NDA 16/09/23 : Bonsoir à tous, j'espère que votre rentrée s'est bien passée. Je vous offre aujourd'hui un chapitre mitigé entre douceur et problèmes. Car c'est ici qu'on va changer les choses! Je vous souhaite une bonne lecture, et n'hésitez pas à poster des review's !
PS : Il y aura une petite citation cachée, celui où celle qui en trouve l'origine recevra un cadeau spécial ~
Chapitre 25 : La voix du cœur.
C'était un lundi.
Deux jours avant la seconde épreuve du tournoi des trois sorciers. Désormais quatre. Sacha eut droit de retourner en classe de soin aux créatures magiques. Hagrid avait insisté, précisant que même sans magie, il parvenait très bien à maitriser la plupart des créatures, et que l'étudiante semblait s'y connaître aussi. Il avait même joué la carte psychologique. Sacha se sentirait mieux si elle pouvait être avec ses camarades en extérieur, et les animaux permettaient d'apaiser l'esprit.
Le demi-géant avait décidé de poursuivre les cours sur les licornes, était-ce un moyen de prouver qu'il pouvait faire aussi bien que celle qui l'avait remplacé ? Ou l'envie de se faire pardonner pour ses cours sur les scroutts à pétard ? Personne n'en savait rien. La vérité, c'était que Hagrid voulait démarrer gentiment avec Sacha O'Nigay, et qu'il avait remarqué son talent pour apprivoiser les sombrals avec Luna.
Il avait réussi à capturer deux poulains. Et à la différence des adultes, ces derniers avaient une robe scintillante d'or pur. Et si les Poufsouffles s'extasiaient pour la plupart devant les petits, les Serdaigles commençaient déjà à prendre des notes sur ce que disait Hagrid, comme l'âge auquel les licornes perdaient leur parure d'or pour devenir argentée, ou encore quand leur poussait la fameuse corne qui les séparait tant des chevaux classiques.
Sacha écoutait d'une oreille distraite.
Tout le monde se mit en rang, même les garçons, dans le but de caresser les deux petits qui hennissaient, curieux de voir tout ce beau monde. L'héritière était la dernière de la file indienne, attendant patiemment son tour, sans savoir si elle allait vraiment se prêter au jeu. Elle avait des nuits de plus en plus courtes, cherchant à contrôler ses dons en compagnie d'Argus qui la surveillait et la coachait comme il pouvait. C'était dur, et elle devait reconnaître que le vieillard avait raté sa vocation.
Désormais, elle arrivait à bouger de quelques centimètres en passant par les limbes. C'était difficile, parce que la première fois, elle avait seulement réagi, les yeux fermés à l'idée de voir Luna partir en fumée. Là, elle se rendait directement de l'autre côté, consciemment. Le paysage était sensiblement le même, quoique totalement monochrome, comme un vieux film des années 30. Il n'y avait pour son qu'un long bourdonnement désagréable, et pas de danger à proprement parlé.
Le risque se trouvait dans les effets même de cet endroit. Source d'oubli, le temps passe cependant beaucoup plus vite. On pourrait se retrouver à vieillir prématurément, parce qu'on aurait contemplé un arbre gris pendant deux heures. En tant qu'héritière de Lunaë, Sacha apparaissait en couleur dans cet endroit, mais sa propre teinte avait tendance à ternir lorsqu'elle se perdait dans la contemplation du vide.
Pour autant, se déplacer de quelques centimètres en quinze jour, ce n'était absolument pas probant. Elle ne risquait pas de pouvoir s'échapper de sa future noyade, à ce train-là. Oubliant de s'avancer, la jeune femme contemplait sans vraiment les voir, les arbres à l'orée de la forêt interdite. Les sombrals allaient et venaient dans la clairière que lui avait montré Luna et le demi-géant. Elles ne les voyaient pas, mais elle les imaginait faire. Sans même s'en rendre compte, elle se mit à fredonner, puis à murmurer les paroles d'une chanson.
« Would you say I'm a hero
Glorious and brave
If I told you something you wouldn't believe?
That sometimes I'm scared
And I can make mistakes
And I'm not so heroic, it seems »
Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua même pas que les élèves s'étaient arrêtés de caresser les deux poulains pour l'observer. Elle, et ce qui venait de la forêt. Car au loin se dessinait un animal aussi clair que la neige, et qui avançait au galop. Marquant l'arrêt devant l'enclos et les nombreux visages, féminins comme masculins, la bête se mit en colère et changea de tactique. Il ne fallait pas être nigaud pour deviner que l'animal était la mère des deux poulains emmenés par Hagrid. La jument argentée gratta l'humus de ses sabots, prête à faire payer ceux qui avaient pris ses petits.
Mais en s'approchant, le chant, doux et subtil, la captiva à son tour. Soufflant par les nasaux, elle hésita un moment, avant de relâcher sa tension et renoncer à transpercer les petits visages qui entouraient ses bébés. La licorne franchit les derniers mètres qui la séparaient de la chanteuse, avant d'affectueusement poser sa tête sur celle de la demoiselle. Sans bruit. Et si Sacha ne s'était rendue compte de rien au début, le poids sur son crâne était équivoque.
Sa voix vrilla un peu, une seconde, signe qu'elle prenait conscience de son environnement, de ceux qui l'écoutaient, mais surtout, de la bête au-dessus d'elle. Se rattrapant, elle poursuivit le morceau d'une voix un peu plus basse, même si c'était trop tard et que beaucoup l'avaient entendu.
« But if day can turn to night
And the darkness turn to light
Then why can't we imagine a changeling can change? »
Timidement, Sacha releva la main droite, très lentement, vers le haut de sa tête. Et après une hésitation, voyant que rien ne se produisait de néfaste, termina le voyage. Flattant l'encolure de la licorne avec douceur, elle soupira. Ça lui rappelait bien des souvenirs, ça…
Elle se revoyait à la ferme, la vraie, lorsqu'elle était petite, et que toute la famille venait en visite pour les fêtes. Le frère d'Henry, Mathias, venait avec ses enfants, Julia et Peter, du même âge que les plus jeunes oncles et tantes de Sacha, et la première faisait quelques tours sur le dos de Fanny, la jument de la famille.
L'héritière ne montait plus depuis des années. Ses problèmes de dos lui interdisant l'équitation. Mais elle avait toujours apprécié le vieil animal, et savoir brosser un cheval, ou comment s'en occuper, était devenu un savoir obsolète. Jusqu'à aujourd'hui.
« Hey, toi… » Murmura cette dernière en cessant de chanter My Little pony.
Faisant très attention à ne pas quitter la fourrure de la créature magique du bout de ses doigts, elle se retourna pour lui faire face. La licorne était superbe, les muscles de la tête saillants, elle avait une crinière incroyablement longue. Et si elle était tout aussi argentée que le reste, c'était cependant très emmêlés. Sacha passa la main dans les crins, délestant quelques nœuds et brins d'herbes. Les orbes noisettes croisèrent les grands yeux noirs bordés de cils.
L'animal renâcla, mais resta sage, tandis que la jeune femme lui caressait le museau et s'agrippait timidement à son col. Hagrid tapota des mains, ravi de voir que son instinct était bon au sujet de l'élève de Serdaigle. Malade ou non, elle avait définitivement du potentiel. Pouvoir apprivoiser une licorne en colère, sans même rien faire, c'était du jamais vu. Lui-même aurait dû l'amadouer avec des carrés de sucre et de la rhubarbe.
oOoOoOo
« Je peux savoir ce que tu fais ici ? » Demanda Sacha en se tournant vers Cédric. Tous deux tenaient un sac avec des serviettes et des bouteilles de shampoings, et faisaient pieds de grue devant le portrait de Boris le Hagard.
« Dans les faits, en tant que champion, je suis plus susceptible que toi d'avoir le mot de passe de la salle de bain des préfets. » Il étira un sourire victorieux.
« Je suis un oracle. Je peux aller absolument partout où je veux. J'ai tous les mots de passe, et toutes les adresses. » Le sourire se changea en légère grimace.
« Tu gagnes cette manche. »
« Donc, tu attends ton tour ? » Tenta la jeune femme.
« Non. Parce que je sais que tu es là pour te teindre la crinière, et que je viens t'aider. » Sacha haussa un sourcil perplexe.
« Tu n'as pas une épreuve à préparer ? C'est genre demain, pourtant… »
« Je sais déjà comment je vais faire. Donc non, je vais seulement me détendre et passer un peu de temps avec ma cousine favorite. » Il se tourna vers le portrait et annonça. « Fraicheur des pins. » La porte se déverrouilla bruyamment, et il la poussa de sa main droite. « Après toi. »
Sacha ne répondit rien devant une telle tirade. C'était l'une des digressions horribles entre son monde et celui-là. Là où Cédric était fils unique, et surtout, le fils de Marlène, la sœur de sa mère, dans le sien, il était le fils de Pierrick, son oncle, avait un frère, nommé Joey, et deux petites sœurs. Lavinia et Rachel. Eux non plus n'existaient pas ici. Comme le frère et la sœur de Sacha. Seul Fabien avait son double en la personne de Cédric.
Elle entra à sa suite dans la salle d'eau immense, sans plus un mot au sujet de passer du temps ensembles, vu qu'il avait prouvé être pire qu'un sort de glue perpétuelle, la suivant autant que possible et veillant sur le moindre de ses gestes. Il la nourrissait, aussi, quand il voyait qu'elle repoussait les plats, et lui parlait de tout et de rien, la majeure partie du temps. Comme un vrai cousin l'aurait fait.
La pièce était dallée de marbre blanc, et un incroyable lustre central éclairait les lieux d'un halo orangé. La « baignoire » était l'équivalent d'une piscine rectangulaire de 10m sur 6, et de très nombreux robinets d'or s'alignaient tout autour, chacun incrusté d'une gemme. Le plongeoir, au fond, était ridicule. Outre les longs rideaux de lin blanc qui dansaient le long des fenêtres, il y avait des étagères avec de belles serviettes blanches à l'air moelleux.
Sacha regarda son sac, surchargé par la présence de sa propre serviette, et soupira. Elle aurait eu la place de mettre l'huile de coco, finalement. Tant pis. Avisant l'unique tableau de la pièce, dans un cadre doré, l'héritière hésita une seconde. Pas deux.
« Mais qu'est-ce que tu fiches ? » L'apostropha Cédric.
Sacha tirait de son mieux, sur le tableau de la sirène, pour le décrocher. Tournant la tête de biais vers son cousin, elle grimaça.
« Il est hors de question que j'ai un public, même en acrylique. » Roulant ses yeux dans leurs orbites, il expira par le nez, avant de s'approcher de la toile à son tour.
« Je vais t'aider. » Et pour être tout à fait honnête, il regrettait de ne pas y avoir pensé, lors de son propre passage ici.
La sirène s'était bien rincée l'œil. Et pas que. Mais dans le cas du fantôme, il avait laissé tomber. Oh, bien sûr, il savait qu'un rien pouvait faire fuir Mimi Geignarde, mais… Même si c'était un fantôme, il n'avait pas envie de la blesser non plus. Ce devait être déjà suffisamment dur d'être morte sans avoir rien vécu, pas besoin d'un ado cruel en plus, dans sa non-vie.
Une fois le tableau face contre mur, Cédric s'autorisa un sourire amusé.
« Comment tu as su ? » Demanda Sacha, soudainement.
« Pour ? »
« Ma couleur. »
« Luna m'a informé que tu comptais venir ici, et je t'ai vu acheter l'étrange teinture à pré-au-lard, la dernière fois. » Répondit Cédric.
« Tu n'étais pas obligé de venir. »
« Je sais. Mais je suis là, et je vais te shampouiner de noir. Ensuite, on profitera de l'eau, ainsi que des gâteaux. »
« Quels gâteaux ? »
« Ceux que Luna m'a donné, bien sûr ! »
La jeune femme cessa de protester. Son amie s'était aussi liguée contre elle, visiblement, même si c'était de la gentillesse.
Allant se changer dans ce qui ressemblait à des vestiaires, les deux cousins revinrent dans des tenues de bains, Sacha ayant retiré la parure de calcédoine. Laissant la demoiselle préparer sa mixture, Cédric alla régler l'eau, choisissant trois sortes de bains moussants uniquement. Des bulles bleues, une huile parfumée et de la mousse de glace aussi épaisse que de la meringue italienne jaillirent des robinets.
De son coté, dans une bassine – normalement là pour les rinçages – Sacha mélangeait du henné broue de noix et de l'indigo. Lorsqu'elle fut satisfaite de l'homogénéité, elle se pencha pour recueillir avec la bassine, un peu d'eau chaude, puis remua le tout avec son pilon.
« Ça sent le gazon mouillé et… L'oseille… C'est très bizarre ton truc. » Cédric grimaçait et fronçait le nez.
« C'est du henné, mais oui, ça a toujours eu une odeur bizarre. »
« Pourquoi tu n'utilises pas un sort ? Enfin, je peux aider, je suis plutôt doué pour la métamorphose et les sortilèges. » C'était une proposition sympa. Mais Sacha secoua la tête.
« C'est gentil, mais non. Je préfère me débrouiller seule, d'autant que le henné est plus résistant que la magie, de ce côté-là. » Cédric parut dubitatif devant une telle affirmation.
« Si tu le dis. Bon. Je vais tout de même me jeter un sort d'imperméabilité, ne m'en veut pas, mais j'ai pas très envie d'avoir les mains noires. »
« Surtout devant les journalistes, hein » Se moqua Sacha.
« Surtout devant ma mère… » Ils se mirent à rire tous les deux.
Si Sacha avait du mal avec les changements de rôles pour les membres de sa famille, le caractère de Marlène était sensiblement le même que chez elle. Cette femme était égocentrique, mythomane sur les bords, avait tendance à s'approprier les joies des autres, et surtout, était particulièrement insupportable. Monsieur Diggory et elle n'avaient pas divorcé, puisque ce n'était pas convenable dans les grandes familles de sorciers, mais, c'était tout comme. Cédric vivait essentiellement chez son père depuis ses douze ans, et Marlène squattait une dépendance à la ferme. Un peu comme l'originale, finalement.
Ils passèrent le reste de l'après-midi à bavarder de théories magiques, et faire des jeux. Sacha avait une serviette sur la tête, et ses cheveux étaient emprisonnés dans un cocon noir un peu dégoulinant. Cédric avait fait l'idiot, et les pointes de ses cheveux étaient épaisses de henné. Les deux attendant le résultat, avaient profités de l'eau chaude, d'un bon goûter, et de ce moment rien qu'entre eux.
« Il va falloir rincer… » Supposa le champion, une longue ligne noire coulant le long de son front, et glissant sur son nez droit.
« Oui, ce serait mieux… On va dégueulasser cette piscine ! » Ils rirent tous deux.
« Je ne sais pas. J'ai l'air plus dangereux avec ça ? »
« Avec tes gros paquets de verdure sur la tête, pas trop ! » Il rit encore.
« Aucune sirène ne m'aidera non plus ? » Sacha fit la moue.
« Hm… Peut-être… ça dépend… Evite de dire que tu manges leurs animaux de compagnie ! »
Le fou rire que prit le garçon fut suffisant pour lui faire perdre sa propre serviette de tête. Et l'essuie tomba à l'eau. Heureusement qu'il y avait énormément d'eau, sinon le henné aurait largement teint la surface d'un vert vaseux. Et atteint leurs vêtements de bain au passage.
Une fois le premier rinçage effectué à même les robinets d'eau chaude, les deux jeunes furent forcés de sortir de la grande piscine, et Cédric agita sa baguette pour filtrer l'eau, toujours en ricanant. La chevelure de ce dernier, en bataille et trempée, se terminait désormais par des pointes noires bleutées. Sacha quant à elle, avait une masse noire, pleine de nœuds et des taches clairsemées de noir au niveau des tempes. Leurs deux têtes étaient particulièrement rêches, cependant.
« Combien de rinçage, au juste ? » Demanda Cédric en observant son sortilège faire disparaître les saletés dû au henné qui flottaient à la surface de l'eau.
« Au moins deux. Et il nous faudra de l'huile capillaire, sinon ce sera de la paille sur nos têtes. »
« Comme Potter ? »
« Pas exactement, mais ouais, il a un sacré nid d'oiseau, lui aussi. » Hésitant une seconde, puisque la jeune femme avait privilégié une serviette, au lieu du large flacon qu'elle avait acheté, l'aller-retour ne la tentait pas. « Hm. Nora… ? » Finit-elle par demander, en l'air.
La petite elfe apparut dans un « pop » sonore, son habituelle tunique aux armoiries de Poudlard était accompagnée d'un petit tablier blanc taché de sauce chocolat, et d'un magnétophone à sangle, qui pendait sur sa hanche. Elle avait d'ailleurs un bonnet pour couvrir ses oreilles et les quelques touffes de cheveux qu'elle avait sur la tête. L'elfe avait prit pour habitude de ne plus voir Sacha comme une élève, mais comme sa protégée, aussi, elle lui rendait fréquemment service, à condition que la demoiselle reste en bonne santé, et mange correctement.
« Miss Sacha, tout va bien ? » L'elfe avisa les deux sorciers, en maillots et trempés, leurs cheveux dégoulinants d'une eau encore noireatre.
« Oui. Pardon de te déranger en plein travail, mais… J'ai oublié le flacon d'huile de coco et jojoba pour nos cheveux dans le dortoir, et comme tu peux le voir, on est un peu… »
« Vous n'êtes pas présentables, non. » C'était un constat, mi-amusé, mi-déprimé, de l'elfe, qui constatait les dégâts tout autour d'eux, mais ne jugeait pas. Elle était contente que sa petite sorcière soit en compagnie de son cousin pour un moment de douceur. « J'y vais de suite. Miss Sacha. Monsieur Diggory. » Les salua-t-elle. Et hop, elle disparue.
« Tu as du Miss Sacha ? Tu es vraiment bien vue par les elfes d'ici ! » Sourit Cédric en croisant les bras sur son torse.
« Non. Juste elle. Mais elle est spéciale. » Expliqua la nouvellement noiraude avec un sourire.
L'elfe revint quelques instants plus tard, les bras bien plus chargés que ce à quoi Sacha s'attendait. Elle portait un plateau d'argent sur lequel reposait d'un côté, le flacon d'huile capillaire, et de l'autre, des petits sandwichs anglais et du thé.
« Je me suis dit que vous alliez avoir faim. » Assura l'elfe devant le regard désespéré de la jeune femme.
« C'est gentil. Trop, mais gentil. » Murmura Sacha.
« Excusez-moi de demander ça, mais… C'est un magnétophone que vous portez ? » Demanda Cédric, curieux. Sacha fronça brusquement les sourcils, et se figea en constatant qu'il disait vrai.
« Un magnétophone ? »
« Euh… Oui… ? » Nora coucha ses oreilles sur le dessus de sa tête, penaude, et pourtant, il y avait un petit sourire sur sa figure, plein de fourberie.
« Pourquoi tu as un magnétophone, Nora ? »
« Pour rien… ? » Ni une affirmation, ni une question, l'elfe abandonna son plateau et disparue de plus belle.
« Traitresse ! » Rugit Sacha, en se précipitant à l'endroit où l'elfe était une seconde plus tôt. Ses épaules s'affaissèrent et elle poussa un long soupir déprimé.
« Je suppose qu'on tient là, la personne responsable de ta chanson à la radio… »
« Oui… »
Cédric se mit à rire, avant d'approcher du plateau laissé par terre. Il s'en saisit et contempla son contenu. Il y avait deux sortes de mini sandwichs, certains fourrés avec de la sauce gribiche épaisse au cresson, et d'autres avec du cream-cheese et des concombres en tranche. Le thé, dont le parfum commençait à s'échapper du bec, l'attirait. Il s'agissait d'un parfum qu'il ne connaissait absolument pas.
« Traitresse ou pas, elle a de bon goût, même si je reconnais pas son thé. » Avoua le Poufsouffle en redéposant le plateau prés de la piscine géante.
« C'est français… J'ai eu le malheur de parler des frères Dammann, et depuis, elle a fait goûter aux elfes, et ces derniers ont demandé au directeur de changer de fournisseur, sous prétexte que les jeunes de beauxbâtons préfèreraient. » Cédric regarda sa cousine, comprenant qu'elle ne plaisantait absolument pas.
« Cette elfe est effrayante. »
« Clairement. Et elle me connaît beaucoup trop bien… Jardin du Luxembourg… Tu vas voir, c'est un délicieux oolong. » Le champion roula des yeux, amusé.
« Je n'aurais même pas tenté de refuser, au cas où elle nous observe encore ! »
« Tes con. » Fut la seule réponse de sa cousine.
Lorsqu'ils se séparèrent, plus tard dans l'après-midi, Cédric devait aller voir ses amis, et Sacha comptait retrouver Nora pour comprendre comment elle s'était débrouillée afin de l'enregistrer sans qu'elle le sache. Et surtout, savoir pourquoi elle avait envoyé ça aux sorciers. Mais l'elfe fut introuvable. Au diner, alors qu'ils étaient à leur table respective pour une fois, Sacha eu droit à une remarque de son cousin, moqueur, qui s'appliquait pourtant à lui aussi.
« Sacha, tu sais quoi ?»
« Quoi ? »
« Ça sent le gazon ! » Et le blond à pointe noire éclata d'un rire sonore sous l'œil réprobateur de son amie Haywood.
oOoOoOo
C'était le grand jour. La seconde épreuve du tournoi des trois sorciers, désormais quatre, allait se dérouler aux abords du lac noir, comme l'avait soupçonné les deux champions de l'école Poudlard. Les tribunes qui avaient été installés autour de l'enclos des dragons au mois de Novembre se dressaient à présent sur la rive opposée du lac. Ces dernières commençaient d'ailleurs à se remplir de la foule qui traversait tout le pays pour assister aux épreuves.
Comme ça ne commençait pas avant neuf heures trente, tous les juges, ou encore les champions, n'étaient pas installés à la table drapée d'or au bord du lac. Albus Dumbledore y était déjà, bien qu'il soit alors tourné vers le professeur McGonagall, et cette dernière semblait le tanner pour obtenir quelque chose.
« Vous ne m'avez toujours pas répondu, Albus. » Cingla l'animagus chat.
Minerva, les poings sur les hanches et l'air revêche, portait un tartan cramoisi et doré. Le tissu flamboyant, fixé à l'épaule par une broche en or, formait un gracieux drapé retenu par une ceinture de cuir. Et pour la première fois depuis des années, elle avait remplacé ses habituelles robes émeraudes austères, par une tenue plus travaillée, noire brodée d'or, avec de longues manches échancrées.
Si quelqu'un avait des doutes sur le champion qu'elle supportait au début du tournoi, il n'y en avait plus aucun.
« À quel propos, professeur McGonagall ? »
« Ne faites pas l'enfant. Miss O'Nigay est l'un des tributs arrachés aux champions, et je vous ai demandé comment vous aviez procédé pour placer les sorts qui la maintiendraient sous l'eau en attendant qu'on la récupère. »
« Allons, allons… J'ai rusé, vous vous en doutez bien… » Minerva pinça les lèvres, elle avait horreur de cette confiance chez le directeur, trop… égocentrée. Il avait tendance à surestimer ses capacités par moment, surtout lorsque ça concernait le bien-être des élèves. Comme s'il ne savait pas ce qu'il faisait.
« Et vous avez rusé comment ? C'est ce que je vous demande, alors cessez de me faire tourner en bourrique. »
« Seriez-vous de mauvaise humeur ? » Demanda-t-il en portant une tasse de thé – réservé au jury – à sa bouche.
« Deux de mes élèves sont sous l'eau. Une élève de Fillius y est aussi, alors qu'elle a de gros problèmes avec la magie, Je vous prie de me dire exactement ce que vous avez fait pour l'y mettre. » Répéta-t-elle avec force.
« Vous êtes vraiment de mauvaise humeur… Puis-je vous offrir du thé ? Il est normalement réservé aux membres du jury, bien sûr, mais… » L'enseignante le coupa.
« Albus ! » Comprenant qu'il ne pourrait pas garder le mystère bien longtemps, il soupira, avant d'avouer.
« J'ai rusé. Puisque miss O'Nigay ne réagit que partiellement aux sorts qu'on lui lance, j'ai ensorcelé son médaillon, afin que ce soit lui qui la maintienne sous l'eau et conserve sa réserve d'air intacte. Etes-vous satisfaites, professeur McGonagall ? » L'air pincé de sa collègue le rendit perplexe. Il venait pourtant de lui dire qu'il avait évité les ennuis, non ?
« Vous avez ensorcelé son médaillon ? » Hochement de la tête, très satisfait, du directeur. Minerva s'étrangla.
« Vous avez ensorcelé un médaillon constitué essentiellement de calcédoine gobeline ? » Les yeux bleus s'écarquillèrent une seconde derrière les lunettes en demi-lune. « Depuis combien de temps sont-ils dans l'eau ? Répondez !» Le directeur déglutit.
« Nous les avons placés hier soir avec l'aide des sirènes Nerchani et Doola. » Minerva McGonagall perdit toutes couleurs sur son visage, ses mains tremblèrent, la droite serrant fortement sa baguette, qu'elle avait sorti dès qu'elle avait compris.
« Priez Merlin pour le sort soit toujours actif… Auquel cas, Miss O'Nigay sera morte noyée bien avant que Cédric Diggory ne plonge pour la sauver. » Et après cette tirade plus froide que l'arctique, la directrice de Gryffondor se dirigea vers les tribunes.
Toutes ses pensées allaient vers la jeune fille sous le lac qui allait sûrement se retrouver sans oxygène, parce que le bijou qu'elle ne cessait de porter était un annihilateur de magie.
oOoOoOo
Il faisait noir. Et terriblement froid.
C'était maintenant qu'elle allait mourir. À l'instant même où son corps s'était affaissé entre les bras des sirènes pour qu'elles l'entrainent au fond du lac noir, elle avait compris. Le sort pour l'endormir n'avait qu'à moitié fonctionné, elle s'était sentie toute groggy, ses jambes avaient lâché, mais pas sa tête. Ensuite, le sort qui devait lui permettre de respirer sous l'eau avait été posé. À la dernière seconde, juste avant que son visage ne s'enfouisse dans l'eau gelé. La bulle d'air l'avait entourée, et hop, on l'avait emmené.
Les sirènes avaient fait ça pour tous les tributs des champions. Une fois sous l'eau, elles les avaient emmenés au plus profond du lac, Sacha avait brièvement constaté la présence de bâtisses de pierres brutes couvertes d'algues molles. Elle savait qu'il y avait d'autres sirènes et tritons autour, qu'ils les observaient se faire attacher à l'énorme statue de sirène au milieu du village aquatique.
Et ça faisait des heures. Elle aurait dû dormir, son corps se serait refroidit et la température de l'eau ne lui aurait pas paru aussi insupportable. Mais le sort était trop faible, ou bien une fois encore, c'était son corps qui faisait n'importe quoi avec la magie. Dans tous les cas, elle avait un sérieux problèmes. Les êtres de l'eau étaient partis se coucher, et l'obscurité déjà terrible lui était apparue encore pire. Insoutenable.
Dans l'eau, alors que peu à peu, son corps se libérait de lui-même, la laissant trembler de froid sous ses vêtements lourds et imbibés, Sacha essayait de calmer la crise d'angoisse qui pointait. La bulle avait rétréci à mesure que le temps s'écoulait. Et à présent, elle menaçait d'éclater. La jeune femme ne savait pas combien de temps s'était réellement écoulé depuis son introduction dans le lac noir, mais c'était beaucoup trop pour quelqu'un de conscient.
Il était presque six heures du matin lorsque la sphère qui lui permettait de respirer éclata soudainement. Perdue dans sa torpeur et l'épuisement dû à l'hypothermie qu'elle subissait, Sacha ne se rendit pas compte immédiatement du phénomène. C'est lorsque l'eau rentra dans sa bouche que l'horreur se saisit d'elle. Elle couvrit ses lèvres de ses deux mains, muselant son visage en pinçant son nez, les yeux grands ouverts et horrifiés. Elle allait mourir, dans le noir, dans le froid. Dans cette eau vaseuse dont elle avait rêvé deux semaines plus tôt.
Et tandis qu'elle se débattait dans l'eau sans rien pouvoir faire, d'étranges paroles lui revenaient. Elle n'aurait même pas su dire d'où ça sortait. Juste qu'elle entendait une voix d'homme, et que cet homme parlait de la noyade, et de ce qu'on ressentait. Ce sentiment de déchirement entre l'agonie qui nous maintient en vie, et la paix qu'apporterait la mort si elle respirait enfin.
« You know when you're drowning you don't actually inhale until right before you black out. It's called voluntary apnea. It's like no matter how much you're freaking out, the instinct to not let any water in is so strong that you won't open your mouth until you feel like your head's exploding. Then when you finally do let it in, that's when it stops hurting. It's not scary anymore, it's… it's actually kind of peaceful. »
Et la voix avait raison. Que pouvait-elle faire d'autres ? Personne ne viendrait avant des heures, elle le savait. Cédric ne viendrait pas la chercher. Et même si elle était déjà morte, quatre fois pour être précis, celle-là lui paraissait être la pire de toutes. Loin de son monde, de ses proches, de Meleth nin, qu'elle ne pouvait plus joindre quand elle le voulait. Il ne l'enlacerait pas comme au bal, il ne lui tiendrait plus la main, ne lui dirait plus qu'elle est belle. Qu'elle est sa flammèche.
Les bulles autour d'elle s'amenuisent peu à peu, alors qu'elle cesse de se débattre. N'en pouvant plus. La douleur, le manque d'air, le manque de lui, tout. Il ne reste plus que ce vide au fond de sa poitrine et les battements sourd d'un cœur qui cherche à se rapprocher. Les paupières lourdes s'éteignirent une seconde trop tôt, l'empêchant de voir la silhouette de l'homme qui la rejoignait en repoussant l'eau avec toute la force de ses bras.
Un homme qui captura ses lèvres pour partager son souffle.
