Notes :
OS écrit dans le cadre du Crack Fest du serveur Discord Festumsempra. Encore merci à Maya de m'avoir relue!
Texte:
Elle avait les yeux chocolat. Un chocolat chaud, fait maison avec amour, d'un brun presque aussi profond que la nuit… Deux orbites noires telle l'âme de leur détentrice. Ces cils longs et fournis arboraient une teinte à peine plus sombre, comme une invitation… on ne demandait qu'à voir tourbillonner dans ses pupilles un nuage de lait.
On y apercevait des éclats de miel, pourtant ; un espoir dans les ténèbres.
Un chocolat amer. Nécessairement. Une amertume qui pique la gorge et dont la vapeur embrume le cœur. Une dureté qui ne disparaît pas sous le sucre de la tendresse.
Des yeux torrides, oui… torréfiés, plus précisément. Sa peau laiteuse aux accents caramel quand la lumière s'y prêtait, ses cheveux de miel…
Certes un miel sombre, noir, provenant de montagnes escarpées, à n'en pas douter. Ténébreux liquide butiné dans les forêts les plus interdites - quelle meilleure comparaison pour un amour qui devait rester secret ?
Non. Ses yeux étaient café, mais un café plein de sucre pour le rendre… gris, en fait. Non, un café plus clair si tu ajoutes du sucre ou du lait … même du lait d'amande… Ses yeux étaient du thé hojicha ! Du thé grillé, les flammes de l'enfer intérieur d'être née en sa terrible famille, oui…assurément.
Et sa peau ! Sa peau n'était que lait d'amande !
Ou d'avoine, de son, de riz, peu importe, un lait onctueux, soyeux… Comme ne pouvait que l'être sa peau et sa chevelure au toucher…
Non, une chantilly ! Légère, libre comme l'air, aérée… le luxe qui fond sous la langue… la vanille personnifiée. Et ses veines d'un bleu myrtille qui transparaissent sous sa peau, aussi translucide que le miel du Kirghizstan…
Certes, comme toute anglaise, elle devait brûler au soleil comme un homard.
Il ne fallait point y penser.
Ces grains de beauté noisette qui ornaient ses adorables pommettes… un pur délice à regarder. De vraies graines de bonheur dans le petit cœur bouillant (à cent degré, comme du thé) de Rita ; des grains de café - voilà, il y avait un thème - qui clairsemaient ses joues, seul endroit où sa peau se teintait de pêche.
Ce café serait merveilleux. Son arôme ne pourrait qu'être amélioré par le savoir que Bella (oui, en son cœur Rita l'avait affublée de cet affectueux surnom) l'avait préparé de ses blanches mains ; ses mains teinte tzatzíki sans le concombre dedans, enfin c'est-à-dire yaourt grec. Non, ces termes ne décrivaient pas assez la beauté nougatesque de Bella, elle dont l'élégance, jusque dans sa blanche robe à frou-frous, rappelait une meringue, ou encore le blanc léger et féerique d'un pop-corn.
Boire ce café serait, en posant ses lèvres sur la tasse, presque comme déguster les lèvres cerises de son aimée… une teinte vive et presque fraise, qui fleurait bon la débauche estivale.
Son aimée sentait le pétrichor, comme la terre après la pluie, mais aussi le tabac froid, et les phéromones - non, elle biffa le dernier segment ; mais que doit faire une écrivaillonne en herbe si on ne lui laisse pas un brin de licence artistique ?
La texture veloutée de sa peau, éclairée par les lueurs moirées du lieu, n'était pas sans rappeler les raisins des natures mortes des peintres flamands - la teinte verte ou violette en moins.
Récapitulons, Bella était à la fois du thé japonais, du café, du chocolat liégeois, des éclats de miel, du nougat, le plus fin des laits, et un topping de fruits. Un met délicat inégalé.
Bellatrix Lestrange était un milk-shake.
Rita Skeeter se léchait les babines malgré ses difficultés à faire cadrer ses fantasmes gustatifs avec ses fantasmes sexuels. D'ailleurs, elle se rendait compte en écrivant ces lignes avec son expérimentale Plume à Papote que vouloir à ce point comparer l'objet de son désir à de la nourriture s'apparentait à du cannibalisme.
Pour chasser cette pensée qui menaçait de lui couper l'appétit, elle prit enfin son courage à deux mains et lui commanda quelque chose.
- Bonjour Mademoiselle, puis-puis-je a-avoir un café ?
Rita se rendit compte avec effroi que sa voix tremblait. Elle avait pourtant dépassé l'âge d'élève à Poudlard ! Elle était à présent une femme forte et indépendante. Elle ne pouvait se permettre de bafouiller ainsi !
De son habituelle moue dédaigneuse, et pourtant si séduisante, Bella prit en note la commande et s'en alla. Rita ne put s'empêcher d'admirer les grains de beauté teinte châtaigne qui ornaient sa nuque quand elle se retourna.
Bellatrix parut ne même pas la reconnaître. Rita avait pourtant enfilé sa meilleure robe moulante et bouclé ses cheveux à nouveau ce matin !
Il était vrai que Rita avait quelques complexes, à la fois psychologiques et physiques. Par exemple, elle avait conscience que sa forme d'Animagus reflétait probablement un quelconque trait peu aimable de sa personnalité. Comme se plaisait à lui demander son père sur un ton perfide, les scarabées étaient-ils malhonnêtes, sensationnalistes ou juste stupides ? La philosophie n'ayant jamais été le fort de Rita, elle ne se préoccupait guère de ces considérations théoriques… sauf les jours (malheureusement fréquents) où, à deux doigts de se faire écraser par mégarde sous la chaussure de l'objet de son futur scoop, elle se rappelait que « petit » signifie également « mesquin ».
Son apparence ne lui plaisait pas entièrement non plus, d'où les efforts vains pour se mettre en beauté avant de venir au café. La teinte « épinards de la cantine » de ses yeux n'attirait pas foule. Elle gardait néanmoins l'espoir fou que Bella, elle, verrait un jour ses iris pour ce qu'ils étaient vraiment : une nuance de vert non pas poireau, asperge, artichaut, blette ou brocoli ; mais un vert pistache, cette saveur de la glace en été.
Non ! Il ne fallait pas se complaire dans de tristes idées, alors qu'elle était si près du but. Rita se força à penser aux lèvres groseille de Bellatrix et à ses cils cappuccino. En outre, ne disait-on pas que le vert était la couleur de l'espérance ?
Quand, enfin, les lèvres de Rita attinrent le breuvage de ses rêves, elle ferma les yeux. Après tant de stress en parlant à celle qui hantait ses nuits depuis Poudlard, quoi de mieux qu'un réconfort administré par cette même personne ?
Rita recracha le café. Il était dégueulasse.
En temps normal, elle aurait hurlé qu'elle exigeait de voir le manager, mais il s'agissait de sa tendre Bella. Cette tasse était-elle représentative de la qualité habituelle de leurs produits, ou fallait-il y voir une mesquinerie spécialement prévue par Bella ? Quelle qu'en fût la raison, Rita était mortifiée.
D'un coup preste de baguette, elle fit disparaître le honteux liquide éparpillé sur sa table et ses vêtements. Elle jeta un regard de chien battu à Bella. Toutes les autres clientes pouffaient sous cape. Rita ne savait plus où se mettre.
Rita se sentait si déçue.
Elle admirait Bellatrix depuis leur temps passé ensemble sur les bancs de Poudlard. Elle la regardait au loin, cette fière beauté inégalable, sans jamais s'approcher d'elle. Elles avaient deux ans d'écart, une petite différence quand elles seraient adultes, mais rédhibitoire à l'adolescence.
Pendant les deux années après que Bella eut fini ses études, Rita se morfondit. Une fois ses ASPICs en poche, comment la séduire ? Elle n'avait pas eu l'occasion de s'entraîner, en amoureuse transie qu'elle était !
Elle s'était donc penchée sur la littérature romantique. Un thème récurrent s'en dégageait : il fallait se réunir autour d'un café !
Rita n'appartenant pas au même milieu que Bellatrix, elle n'avait aucune occasion crédible de la rencontrer par hasard pour lui proposer d'en prendre un avec elle. Il aurait été tout aussi incongru de lui écrire une missive annonçant la couleur (arc-en-ciel) de but en blanc !
Quelle ne fut pas la surprise (et le ravissement) de la jeune journaliste en herbe quand elle apprit que cette dernière, pour une raison obscure, avait commencé à travailler dans un café.
Ses rêves les plus fous se réalisaient enfin !
Certes, Bellatrix travaillait dans un établissement huppé - il ne fallait pas pousser trop loin.
Rita ne pourrait donc pas lui demander d'écrire son nom sur un gobelet, en espérant atteindre le stade de la romance où Bella le connaîtrait par cœur, ainsi que sa boisson préférée. Rita ne pourrait s'attendre à tant de tendres dévotions. Tant pis. Elle trouverait une solution.
L'Enchanthé accueillait la clientèle sorcière huppée. Non content d'éviter les endroits populaires du Londres sorcier, l'établissement se trouvait à l'orée de la campagne. On pouvait y prendre le thé en terrasse, dans un paysage digne d'un roman de Jane Austen. Ce joyau du salon de thé à l'anglaise comportait seulement de la place pour une dizaine de clientes à la fois. On y profitait à la fois du chant des oiseaux et de celui, mélodieux, d'un automate en or. Un coucou au son cristallin sonnait l'heure. Meubles et décorations n'étaient que velours, soie et dentelle.
Il était bien vu d'y être vue.
Par ailleurs, la curiosité journalistique de Rita était piquée au dernier degré.
Si elle séduisait Bella, aucune information croustillante ne serait révélée au public.
Si elle lui brisait le cœur… au moins Rita aurait la satisfaction d'écrire un article à scandale, ce qui ne manquerait pas de plaire à la rédactrice en chef. Elle en aurait pour son argent.
Ceci représenterait une crasse, certes, envers son aimée.
Mais Rita Skeeter n'était pas une Serpentarde pour rien.
Elle savait tirer profit de toute situation.
Comme si de rien n'était, elle revint le lendemain.
Elle demanda cette fois-ci un chocolat noir, une teinte aussi sombre que son âme.
Elle y trempa à peine les lèvres, précautionneuse.
Le goût était à peine meilleur que le café du jour précédent !
Le sourire moqueur de Bella la mit en colère. N'était-il pas un peu narquois, ce sourire ? Ou était-ce son imagination débordante ? Une certaine paranoïa, induite par la déception de constater que ces sentiments n'étaient nullement réciproques ?
Pour vérifier son hypothèse, Rita commanda aussi un gâteau. Une part de tarte à la crème.
Le goût, tout aussi pénible, lui donna l'impression de consommer du sucre en poudre pur.
Elle se força néanmoins à terminer ses consommations, espérant que Bella remarque sa bonne volonté.
À grand peine, elle consomma en tout pendant cette maudite journée environ 5 cafés, 3 chocolats, 7 matcha lattes, deux pâtisseries et une banane - elle avait fini par comprendre que la seule chose correcte par ici, c'était les produits non transformés.
Bref, tourner en rond autour de Bella et se comporter comme un petit chien qui veut qu'on lui prenne la pa-patte, ne lui servirait guère.
Il fallait passer à l'action.
Elle se leva, alla au comptoir. Bella lavait de la vaisselle avec sa baguette, et l'ignorait ostensiblement.
- Mademoiselle Black…
- Oui bonjour, grinça-t-elle, vous désirez ?
- Savoir comment il se fait que cet établissement si réputé serve des horreurs qui feraient frémir de dégoût les Trois Balais ?
- Je ne vois pas de quoi vous parlez.
Pourtant, le sourire taquin de la jeune sorcière ne trompait pas, foi de Rita ! D'ailleurs, la Plume à Papote commença immédiatement à retranscrire (à sa manière) leur conversation.
- La rumeur court que la qualité a baissé par ici…
- Quelle rumeur ? chantonna Bella, tout en se remettant à travailler.
- Vous pouvez mentir autant que vous voulez, en attendant, il est fort possible que dès demain, les journaux répandent une nouvelle peu avantageuse pour cet établissement. Vous n'êtes pas sans ignorer le poids du quatrième pouvoir.
Bella haussa les épaules.
- Aucunement de mon ressort. Cela retombera sur la patronne, pas sur moi. Je fais bien mon travail, personne ne se plaint de moi. Si vous croyez parvenir à me soutirer des informations croustillantes au sujet de ma famille par ce chantage grossier, vous vous fourrez la baguette dans le nez jusqu'aux boyaux.
Rita, en manque de répartie et irritée, tourna les talons.
En arrivant chez elle, elle eut envie de se taper la tête contre un mur, façon elfe de maison. Par pure émotivité, elle avait laissé passer trois occasions en or : avoir le café, les ragots du café et le cœur de la serveuse ! Quelle sotte elle faisait !
D'un autre côté, elle était toujours furieuse contre Bella ; pourquoi se moquait-elle d'elle ainsi ?
Une envie de revanche grandit peu à peu en elle. Elle mêla les notes de sa plume à sa propre interprétation des événements. Le vitriol produit par sa plume faillit transpercer le parchemin.
Malheureusement, en relisant son article le lendemain, elle fut bien forcée de constater qu'il n'avait aucun fond.
Certes, ce ne serait pas la première fois qu'elle publierait sans source. Voilà pourquoi elle avait choisi la voie de journaliste people, et non celle de l'investigation. Rita avait autre chose à faire que de chercher la vérité - et ne possédait pas de talent de romancière, non plus. À la place, elle enquêtait sur les romances d'autrui, puis les romançait. Mieux que rien, et mieux payé qu'autrice de roman. Au demeurant, son vocabulaire était trop limité.
Au réveil, toutes ces considérations pseudo-littéraires qui avaient cogité en elle pendant la nuit lui donnèrent un violent mal de crâne. Ou était-ce un syndrome de manque lié au café ?
Peu importait. Elle n'abandonnerait pas.
Il paraissait évident à présent qu'elle ne gagnerait pas en jouant à la plus finaude. Bella était passée maîtresse dans l'art de la manipulation. Rita ne pouvait espérer rivaliser avec l'éducation de la famille Black. Peut-être valait-il mieux jouer franc-jeu.
- Bonjour, Miss Skeeter, vous désirez ? lança une autre employée dont Rita ignorait le nom, gaie comme un pinson.
- Je désire…Bella.
Rita se rendit compte qu'elle s'était mal exprimée au moment même où ces mots sortirent de sa bouche. Elle plaqua sa main sur ses lèvres. Ce lapsus révélateur la mortifiait !
La collègue de Bella, n'ayant apparemment rien remarqué, l'appela aussi sec.
C'est alors qu'un événement que Rita n'aurait jamais imaginé, un petit miracle, se produisit. Au moment où elle franchit le rideau de perles scintillantes qui séparait la cuisine du salon, Bella… lui sourit.
Ses dents blanches comme du lait, si belles… non, du lait périmé, se corrigea intérieurement Rita. Et pourtant, attendrie, Rita parvint à peine à marmonner sa commande.
Rita alla s'asseoir, chancelante, bouleversée. Bella lui amena bientôt un café.
Dans le nuage de lait se dessinait… un cœur .
Celui de Rita fit un bond dans sa poitrine. Elle sentit ses joues s'embraser.
- Mais alors…
La journaliste ne savait que penser ! Se pouvait-il que… ?
Bella hocha de la tête, toujours avec ce sourire enjôleur, l'incitant à s'exprimer.
- Bella, vous ne cherchiez donc pas seulement à me faire souffrir ? Je trouvais ce manège bien cruel, pour moi qui ne vous ai jamais fait de mal…
- Non, Rita, tu n'as pas compris…
Elle s'approcha d'elle, et Rita pu admirer de plus près ses iris pleines d'ombre, ces deux billes de tapioca suaves, brillantes… cette émulsion d'émotions digne d'un bubble tea, qui transparaissait, émut profondément Rita.
- Je me suis fait embaucher…
Elle s'approcha plus encore d'elle, son eau de parfum à la fleur d'oranger irradiant vers Rita.
- Car je t'ai vue dans la grande salle lire ces romances. Je t'ai vue me regarder, j'ai compris ce que tu ressentais pour moi. Moi aussi, je t'admirais de loin, et dès que tu es sortie de Poudlard, il a fallu que je fasse quelque chose. Je ne pouvais laisser des étoiles contraires briser notre union. Je savais que les astres étaient alignés depuis nos naissances.
- Comment… comment le sais-tu ?
- Tu crois que tout le monde dans ma famille a un nom d'étoile pour rien ? fit-elle en gloussant. Quand je suis née, mes parents ont consulté le plus grand astrologue du Royaume-Uni. Il a prédit que seule une Capricorne signe montant puis descendant, style accent circonflexe, pourrait ravir mon cœur…
- Ça alors… quand je suis née, on a prophétisé à mes parents que seule une femme qui me redonnerait le goût de vivre valait la peine de passer ses jours avec moi. Et quand tu n'étais plus à Poudlard… je n'avais plus goût à rien.
- Pas même au canard laqué ?
- Non… C'est tout dire… j'avais même renoncé à manger des chamallows, la guimauve m'écœurait… et j'aurais été prête à renoncer à tant de choses si elles avaient pu te faire revenir !
- Même…les romans à l'eau de rose ?
- Ah, ça non, voyons ! Quand on ne peut vivre d'amour et d'eau fraîche, il faut au moins désaltérer un cœur endurci par les épreuves avec un peu de fiction tendre.
- Cela est vrai. Moi-même, j'essayais de noyer ma souffrance de ne point te voir.
- Tu la noyais… dans du café ?
- Oui, et du thé, et de la limonade, et même… de la menthe à l'eau.
- De la menthe à l'eau, cela ne m'étonne pas venant de quelqu'un qui ment si bien, chère Bella !
- Mais je ne mens pas quand je dis que je…
Bella tira Rita derrière le rideau de perle, loin de la vue des premières clientes de la matinée.
- Je t'aime !
Rita laissa s'échapper un souffle dont elle avait auparavant ignoré l'existence. Son cœur battait une folle chamade.
- J'ai su qu'en travaillant dans un café tu viendrais, à la fois en tant que journaliste curieuse et en tant que soupirante.
Bellatrix lui prit les mains. Yeux dans les yeux, elle détacha alors une de ses mains pour replacer une mèche blonde comme les blés qui entravait le doux visage de Rita. Elle en profita pour caresser un peu sa chevelure.
- Seul un cœur pur pouvait dépasser l'élitisme gustatif. En te faisant endurer des boissons atroces, je m'assurais de tes valeurs.
- Moi, j'ai un cœur pur ? s'exclama Rita.
La dernière fois qu'on le lui avait dit, c'était en cours de potion - il fallait uniquement se servir d'un ventricule de dragon élevé en plein air, bio et sans additifs.
- Apparemment ! rit Bella.
Elle prit un air plus sérieux, serrant sa paume autour des mains de Rita.
- Je suis prête à abandonner mon monde de magie noire pour toi.
- Mais… nous nous connaissons à peine ! Cela fait seulement trois jours que nous…
- Le café ne trompe pas. S'il est atroce pour toi, c'est que nos énergies chaotiques sont faites pour s'aimer.
- Co… comment ?
Rita manqua de s'étrangler d'étonnement. Sa respiration, qui s'était à nouveau coincée dans sa poitrine sans qu'elle s'en rende compte, s'échappa.
- Je voulais m'assurer que tu m'aimais encore. Avant même que tu viennes, j'ai suivi une recette ancestrale de ma famille. Elle permet de reconnaître l'élu en faisant en sorte que sa boisson possède un goût distinct s'il s'agit de la bonne personne. Habituellement, la potion fonctionne un peu comme l'Amortentia, elle a un goût délicieux pour la personne choisie. Mais comme nous sommes dans un établissement de qualité, j'ai été contrainte de procéder à l'inverse. J'en suis navrée.
Les lèvres grenade de Bellatrix s'entrouvrirent en un pauvre sourire. Rita lui pardonna immédiatement les épreuves qu'elle lui avait fait endurer...
- Alors, fit Rita, la voix tremblante d'émotion, c'est comme un conte de fée ? Tu attendais ta princesse, tu m'as attirée dans ton piège, mais… c'était pour que je te sauve mieux d'une vie d'ennui ?
- Oui ! s'enflamma Bella. J'ai adapté ces histoires au monde moderne.
- Alors…
Rita rougit comme une tomate, et plaça sa main sur sa bouche avec coquetterie.
- Je crois qu'en tant que Serpentard je me sens flouée… et pourtant je n'ai jamais été aussi heureuse de tomber dans un piège !
- Et moi dans le tien !
- Il n'empêche, dit Rita en reprenant un minimum ses esprits (elle le faisait toujours avant d'envoyer un article, un contrat ou tout autre document impliquant une responsabilité) que cette histoire n'a littéralement aucun sens. Tant de coups de théâtre se sont produits que j'en ai le tournis !
- Cela n'a pas la moindre importance, voyons ! La romance ne sera jamais un genre raisonnable ! Sa logique se rapproche de la barbe à papa : floue, nuageuse et délicieuse…
- Mais nous sommes allées si vite ! s'écria Rita.
- Écoute, la dernière fois que j'ai été en couple, on s'est mises ensemble selon la tradition lesbienne, c'est-à-dire juste après notre premier rencard, lequel a été passé à terrasser un dragon.
- Et si ce n'est pas indiscret, ça a duré combien de temps entre vous ? s'inquiéta Rita, dubitative.
- Un mois. Donc tu vois, finalement, insista-t-elle avec un enthousiasme irrésistible, partir pour de folles aventures au bout de trois rendez-vous, c'est très raisonnable ! D'ailleurs, en parlant de déraison, puisque que je m'apprête à tant sacrifier pour toi…
- Dis-moi ! s'enflamma Rita.
- Après ma démission, pourras-tu démolir cet établissement dans la presse ?
- Mais si la potion m'était personnellement destinée…
- Peu me chaut. Je me suis cassé un ongle à cause d'eux. J'oserais même dire que j'en ai trop soupé ici. Ce salon mérite de tomber en faillite.
- Tu as raison !
Elles se rendirent au jardin.
Elles s'embrassèrent. Techniquement, leur baiser avait un goût amer. Amer de toutes les épreuves qu'elles avaient traversées. La souffrance avait piqué leurs cœurs, tel un œuf trop poivré.
Sous le beau chêne où elle se trouvait, qui couvait leur tendre union naissante, elles percevaient encore les effluves de café. Ce café qui nimbait toujours le souffle de Rita.
Ce café de l'établissement et sa saveur d'antan.
Ce café restait fidèle à la tradition. Son arôme était authentique, et comme la totalité des traditions de la famille Black, il était et resterait toujours pur.
Sans additif, sans sirop, sans lait, sans sucre, c'est-à-dire, toujours dégueulasse.
Leur baiser fut imprégné du goût de l'immonde breuvage sur leurs lèvres.
Mais pour elles deux, il avait le goût de l'amour.
Notes :
Mes contraintes étaient :
- AU coffeeshop mais le café est dégueulasse et l'établissement est au bord de la faillite
- Le fléau de l'élitisme
Crackship :
Bellatrix/Rita
Si vous avez compris la ref à " Elle laissa s'échapper un souffle dont elle avait auparavant ignoré l'existence. Son cœur battait une folle chamade.", GG.
Le commentaire met du beurre spirituel dans les épinards de l'auteure, et je réponds toujours 3
