Bonne lecture !
Chapitre 27
McGonagall nous dévisage les uns après les autres, derrière ses lunettes carrées, assise derrière son imposant bureau tandis que nous sommes plantés devant elle. David, Cath et Chris lui ont expliqué le tournant que viennent de prendre nos investigations. La directrice soupire, alors se laisse aller à son dossier en se pinçant le nez. Je décoche un regard au visage impatient de Cath puis à celui coupable de David. Je suis sûre que personne ici ne lui en veut d'avoir préféré se taire pour protéger sa petite sœur. La menace était bien réelle. N'importe qui aurait cédé à cet odieux chantage.
« Etes-vous en train de m'apprendre que vous avez décidé de vous-même de mener votre petite enquête sur une activité dangereuse plutôt que de vous en référer au corps enseignant ? demande-t-elle. »
Son air sévère me fait me recroqueviller sur moi-même, elle me jette un regard déçu. Elle attendait certainement mieux d'une élève de sa maison. C'est l'une des personnes les plus respectables, les plus justes de Poudlard et de l'histoire du monde magique de ces vingts dernières années. Une héroïne de la dernière guerre contre Voldemort... Je sens des excuses au bord de mes lèvres. Je ne croyais pas vraiment à cette lubie de Cath, on ne pensait pas se mettre dans les ennuis. La réalité nous a soudainement rattrapé, ce troisième année nous l'a rappelé. Ce n'est pas un jeu, il y a des victimes de lynchage.
« J'admire votre courage, admet-elle, d'autant plus quand il faut dépasser le chantage et les menaces Mr. Lehnsherr. Néanmoins, il est tout à fait inadmissible de s'exposer ainsi. Vous serez sanctionnés pour cela vous m'y contraignez je le crains.»
Penauds, nous hochons la tête. Elle se relève, se tourne un instant vers la cheminée avant de nous toiser de sa silhouette droite et rigide. Soudain, on frappe à la porte et l'instant d'après Mrs Dalrymple s'introduit dans le bureau. Elle est accompagnée de Mr. Willow le concierge et Mme Pomfresh. Derrière eux, Dylan qui nous adresse un regard foudroyant de colère.
« M. Greyjoy, l'accueille la directrice, je crains que vos camarades n'aient porté de graves accusations à votre encontre.
- Je n'ai rien fait, lâche-t-il.
- Vous étiez en train de violez l'extinction des feux en vous promenant dans les couloirs avec vos amis, rappelle Mr. Willow.
- On faisait rien de mal, hausse-t-il les épaules.
- C'est interdit, rappelle-t-il.
- On faisait rien j'vous dis ! s'agace-t-il, si c'est à cause ça, ils étaient sûrement pas dans leur salle commune non plus !
- Il ne s'agit pas de cela mais de faits bien plus graves. »
Il semble discerner aussitôt de quoi il s'agit. Il se tourne vers David, prêt à se jeter à sa gorge et lui coller son poing dans la figure. Dylan a toujours été impressionnant et sanguin. Un stupide élan d'inquiétude pour David me saisit, aussitôt apaisé par la voix calme et ferme de Mrs McGonagall.
« Vous êtes accusé de vous en prendre injustement à vos camarades pour des raisons aussi ignobles qu'injustifiables, claque avec raideur la directrice.
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, s'entête-t-il buté.
- Marvin a été blessé, si vos camarades n'étaient pas intervenus cela aurait pu être plus grave, fait Mrs Pomfresh. »
Dylan hausse les épaules, marmonnant qu'il n'y est pour rien.
« Nous avons les moyens d'obtenir des preuves, assure la directrice, il est dans votre intérêt d'avouer tout de suite plutôt que nous en venions à cette extrémité. Croyez-moi, ce serait mieux pour tout le monde de ne pas en arriver là.»
Il lui adresse un regard incertain, sa mâchoire reste résolument serrée.
« Comme vous voulez, acquiesça-t-elle, Irma, voulez-vous bien procéder ? »
Mrs Dalrymple s'avance, demande la baguette de Dylan qui la lui tend avec réticence. Elle la pose sur le bureau, lève la sienne et l'agite en murmurant un sortilège que je n'arrive pas à vraiment entendre et encore moins à décrypter. Il nous adresse un regard sombre où ne semble cependant briller aucune réelle inquiétude. J'ai la gorge nouée, il n'a lancé aucun sort contre Marvin et il portait une cagoule. Il n'a pas utilisé sa baguette pour commettre ces méfaits. J'échange un regard avec Christopher. La même pensée lui a traversé l'esprit.
La baguette de Dylan se colore d'un aura verdâtre qui fait froncer les sourcils à Mrs Dalrymple.
« Mr Greyjoy n'a pas utilisé sa baguette ce soir pour utiliser de sorts répréhensibles. »
Le tremblement contenu, presque imperceptible, qui saisit Dylan me crispe instantanément. Mrs Dalrymple agite à nouveau sa baguette et murmure quelques mots. Mrs McGonagall se penche près d'elle. Elles échangent un regard entendu que je suis incapable de décrypter.
« Mr Greyjoy, il semblerait que vous ayez au cours des derniers mois utilisé un sortilège de distorsion. »
Dylan se tend aussitôt, toute son assurance fond sous le regard perçant de la directrice. Je peux voir les pièces du puzzle s'assembler sous mes yeux, même si la logique de leur emboîtement m'échappe totalement.
« Auriez-vous eu besoin de dissimuler votre visage ? »
La question de Mrs McGonagall sonne plus comme une affirmation. Cath étouffe un cri de surprise à ma droite.
« C'est un floutté ! me souffle-t-elle. Par Merlin ! »
J'hoche très lentement la tête. Son exclamation nous rappelle à l'attention des professeurs et de Mr Willow. Dylan est devenu blême, les yeux vissés sur la cheminée du bureau et les poings serrés. La directrice se tourne vers nous.
« Il n'est pas nécessaire de poursuivre cette conversation devant une telle assistance. Mr Willow, seriez-vous assez aimable pour reconduire ces jeunes gens à leurs dortoirs respectifs, il est tard. Bien entendu, cette affaire ne doit pas s'ébruiter cette nuit vous quatre, est-ce entendu ?»
Nous acquiesçons aussitôt. Le concierge hoche la tête à son tour et nous intime de le suivre. Les uns à la suite des autres nous lui emboitons le pas. Cath se colle contre moi pour chuchoter à mon oreille alors que Mr Willow nous conduit dans les couloirs jusqu'à la tour Gryffondor.
« C'est incroyable ! Dylan est à la fois un cagoulé et un floutté !
- Miss Morland, la reprend le concierge, il me semble qu'on vous a demandé de vous contenir !
- J'arrive pas à y croire, souffle-t-elle à peine plus bas. Et toi Freddy ?
- Moi non plus, secoué-je la tête, je ne comprends pas pourquoi s'en prendre à des nés-moldus et des Serpentards...
- On le saura bien assez tôt, répond Chris.
- Je crois qu'il a été harcelé par quelques Serpentards, souffle David, quand je suis arrivé en deuxième année, il était l'une des cibles d'un septième année... Gregor quelque chose...
- ça explique pas pourquoi il s'en est pris à des nés-moldus, songe Christopher.»
Oui, cela semble tenir et expliquer sa colère brûlante pour la maison Serpentard mais pas pourquoi il a agressé des nés-moldus... J'imagine que nous aurons des réponses en même temps que le reste de l'école. Je tourne discrètement mon attention sur David, il doit être soulagé de ne plus avoir à mentir. Sa mine sombre contraste avec son habituelle jovialité. Il doit se sentir coupable vis-à-vis de Marivin. Je croise ses yeux et lui sourit maladroitement.
« J'aurais dû parler plus tôt, fait-il.
- Il menaçait ta petite sœur, secoue Cath de la tête, c'est normal d'avoir voulu la protéger. Si quelqu'un menaçait Cindy ou une de mes sœurs j'aurais fait pareil !
- A cause de moi, quelqu'un d'autre a été blessé, marmonne-t-il. C'est en partie de ma faute.
- Ce n'est pas toi qui les agressait, assure Chris, ils sont les seuls coupables. »
David a les yeux rivés au sol, son air coupable me pince le cœur. Mes doigts brûlent de lui prendre la main, je les glisse aussitôt dans ma poche pour retenir une attention qui serait mal venue. Mais je ne peux m'empêcher de bafouiller en rougissant pour tenter de le consoler.
« Grâce à toi... grâce à toi maintenant, plus personne ne sera agressé. »
Il m'adresse un regard de gratitude qui fait fondre mon estomac. Je baisse maladroitement les yeux. Cath propose alors d'apporter des chocogrenouilles à Marvin dès demain matin. Il accepte avec un peu d'entrain, tout comme Christopher. J'hoche la tête à mon tour lorsque Mr Willow nous interrompt brusquement.
« Miss Vernon, votre dortoir. »
Je leur adresse un petit signe de la main et me glisse derrière le portrait de la Grosse Dame qui n'ose pas m''invectiver pour l'heure en présence du concierge. Je suis certaine qu'elle ne manquera pas de me faire une remarque pinçante dès demain matin.
Je me demande bien comment cette affaire va se régler maintenant.
OoOoOo
Tous les élèves ne parlent que de ça. Mrs McGonagall a fait un discours très remarqué ce matin au petit déjeuné à propos des agressions sur les nés-moldus et sur les Serpentards, permettant à tout le monde d'obtenir enfin le fin mot de l'histoire. Dylan ainsi que les élèves impliqués dans le lynchage ont été renvoyés de Poudlard. A vrai dire ce n'était pas si surprenant que cela... Les professeurs ont également mis en place des tables rondes obligatoires mêlant des élèves de toutes les maisons. L'objectif est clair : mettre à plat les choses, évoquer les divergences d'opinion, les sentiments, et les stéréotypes afin de les dépasser et de résoudre des inimitiés sectaires qui gangrènent l'école. Elles auront lieu en présence d'un professeur, par groupe de dix et commenceront dès la fin de la semaine.
Je trouve l'idée louable, bien que tétanisée à l'idée de devoir m'épancher devant mes camarades. Un soupir m'échappe, ça ne sert à rien de ressasser. Je n'ai qu'à espérer être avec Chris, Cath ou Marianne pour qu'ils m'évitent d'avoir à prendre la parole.
« Fred ! J'te cherchais partout ! »
Surprise, je relève les yeux des poèmes de Marieke Rjineveld pour voir Henry s'avancer vers moi à grandes enjambées. Il a l'air tout à la fois empressé et nerveux, passant sa main dans ses cheveux dressés sur sa tête et glissant des regards anxieux aux alentours. Et cela ne semble pas être pas peur de voir Mrs Pince le houspiller.
« Cath est pas avec toi ?
- Non, secoué-je la tête, est-ce tu veux attendre ? Elle est en histoire avec Christ, elle va pas tarder à arriver...
- Non en fait c'est toi que je voulais voir. »
Il s'assoit machinalement en face de moi, je le dévisage pour essayer de comprendre d'où lui vient cette attitude si inhabituelle. Il sort vivement de son sac un livre et me le montre sans croiser mon regard.
« Tu lis Stephen King ?
- Non, secoue-t-il la tête, c'est pour Cath. »
Une légère rougeur lui monte aux joues et m'attendit instantanément.
« Est-ce qu'elle l'a celui-ci ? »
Je fronce les sourcils, retournant l'ouvrage pour en lire le résumé. Je connais tous les livres qu'elle a lu de cet auteur. Elle passe ses soirées post-lecture à me les résumer en s'enthousiasmant pour les aspects les plus horrifiques. Je pourrais citer comme un chapelet leurs titres.
« Elle l'a déjà celui-ci, répondis-je, c'est un de ses préférés Ca. »
Ce clown cannibale qui poursuit les enfants m'a dressé tous les cheveux quand elle me le racontait... et pire encore quand elle m'a forcé à regarder toutes les adaptations. Mon année de deuxième année a été jalonnée de nuits blanches à imaginer le sourire dentelé de Grippe-sou prêt à me dévorer les orteils.
« Merlin... »
Henry s'est un peu décomposé et tripote machinalement le livre. Je sors un parchemin de mon sac et liste consciencieusement tous les romans que Cath a lu de Stephen King dont je puisse me souvenir.
« Comme ça tu ne pourras pas te tromper, expliqué-je. »
Il lit avec attention les titres, un petit sourire soulagé se dessine sur son visage. Je n'ose pas lui demander ce qu'il a en tête. La Saint Valentin n'est pas tout de suite, alors j'imagine qu'il espère amadouer Cath pour qu'elle lui accorde son pardon. Commencer par lui offrir des livres d'horreur est un départ prometteur.
« Merci Frederika.
- Je suis certaine que ça va lui plaire, soufflé-je gentiment.
- J'espère, sourit-il maladroitement. »
Il s'éclipse aussitôt, songeuse je l'observe sortir de la bibliothèque avant de me remettre à ma lecture.
OoOoOo
Comme à chaque fois que l'équipe de Serpentard et celle de Gryffondor s'affrontent dans un match de Quidditch, une atmosphère particulière, mélange d'excitation et de rivalité, pèse sur l'école. Notre salle commune est toute à la gloire de nos joueurs. Certains chantent déjà des chants pour encourager notre équipe. Dans notre dortoir, Marianne a enfilé sa tenue et s'apprête à rejoindre son équipe pour partir s'échauffer. Elle noue avec application ses boucles blondes en une queue de cheval puis, satisfaite de son apparence, elle se retourne vers moi.
« T'es sûr que tu veux pas que je te maquille ? Je pourrais te mettre un peu de fard à paupière argenté ou vert ! Une vraie supportrice de Serpentard comme ça ! »
Je secoue la tête, tripotant nerveusement le manche de notre pancarte. J'ai le ventre au bord des lèvres et les genoux parcourus de fourmis.
« Je crois que ça me rendrait encore plus plus mal à l'aise, secoué-je la tête.
- ça te rendrait encore plus jolie aussi ! insista-t-elle, qui pourrait te résister après ? Pas David en tout cas !
- Non, vraiment, assuré-je plus fermement en rougissant, je me sens mieux sans.
- Comme tu veux, hausse-t-elle des épaules. J'ai hâte de voir sa tête ! Je suis certaine que ça pourrait même nous faire gagner que tu le déstabilises avec ton panneau ! »
Je blêmis aussitôt. Je n'avais pas pensé à cela. Lorsque Cath et moi avons fabriqué la pancarte hier soir, l'idée était de faire comprendre à David par un geste que j'aimerais vraiment une deuxième chance et que je tiens à lui. Puisque la parole a échoué lamentablement.
« J'rigole Fred, je suis sûre qu'il va être tellement concentré sur son match, à chercher le vif d'or et tout... »
Qu'il ne remarquera pas le message que je vais brandir à mon corps défendant et de tout mon cœur ? Merlin... Mes épaules s'affaissent sensiblement, je baisse les yeux. Ça ne vaut peut-être pas la peine de m'exposer ainsi. Je n'ai pas le courage pour supporter les regards, les moqueries et les remarques. Tout le monde pensera sûrement que je suis une ex-petite-amie qui s'accroche désespérément à une relation belle et bien finie. On va se moquer de moi et me trouver complètement pathétique.
« C'est pas ce que je voulais dire ! s'empresse Marianne. Bien sûr qu'il va la voir ! Personne va la louper ! Il va te tomber dans les bras ! »
J'hoche faiblement la tête, soudain encore plus incertaine. Est-ce que c'est vraiment une solution ? Est-ce qu'il y a seulement une solution pour réparer ce qui a été brisé ? Peut-être qu'il n'y a rien à faire... peut-être que c'est simplement fini... je n'arrive pas à me dire que c'est le cas. Je ne peux pas encore lâcher le désir de passer du temps avec lui. Je ne peux pas m'empêcher d'y croire. En tout cas pas avant d'avoir tenté tout ce dont j'étais capable pour me faire pardonner.
Je me sens tellement en colère contre moi-même pour avoir pensé être amoureuse de Réginald, tout cela n'était qu'un éclat de mon imagination romanesque puérile. Je sais que je mérite ce qui est arrivé... je devrais sûrement le laisser tranquille.
« Marianne ! On y va ? S'écrit Karen, le cap'taine s'impatiente ! »
Marianne me serre gentiment l'épaule, me soufflant qu'on se retrouve après le match. Elle s'éloigne et avec elle une bonne partie de ma maison qui accompagne notre équipe pour espérer obtenir les meilleures places dans les gradins Gryffondor.
Une fois certaine que la salle commune est déserte, j'enfile mon bonnet, mes gants et mon écharpe puis descend les escaliers. En sortant dans le couloir, je retrouve Cath et Chris devant la Grosse Dame. Elle trépigne sur place, un sourire enchanté aux lèvres. Sa joie et son espoir me rassurent un peu. Je ne vais pas me défiler, plus maintenant.
« ça va bien se passer Freddy, me glisse-t-elle. J'en suis sûre !
- J'ai un peu peur, avoué-je la gorge nouée, tout le monde va me voir...
- T'inquiète, faut juste pas les regarder eux ! m'assure-t-elle, toi tu regardes Davidou, okay ? »
J'acquiesce faiblement, et je me laisse entraîner vers le parc. Les jambes flageolantes, je me glisse avec eux parmi la foule d'élèves qui se pressent vers le stade. Des colonnes vertes, rouges, bleus et jaunes se forment pour monter dans les gradins de chaque maison. Chris, Cath et moi suivons les Serdaigles pour nous asseoir avec eux, loin des regards de mes camarades de Gryffondor ou des Poufsouffles où je connais trop de personnes pour me sentir assez courageuse et brandir la pancarte.
Isabelle Thorpes nous dévisage avec surprise lorsque nous nous asseyons sur les bancs de Serdaigle.
« Cath ? Tu regardes pas le match avec ton frère ? Fronce-t-elle les sourcils dubitative.
- Ah non ! Fait-elle avec un mouvement de la main, ici on a quand même une meilleure vue, hein Chris ?
- Bien sûr ! »
Isabelle ne semble pas dupe de nos explications, mais personne ne nous demande à Cath et moi de partir. Elle sort de sa poche un paquet de choco-grenouilles, l'ouvre et nous en propose. Je secoue la tête, j'ai le ventre bien trop noué pour pouvoir avaler quoi que ce soit. Tout mon esprit me hurle de disparaître dans un trou de souris, de laisser tomber cette idée pour ne surtout pas attirer l'attention sur moi. Je dois me faire violence pour calmer l'agitation sourde qui tempête à mes oreilles. Cath glisse sa main dans la mienne et la serre avec fermeté.
Je suis incapable de comprendre ce qu'Angor Biver crie à tout le stade pour le stimuler et annoncer le début la partie. Je pourrais vomir sur mes chaussures.
« Fred ! s'exclame Cath. Vas-y ! C'est le moment !»
Les joueurs se sont envolés dans les airs et les balles ont été relâchées. Une exclamation collective jaillit des gradins. Les mains moites, sans réfléchir, je lève le plus haut possible ma pancarte.
Allez David ! Tu es le plus fort !
OoOoOo
« Le petit cœur dessus, c'était ESSENTIEL ! »
Je pique un fard tout en me balançant mécaniquement de gauche à droite sur mes jambes sans aucun doute pour m'empêcher de les prendre à mon cou et me réfugier sous ma couette. Totalement angoissée à l'idée de me mettre en avant devant toute l'école, j'en avais oublié que l'autre partie du plan était d'ensuite aller attendre David après le match. L'angoisse terrible qui me noue le ventre me paraît pire. Quelques regards dans ma direction des joueurs de Gryffondor m'ont plongé dans une émotion intense, je suis écarlate et statufiée sur le banc près des vestiaires. Cath à côté de moi parle pour tenter de me rassurer.
« Davidou a bien joué. C'était un bon match, super serré ! »
Il s'en est fallu de peu pour que le match tourne en leur faveur de Serpentard. Et on entend les chants des Gryffondor depuis là où nous sommes. Ce soir la salle commune va être en effervescence. Le premier joueur de Serpentard qui sort, un des deux batteurs, nous décoche un regard sombre avant de nous dépasser. Je me rapetisse complètement.
« Viens on s'en va, soufflé-je à Cath.
- Ah mais c'est... DAVID ! OUHOUH ! Hé ! »
Médusée, je regarde Catherine agiter ses bras pour attirer son attention. Entouré d'un attrapeur et du gardien, il relève la tête et nous aperçoit. J'amarre aussitôt mes yeux aux bouts de mes chaussures, sentant s'empourprer mes oreilles. Je suis prête à supplier Cath d'arrêter. Heureusement, lorsqu'il nous rejoint, c'est sans ses coéquipiers, ce qui me permet de retrouver un semblant d'assurance.
«C'était super le match ! s'exclame Cath. Jusqu'à la fin, on savait pas qui allait gagner !
- Ouais, c'est un peu de ma faute si on a perdu, grimace-t-il.-
- Ouais mais bon, le cognard a pas aidé ! Assure-t-elle. Tu pouvais que l'éviter, tu t'es déjà fait exploser la tronche une fois cette année, hein donc deux... »
Sa remarque lui arrache un rire. Je me détends sensiblement et sourit à Cath avec amusement.
« On t'aurait apporté des choco-grenouilles, t'inquiète ! »
Il lui assure alors qu'il n'en attend pas moins après avoir été gâté pendant dix jours à ses frais. Je lui décoche des coups d'œil en biais, mais il évite soigneusement de me regarder. Mon estomac se roule en boule au fond de mon ventre. Cath s'aperçoit de mon dépit et décide aussitôt de prendre les choses en mains. Elle se frappe théâtralement le front en s'écriant :
« Oh ! J'ai oublié d'aller féliciter Marianne ! J'reviens ! »
J'esquisse un geste maladroit pour la retenir, elle est déjà partie à grandes enjambées en apostrophant Marianne qui sort du vestiaire.
Je dois me faire violence, ce serait stupide de battre en retraite. Le visage écarlate, je plante mes yeux dans les siens. Il semble presque aussi gêné que moi, je serai tentée de croire qu'il cherche un moyen de m'éviter. Cette pensée me gonfle douloureusement la gorge et raffermit ma décision. Pas question de le laisser partir sans avoir réussi à m'expliquer.
« Je suis certaine que la prochaine fois ce sera différent, murmuré-je en rougissant de plus en plus, tu attraperas le vif d'or et vous gagnerez.
- J'crois que Murdoch va pas nous laisser le choix, fait-il entre dépit et amusement, il a déjà planifié un programme de tortionnaire pour préparer le match contre Serdaigle ! On va sérieusement morfler ! J'espère qu'il y aura pas d'autres désertions dans l'équipe avec son coaching de mangemort... »
Je m'esclaffe. J'imagine très bien le capitaine de Serpentard cracher des flammes pour les faire voler plus vite, balancer des dizaines de cognards à éviter pour travailler leur agilité ou leur donner des pompes à faire à chaque fois qu'ils manquent les anneaux. Il n'est pas réputé pour être le plus magnanime et bienveillant... c'est peut-être le joueur adversaire pour lequel le jumeau de Cath a le plus de respect.
Un blanc s'éternise entre nous, je joue machinalement de la pointe du pied avec une pierre. Tout devient beaucoup trop étouffant.
« Est-ce que... Est-ce que tu as vu ma pancarte ? »
Chaque mot qui passe mes lèvres fait gagner un degré d'intensité au rouge de mes joues. Mon cœur tambourine si fort, lancé dans sa course paniquée, que j'entends à peine sa réponse.
« Oui, je l'ai vu. »
Ce nouveau silence me semble un obstacle insurmontable. Mes doigts se recroquevillent dans mes paumes. Allez, Fred.
« Je... je... je voudrais... bafouillé-je. »
Merlin, j'aurais dû répéter ce que je voulais lui dire. J'ai tout à la fois l'impression ne plus savoir et de trop vouloir en dire. C'est une torture pire encore que de m'entendre trébucher sur chaque fichu mot.
« Tu... tu me manques tu sais, lâché-je d'une voix minuscule. Je... je sais que tu as rompu et... et je comprends pourquoi tu l'as fait. Je suis désolée, mais je... »
Un sentiment de tristesse et de honte me laboure la poitrine. Je garde les yeux rivés sur le sol, je ne suis pas capable de lire tout de suite sur son visage ce qu'il pense, de peur de m'arrêter avant d'avoir fini. Je suis tellement désolée.
« J'aimerais... j'aimerais vraiment que tu me laisses une autre chance. »
La gorge nouée, je parviens à relever la tête. J'ai la respiration bloquée, dans l'attente de ce qu'il pense de tout ça. Est-ce qu'il a compris ? D'autres phrases se bousculent sur ma langue, elles sont toutes emmêlées. Je ne sais pas par laquelle commencer. Je le dévisage avec l'impression que mon front pourtant brûlant ruisselle de sueurs froides. Il a une mine attristée et songeuse.
Merlin, faites qu'il dise oui.
« Je crois pas que ça soit une bonne idée tu sais. »
Mes jambes deviennent toutes molles, ma tête bourdonnante de milles et une pensées affolées qui sonnent la retraite dans un rythme frénétique pour sauver le peu d'espoir qu'il me reste. La phrase est comme un uppercut dans mon ventre.
« J'aimerais bien te dire oui hein, m'assure-t-il gentiment, mais j'ai pas envie de souffrir c'est tout. C'est mieux comme ça. »
Dans ma tête, le silence, un silence assourdissant, que consume une tristesse noueuse serpentant autour de ma poitrine pour m'étouffer. Je sens mes yeux devenir vitreux de larmes, je serre les dents pour les contenir. Je n'ai pas envie qu'il se sente coupable de me rendre malheureuse et du spectacle pathétique de mes pleurs. C'est de ma faute, je n'ai pas su lui montrer que je tenais vraiment à lui.
« J'vais y aller... marmonne-t-il, gêné, en se grattant l'arrière du crâne. On se voit en retenue j'crois hein ? »
Son ton faussement léger ne brise pas la glace. J'hoche la tête faiblement, il tourne les talons. Sa chevelure éclatante sous le soleil me brûle la rétine. Je sens d'incontrôlables sanglots me monter à la gorge, lorsque Cath réapparaît à côté de moi.
"Alors ? Il a dit quoi ?!"
