Il y avait, malgré tout, une personne de son passé que Sabo ne voulait vraiment pas rencontrer we sitôt. Lui envoyer un message pour l'informer de sa survie, peut-être. Voire même un appel d'escargophone s'il se sentait d'humeur assez généreuse. Certainement pas une confrontation face à face. Alors oui, peut-être qu'il craignait en effet toujours un peu l'homme au fond de lui. Mais à raison.
Garp était TERRIFIANT.
Le destin ne semblait cependant pas être du même avis.
Après leurs visites, Ace et Sabo reprenaient leur route pour rentrer respectivement au Moby Dick et à Baltigo. Ils faisaient alors escale sur une île de Grande Line, l'une des dernières avant que leurs chemins ne se séparent de nouveau inévitablement. Ce petit périple entre frères leur avait été très bénéfique, en profitant pour se rattraper après ces années l'un sans l'autre. Dommage que Luffy n'ait pas pu les accompagner, tenu par ses propres obligations de capitaine, son envie de découvrir le monde de lui-même tout en renversant quelques Grands Corsaires dans son sillage. Sabo avait reçu un appel particulièrement intéressant de Koala à propos d'Alabasta et Crocodile. Les grands bouleversements de puissance étaient étudiés de près par les révolutionnaires. Encore plus quand cela concernait un tout jeune capitaine apparu depuis moins de deux mois. Et qui d'autre que leur benjamin pouvait être derrière ce désastre ?
Les deux aînés en étaient si fiers.
Mais le voyage touchait à sa fin, il était bientôt temps de se séparer.
Honnêtement, le duo infernal n'avait pas exactement prévu de faire du grabuge sur cette île. Mais tout comme les bases marines s'écroulant mystérieusement après le passage de Sabo, ce genre de choses arrivait parfois. Surtout après un petit microscopique incendie accidentel. Il blâmait Ace pour cela. Ses flammes, ses responsabilités. Bien que l'idée de tester leurs capacités par un combat "amical" aussi proche de bâtiments pouvait ou non venir du blond.
C'est pourquoi ils se retrouvaient poursuivis par tout un bataillon de marines très mécontents à travers la ville. D'un commun accord, ils décidèrent de fuir plutôt que de se battre, ayant déjà attiré suffisamment d'attention indésirable. Le fait que Marineford ne se trouvait qu'à quelques îles de distance constituait également un argument de poids. Ils n'avaient absolument pas prévu de rencontrer un amiral aujourd'hui, merci bien.
Toujours est-il qu'ils devaient maintenant partir, et vite.
Gardant une main sur le chapeau pour ne pas qu'il s'envole avec leur vitesse, ils déboulaient à toute allure en direction de leur embarcation amarrée dans un coin tranquille, au bout d'un petit pont de bois. Heureusement, ils avaient déjà semé la plupart de leurs poursuivants. Les cris se faisaient de plus en plus lointains, jusqu'en devenir incompréhensibles avec la distance. Un regard jeté en arrière les assura qu'il y avait suffisamment d'avance.
Du moins, jusqu'à ce qu'un obstacle se dresse en travers de leur chemin. Un obstacle de près de trois mètres de hauts pour plus de 200 kilos de muscles. Et très humain. Il ne leur fallu qu'une fraction de seconde pour que l'effroi ne les submerge.
-Merde, le vieux ! couina Ace.
Dans un nuage de poussière, ils freinèrent des quatre fers à quelques mètres seulement du colosse.
Le marine semblait tout aussi surpris de ce face à face inattendu. Tous se figèrent et il sembla un instant que même les oiseaux cessaient de chanter pour retenir leur souffle.
-Morveux ! Toujours en train de faire le délinquant à ce que je vois !
Sabo se fit petit et essaya de s'éclipser discrètement avant d'être repéré. Il avait une chance de s'en tirer, tant que sa résurrection restait encore inconnue. S'il se jetait derrière ce rocher et sprintait jusqu'à la plage avant d'être vu, alors...
Ace le ramena d'une traction impitoyable sur le col de sa veste.
-N'en profite pas pour te faire la malle, siffla-t-il furieusement.
-L'un d'entre nous doit survivre. Tu es déjà sans son collimateur, tu peux bien te sacrifier pour moi, supplia Sabo en patinant sur le sol alors se débattait.
-Ne me laisse pas seul, lâche ! Tu dois m'aider à faire diversion !
Garp ignora leur petit conciliabule et s'avança d'un pas, menaçant. Son poing brillait déjà de haki.
-Ace, j'ai entendu dire que tu manigançais désormais avec ce voyou d'Edward Newgate ! Tu vas quitter son équipage et rejoindre la marine !
Le commandant, parce qu'il n'avait jamais su comment faire profil bas, s'emporta immédiatement devant l'ordre :
-Dans tes rêves, grand-père merdique ! Je mourrais avant de trahir Oyaji !
-Ça t'arrivera bien assez tôt si tu t'entêtes sur cette voie dangereuse !
Ace resserra son emprise sur le col de son frère et grinça des dents, borné. Ils avaient eu suffisamment de fois cette discussion pour que les prochains mots sortent automatiquement de la bouche de Sabo, en écho à ceux du pirate.
-Une courte vie pleine d'aventures vaut mieux qu'une éternité sans liberté !
Le révolutionnaire avait gardé sa voix basse, en un chuchotement à peine audible. Pas assez, apparemment. Le regard impitoyable du vieil homme finit par se poser sur lui et il redoubla soudain d'efforts dans sa tentative d'évasion.
-Et toi...
Il toisa Sabo de haut en bas. Un de ses sourcils se redressa, abandonnant un instant son attitude menaçante. C'était la plus honnête expression de surprise qu'il ait jamais affiché.
-Je te connais toi.
Ce n'était pas une question. Mais personne ne pouvait blâmer le révolutionnaire de tenter le coup, tout en essayant de se dissimuler derrière son chapeau.
-N... Nooon ? C'est la première fois que nous nous rencontrons Monsieur ?
Essayer de changer sa voix ne servit qu'à le rendre encore plus suspect. Un effort inutile lors qu'elle ne correspondait plus du tout à son timbre enfantin depuis quelques années déjà, s'approfondissant alors qu'il grandissait.
-COMME SI J'ÉTAIS INCAPABLE DE RECONNAÎTRE UN DE MES PETITS FILS ! NE ME CROIS PAS DÉJÀ SÉNILE SALE GAMIN ! cria Garp.
Puis il sembla brutalement se calmer, un air heureux assez dérangeant prenant place sur son visage. Cette résurrection inattendue réussissait à toucher le cœur de pierre du marine colérique ?
-Attends... Je n'ai jamais vu tes affiches de prime. Tu... n'es pas un pirate ?
... Il aurait dû s'en douter. C'est comme si le ciel venait d'exaucer le vœu le plus cher du vieil homme. Sabo se hâta de secouer frénétiquement la tête, plein d'espoir. Peut-être était-ce là un voie miraculeuse de Salut s'ouvrant devant lui. Au loin, il entendait les cris des marines les poursuivant qui rattrapaient peu à peu leur retard. Ils allaient devoir faire vite avant que les gêneurs ne les retrouvent.
-Non, pas la moindre once de piraterie ici. Promis, juré !
Pour renforcer ces mots, il porta une main à son cœur, brillant de sincérité. Une parfaite image de la plus pure innocence incarnée. Bien sûr, Ace dut ruiner cela.
-Tsk. Évidemment, il a préféré rejoindre les révolutionnaires.
Sa maigre chance de s'en tirer s'effrita comme un château de sable sous un tsunami. Au moins son frère avait commodément omis de préciser son rôle de Chef d'État Major. Une bien piètre consolation, qui leur éviterait peut-être de mourir. Cependant cela suffit à de nouveau énerver Garp, une veine battant sur sa tempe.
-JE VOUS AI ÉLEVÉS COMME DES BONS MARINES POUR QUE VOUS REJOIGNEZ DES GANGS DE MALFAITEURS ?
Et bien, foutu pour foutu... Sabo se redressa et jeta la diplomatie au diable, un sourire narquois trônant sur son visage.
-Nous te sommes très reconnaissants d'avoir pris soin de nous... Tu sais, lors de ces deux fois par an où tu passais visiter pour nous pourchasser !
Ace tira la langue à leur grand-père, un doigts abaissant sa paupière.
-Peut-être qu'il fallait y penser avant de nous laisser vivre chez les bandits !
Le poing du vieil homme frappa le sol, créant une faille et une pluie d'éclats de roche. Le duo échangea un regard mi satisfait, mi terrifié devant la démonstration de force brute. Le moment était venu pour le plan B.
Fuir.
Ils se dispersèrent, bondissant chacun d'un côté. L'adrénaline chantait dans leur sang alors qu'ils se promettaient d'un regard de se retrouver au bateau. S'ils survivaient.
Ace laissa ses flammes se répandre en une utopique barrière, obstruant la vue de Gramp. Et ils coururent comme si le diable était à leurs trousses. (Ils auraient préféré).
C'était comme toutes ces années auparavant dans le Mont Corvo, alors qu'ils fuyaient le grand-père en visite. La montagne était leur terrain de jeu, ils en connaissaient chaque recoins et virages, à la différence de cette île inconnue. Mais ici, le chemin était une ligne droite et leur vingtaine d'années leur conférait un nouvel avantage, grâce à une poussé de croissance et un physique bien plus entraîné que dix ans auparavant. Ils étaient jeunes et vigoureux. Sans compter que le vieil homme pouvait être fort mais moins rapide : l'âge jouait en sa défaveur.
Mais il ne fallait pas pour autant le sous estimer.
Ils esquivèrent de quelques millimètres les jets de pierres et les attaques. Ace atteignit le navire le premier, commençant déjà à défaire le cordage pour rejoindre la mer. Le révolutionnaire, un peu à l'arrière, jouait l'appât pour lui laisser le temps nécessaire.
Ace démarra à toute vitesse, s'éloignant de la terre ferme.
-SAB' ! cria-t-il en tendant la main.
Immédiatement, son frère sprinta à son tour vers le rivage, pourchassé par le colosse. Plus que quelques mètres. Quelques pas seulement.
Son pieds frappa fort le ponton de bois alors qu'il prenait appui, brisant la maigre infrastructure.
Et s'élançait vers le ciel.
L'atterrissage fut bien loin d'être gracieux, son corps percutant Ace ce qui manqua de les jeter par dessus bord. Mais au moins, ils étaient toujours en vie. Allongé sur son frère, Sabo se redressa sur les bras et ils se regardèrent, les yeux écarquillés et attentifs. Aucun bruit. Personne ne s'était jeté à la mer à leur suite.
Leur souffle haletant se transforma en sourire. Puis ils se mirent à rire hystériquement, alors que la tension nerveuse s'évaporait sous les cris des mouettes et des marines restés sur le rivage. Sabo se releva en premier, ricanant toujours alors qu'il tendait la main à Ace pour l'aider à son tour.
Ils se tournèrent tout deux vers la côte où le vieil homme les menaçait du poing, furieux.
-Bande de misérables gosses ! Dites à ces crapules de Newgate et Dragon que je leur ferai goûter mes poings s'il vous arrive quoi que ce soit !
Un sentiment chaud prit place dans la poitrine du blond. Gramp s'en souciait toujours autant à sa manière, même s'il prétendait le contraire.
-On se reverra papy merdique ! salua Ace.
Sabo agita vigoureusement la main en un signe d'au revoir. Son frère s'appuya contre lui, lourd alors que la fatigue de leur fuite prenait finalement le pas. Le blond comprenait parfaitement. Ils s'en étaient même tirés sans aucune blessure, ce que Sabo comptait définitivement comme un miracle.
-J'ai toujours su que tu étais son préféré, le taquina Ace en lui donnant un petit coup d'épaule.
Ils sourirent, frissonnant toujours d'adrénaline. Tout deux lâchèrent le souffle qu'ils retenaient, reliés par la conscience que Gramps les avait volontairement laissés partir.
Et si le retour de Sabo était le cause de cette petite miséricorde, ils n'allait pas s'en plaindre.
NDA : c'était donc le tout dernier chapitre de cette aventure entre frères, avec la rencontre de Garp ! Cela fera presque six mois que je poste chaque semaine, alors je vais prendre un peu de vacances... Mais je reviendrai bientôt pour de nouvelles histoires. Peut-être sur One Piece ou peut-être sur d'autres fandoms, alors si vous aimez mes fanfics on se reverra probablement un jour ou l'autre !
J'espère que vous avez apprécié et merci d'avoir lu jusqu'ici !
