Petit mot de l'auteure : Cette Fanfiction a été écrite dans le cadre du fest' organisé par FESTUMSEMPRA sur le thème « Pages Manquantes »
Murag était épuisée.
Fière, mais épuisée. « Donner la vie n'est pas simple », l'avait averti sa mère. « Et cela peut être dangereux ». Murag était bien placée pour savoir que son second avertissement était malheureusement exact. L'an dernier, une amie de longue date de Murag était décédée en donnant naissance à son cinquième enfant. Le petit avait heureusement survécu, mais la tragédie de qui avait accompagné sa venue au monde avait rappelé la cruelle réalité à Murag.
En apprenant qu'elle attendait un enfant, elle s'était donc soigneusement préparée. Elle avait parlé avec des mères, de la façon dont elle devait s'occuper de ce petit œuf puis du bébé. Elle avait ensuite repéré l'endroit idéal où le placer puis le veiller.
Quand le jour était venu, elle était donc aussi prête qu'elle pouvait l'être. Peut-être était-ce grâce à sa préparation, peut-être grâce à la chance – sûrement un peu des deux – mais tout s'était bien passé. Elle avait réussi à produire le plus magnifique œuf du monde. Et non, ce n'était pas parce que c'était le sien qu'elle le qualifiait ainsi. C'était, objectivement, le plus magnifique œuf du monde, et elle combattrait quiconque oserait soutenir l'inverse.
C'était donc épuisée mais fière que Murag avait placé son œuf sur la plage, le sable se fondait dans la jungle. Elle avait choisit cet emplacement car les grains offraient un nid douillet pour son nid, tandis que les palmiers étendaient une ombre bienvenue qui le protégerait du soleil. De plus, la vie était appréciable : de là où elle était, elle pouvait voir la mer monter et redescendre lentement au rythme des vagues. Ainsi, elle aurait quelque chose à admirer lors des longues journées qu'elle passerait à veiller son œuf.
Malheureusement pour elle, d'autres avaient aussi été attirés par la vue paradisiaque.
Ces autres, c'était des humains.
Murag ne détestait pas les humains, pas vraiment. Elle savait que certaines de son espèce les haïssaient franchement. Des tueurs d'enfant, des monstres, des dangers sur pattes..., tels étaient les mots généralement employés pour les qualifier. Murag, quant à elle, elle ne les remarquait même pas la plupart du temps. Ils constituaient pour elle de la viande plutôt fraîche, mais oubliable. Ce jour là, cependant, elle se méfia quand elle les vit arriver sur son coin de plage. En effet, ceux-ci n'avaient rien à y faire ; en dix ans, elle n'avait jamais vu d'humains s'aventurer aussi loin. C'était bien pour cela qu'elle avait choisit ce coin : pour sa tranquillité. Voir quelqu'un briser cette dernière ne la rassurait donc pas. La panique de Murag n'atteint toutefois son paroxysme que lorsqu'elle vit ce que les humains tenaient : de longs bâtons noirs d'où sortaient des piques acérées. Malgré la distance, elle n'eut aucun mal à reconnaître là les armes que certains humains avaient déjà utilisées contre les siens. Elle comprit ainsi que ce groupe n'était pas constitué de voyageurs égarés, mais de chasseurs.
Immédiatement, son esprit chercha une solution de fuite. En temps normal, elle aurait cherché à se défendre, sûrement à attaquer en première. Mais aujourd'hui était extraordinaire : aujourd'hui, elle était mère. Elle devait protéger son œuf. Et si recourir à une solution de lâcheté permettait de sauver son petit, alors elle le ferait.
Elle regroupa ainsi le peu de forces qu'elle avait pour attraper son œuf d'une patte tremblante.
Quand elle le toucha, tout alla très vite.
Les chasseurs se tournèrent vers elle. La remarquant, leur bouche se fendit d'un sourire cupide. Ils dévalèrent alors la plage en sa direction. Tant bien que mal, Murag se redressa, tentant de fuir aussi rapidement que possible, son œuf contre elle.
Elle n'avait fait que cinq mètres lorsque le premier sort l'atteint. Celui-ci fut si violent qu'il lui arracha une patte. Un grognement de douleur jaillit de ses lèvres, mais elle continua d'avancer, coûte que coûte.
- Mon petit... Maman est l...
Un second sort transforma ses derniers mots en un hurlement de douleur. Elle n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que les chasseurs étaient tout près d'elle ; en effet, elle discernait désormais ce qu'ils disaient.
- Tu as bien le matériel ? Il nous faut récolter sa salive maximum trois minutes après sa mort, sinon ça ne vaudra rien !
Alors c'était pour cela qu'ils allaient la tuer ? Pour quelques sous humaines ? Si encore ils voulaient nourrir leur propre famille, elle aurait pu le comprendre. Mais pour un peu d'argent ? C'était si... injuste. En entendant ces mots, elle eut envie de se révolter, de leur hurler toute l'erreur dans laquelle ils étaient, voir de les implorer ; elle ne pouvait pas mourir, pas aujourd'hui, pas alors qu'elle n'avait pas encore vraiment rencontré son enfant, pas alors qu'elle devait encore le protéger.
Toutefois, elle ne dit rien de tout cela. À la place, elle serra son œuf un peu plus, jusqu'à le placer tout contre son cœur. D'une voix qui se voulait la plus rassurée possible, elle lui murmura alors :
- Tout ira bien. Maman t'aime.
Quand l'arme noire plongea dans ses entrailles pour l'immobiliser, Murag n'eut presque pas mal. Son esprit ne parvenait qu'à penser à une seule chose : elle n'avait même pas réfléchit à un prénom pour son œuf. Quelqu'un de réaliste lui aurait que cela ne servait à rien de lui en donner un maintenant, étant donné qu'il allait sûrement la rejoindre dans très peu de temps. Néanmoins, l'idée de le laisser sans nom lui était insoutenable. Avec ses dernières forces, elle assembla les syllabes qu'elle aimait le plus, pour obtenir ce qui lui semblait être un nom digne de ce nom.
Et lorsqu'un sort vert la transperça, elle lança une ultime prière aux étoiles :
Que quelqu'un veille sur mon Aragog...
– – –
Rebeus Hagrid n'avait rien contre les chouettes.
Il s'agissait d'animaux en effet plutôt agréables en plus d'être utiles. Elles portaient les lettres et colis, donnaient de l'attention et de la tendresse, se souciaient de vous. Alors non, Rebeus ne les détestait pas. Au contraire, il les respectait.
Toutefois, il n'en était pas particulièrement fan. Il fallait dire que les chouettes, c'était plutôt... classique. Tous les élèves – ou presque – avaient des chouettes. Certes, il y avait bien quelques excentriques qui avaient amenés à Poudlard un crapaud ou un chat, mais tout de même, l'immense majorité avait bel et bien une chouette. Et cela ne s'arrêtait pas aux étudiants ! Il en était de même pour les professeurs. Ou pour tous les adultes sorciers qu'il connaissait. Si encore certains avaient recourt à des volatiles exotiques ou improbables, cela aurait pu être intéressant ! Rebeus aurait adoré voir un colibri porter un colis de dix fois son poids, ou un ara aux plumes d'un rouge écarlate survoler la grande salle ! Mais non. Il n'y avait que les chouettes. Ou des hiboux, à la limite. À la longue, c'était un peu lassant.
Quand il expliqua cela à son ami Patrick, celui-ci se contenta de lever les yeux au ciel.
- D'accord, tu as envie d'un animal qui change de l'ordinaire. Mais tu ne peux pas... je ne sais pas moi, te contenter d'adopter un renard ou un truc du genre ?
- Un renard, c'est...
- Oui, je sais, classique, on a comprit. Mais quand même. Je maintiens que tout ça est une mauvaise idée. Tu ne connais pas ces types ! Ils pourraient te jeter un sort dans le dos !
- Mais pas du tout !
Rebeus avait répondu avec la toute mauvaise foi du monde. Il fallait dire que tout passionné de créatures qu'il était, il devait bien admettre que rencontrer des sorciers qu'il ne connaissait au Chaudron Baveur pour parler de créatures n'était peut-être pas l'idée la plus géniale qu'il avait eu. Une petite voix dans sa tête lui répétait même qu'une rencontre en ce lieu ne présageait rien de très recommandable. Toutefois, son innocence et sa naïveté le poussait à croire que tout irait bien. Ces sorciers ne lui auraient pas donné rendez-vous dans un lieu publique si leurs actions étaient illégales, non ? En tout cas, il était hors de question de montrer à Patrick qu'il avait de quelconques doutes. Il insista donc, tant pour le convaincre que pour se convaincre lui-même, que tout irait bien. Pour toute réponse, son ami haussa les épaules.
- Écoute, si ils te tuent, tu ne pourras pas dire que je ne t'avais pas prévenu.
Ce fut avec ces paroles en tête que Rebeus poussa la porte du Chaudron Baveur. Aussitôt entré, l'odeur de la taverne lui donna envie de vomir. Il avait l'impression d'être dans la plaine d'un champ de bataille. Ils ne faisaient jamais le ménage, ici ? À en juger par la désolation ambiante, il était à peu près sûr qu'il n'en était rien : les tables étaient si sales, des tâches de graisses souillant un bois qui avait dû être noble à l'origine. Les quelques clients, assis sur de frêles tabourets, sirotaient leurs boissons dans des verres qui n'avaient pas dû voir un chiffon depuis le début de la guerre. Quant aux clients eux-mêmes, ils étaient si gris et moroses qu'ils semblaient parfaitement s'accorder dans cet univers de décrépitude âcre. Devant cette vision, il fut presque à deux doigts de partir en courant : ne valait-il pas mieux dépenser son argent de poche chez Zonko, comme tous les élèves autorisés à venir à Pré-au-lard ? Il chassa toutefois bien rapidement cette pensée. Il était venu pour quelque chose d'important, pas pour quelques bonbons !
Ravalant son courage – et sa lucidité – il se rapprocha de la table la plus proche de la fenêtre. Il n'était pas assis depuis deux minutes qu'un sorcier vint le rejoindre. Rebeus n'eut aucun mal à le reconnaître : il s'agissait du même homme qu'il avait rencontré un mois plus tôt, lors de sa première sortie à Pré-au-lard. C'était lui qui l'avait contacté, l'ayant entendu dire à Patrick dans les rues de la ville combien il rêvait d'adopter une créature fantastique. Le sorcier s'était alors approché de lui, très enthousiaste.
- J'ai en ma possession l'œuf d'une créature extraordinaire, exotique ! Une acromentule !
Rebeus n'avait jamais entendu parler de cette espèce, ce qui avait bien évidemment fait monter sa curiosité en flèche. Il avait expliqué à l'homme qu'il possédait de nombreuses économies qui lui venaient de son père récemment décédé.
- Je paierais ce que vous voulez pour l'avoir ! Avait-il juré tout feu tout flamme.
Il savait que pour mener une négociation, il ne fallait pas se montrer aussi désespéré ni intéressé. Toutefois, l'enjeu était si grand qu'il n'avait pu se retenir de promettre une somme conséquente. Somme qu'il n'avait bien évidemment pas ; enfin, pas vraiment. Disons que les Gobelins n'avaient pas vraiment accepté qu'il retire d'un coup 5000 gallions sans explications. Apparemment, ils avaient trouvé cela suspect pour un mineur de treize ans.
Rebeus était tout de même allé au rendez-vous, bien décidé à plaider sa cause – peut-être pouvait-il demander un remboursement sur trente ans ?
Toutefois, il n'avait pas dit un seul mot que le sorcier plaça l'oeuf devant lui.
- Il est à toi.
Là, Rebeus aurait dû réagir avec intelligence ou flegmatisme. Néanmoins, il n'était qu'un adolescent de treize ans. Sa capacité à faire affaire avec la plègre du trafic fantastique n'était donc pas encore particulièrement affinée. Il répondit donc par un brillant :
- Hein ?
Heureusement, le sorcier était trop agité pour chercher à prendre avantage de cette remarque pertinente.
- Il est à toi, répéta-t-il donc. Ce truc... il est maudit. Depuis qu'on l'a trouvé, les trois membres de mon groupe sont morts. Partis en fumée. Aucun sang, rien, juste... des cendres. Je suis le dernier survivants. Je veux m'en débarrasser. Je te le dit, car j'ai un minimum de conscience. Prend le à tes risques et périls. Je serai toi, je le jetterai, et loin. Moi, en tout cas, c'est ce que je fais.
Rebeus n'eut pas le temps de lui poser une autre question que l'homme avait tourné les talons, le laissant seul avec l'œuf qui était apparemment responsable de plusieurs morts. Le jeune sorcier le regarda alors sous toutes ses coutures. Vu comme ça, il n'avait pas l'air bien méchant. Certes, il s'était renseigné à la bibliothèque, et avait appris que les acromentules étaient classées XXXXX par le ministère. Mais quand même. Ce n'était qu'un œuf ! À l'intérieur, il y avait une petite acromentule, seule et qui avait besoin d'aide. Elle ne pouvait donc pas être si... dangereuse, non ?
Sans y réfléchir à deux fois, il se saisit de l'oeuf, le plaçant tout contre son cœur.
- Je vais bien m'occuper de toi, ne t'inquiète pas. Je suis là maintenant. J'ai trouvé un super coin dans Poudlard où personne ne te dérangera. Oh, mais je suis bête ! Avant tout, il te faut un nom !
Là, Rebeus fut bien embêté. Quels noms étaient en vogue chez les acromentules ? Il devait bien admettre avec honte qu'il n'en savait rien. Mais alors qu'il allait sérieusement se triturer les méninges, un nom surgit dans son esprit, aussi rapidement que s'il avait été déposé là par un spectre.
Aragog...
- Aragog... réfléchit Rebeus à voix haute. Cela pourrait t'aller. Je crois. On verra bien quand tu seras avec moi !
Rebeus était tellement désireux de rencontrer Aragog qu'à aucun moment, il ne songea à s'en séparer. Même lorsqu'il dû braver le couvre-feu, même lorsqu'il sentit la peur devant la tâche qui l'attendait l'envahir, même lorsqu'il apprit que le vendeur de l'oeuf était mort à son tour. Pour une raison inexplicable, Rebeus était persuadé que rien ne pourrait lui arriver de mal.
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Juin 1992
- Professeur Dumbledore... pourquoi Quirell ne pouvait pas me toucher sans se brûler ?
- Ta mère est morte pour te sauver la vie, Harry. Si il y a bien une chose que Voldemort est incapable de comprendre, c'est l'amour. Il ne s'est jamais rendu compte qu'un amour aussi fort que celui que ta mère avait pour toi laisse sa marque. Avoir été aimé si profondément te donne à jamais une protection contre les autres, même lorsque la personne qui a manifesté cet amour n'est plus là. Cet amour reste présent dans ta chair. Quirell était plein de haine, de cupidité, d'ambition, il partageait son âme avec Voldemort et c'est pour cela qu'il ne supportait pas de te toucher. Toucher quelqu'un qui a été marqué par quelque chose d'aussi beau ne pouvait susciter en lui que de la souffrance. Quelqu'un qui t'aimerait, qui veillerait sur toi, en revanche...
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« Il n'y a que l'amour maternel qui soit capable de désintéressement et qui sache dire : ''que mon fils soit heureux sans moi, et loin de moi, pourvu qu'il soit heureux et profite pleinement de la vie'' »
Henri-Frédéric Amiel
