Bonjour à tou•te•s,
Après les manigances de Narcissa et Terence, retrouvons un peu de douceur avec Luna. Un peu de douceur ? Vraiment ? Allons-voir ça de ce pas…
Bonne lecture !
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Chapitre 109 – Luna
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début août 2005
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Luna prit une longue inspiration et porta son regard sur l'assemblée déjà installée. Une foule compacte et disparate, alignée en rangs d'oignons, parée de ses plus beaux atours prenait place depuis la fin de matinée.
Un puissant frisson la parcourut. Elle n'avait aucune envie de remonter l'allée. Aucune. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était prendre le volant de sa vieille compagne de route et rouler sans s'arrêter. Ou voler.
Partir. Loin et vite. Partir. Sans se retourner. A la place, elle fixa son regard sur les campanules d'un violet soutenu qui fleurissaient entre les pierres de l'église de Godric's Hollow. Elle avait toujours trouvé fascinant que la nature arrive à se frayer des chemins parallèles n'importe où, coûte que coûte.
Elle tenta de fixer un pâle sourire à ses lèvres et de ralentir les battements de son coeur. A la recherche de réconfort, elle jeta un coup d'oeil aux premiers rangs. Lorcan était endormi dans les bras de Rolf et Lysandre s'agitait dans ceux de Xenophilius. Elle inspira à nouveau profondément.
Tous ses amis étaient là, répartis à gauche et à droite de l'allée herbeuse. Elle se retourna vers l'intérieur de la bâtisse. Neville n'arrivait toujours pas. Elle savait qu'elle devait aller le chercher.
Pourtant, son plus profond désir restait de repousser encore un peu ce moment où ils devraient longer ces rangées de chaises alignées de chaque côté de cette maudite allée.
Aucun d'eux n'avait jamais supporté d'être pressé. Ils aimaient prendre leur temps et avancer à leur rythme. Ils n'en faisaient souvent qu'à leur tête et ils auraient souhaité que les choses ne soient pas différentes aujourd'hui.
Ils auraient aimé pouvoir s'enfuir, ailleurs, les pieds-nus, à peine vêtus, les cheveux au vent, oubliant famille, enfants et responsabilités. Ils n'avaient pas ce luxe. Ils ne l'avaient plus.
Et puis, il faisait trop chaud. Et la journée avait beau être déjà bien entamée, le ciel était sombre. Trop sombre. De lourds nuages tombaient bas et donnaient l'impression à la blonde qu'il lui suffirait de se mettre sur la pointe des pieds pour les toucher.
L'air était chaud et particulièrement humide et chacun espérait une rafale de vent qui ne venait pas. Luna réprima un frisson. Quand le Gulf Stream se déciderait à souffler, ils seraient bons pour subir un orage. Elle était convaincue qu'il allait être violent. Très violent.
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Elle ferma les yeux puis rebroussa chemin vers l'intérieur de l'église. Elle n'eut pas besoin d'aller bien loin. Neville, dans son plus beau costume, était accroupi contre le mur, à seulement quelques mètres de là, la tête dans les mains.
- Nev' ?
Il ne bougea pas d'un iota et Luna s'agenouilla face à lui, indifférente à sa robe qui prenait la poussière. Elle posa avec douceur une main sur sa joue.
- Tu fais une crise d'angoisse, mon amour ?
Il secoua la tête, niant farouchement, et renifla bruyamment.
- Alors il va falloir qu'on y aille. On les a suffisamment fait attendre, murmura-t-elle d'une voix pourtant assurée.
- C'est trop tôt, Luna, souffla-t-il.
- Je sais.
- Je n'ai pas encore prévenu mes parents.
- Je sais.
- Il faut que je les prévienne.
- Oui. Et ça peut attendre après la cérémonie.
- Ils ont le droit d'être là.
- Bien sûr. Mais on en a déjà parlé. Ils n'ont pas besoin d'être ici aujourd'hui. Ce temps n'aurait pas la même valeur pour eux.
Il appuya sa tête sur l'épaule de sa douce, tentant de se maîtriser et de retrouver ses esprits. Elle reprit, en lui caressant les cheveux.
- La Guérisseuse Strout nous a dit qu'ils n'étaient pas prêts pour une journée comme celle-là. Ils pourront venir après. Quand il y aura moins de monde…
- …
- Elle est d'accord pour leur octroyer une permission de sortie dans les prochaines semaines et Draco nous a dit qu'il était prêt à nous accompagner.
- …
- Tu as vu tous ceux qui ont fait le déplacement ?
Neville hocha la tête lentement, les paupières closes.
- Ils sont trop nombreux, souffla-t-il encore.
- Et ça n'a rien d'étonnant… C'est ce qu'il se passe quand on s'aime.
Il décolla difficilement sa tête de l'épaule de la blonde, colla son dos au mur derrière lui. Le froid de la pierre sembla le réveiller. Il lui offrit un sourire triste.
- Tu es prêt ?
Il secoua la tête.
- Elle était trop jeune.
- Oui. Je trouve aussi.
Neville ferma les yeux, inspira doucement une fois de plus et se redressa en tendant la main à Luna qui se releva elle-même. Elle le regardait si intensément qu'il avait l'impression qu'elle sondait son âme.
Sans prévenir, la blonde l'enlaça, serrant aussi fort que possible ses bras autour de lui puis se détacha lentement, passa une main dans le dos de son compagnon et l'accompagna délicatement vers la sortie.
A l'instant où ils passèrent le pas de l'église, le son d'un piano fit résonner une sonate aux tons graves émanant de partout et nulle part à la fois. Neville se raidit en voyant ce qui l'attendait au bout de l'allée et Luna entrelaça leurs doigts espérant ainsi lui instiller du courage.
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En arrivant devant l'autel et sans attendre la moindre autorisation, le jeune homme caressa le bois qui lui faisait face avec une infinie tendresse. Il trouvait ça doux. Précieux.
Un raclement de gorge qui se voulait ferme mais discret se fit trop rapidement entendre et ils n'eurent d'autre choix que de faire un pas de côté pour laisser l'homme de cérémonie entamer son discours.
- Augusta est née en 1908 de…
Ni Luna, ni Neville, ne réussirent à écouter la suite de l'éloge funèbre. Si la grand-mère du jeune homme avait toujours été un roc, un pilier inébranlable, depuis un an, ils avaient vu son état de santé décliner lentement.
Elle n'était pourtant pas si âgée pour une sorcière, du haut de ses quatre-vingt-dix-sept ans mais, sa vie avait probablement dû être bien trop agitée. Ils n'avaient pas voulu s'inquiéter. Ils avaient tenté de ne pas s'inquiéter.
Elle avait connu tant de guerres, moldues comme sorcières. Elle avait eu tant de mal à rencontrer celui qui était devenu le père de son unique enfant. Avoir Frank avait, également, été un combat et, quand il était né au tout début des années 1950, elle avait été la plus heureuse des femmes. Jusqu'à ce qu'elle perde son mari et, seulement quelques années plus tard, que son fils perde l'esprit.
Seul Neville lui avait permis de tenir. Pour lui, elle avait traversé les ans et mené de nouveaux combats. Elle avait eu tellement peur pour cet enfant qu'elle avait redouté être un Cracmol. Il était finalement devenu sa plus grande fierté.
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Augusta était tellement coriace. Personne n'aurait pu imaginer que la vie allait la quitter si vite, sans même prévenir, une de ces chaudes nuits d'été. Tout le monde pensait qu'Algie partirait avant elle.
Il avait bien dû naître quinze ans plus tôt et pourtant, le grand-oncle de Neville était toujours campé sur ses deux pieds, les épaules juste davantage voûtées par la disparition de sa soeur cadette.
Newt, le grand-père de Rolf, était également âgé de cent-huit ans et, lui aussi, paraissait encore fringuant, portant toujours sa redingote bleue avec panache, jouant au chasseur de dragons avec Lysandre et Lorcan.
Dumbledore avait cent-seize ans quand la mort l'avait fauché et, sans cette satanée Guerre, il aurait pu vivre encore pendant plusieurs décennies. C'était injuste qu'elle, elle soit partie si vite.
Luna aurait aimé que ses enfants puissent davantage profiter d'Augusta aussi, elle qui était si attachée aux jumeaux. Elle n'aurait pas été une mamie gâteaux, comme l'était leur arrière-grand-mère Porpentina.
Elle leur aurait appris à lire et à écrire. Elle leur aurait instillé des valeurs d'opiniâtreté et d'obstination. Des traits qu'elle savait que, ni elle, ni Neville, n'arriverait à leur transmettre. Eux, ils étaient bien trop rêveurs.
Oh, ils savaient avoir de la suite dans les idées et pouvaient se montrer persévérants mais… Ce n'était pas la même chose. Augusta était d'une autre trempe. D'une autre époque.
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Une salve d'applaudissements tira Luna et son conjoint de leurs pensées. L'assemblée se leva d'un même mouvement, portant une main sur le coeur et l'homme de cérémonie tira doucement sur la manche de Neville qui concéda à faire trois pas en arrière.
Le linceul s'embrasa aussitôt, dans de grandes flammes, laissant bientôt place à une tombe en granit rose. La blonde posa à nouveau le plat de sa main entre les omoplates du jeune homme, lui insufflant courage et détermination.
En tremblant, il s'empara de sa baguette et grava la pierre.
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"Augusta Londubat.
1908-2005.
Fille. Soeur. Femme. Épouse. Mère. Grand-mère. Arrière-grand-mère.
Guerrière. Résistante.
Elle était tenace, elle savait insister et persévérer quand il le fallait, elle devait savoir ce qu'elle faisait en se retirant et renonçant à ce moment précis." [1]
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Épitaphe [1] très librement inspiré d'une citation de Shafique Keshavjee (Wikipédia est votre ami) : "Il faut distinguer la ténacité de l'obstination : savoir insister et persévérer au bon moment, savoir se retirer et renoncer quand il le faut." tiré de son livre : Le roi, le sage et le bouffon.
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Alors, un avis, une opinion ? Qu'en avez-vous pensé ? Et, selon vous, que nous réserve la suite ? A dans quinze jours !
