Chapitre 20 : 12 Square Grimmaurd

Les vacances de noël furent suivies de deux semaines parfaitement calmes. Rien ne venant étayer mes inquiétudes, j'avais presque fini par croire moi-même que le rapprochement des six gamins n'avait pas de raison vraiment grave et que mes principaux soucis du moment concernaient la légère avance de Serdaigle sur Serpentard à la Coupe des Quatre Maisons et le manque de rapidité des batteurs de notre équipe de quidditch, alors que le match contre Poufsouffle approchait. Ramolli par cette impression de tranquillité, je devais presque me forcer pour houspiller tous les crétins qui encombraient mes classes, suffisamment fort pour avoir une chance de faire rentrer quelques connaissances dans ces crânes obtus.

C'est ainsi que lorsque Minerva réunit un dimanche matin les directeurs de Maison autour du petit déjeuner, et après avoir fait l'effort de pester contre les élèves, j'écoutais d'une oreille peu attentive la suite de la discussion. Chourave était en train de se plaindre des deux hyppogriffes d'Hagrid qui avaient abimé l'une de ses serres pour la seconde fois, quand une apparition me sortit brutalement de ma torpeur. Un patronus de serpent, le serpent d'Albus, venait de traverser le mur et se dirigeait vers moi. Sans même m'en rendre compte, je m'étais levé avant même que le serpent ait ouvert la gueule pour dire avec la voix d'Albus « 12 square Grimmaurd, venez vite ! ».

En levant les yeux, je vis que Lupin était debout lui aussi. Ignorant les exclamations de surprises et les questions de Flitwick et de Chourave, je me tournais vers McGonagall.

« Allez-y ! Tous les deux ! » s'écria-t-elle alarmée en désignant sa cheminée d'un geste de la main

« 12 square Grimmaurd ! » hurlai-je en jetant une poignée de Poudre de Cheminette

J'avais heureusement ma baguette à la main en surgissant de la cheminée du salon du 12 square Grimmaurd, car j'arrivai en pleine bataille. Alors que je lançai un Protego pour m'abriter des sorts qui volaient dans tous les sens le temps de comprendre ce qui se passait, Lupin surgit derrière moi. Le loup-garou poussa un juron en apercevant la scène qui se déroulait devant nous. D'un côté de la pièce les six gamins qui cherchaient à se protéger derrière un énorme buffet en bois massif, cinq produisaient ou tentaient de produire des Boucliers pour échapper aux sorts de leurs adversaires, pendant qu'Albus créait et envoyait sur leurs adversaires des serpents de feu pour les maintenir à distance. Au moment même où nous débarquions Lupin et moi, il venait de réussir à conjurer également un magnifique serpent de fumée qui vint engloutir l'un des trois adversaires en question, celui-ci se mit à hurler de terreur. Le serpent de fumée enseigné par Salazar Serpentard à Albus était donc bien un serpent de peur.

Mais ce qui était le plus déconcertant, c'était l'apparence des trois adversaires des gamins, puisqu'il y avait là deux autres Teddy Lupin et une autre Victoire Weasley ! C'était sans doute la raison des imprécations que le loup-garou continuaient de lancer dans mon dos, ses cris les firent se tourner vers nous et déterminèrent leur fuite. Les deux autres attrapèrent les bras de celui qui continuait à hurler de peur, et tous trois transplanèrent dans un pop sonore.

Dans le salon du 12 square Grimmaurd, nous n'étions plus que les six gamins, Lupin et moi. Lupin était fou de rage comme je n'avais pas le souvenir de l'avoir jamais vu. Avec l'extrême peur qu'il avait dû ressentir pour son fils, il peinait manifestement à dominer la violence qu'il devait à sa nature de loup-garou. Cette situation m'obligea paradoxalement à garder mon calme et à ne pas me laisser aller à la colère que je ressentais moi aussi.

« Mais qu'est-ce que vous avez fabriqué pour vous retrouver dans une situation pareille ? » tempêtait le directeur de la Maison Gryffondor « Je vous jure que je vais vous faire passer le goût des escapades du dimanche matin. Nous rentrons à l'école et vous allez venir vous expliquer dans le bureau de notre Directrice ! »

Devant l'air furieux et le ton furieux de leur Professeur de Défenses contre les Forces du mal, tous les gamins se serraient les uns contre les autres et Fabula qui avait commencé à sortir la tête de la poche de Delphini Black, replongea tout au fond. Quant à Teddy Lupin, il tentait de se dissimuler derrière Victoire Weasley, ce qui n'était guère facile vu qu'il la dépassait d'une demi-tête. Bien que n'ayant pas l'air beaucoup plus rassuré que les autres, Albus osa répondre à Lupin :

« Non ! On ne peut pas repartir d'ici maintenant. »

« Je crois que nous ne nous sommes pas bien compris Monsieur Potter. Ce n'est pas une proposition. C'est un ordre ! » cria le loup-garou

Bien qu'un peu tremblant Albus tint bon :

« Si nous repartons d'ici sans avoir trouvé les maillons, les agressions vont continuer ! »

Je décidais d'intervenir avant que Lupin se remette à brailler :

« Mais de quoi parler vous Monsieur Potter ? »

Mais Albus n'eut pas la possibilité de me répondre, car des vociférations nous parvinrent depuis le palier.

« Sortez d'ici infâmes déchets, sang-mêlés et autres pourritures qui déshonoraient par votre présence la demeure de mes ancêtres ! » hurlait Walburga Black depuis son portrait

« La mère de Sirius Black ! Mais c'est elle qui peut savoir où ils sont ! » s'écria Rose Granger-Weasley tellement excitée par son idée qu'elle semblait avoir oublié les cris et les ordres de son directeur de Maison

« Tu crois vraiment ? C'est juste un portrait ! » répondit Scorpius Malefoy d'un ton dubitatif

« Oui, mais son portrait peut avoir conservé sa mémoire. Si ses souvenirs sont intacts, elle pourrait effectivement orienter nos recherches. De toutes façons, on ne risque rien à lui demander. » remarqua Victoire Weasley

« Rien à part de nous faire insulter. » observa Teddy Lupin en emboîtant le pas des autres qui avaient déjà pris la direction du palier

Je me retrouvais seul dans le salon avec le loup-garou tellement sidéré d'être ainsi ignoré par les six garnements que sa colère était retombé d'un coup. Je me serais bien moqué de lui, mais la réalité m'obligeait à constater qu'ils ne faisaient pas beaucoup plus de cas de moi. Bien forcé de les suivre, je me promis qu'ils ne perdaient rien pour attendre.

« Sales morveux, comment avez-vous osé vous introduire frauduleusement dans ma demeure ? » s'époumonait le portrait qui ajouta en nous apercevant Lupin et moi « Et je vois que vous êtes venus en répugnante compagnie, avec cette créature immonde et ce sale sang-mêlé qui a lâchement trahi le Seigneur des Ténèbres. »

« Une chose est claire : sa mémoire est intacte. » grommelai-je entre mes dents

Teddy Lupin lui répondit sur le ton de la colère :

« D'abord, je vous interdis de traiter mon père créature immonde ! Ensuite, nous sommes ici chez nous Delphini, Scorpius et moi, car Harry Potter nous a fait donation de cette maison. »

« Ça ne vaut rien, vous n'êtes pas ici chez vous ! Harry Potter ne pouvait pas vous en faire la donation. Cette maison, demeure de mes ancêtres, appartient aux membres de la noble et très ancienne Maison de Black et à eux seulement ! » brailla Walburga Black à s'en écailler la peinture

« Justement, c'est parce que nous descendons des Black nous aussi qu'Harry Potter nous a transmis cette maison. Delphini est la fille de Bellatrix Black, Teddy est le petit-fils d'Andromeda Black et moi, je suis le petit-fils de Narcissa Black. » tenta Scorpius d'un ton conciliant

« Scandaleux ! Descendance indigne ! Les effacer toutes de la tapisserie ! » s'égosillait Walburga Black tellement hors d'elle qu'elle n'arrivait plus à faire de phrases

« Descendance indigne, vous exagérez. » remarqua Rose Granger-Weasley « D'ailleurs, Scorpius est un sang-pur, je ne vois pas ce que vous lui reprochez. »

« Traitre à son sang ! » reprit le portrait, la voix éraillée à force d'avoir crié

« Bon, écoutez Madame Black, je vous garantis que nous avons mieux à faire le dimanche matin que de venir nous disputer avec vous. » intervint soudain Albus indifférent au fait que Walburga Black écarlate enflait comme un crapaud-buffle « Il se passe des choses graves dans la noble et très ancienne Maison des Black, comme vous dites. Et pour une fois vous pourriez peut-être vous rendre utile. Scorpius, Delphini, sortez vos maillons pour les lui montrer. »

Delphini Black tira sur une chaîne cachée sous ses vêtements pour faire apparaître l'objet qui y était suspendu, une sorte d'anneau oval de deux ou trois centimètres de long qui semblait avoir été taillé dans une pierre d'un noir brillant, de l'obsidienne peut-être. Scorpius Malefoy sortit de sa poche exactement le même objet.

« Misérable vermine, comment osez-vous vous adresser à moi en ces termes ? Et vous, honte de ma race, comment osez-vous porter des porte-bonheurs réservés aux Black dignes de notre nom ? » tempêta Walburga Black

Au milieu des insultes lancées par le portrait une seule chose sembla retenir l'attention des enfants.

« Des porte-bonheurs ! Vous n'êtes pas sérieuse ! » s'écria Teddy Lupin

« Ou alors, vous ne savez même pas la vérité. » s'interrogea Scorpius

Je retins mon souffle pour me continuer à me faire oublier des gamins, car j'avais l'impression que les révélations sur ce qui se tramait depuis des semaines, étaient proches. Je notai que le loup-garou adoptait la même attitude que moi, sans doute dans le même but.

Le temps que je me fasse ces réflexions, Albus s'était retourné vers le portrait vide qui faisait face à celui de Walburga Black.

« Phineas Nigellus Black, pourriez-vous venir s'il vous plaît ? » appela-t-il

« Comment osez-vous convoquer mon ancêtre dans sa propre demeure ? » râla la mégère

Je fus moi-même surpris de voir l'ancien Directeur de Poudlard déférer à l'invitation.

« Bonjour tout le monde ! Jeune Albus, j'ai cru vous entendre m'appeler, auriez-vous besoin de moi ? » commença-t-il affable comme s'il s'agissait d'une visite de courtoisie et d'une conversation de salon

Je fus également surpris qu'il connaisse les six enfants et ne s'étonne pas de les voir ensemble bien qu'ils appartiennent à différentes Maisons. Pour un portrait qui passait la plupart de son temps à dormir à Poudlard dans le bureau directorial où il était retourné après n'avoir pas su empêcher un cambrioleur de rentrer chez les serpentards, je le trouvais plutôt bien renseigné.

Mais Albus n'était pas vraiment d'humeur à faire des mondanités :

« Alors vous ne leur avez jamais dit la vérité, à vos descendants ! » s'exclama-t-il

« Mais de quoi parlez-vous jeune homme ? » demanda Phineas Nigellus Black d'un ton badin

« Vous savez bien de quoi je parle ! Des maillons noirs ! » répliqua Albus d'un ton irrité

« Mais qu'insinue ce garçon à propos de nos porte-bonheurs familiaux ? » intervint Walburga Black

L'ancien Directeur de Poudlard hésitait manifestement à répondre.

« Vous lui dites ou vous préférez qu'on aille en discuter devant Salazar Serpentard et Ophis ? » le menaça Albus à mots couverts

« Non, bien sûr que non ! » répondit Phineas Nigellus Black visiblement alarmé « Mais, en fait, je ne sais pas grand-chose. »

« Mais de quoi parlez-vous à la fin ? » s'insurgea Walburga Black

L'ancien directeur de Poudlard soupira :

« Walburga, ma chère enfant, il est possible que les objets dont nous parlons ne soient pas tout à fait des porte-bonheurs, mais … »

« Mais comment pouvez-vous dire une chose pareille ? » le coupa Walburga Black « Père me l'a toujours affirmé. »

« Votre père n'en savez rien, Walburga. » l'informa Phineas Nigellus Black « Moi-même, je ne l'ai compris qu'en surprenant une conversation entre mon père et mes oncles. »

Pour une fois, pour la première fois depuis que j'avais eu la malchance de croiser son portrait, Walburga Black resta muette, ses yeux peints fixés sur le portrait de son ancêtre.

Voyant que tout le monde attendait qu'il continue, Phineas Nigellus Black poursuivit :

« D'après ce que je sais chacun de ces maillons constitue en fait une … une partie d'un … d'un problème familial qui a pour nom : « Opes ac dolor ». »

Opes ac dolor, « la richesse et la souffrance », traduisis-je pour moi-même en rassemblant mes souvenirs de latin.

« Mais qu'est-ce que vous voulez dire par « un problème familial » ? » insista Walburga Black

Voyant que Phineas Nigellus Black ne semblait pas disposer à aller jusqu'au bout de ses révélations, Scorpius Malefoy répondit sa place :

« Une malédiction ! Opes ac dolor, c'est la malédiction des Black. »