Chapitre 19 : Présents de Noël, présents à Noël

Quelques mois après la disparition d'Astoria, le réveillon de noël fut sans éclat particulier au manoir Malefoy. Pourtant, l'émerveillement se lisait dans le regard de Delphini Black. A quatorze ans, cette gamine vivait clairement là son premier réveillon de noël. Son émotion fut encore plus grande le lendemain matin quand elle reçut des cadeaux qui étaient manifestement ses premiers cadeaux. Son préféré, celui qui lui fit pousser des cris de joie, était la salamandre de feu offerte par Albus. Cela rejoignait sa passion pour les Soins aux Créatures Magiques, seule matière dans laquelle elle se distinguait particulièrement. Pour une créature magique avec laquelle, en tant que Fourchelang, elle pouvait parler, sa passion se muait en véritable fascination.

Albus et Delphini avaient passé la plus grande partie de la journée de Noël couchés à plat ventre devant la cheminée du salon à regarder Fabula, ainsi que sa nouvelle propriétaire avait baptisée la salamandre, se baigner dans les flammes. Lucius n'avait pas manqué de me chambrer.

« Ta future belle-petite-fille ? » avait-il murmuré à mon oreille d'un ton provocateur

« Attends un peu que je te présente la tienne, j'en connais un qui va moins rigoler ! » avais-je grommelé en retour en fixant Scorpius assis à côté des deux autres et plongé dans le livre « Tout ce que vous devez savoir sur le Quidditch ! » dont Albus lui avait fait cadeau pour qu'il puisse nourrir ses conversations avec Rose Granger-Weasley, grande fan de quidditch

« Qu'est-ce que tu racontes ? » s'était inquiété Lucius

« Rien. » avais-je répondu, tant l'idée qu'il puisse se retrouver un jour en présence de la gryffondor qui faisait battre le cœur de son petit-fils me paraissait farfelue

Cependant, le lendemain de Noël, Scorpius informa ses grands-parents qu'une « amie de l'école » allait venir passer l'après-midi avec Delphini, Albus et lui.

« Qui ? » avait interrogé Lucius en se retournant vers Drago qui était manifestement au courant

Il n'avait pas encore obtenu de réponse quand Rose Granger-Weasley avait débarqué par la cheminée. En dépit de son air totalement halluciné, le chef de la Maison Malefoy ne prononça pas le moindre mot quand Scorpius fit les présentations. Mais j'étais bien placé pour comprendre la raison du silence de Lucius. Drago qui s'était glissé derrière son père, avait discrètement sorti sa baguette en murmurant :

« Je vous jure que si vous dites quoi que ce soit, je vous transforme en nain de jardin et je vous envoie décorer un jardin moldu ! »

Avec l'accord de sa grand-mère, Scorpius entraîna Rose, Delphini et Albus vers la bibliothèque du manoir. Dès que les enfants eurent disparu, Drago baissa sa baguette.

« Mais enfin, mais enfin ... » haleta Lucius qui bleuissait

Je gageais qu'il avait oublié de respirer depuis l'apparition de Rose Granger-Weasley.

« Mais enfin, quoi ? » demanda Drago d'un ton glacial

« Mais, cette fille ! » éructa Lucius en cherchant en vain du regard un soutien du côté de Narcissa

« Cette fille, quoi ? » insista froidement Drago

« Mais c'est une sang-mêlé ! » termina son père

« Et puis après ? » s'insurgea Drago « Severus aussi. Albus aussi. Quant à Delphini, on n'en sait rien. Ça ne nous empêche pas de les recevoir. Scorpius est allé chez Arthur et Molly Weasley cet été, rien de plus normal que Rose vienne à son tour chez nous. »

« Il me semble bien t'avoir dit que je n'étais pas d'accord quand Scorpius s'est rendu chez les Weasley cet été. » rappela Lucius

« Il ne me semble bien pas vous avoir demandé votre avis avant de l'autoriser à y aller ! » répliqua Drago

« Mais je suis quand même chez moi et donc je reçois qui je veux ! » brailla Lucius faute de meilleur argument

« Que voulez-vous, Père ? » s'énerva soudain mon filleul « Que je déménage avec Scorpius ? »

« Bien sûr que non ! » s'affola immédiatement Lucius « Scorpius et toi êtes ici chez vous. »

« Dans ce cas, Scorpius peut recevoir ici les amis d'école qu'il veut. » trancha Drago

Tout divertissant que soit cet échange, je décidai d'abandonner les Malefoy père et fils à leur explication pour aller voir ce que fabriquaient les enfants. Mais j'avais à peine poussé la porte de la bibliothèque qu'Albus se leva pour venir à ma rencontre et ressortir avec moi. Une fois dans le couloir, il me proposa un petit duel dans les sous-sols du manoir que Lucius appelait pompeusement « mes cachots ». Bien que conscient que le gamin cherchait avant tout à m'éloigner de la bibliothèque, j'acceptai.

En me dirigeant vers les sous-sols, je réfléchissais à la visite de Rose Granger-Weasley. Il était peu probable qu'elle ne soit venue chez les Malefoy que pour les beaux yeux de Scorpius. Pas plus que dans le but de faire mourir Lucius d'une crise d'apoplexie. Non, il avait fallu une raison impérative pour pousser la fille de la Ministre de la Magie à se rendre dans une famille longtemps considérée comme infréquentable dans le monde sorcier. Si un motif impératif avait guidé sa démarche, ça ne pouvait être qu'en lien avec ce secret qui unissait ces quatre gamins, ainsi que le louveteau de Lupin et son amie de Serdaigle, Victoire Weasley. J'aurais donné cher pour savoir de quoi il s'agissait.

Trop absorbé dans mes réflexions, je payai rapidement le prix de ma distraction quand, au premier sort d'Albus, ma baguette me sauta des mains. Je la récupérai promptement avant que le gamin ait le temps de la faire venir jusqu'à lui. Un duel serré s'engagea entre les piliers du sous-sol. Nous avions limité la liste des sorts susceptibles d'être utilisés pour ne pas nous faire mal. Je voulais surtout qu'Albus puisse travailler sa puissance et sa précision. Du coup, nous nous donnions à fond et les sortilèges volaient dans tous les sens. C'est alors que Lucius qui avait manifestement fini de s'expliquer avec Drago, passa la tête par la porte avant de la retirer prudemment.

« Tout le monde est décidément devenu fou dans ce manoir ! » s'écria-t-il de derrière la porte

« Pas tenté par un petit duel avec nous ? » lancai-je sans perdre de vue Albus qui essayait de me prendre à revers

« Sûrement pas ! » répondit-il d'une voix déjà lointaine « Je sais trop bien contre qui se ferait la coalition ! »

C'était du Lucius Malefoy tout craché. Nombreux étaient ceux qui s'étaient étonnés qu'il soit encore vivant et libre à la fin de la guerre. Je n'étais pas de ceux-là. La plus grande force de Lucius s'était sa lucidité, sa capacité à juger d'un seul coup d'œil une situation. Cela lui avait toujours permis de savoir quand il fallait se battre ou quand il valait mieux fuir, et quand il était urgent de retourner sa veste. Peut-être la plus importante des qualités pour survivre dans une période troublée.

La volonté d'Albus de s'entraîner au duel dépassait largement le fait de détourner mon attention de ce que faisait ses amis dans la bibliothèque des Malefoy. J'en eus la preuve la semaine suivante. Une fois rentré chez nous, il ne cessa de m'en réclamer et passa une grande partie du reste du temps à s'entraîner tout seul sur le mannequin. J'avais également connu des périodes de ma vie pendant lesquelles je m'étais entraîné au combat avec une semblable application. Mais à cette époque, je me préparais pour une guerre. D'où mon inquiétude de ne pas savoir à quels combats essayait de se préparer le gamin.

Je fis quelques potions avec lui dans l'espoir de faire naître une situation qui l'amènerait à se confier. J'avais le parfait prétexte de vouloir tester le cadeau qu'il m'avait fait à Noël, un serpent métallique qu'il avait transformé en thermomètre à potion et qui était gradué en fonction des potions les plus courantes. Arthur Weasley aurait sans doute objecté qu'il s'agissait du détournement d'un objet moldu. Pour ma part, j'y voyais surtout un enchantement très réussi. Grâce à cette activité, je crus à plusieurs reprises qu'il allait me parler, mais au dernier moment il finit toujours par se raviser et se taire.

L'acharnement d'Albus à s'entraîner au duel n'était pas mon seul sujet d'étonnement voire d'inquiétude, il y avait aussi ses lectures. Nous nous étions réfugiés dans mon bureau pour passer les soirées, le salon restant un terrain miné puisque les éclats de voix des portraits de famille continuaient à s'en échapper de façon sporadique. Quelle ne fut pas ma surprise le premier soir après notre retour au manoir des Prince de le voir arriver dans le bureau avec un livre portant sur les malédictions. Et pas n'importe quel livre, un vrai manuel pour apprendre comment en lancer efficacement. Nos ancêtres avaient décidément réuni une bibliothèque vraiment passionnante ! Même si je n'avais pas voulu faire de la magie noire un tabou entre nous, je ne pus m'empêcher de lui faire une réflexion :

« Etonnant choix ! »

Il n'était tellement pas mal à l'aise à l'idée de lire ça devant moi qu'il se méprit sur le sens de ma remarque.

« Les autres étaient en runes, Grand-père. » m'expliqua-t-il tranquillement en s'installant à côté de moi sur le canapé

Il croyait que je m'étonnais juste du choix du livre et non du choix du sujet. Et moi, j'imaginais la tête de son père, s'il voyait son fils avec ce livre dans les mains. Je n'étais même pas sûr qu'Harry ait étudié de pareilles choses au cours de sa formation d'auror.

« Tu envisages de maudire quelqu'un ? » me renseignai-je sur un ton léger « Tu sais quand même qu'il s'agit d'une magie interdite ! »

« Que ce soit de la magie interdite, ça n'empêche pas de l'étudier, puisque nous travaillons ensemble sur l'Imperium. » remarqua-t-il

« Nous travaillons sur l'Imperium pour que tu apprennes à y résister. Malheureusement, il n'y a pas de solution pour résister à une malédiction. » expliquai-je

« Justement, c'est ce que je voudrais comprendre. Comment ça marche ? Comment ça peut se transmettre dans une famille de génération en génération sans que ce soit possible de l'empêcher ? » s'écria-t-il

« Tu penses à la mère de Scorpius. » avançai-je

Il acquiesça. J'étais rassuré de comprendre la nature de sa préoccupation, même si je réalisai après coup que j'aurais dû creuser davantage la nature de ses motivations. Sur le moment, en bon serpentard, je ne songeais qu'à négocier :

« Même si je ne suis pas un spécialiste du sujet, je pourrais peut-être te raconter ce que je sais sur les malédictions, en faisant une partie d'échecs. Ça t'en apprendra sans doute plus que ce livre que tu vas avoir d'autant plus de mal à lire qu'il est écrit en anglais du 16ème siècle. »

Albus soupesa la question un court instant, puis posa son livre. D'un mouvement de baguette, je fis venir devant nous un plateau de jeu d'échecs sorciers. Pendant que la partie s'engageait, j'essayais de lui donner quelques éléments de réponse, sans lui raconter trop d'horreurs.

« D'abord, les malédictions sont des sortilèges très compliqués à lancer … » commençai-je

« Un peu comme les sortilèges impardonnables ? » m'interrompit-il

« Disons que ça nécessite la même volonté de nuire, mais qu'il s'agit d'une magie beaucoup plus complexe, car le sortilège à utiliser dépend de l'effet que l'on veut obtenir, de la personne à laquelle on le destine et même de la personne qui le lance. » expliquai-je

« Et quand il est bien choisi, un simple sortilège suffit-il à créer une malédiction qui se reporte sur les descendants de la personne qui a été maudite ? » demanda-t-il

« Non, ce n'est pas si simple. D'après les lectures que j'ai pu faire, il faut associer aux sortilèges des actes de magie noire très graves, comme le sacrifice de créatures magiques parmi les plus pures. » murmurai-je si comme l'allusion à une telle magie ne pouvait se faire qu'à voix basse

« Comme des licornes ? » murmura-t-il en écho.

« Comme des licornes. » confirmai-je

Le sentant inattentif, son fou refusa carrément de bouger de sa case pour aller prendre mon cavalier quand Albus le lui demanda. Il resta planté au milieu de sa case les bras croisés en faisant non de la tête. Le gamin n'insista pas et joua sa tour qui se déplaça en soupirant, pendant que sa dame lui disait qu'il aurait mieux fait de jouer un cavalier. Malgré ou à cause des conseils des pièces blanches avec lesquelles il jouait, Albus perdit plus vite que d'habitude sans en être manifestement très affecté. Clairement, il avait l'esprit ailleurs. Il finit par monter dans sa chambre pour dit-il « envoyer un hibou à Scorpius avant de se coucher ». J'en profitai pour récupérer adroitement le livre sur les malédictions en lui proposant d'aller le ranger à sa place dans la bibliothèque.