'allait pas pouvoir trouver refuge au bureau. Il roula donc jusque chez lui, tenté de faire le tour de l'île avant de s'y rendre, mais remis sur le droit chemin par le blond qui babillait sur son attitude et son incapacité à assumer.
Trop tôt à son goût, ils arrivèrent à destination. Steve salua à peine Marie et alla sur la plage où se découpait la silhouette large du dragonnier. Il rassembla tout son courage et marcha jusqu'à sa hauteur pour finalement s'asseoir à ses côtés dans le sable.
"J'étais sur un balai, en train d'essayer de calmer un dragon quand j'ai senti la pire douleur qu'on m'ait jamais infligée, c'était comme si mon cœur était déchiré en deux."
