Makuba essaya de faire coulisser la baie vitrée du salon et fut obligé de forcer pour dégager la neige qui s'était accumulée dehors. La limousine était garée dans l'allée, de l'autre côté d'une pelouse parfaitement immaculée et sans la moindre trace de pas. Le jeune garçon regarda sa montre; oui, c'était bel et bien l'heure et son chauffeur devait être en train de l'attendre.

« Seto ! cria-t-il à l'intérieur de la pièce. Si tu veux venir avec moi, c'est le moment !

-Oui, j'arrive, répondit son frère qui descendait justement les escaliers d'une démarche déterminée mais totalement décontractée, comme s'il avait parfaitement calculé que c'était à cette seconde-là exactement qu'il était censé mettre un pied dans le salon. »

Il avait son attaché-case à la main et il portait un élégant costume bleu ciel et une cravate blanche, déjà prêt pour la réunion à laquelle il se rendait. D'habitude, comme on était l'avant-veille de Noël, Makuba se serait permis de lui faire une remarque, comme quoi le Père Noël avait déjà largement eu le temps de faire ses courses depuis le temps et donc que ce n'était vraiment plus de leur ressort si les gens avaient des problèmes de cadeaux de dernière minute et accusaient leurs stocks. Mais comme il devait lui-même faire un tour au plus grand magasin de jouets de la ville qui terminait aujourd'hui sa collecte d'argent pour les orphelins de Domino City, il pouvait bien lui laisser passer ça.

Mais c'était la seule exception ! D'ailleurs, pour être sûr de mettre son frère dans l'ambiance – autant que c'était possible –, il avait décoré l'entièreté de la limousine. Seto haussa un sourcil devant la guirlande dorée attachée autour de l'antenne et les pochoirs en flocons de neige sur les vitres fumées, mais il se concentra plutôt sur la coiffure de son cadet.

« Tu t'es attaché les cheveux, remarqua-t-il en passant ses doigts – qui rencontrèrent pas mal de nœuds – dans l'épaisse crinière de cheveux noirs qui était rassemblée en une queue-de-cheval.

-Oui, répondit Makuba en posant lui aussi, par réflexe, sa main sur l'élastique. Je crois que je vais les couper. Ça commence à me gêner qu'ils soient aussi longs et épais.

-Ça ne t'a jamais dérangé quand nous jouions dehors et dans la poussière pendant des heures, lui fit remarquer Seto en se glissant sur le siège de la limousine. Et pourtant, ils avaient bien plus de raisons de t'embarrasser en te tombant dans les yeux et en… »

Il s'interrompit soudain.

« Makuba, qu'est-ce que c'est que ça ? soupira-t-il en désignant les guirlandes lumineuses clignotantes, d'un beau rose bonbon, qui étaient enroulées autour de différents éléments intérieurs du véhicule.

-C'est bientôt Noël, Seto ! répliqua son frère en prenant place à ses côtés.

-Et alors ? Je croyais que le plus important, pendant cette fête, c'était d'être avec les gens qu'on aimait, se moqua le PDG en faisant clairement référence aux discours un peu mièvres qu'il lui servait parfois.

-Oui, c'est ce que j'ai dit. Mais j'aime aussi tout ce qui est lumineux et festif et tu le sais très bien ! Alors arrête de faire cette tête, tu veux ? »

Pendant que la limousine reculait dans l'allée du manoir, le vice-président de la Kaiba Corp. attrapa un thermos de chocolat chaud coincé dans la portière et en versa deux grandes tasses à son aîné et à lui. Seto observa l'opération d'un œil qu'il s'efforça de ne pas rendre trop critique, mais il craignait le moment où un chaos de la route enverrait la boisson asperger le cuir impeccable des sièges. Cependant, Makuba était un garçon précautionneux et habile et il tendit un mug à son frère sans en faire déborder une goutte.

« On trinque ? suggéra-t-il. À la famille et aux vacances qu'on va prendre pendant quelques jours.

-Et aux affaires de la Kaiba Corp., répliqua Seto, très sérieux.

-Évidemment ! J'ai hâte de pouvoir clôturer la collecte d'aujourd'hui et de distribuer l'argent à tous ces orphelins. »

Son frère hocha solennellement la tête et but une gorgée de son chocolat chaud.

« Il y a des épices dedans, non ? remarqua-t-il en jetant un coup d'œil au fond.

-Oui, c'est moi qui l'ai fait ! »

Seto sourit et s'accorda un moment pour appuyer sa tête contre la tête de son cadet. C'était vrai qu'il aimait bien les embellissements kitsch de Noël quand Makuba était avec lui.

Une vingtaine de minutes plus tard, les deux frères parvinrent devant le magasin de jouets qui constituait leur premier arrêt. Makuba jaillit de la voiture avec enthousiasme et attendit que son aîné le rejoigne sur le trottoir. Ensemble, ils pénétrèrent dans la boutique, de façon très classe, doit-on ajouter, en franchissant d'un pas absolument identique et déterminé tandis que les portes automatiques s'ouvraient devant eux.

« Toujours en train de se la jouer, ces deux-là, lança soudain une voix près des premières caisses. »

Makuba sourit, Seto grogna, et ils se retournèrent pour découvrir, comme ils s'y attendaient, Joey qui les regardait. Il était habillé d'un t-shirt blanc et d'un gilet à liseré bleu avec un dragon, le logo de la Kaiba Corp., imprimé dessus. Près de sa caisse se tenait Sérénity.

« Qui s'occupe des ressources humains dans ce magasin ? grommela l'aîné des frères Kaiba.

-Joey ! Je ne savais pas que tu travaillais ici, s'exclama au contraire Makuba en allant le rejoindre.

-Oui, j'avais besoin d'un petit boulot pour aider mon père à terminer le mois, expliqua le jeune homme. Et acheter un cadeau à Sérénity. L'ambiance est vraiment super dans vos magasins, ça change de…

-Joey ! intervint sa sœur. Ce n'est pas une très bonne idée de contrarier ton patron pendant qu'il est dans la pièce, tu ne crois pas ?

-Si, tu as raison. D'autant plus que je tiens à avoir cette prime de meilleur employé du mois pour t'offrir cette poupée qui te plaît tant ! Allez, au suivant de ces messieurs-dames ! »

La file d'attente alignée devant sa caisse recommença à avancer et Sérénity s'écarta du passage avec Makuba.

« Qu'est-ce que vous faites ici ? demanda la jeune fille aimablement. C'est pour la collecte d'argent à destination des orphelinats de la ville ?

-Oui, moi je suis venu pour ça, mais Seto va repartir. Merci d'être venu avec moi, grand frère, ajouta-t-il en se tournant vers son aîné, qui échangeait quelques banalités avec le manager du magasin.

-Je t'en prie, répondit Seto laconiquement. Bon, je vais partir pour ma réunion. Tu sais qu'avec tous ces bouchons, il me faudra des heures pour y arriver alors que les locaux d'Elfe Myst. Distribution sont juste à côté. À plus tard.

-Oui, à plus tard. Amuse-toi bien avec tes distributeurs, lança son frère malicieusement. »

Seto roula des yeux et consentit à se pencher pour étreindre Makuba quelques instants, parce que c'était Noël après tout et que Wheeler se permettait d'être sentimental avec sa sœur juste sous son nez, après quoi il fit demi-tour et s'en alla.

Les deux dernières heures de la collecte se passèrent très bien. Elles rapportèrent à peu près la somme que les deux frères Kaiba et leurs associés l'avaient envisagé et on rangea l'argent bien à l'abri dans le coffre-fort hyper sécurisé du magasin de jouets.

wowowow

Sauf que quand Makuba se retourna après avoir vérifié les derniers documents de transfert, dans ladite salle du coffre, il sentit, au frémissement qui parcourut son échine, que quelque chose clochait. Il n'avait pas un aussi bon instinct que son frère, mais ses impressions ne le trompaient pas trop souvent. Et ces agents de sécurité-là, ils ne lui disaient rien qui vaille, quelque chose était devenu étrange dans leur posture et la façon dont ils se regardaient. Est-ce qu'il les avait déjà vus dans ce magasin avant la semaine écoulée, d'ailleurs ?

Le jeune garçon obtint amèrement la confirmation que ses craintes étaient fondées lorsque l'un d'eux sortit son arme de service pour en pointer le canon dans sa direction. Pas spécialement pour le viser – pour l'instant –, mais bien pour lui montrer qu'ils avaient l'intention de… d'échanger quelques mots avec lui.

Le cœur de Makuba bondit dans sa poitrine mais il soupira quand même, pratiquement désabusé après avoir vécu un bon nombre de situations similaires. Il sut gré à Joey, qui l'avait accompagné pour transporter quelques trucs et qui se trouvait présentement avec lui, de demander à sa place :

« On peut savoir ce qui vous prend ? »