Eddie se tourna sur le dos avec un soupire.

Il était peut-être trois ou quatre heures du matin mais il ne parvenait pas à dormir et, pour une fois, il ne pouvait pas blâmer les cauchemars. Pas qu'il s'en plaignait, cela dit. C'était épuisant de se réveiller en hurlant et de se rendre compte, une fois éveillé, que rien n'était réel.

Rien qui ne l'était toujours du moins.

C'était seulement sa tête qui ne pouvait pas s'arrêter de penser à tout ce qui s'était passé, à tout ce qui lui était arrivé, ces dernières années.

Il avait vraiment enchainé les merdes.

Sa petite amie du lycée, qu'il n'avait épousé que pour faire enrager ses parents, l'avait quitté un mois avant le terme de sa grossesse, disparaissant de sa vie pour toujours.

Pour être honnête avec lui-même, il l'avait mise dehors après qu'elle lui ait avoué ne pas savoir s'il était le père de son enfant, ou s'il s'agissait d'un type rencontré dans un bar, avec lequel elle avait eu une unique nuit de débauche.

Eddie n'avait pas supporter qu'elle ait pu le tromper mais il se rendait compte aujourd'hui de son hypocrisie. Il n'aimait pas Shannon, pas comme un mari était censé le faire, et il lui en voulait encore aujourd'hui d'avoir cherché de la tendresse dans les bras d'un autre.

Il se sentait surtout coupable de l'avoir jeté de sa vie, sans même savoir si l'enfant était de lui ou non. Shannon avait demandé le divorce deux jours plus tard et il était tellement en colère qu'il avait signé les papiers sur un coup de tête. Quoi qu'il soit advenu d'elle aujourd'hui, il l'ignorait totalement.

Et il se détestait pour ça.

Aujourd'hui, il avait les idées claires et il regrettait chacune de ses décisions. Il regrettait d'avoir signé ces putains de papiers, de l'avoir mise dehors sans même la laisser s'expliquer, et même de l'avoir épousé en premier lieu. Elle avait été sa meilleure amie et il l'avait banni de sa vie.

Quel genre d'homme cela faisait-il de lui ?

Il avait tout gâché et il se demandait si elle avait réussi à s'en sortir, si elle s'en sortait avec l'enfant. Et dire qu'il ignorait si c'était une fille ou un garçon.

Il s'était engagé pour fuir ce mariage qui ne lui convenait pas et, même si leur retrouvailles lors de ses permissions étaient toujours explosives, il savait qu'il ne l'aimait pas. Pas étonnant qu'elle ait cherché de la tendresse ailleurs.

Apres leur divorce, il s'était enrôlé une seconde fois et avait failli mourir. Il se souvenait d'avoir pleurer sa femme et son enfant perdus. S'il avait pris le temps de se calmer, il aurait élevé et aimé ce gamin, mais peut-être que ça les aurait tous détruit de faire semblant d'être une famille.

Quand il avait été rapatrié et remercié pour son service, il s'était retrouvé seul et sans avenir. Ses parents avaient pris soin de lui mais Eddie se sentait comme un échec. La physiothérapie avait été un enfer et il avait dû s'occuper de son SSPT.

Il avait vécu plusieurs mois difficiles et cumulé trois emplois pour pouvoir se payer l'académie de pompiers. Il en était ressorti diplômé mais il refusait d'exercer au Texas. Il devait s'éloigner de ses parents.

Il avait postulé dans plusieurs états avait reçu des offres d'emploi de New York, Chicago, Los Angeles et Portland. Il avait finalement opté pour Los Angeles pour la proximité avec son abuela et sa tia Pepa.

Le chef Alonzo lui avait assuré au téléphone qu'il avait plusieurs postes à lui proposer dans diverses casernes de la ville. Et Eddie avait choisi le 118 parce que c'était la caserne la plus proche de la maison de son abuela.

Il avait alors fait ses valises, emballant le si peu d'affaires qui lui restait après son divorce, et il avait pris la route dans sa vieille voiture.

S'éloigner de son passé décevant était la meilleure chose à faire et il essayait d'être confiant en l'avenir.

Tout irait bien, c'était un nouveau départ.

Personne ne le connaissait ici, excepté le si peu de famille qu'il y avait. Malgré tout, impossible de trouver le sommeil. Il décida de se lever et de commencer à débarrasser ses cartons, qui trainait ici ou là.

Puis, il se prépara pour son premier quart de travail. Il était nerveux et finalement, c'était peut-être pour ça qu'il n'avait pas vraiment dormit la nuit dernière.

Il passa voir son abuela pour qu'elle le bénisse pour cette journée. Eddie ne croyait pas à toutes ces sornettes mais ça rassurait son abuela et puis il lui avait promis.

Il se dirigea ensuite vers le 118.

Il fut accueilli par un homme asiatique de petite taille mâchouillant quelque chose d'indéfinissable.

– Diaz, je présume, lâcha-t-il en lui tendant la main.

– Je roule pour Eddie, l'informa-t-il en la lui serrant.

– Ok pour moi, dit-il en haussant les épaules comme si ça lui importait peu. Tout le monde m'appelle Chimney.

– Il y a une histoire derrière ça, je suppose, tenta-t-il dans l'espoir de détendre l'atmosphère.

– En effet, admit-il en lui jetant un œil. Mais ce n'est pas quelque chose que je raconterais pour briser la glace.

– Ok je comprends. Un autre jour.

– On verra. Le cap est en pleine transmissions. Il m'a demandé de t'accueillir. Les vestiaires son derrière toi. On t'a désigné un casier. Je te laisse te changer et je t'attends là-haut pour te présenter tout le monde.

– Ok.

Chimney le laissa et Eddie rejoignit le vestiaire.

Il repéra le casier comportant son nom et il l'ouvrit pour découvrir son uniforme, pendu à sa place. Il secoua la tête en se demandant s'il avait choisi la bonne caserne. Il avait trouvé l'accueil vraiment glacial.

Il avait été militaire, et même si ses supérieurs avaient toujours été rude, ils avaient toujours fait l'effort de l'accueillir. Il ne savait pas vraiment quoi penser de ce capitaine qui ne daignait pas faire l'effort de le présenter à ses nouveaux collègues, délégant la corvée à un subalterne qui n'était visiblement pas ravi de le faire.

Eddie avait l'impression qu'il avait perdu à la courte paille.

Il retira son t-shirt et le plia soigneusement pour le ranger dans son casier. Puis, il récupéra sa chemise LAFD et la passa avant d'entendra un sifflement appréciateur derrière lui, le faisant sursauter.

Il se tourna vers le jeune homme qui s'était installé contre le chambranle de la porte et qui le matais ouvertement avec un sourire en coin. Il était beau et c'était le moins qu'il pouvait dire. Grand, tout en muscles, blond, de magnifique yeux bleus, l'uniforme lui allait vraiment bien et il ne serait pas étonné qu'il soit la coqueluche de ses dames à chaque sortie. Avec lui, le mythe du pompier avait de beaux jours devant lui.

– On peut dire que tu sais y faire, s'amusa-t-il.

– Que... quoi ? balbutia-t-il.

– Ouais, je veux dire, faire un striptease au milieu du vestiaire dés son premier jour, c'était bien jouer. Je n'y ai jamais pensé. Tu es le nouveau de l'équipe A ?

– Je... Ouais Eddie, mais... je n'ai pas... je me changeais, je...

– Ok Eddie respire, lâcha-t-il en venant vers lui. C'était une blague destinée à te détendre. Je te sentais nerveux mais à croire que je ne suis pas doué pour ça.

– Oh, je... ok.

– Je suis Buck, au fait. Bienvenu au 118.

– Merci.

– Tu vas être bien ici. On est comme une grande famille.

– Et bien, j'ai hâte d'y être, railla-t-il en repensant à ce qu'il avait pu voir jusqu'à présent.

– Qu'est-ce que tu veux dire ?

– Désolé, je... C'est juste que je n'ai pas l'impression d'être le bienvenu. Le capitaine n'est même pas venu m'accueillir pour me présenter à l'équipe, il m'a juste envoyé un de ces hommes.

– Ouais, le cap, il est... très occupé en ce moment. Ce n'est pas contre toi mec mais l'un des nôtre est à l'hôpital. Coma depuis quatre mois.

– Oh !

– Ouais, tu arrives un peu au milieu d'un drame mais laisse-leur une chance, je te jure que c'est une super équipe.

– D'accord, sourit-il. Au moins, je me suis déjà fait un ami, enfin j'espère.

– J'espère aussi, répondit-il.

– Tu me présentes ?

– Je vais laisser ça à Chim, grimaça-t-il. Je suis mort, j'ai besoin d'une bonne nuit de sommeil.

– Attends, on n'est pas dans la même équipe.

– Désolé, mec je suis sur le quart B.

– Oh dommage.

– Je suis d'accord. Mais ne t'inquiète pas, tout se passera bien. Ils sont vraiment cool.

– Ouais, je n'en doute pas. Désolé, je viens d'arriver en ville et je ne connais personne, j'essaie de me refaire une vie sociale et je ne me souvenais pas que c'était si difficile.

– Je comprends, j'ai vécu ça et au début ce n'est pas facile. Tu sais quoi ? Si t'as un moment de libre pendant le quart, texte-moi, lâcha-t-il en prenant son téléphone posé sur la tablette de son casier pour y inscrire son numéro.

Eddie le regarda déverrouiller son téléphone avec un simple geste du doigt, amusé par le culot du jeune homme.

– Maintenant t'as mon numéro, sourit-il en le lui tendant. Et mec, verrouille ton téléphone mieux que ça, sinon n'importe qui peut avoir accès à tes informations personnelles et en savoir assez pour se faire passer pour toi. Tu sais combien de personne se font voler leur identité chaque année, rien que dans l'état de Californie ?

– Euh, beaucoup je suppose.

– Beaucoup trop, et crois-en mon expérience personnelle ça fait tout drôle quand tu te rends compte qu'un type se fait passer pour toi et fait n'importe quoi avec ton identité.

– Je veux bien te croire et tu me raconteras cette histoire, le prévint-il.

– Avec plaisir, sourit-il en posant son sac sur son épaule. A plus !

– Bonne nuit, le salua Eddie.

– Bon quart ! répliqua Buck en le saluant de la main.

Eddie soupira. Il était temps d'aller faire connaissance avec sesnouveaux partenaires.