Bonjour, bonjour !

Comme promis, voici le chapitre 24 dans lequel vous découvrez enfin le prénom du bébé Doc-Master ;)

Je tiens à remercier Dannomoc qui vient de mettre en favori et de suivre mon histoire !

DISCLAMER : L'univers et les personnages ne m'appartiennent pas.

Bonne lecture ! ^^


– Chapitre 24 – « Les démons du Pendjab », Partie 1


– Quand je pense qu'on a créé la première vie dans l'Univers qui a choisi son propre nom, sourit le Docteur.

Elle caressa la tête de sa fille, paisiblement endormie. Et dire qu'il avait fallu pas moins de six heures pour obtenir ce résultat… Elle ne se souvenait pas qu'élever un enfant avait été aussi difficile à l'époque. Ou bien était-ce le fait que l'enfant en question était celle du Maître et du Docteur ?

– Oui, mais moi plus que vous, répondit Missy.

– Doc ! Mademoiselle ! A l'atterrissage ! On revient dans…

– Chut ! ordonnèrent-elles d'une même voix en voyant Graham entrer en trombe dans la chambre.

Il grimace.

– Désolé.

– On vient à peine de l'endormir, soupira Missy.

– Vraiment désolé, assuré-t-il.

– Graham, vous venez ?!

– Chut ! répétèrent les trois personnes.

– Désolée, murmura Yaz en réalisant qu'elle était maintenant dans la chambre du bébé. J'avais oublié. Ce qui est bizarre puisque je l'entends pleurer vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis…

– J'avais remarqué, soupira la rousse.

– Encore désolée.

– On voulait juste vous dire qu'on partait et qu'on reviendrait demain, poursuivait l'ancien chauffeur de bus.

Les trois humains avaient décidé de laisser un peu de temps seules aux deux extraterrestres. Ils avaient senti qu'elles avaient besoin de se retrouver en famille. Surtout après ne pas les avoir vu pendant trois jours entiers dans le TARDIS.

– Bonne nuit, lance joyeusement le Docteur.

– On est le matin, lui rappelle Yaz.

– Oh… Cette enfant va me tuer… soufflela la blonde.

– Bon, je vais voir ma grand-mère, sourit Yaz. Bonne chance avec Cardea.

Cardea avait choisi elle-même son nom. Le Docteur et Missy avaient été agréablement surpris par la référence grecque « kardia » pour le cœur. Comme si elle savait ce que Missy avait traversé pour pouvoir écouter ses cœurs battre.

– Oui, vous aurez en besoin, assure Graham en fermant le plus doucement possible la porte.

Mais alors que le cliquetis se fit entendre, Cardea éclata en sanglots.

Missy perdit immédiatement son sourire. Elle échangea un regard désespéré avec son ancienne ennemie et lance :

– C'est le moment de lui prouver que vous l'aimez autant que moi.

– Je l'ai pas déjà fait ?

– Vous êtes morte pour elle ?

– Vous allez me servir cette excuse à chaque fois ?

Les crises et les pleurs s'intensifièrent.

– Non, mon trésor, ne t'inquiète pas. Ce n'est pas la mâchoire d'un monstre, c'est juste la porte, la rassura la blonde en la prenant dans ses bras. Alors ? À chaque fois ?

– Tant que vous ne mourrez pas, vous n'aurez aucun droit de me contredire sur l'éducation de Cardea, assurant la rousse en caressant la joue du bébé qui esquissa un sourire.

Elle attire deux peluches. Un nôtre en peluche et une peluche de Zygon parce qu'apparemment le Docteur aimait un peu trop cette espèce caoutchouteuse. Après tout sa grand-mère numéro deux n'était-elle donc pas un espion à la solde des Zygons ? Enfin, selon les histoires de famille.

– Arrêtez avec les digressions sur ma grand-mère et donnez-lui ses peluches qu'elle puisse retourner dormir, ordonna le Docteur en déposant le bébé dans le berceau ancien.

Mais alors que Missy venait à peine de les déposer près de leur fille, de nouveaux pleurs se firent entendre. Elle grimaça en réalisant ce que cela impliquait.

– Docteur, c'est à votre tour de lui changer sa couche.

– J'peux pas, je dors, assure la blonde, le front appuyé contre le berceau, les yeux clos.

– Docteur ?

– J'me fais vraiment vieux, maugréa-t-elle en se redressant.

– Vieux ? Vous êtes une femme, Docteur.

– C'est vrai… j'suis toujours pas habituée…

– Vous y habituerez-vous jamais ? sourit Missy en s'éloignant.

Elle recommande d'avoir mal à la tête. Même si maintenant, elle pouvait se lever, elle devait souvent aller se recoucher. L'accouchement l'avait bien affaiblie.

- Il ! Vous allez où ?

– Ne criez pas comme ça, vous l'inquiétez.

– Vous allez où ? répéta la blonde.

– Vous semblez avoir la situation sous contrôle, assurez la rousse avec un sourire amusé.

– Vous vous moquez de moi ?

– C'est à votre tour de vous occuper d'elle, Dottie. Moi, je vais faire une petite sieste.

Missy ferme la porte sans laisser le temps au Docteur d'ajouter quoi que ce soit.


– … Et c'est ainsi que Blanche-Neige retourna sur Gallifrey pour enseigner à tous les jeunes Seigneurs du Temps tout ce qu'elle avait appris sur les sept petits Sontariens, ces guerriers redoutables, qu'elle avait rencontré. Et… Fin.

Missy sentit ses lèvres s'étirer, attendrie. Le Docteur était assis sur un fauteuil, lui tournant le dos. Mais alors qu'elle fermait le livre, Missy pouvait permettre lire le titre du livre : « Mille et un contes de fées pour s'endormir » écrit en Haut Gallifreyen, en lettres d'or. Le livre était ancien. Même plus ancien que le berceau du Docteur dans lequel Cardea dormait actuellement. Avec toutes ces divagations sur la merveille que représentait l'humanité, Missy craignait que le Docteur n'inculque à leur fille que des contes terriens.

Le Docteur se leva prudemment, toujours dos à elle. Elle se pencha pour déposer un léger baiser sur le devant de Cardea, prenant soin de ne surtout pas la réveiller une seconde fois. Puis elle fit quelques pas en arrière, toujours sans quitter le nourrisson des yeux. Elle ne se retournait pas, comme si cela pouvait réveiller la petite choisie endormie.

Missy décide de reculer jusque dans le couloir pour éviter une rencontre malencontreuse.

Le Docteur était maintenant dans le couloir, refermant précautionneusement la porte pour éviter que leur fille ne se réveille en sursaut une nouvelle fois en prétendant qu'un monstre voulait la dévorer.

- Huer !

Le Docteur répondit au cri enjoué de Missy par un sursaut tandis que le livre lui échappait des mains. L'ancienne maîtresse du chaos rattrapa ledit livre, lui aura une fin tragique et bruyante sur le sol.

– Je vous déteste, lance alors la blonde.

– Je ne pouvais pas m'en empêcher, sourit Missy. Vous dites toujours que je devrais être plus drôle, ajoutéa-t-elle avant de reporter son attention sur le livre de contes. C'est un livre très ancien, remarqua-t-elle. Les livres écrits en Haut Gallifreyen ne sont plus édités depuis des millénaires.

– Je sais. C'est un cadeau de ma grand-mère numéro six.

– Oh… Et que lui lisiez-vous ? « Blanche-Neige et les sept Sontariens » d'après ce que j'ai pu entendre.

– Oui et demain ce sera « Boucle d'Or et les trois Zygons ».

– De grands classiques gallifreyens, remarque la rousse.

– Ça vous pose un problème ? Pourtant, vous semblez vouloir me faire renouer avec nos origines gallifreyennes.

Le Docteur commença à marcher dans les couloirs, forçant son amie d'enfance à faire de même, bien qu'elle se força à une démarche lente car elle savait que Missy ne pouvait pas aller vite et certainement pas courir.

– Oui, c'est justement pour cette raison que je suis si étonnée.

– Vous pensez que je ne vous écoute pas ?

– Nous ne sommes presque jamais d'accord sur rien, alors oui.

La blonde leva les yeux au ciel, agacée.

– Vous savez, je vous écoute bien plus que ce que vous ne m'écoutez, asura-t-elle.

– Ah ? Vraiment ?

– Vraiment. Je pense que tous ces siècles de bataille acharnées en sont la preuve. Vous n'avez jamais voulu m'écouter.

Missy se raidit. Elle sentait la colère monter à nouveau en elle. Comme si le Docteur l'avait écouté, lui… Ses trois premières incarnations étaient si bornées, que le Maître n'avait jamais eu l'occasion de pouvoir justifier le moindre de ses actes auprès de lui. Et puis elle avait des circonstances atténuantes, elle, au moins.

– J'étais furieux, Docteur.

– Vous m'avez dit que vous n'aviez appris ce qui s'était passé avec la Mort qu'à la fin de votre deuxième cycle qui correspond à ma septième incarnation, se rappela la blonde en arrivant dans la salle de commandes. Je ne vois pas pourquoi vous m'en vouliez autant avant tout ça et pourtant j'ai cherché.

– Vous avez la mémoire courte, railla Missy.

Le Docteur se retourne pour faire face à son amie d'enfance, les dents serrées. Mais qu'avait-elle bien pu faire d'autre en plus de la Mort ? Pourquoi devait-elle à chaque fois apprendre de nouvelles choses ? Pourquoi Missy ne pouvait-elle pas tout lui avouer en une seule fois.

– Que me cachez-vous, encore ? soupira-t-elle.

Non seulement, elle ne s'était toujours pas totalement remise de cet aveu sur le Champion de la Mort et sa trahison, mais en plus elle devait faire face à encore plus de culpabilité. Et contrairement à ce qu'elle avait pu imaginer sur la réaction de Missy, cette dernière s'était contentée d'éclater de rire.

– Un problème ? interrogea-t-elle anxieuse.

Missy perdit immédiatement son sourire et fixe son premier amour avec intensité.

– C'est une blague, n'est-ce pas ? demanda-t-elle, les dents serrées, la colère Lisible dans ses yeux verts. Vous ne vous souvenez pas ? Pourtant cette fois, personne n'est venu vous effacer la mémoire.

– Qu'est-ce que vous voulez dire ?

– Ce que je veux dire c'est que soit vous êtes définitivement trop âgée pour vous souvenir de toutes nos rencontres, soit vous choisissez de vous souvenir de ce qui vous arrange, rétorqua Missy avec froideur.

Pourquoi une telle animosité ? Le Docteur découvre la bouche pour se défendre, mais aucun son n'en sorti. Elle ne voulait pas prolonger cette dispute. Elle ne voulait pas car elle savait que ça tournerait mal et que pour l'instant, elle était totalement démunie face aux accusations de son amie. Parce qu'elle voulait être capable de se souvenir par elle-même pour une fois. Elle savait que c'était ce qui avait manqué à leur conversation sur la Mort. Elle sentait la douleur et la frustration de Missy à l'idée qu'elle ne se souvienne pas. Alors elle ne lui infligerait pas une seconde fois cette sensation alors que pour la première fois, elle pouvait le régler seule.

– Je vais me recoucher, décida Missy en rompant le contact visuel avec le Docteur.


Qu'avait-elle fait ? Le Docteur repassait en boucle ses dernières rencontres avec le Maître. Le Dixième Docteur n'avait fait que fournisseur le Maître. Le Douzième Docteur avait abandonné Missy sur Skaro. C'était sans doute l'une des pires choses, mais Missy avait fait quelque chose d'horrible, ce jour-là. S'il avait tué sa propre compagnie de ses mains, elle savait qu'elle n'aurait jamais pu s'en remettre. C'était une colère juste.

Ou bien devait-elle remonter plus dans le temps ?

C'était ce qu'elle se disait alors qu'elle vagabondait dans les couloirs du TARDIS.

Toutes ses altercations avec le Maître lui paraissaient justes. Le Maître faisait des choses horribles et le Docteur l'en empêchait. Récemment, elle avait compris que c'était le prix à payer pour avoir vendu l'âme de Koschei dans leur enfance.

– Docteur ! résonne une voix.

La Dame du Temps se colla aux murs du couloir pour voir d'où venait cette voix.

La salle de contrôle.


– Docteur ? appela une voix.

Le Docteur s'était précipitée, espérant discuter avec Missy, mais c'était quelqu'un d'autre. Elle ne met pas dissimuler sa tromperie.

– Ouais ? Déjà de retour ?

– C'est l'heure de rentrer, non ?

– Ryan et Graham ne sont pas encore revenus, eux, lançant la blonde, un peu sèche.

Elle ne devrait pas être comme ça. Elle n'avait pas été très gentille avec Yaz le jour de la naissance de Cardea et elle se le reprochait. Et vu la gêne sur le visage de sa compagne, elle était susceptible de reproduire la même chose.

– Oui, mais je voulais aussi vous demander un service, fit Yaz avec plus d'assurance.

– Qu'est-ce que vous voulez ? interrogea le Docteur avec un grand sourire de façade.

La jeune femme brune sort une montre au cadran brisé de sa poche.

– Je pourrais la réparer, assurer le Docteur. Un petit coup de sonique et hop, sourit-elle. Mais pourquoi ne pas aller voir un horloger ? Je crois qu'il en existe encore à votre époque.

– Non, c'est pas ça. Je voulais vous demander autre chose.

– Lui donner un pouvoir d'invisibilité ? Je peux aussi le faire. Je l'ai déjà fait une fois avec une de mes montres. J'étais gardien à Coll Hill School, à l'époque. Mais je sais plus ce que j'en ai fait. Je crois que Clara me l'a empruntée pour Danny et après je sais pas où elle est passée. Peut-être que l'un des deux l'a gardé. Je devrais m'en faire une autre. J'étais assez fier du processus, mais… Mais ça vous, vous intéresse pas nécessairement, hein ? Vous me trouvez trop bavarde ? s'enquiert Dottie.

L'agent de police se mordit les lèvres.

– Disons que… ça fait votre charme. Mais j'apprécierais aussi de pouvoir vous répondre quand vous me posez une question.

– Très bien. Dîtes, alors, céda la blonde.

– J'aimerais aller dans le passé, annonce Yaz.

– Oui, parfait, approuve le Docteur. Je vous devais un voyage cadeau. Vous voulez aller où ? Un truc gai ? Ou alors un grand moment de l'Histoire ? La fin de la Seconde Guerre mondiale ? La trêve de Noël de 1914 ? La chute de l'empire romain ? Ou alors vous voulez une truc de légende comme Robin des bois ou le Roi Arthur ? Parce que ça, ça risque d'être délicat. Robin des bois existe, mais pour le Roi Arthur, je suis pas sûr.

– Non, je voudrais aller voir ma grand-mère.

– Je croyais que vous veniez de la voir, répondit le Docteur, confondre.

– Je veux aller la voir dans le passé.

– Pourquoi ?

– Elle dit que cette montre appartenait à mon grand-père, mais je l'ai jamais connu. Alors j'aimerai le connaitre.

– J'comprends votre demande, assure le Docteur. Mais mélanger famille et voyage dans le temps… Mmmm. C'est délicat.

Elle tritura les boutons et fit le tour de la console – Yaz à ses trousses – comme si cela pouvait lui éviter de répondre réellement à la requête de son amie.

– C'est juste pour une heure. Et j'l'approcherai pas, tenta la brune avec véhémence. À quoi ça sert d'avoir une amie qui a une machine spatio-temporelle si j'peux pas remonter le temps pour aller observer ma grand-mère jeune ?

L'expression lui faisait penser à la situation qu'elle avait vécue avec Rose. « Je veux connaitre mon père ». « Il est mort seul, je veux être là ». Le cas lui faisait trop penser à Rose. Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas. Son estomac se serra au souvenir du paradoxe qui avait été engendré. Mais là, il ne s'agissait pas d'aller le voir mourir, cela ne créerait pas un paradoxe.

Non, elle ne pouvait pas.

Le Docteur cessa de marcher et se tourne vers la jeune femme.

– Ce n'est pas, je regrette. Une compagnie m'a déjà fait un coup pareil et ça s'est très mal fini.

– Mais vous avez dit que vous m'emmèneriez où je le voulais, vous avez promis, opposa Yaz.

– J'ai dit non, coupa le Docteur en sortant de la salle de contrôle, laissant Yaz seule.


– Que faîtes-vous dans ma chambre ?! crie Missy.

Yaz a eu un mouvement de recul. Elle ne pouvait pas croire qu'elle était venue chercher du soutien auprès de Missy. Elle ne l'aimait pas. Peut-être même qu'elle la détestait. C'était l'impression qu'elle lui avait donné durant les derniers voyages qui avaient précédé son accouchement. Sans doute l'angoisse de la mort ?

– J'ai besoin que vous m'aidiez à convaincre le Docteur de… d'aller à un endroit où elle ne veut pas m'emmener.

Missy roule des yeux. Parler avec le Docteur avait déjà été une épreuve, tout à l'heure et sa relation avec Yasmin était inexistante. Pourquoi ferait-elle une chose pareille ? Seulement, cela l'intriguait de savoir pourquoi le Docteur refusait catégoriquement un voyage à sa compagnie. Alors elle l'invita à s'asseoir sur un fauteuil face à son lit.

– Expliquez-moi ce que vous lui avez demandé, dit-elle.

Yaz commença alors à parler de la montre cassée qu'elle sortit à nouveau de sa poche, puis elle expliqua pour son grand-père et du rejet catégorique du Docteur. Missy haussa un sourcil. Elle ne se souvenait pas d'une raison particulière pour laquelle le Docteur pourrait refuser. Mais en ce moment, ses maux de tête étaient si grands qu'elle avait mis de côté une bonne partie des aventures du Docteur avec ses compagnons.

– Vous pouvez m'aider ?

Missy tendit la main pour prendre la montre, se concentre quelques secondes et vit un mariage romantique présidait par le Docteur. Ils devaient y aller. Mais elle ne pouvait pas expliquer pourquoi à Yaz.

– Seulement pour assouvir ma curiosité, mentit-elle.


Récupérer le Docteur fut une tâche aisée. Mais la convaincre d'accepter le projet de Yaz fut plus complexe. Elle avait cédé uniquement quand Missy lui avait expliqué que cela faisait déjà partie de l'Histoire et que ne pas y aller engendrerait le paradoxe qu'elle ne voulait pas prendre le risque d'avoir.

– Et bien… commença le Docteur en prenant la montre des mains de Yaz à son tour, voulant voir l'instant que Missy avait vu pour s'assurer de la situation. Vous avez un endroit ou une époque ? interrogea-t-elle après avoir vu le mariage qu'elle présidait.

La Dame du Temps aux cheveux roux se tourna alors vers Graham et Ryan qui les avaient rejoints depuis quelques minutes. Ils semblaient juste se contenter d'attendre la suite. Et cela l'énervait encore plus. Elle appréciait tout de même une certaine réaction en dehors de l'enthousiasme habituel. Même si Graham montrait déjà un peu plus de dualité entre son envie de rester tranquille pendant les voyages et l'excitation à l'idée d'explorer de nouvelles choses.

– Je sais qu'elle vivait à Lahore dans les années 50, répondit immédiatement Yaz. Mais à part ça…

– J'pourrais oui, peut-être. J'devrais pas, maugréa le Docteur, toujours en proie aux doutes au souvenir de Rose et de son père. Qu'est-ce que je vais utiliser ? ajoutée-t-elle, plus bas.

– Vous pouvez utiliser n'importe quoi. Ce que vous voulez. Il vous suffit de son nom et de l'époque antérieure aux années 50 tout en précisant que vous voulez aller au Pakistan, s'agaça Missy.

– C'est pas assez précis ! contre la blonde.

– Le TARDIS sentira la présence de sa grand-mère. Il suffit de réduire au pays et à une époque précise. Le TARDIS pourra la retrouver n'importe où dans le pays. Et si vous augmentez la puissance, vous devriez même pouvoir vous contenter de la planète Terre.

– Et d'où vous sortez ça ?

– C'est simple. Moi, j'ai passé mon permis et je sais exactement comment fonctionne un TARDIS.

– Vous n'avez pas de permis pour conduire ce vaisseau ? s'inquiéta Graham.

– Les diplômes ne font pas tout, Graham, assure le Docteur.

– Oui, sinon le Docteur serait bien démuni vu qu'elle n'a qu'un diplôme de base gallifreyen et un simple doctorat de l'Université communautaire de Glasgow et à la mauvaise époque en plus, faisant qu'il n'est même plus valide à votre époque.

– Et je suis quand- très réputée et même sur Terre et sur Gallifrey malgré mes déficits scolaires.

– Oui, vous avez toujours préféré apprendre en faisant plutôt qu'en théorisant ce qui vous a déjà apporté bon nombre de fois dans des situations dramatiques.

– N'exagérez pas non plus.

– Docteur, à quoi sert ce bouton ? questionna Missy en désignant un joli bouton vert.

– Ça fait « Vouuuh », a répondu la blonde avec assurance.

– Et ça dématérialise les couloirs de l'aile est où sont les chambres de vos compagnons actuels.

– Et alors ?

– Vous êtes affligée !

– Vous pourriez désintégrer nos chambres sans vous en rendre compte ? les interrompit Ryan.

– Y a un risque, approuva le Docteur, délaissant une Missy de plus en plus agacée. Mais tous nos voyages comportent des risques.

– Oui, mais c'est les voyages – et encore le coup de la tortue, je m'en serais passé – là, on vit dans le TARDIS, sortie Graham.

– Je me suis excusée pour l'armée de la tortue à l'œil mort ! Beaucoup excusée. Alors vous en pensez quoi ? On va au Pakistan ?

– Ah oui, j'adore, assure Graham. Le Pakistan, je ne suis jamais allé. C'est sur ma liste des choses à faire. Tant qu'il ya pas de tortues tueuses.

– Ouais, j'suis partant, moi aussi, répond Ryan avec peu d'entrain.

– Mmmm… Ok ! Une heure et on…

– Et on interfère pas, oui ! poursuivirent les trois Humains en chœur.

Le Docteur tourne quelques manivelles, appuya sur certains boutons et accrocha quelques fils.

Missy soupira. Question interférence, ce n'était pas gagné puisqu'elle était presque certaine que le Docteur allait marier les grands-parents de Yaz.


- Ouah ! Magnifique, sourit le Docteur en observant l'étendue verte devant elle.

– Je croyais que Lahore était une ville, lance Graham, à la suite de la Dame du Temps. C'est pas une ville, ça.

Dottie attrapa son tournevis sonique, mais fut coupé dans son élan par la mère de son enfant qui sortait également du TARDIS.

– En effet, Graham, ce n'est pas une ville, répondit aussitôt Missy en s'approchant du bord de la falaise pour observer les montagnes alentours et la verdure. Nous sommes le 17 août 1947 dans le nord du Pendjab.

– Pas trop près ! l'interpella la blonde.

– Si vous vous laissez retenir du haut d'une grue, je devrais pouvoir survivre en haut d'une montagne, coupa froidement Missy.

– Et comment vous pouvez être sûr de l'endroit où nous nous trouvons si vous n'avez pas fait d'analyses ? rétorqua le Docteur.

– Parce que nous n'avons jamais eu besoin d'analyses. Je vous rappelle que nous sommes des Dames du Temps et qu'à moins que vous ayez attrapé une rhume gallifreyen, vous devez sentir l'odeur de l'époque et de la région.

– Je ne suis pas malade.

– Bien, dans ce cas votre jouet ne vous servira à rien, lance la rousse en désignant le tournevis sonique que son amie d'enfance tenait déjà à la main.

– Ce n'est pas un jouet ! protesta le Docteur. C'est un instrument scientifique.

– Arrêtez de le sortir à tout va ou je vous le confisque ! s'énerva Missy.

– J'aimerai bien voir ça !

- Il ! Vous avez vu ça ? les interpella Graham.

– Quoi ? s'enquit le Docteur en regardant les arbres que lui désignait l'ancien chauffeur de bus.

– Ah, ben, c'est parti. Dommage, dit-il en haussant les épaules.

Missy lui céda un léger sourire.

– Bel effort, assuré-t-elle avant de se diriger vers le vaisseau spatial.

– Qu'est-ce que vous faîtes ?

La rousse sortit son stylo sonique et l'activa laissant entendre de vagues pleurs.

– Cardea est réveillée.

– Bon, on vous rejoint dans une heure, lui assure le Docteur d'un ton neutre.

– Certainement pas. C'est l'heure de la promenade pour Cardea, répondit Missy d'un ton qui ne laissait place à aucune protestation.

Puis elle pénètre dans la boîte bleue.

Après un court silence gênant, Yaz interrogea, inquiète :

– C'est normal l'atmosphère glaciale entre vous deux ?

Le Docteur relève la tête avec un grand sourire.

– Tout va bien entre nous, assuré-t-elle.

– A l'air des idiots ? lance Ryan. Non, répondez pas, en fait. Vous faîtes toujours des réflexions sur nos capacités intellectuelles.

– C'est pas vrai ! Je vous trouve tous brillants !

– Oui, mais c'est aussi encadré par des réflexions sur les capacités intellectuelles limitées, reprit Graham.

– Oh, désolée…

– Alors, Docteur ? Missy et vous ? Comment ça se passe en ce moment ? Vous avez l'air sur les nerfs toutes les deux, dit l'agent de police.

L'extraterrestre soupira. Elle ne voulait pas parler de ça. Elle ne voulait pas leur infliger ses états d'âme. Mais soudain, la voix de Yaz s'élève dans sa tête, tel un fantôme : « vous êtes idiote ». C'était ce qu'elle lui avait dit sur Tsuranga. Les amis étaient censés être faits pour ça, selon elle.

– Apparemment, elle m'en veut pour quelque chose que j'ai fait il ya longtemps et dont je ne me souviens plus. Et pourtant, je suis sûr que c'est très important. Pour elle, ça l'était forcément, mais je ne m'en souviens pas. Et pourtant, je devrais me souvenir de ça. Parce que les choses…

– Vous voudriez pas être plus précis ? la coupe Graham.

– Missy ne m'a rien dit de plus et honnêtement, ce genre de discussion reste toujours entre nous deux, d'habitude.

– C'est si grave que ça ?

– C'est probablement encore une chose horrible que j'ai faite, avoua le Docteur en se passant une main sur le visage.

– Comment ça ? Vous n'avez jamais rien fait d'horrible, Docteur… Enfin, en tout cas… pas depuis qu'on vous connait, murmura Yaz, les sourcils froncés.

Mais ils furent interrompus par la sortie d'une sorte de landau bleu ciel avec des dorures circulaires argentées et Missy qui le poussait.

– Voilà notre charmante demoiselle, toute prête pour une escapade en Inde puisque le Pakistan n'existera qu'à partir de demain… Enfin pour le public. En réalité, il existe depuis trois jours, le 14 août 1947.

– Quoi ? On est à la veille de la partition des Indes ? demanda Yaz avec un sourire nerveux.

– Oh, non, non, non, non. On peut pas rester. Il va y avoir des émeutes dans les villes et un million de personnes vont mourir. C'est bien trop dangereux, s'alarme le Docteur.

– Hors de question. Je veux en apprendre plus sur ma grand-mère, même si c'est dangereux ! Je vous forcerai pas, mais moi, je reste tant que je ne l'ai pas trouvé, assure Yaz en s'éloignant.

– Oh, c'est pas vrai, s'agaça la blonde.

– Elle commence à avoir du répondant, se réjouit Missy. Elle s'améliore.


– Yasmin, ralentissez, l'implora Missy. Le sol manque de régularité et secoue trop Cardea.

– Oui, j'avais cru comprendre en l'entendant pleurer.

– Vraiment ? Vous parlez du bébé, maintenant ? ironise la rousse.

Ils atterrissent sur un chemin encore dégagé de tout véhicule.

Le Docteur se plia en deux, se tenant la tête entre les mains. C'était douloureux. Pourquoi ? Des images furtives défilèrent dans sa tête. Mais elle ne parvenait pas à discerner ce qu'elle voyait. Ce n'étaient que des flashs furtifs. Elle crut discerner de grandes silhouettes sombres, mais pas plus. C'était douloureux. Elle entendait des fils, comme des grésillements. Comme si quelque chose faisait interférence.

– Docteur, ça va ? s'inquiéta Yaz en s'approchant.

– Oui… Léger mal de tête… Un peu brouillé…. Mais ça va… articula-t-elle en lançant un regard à Missy dont l'une des mains était croustillante sur la hanse du landau et l'autre sur sa tempe.

Mais comment faisait-elle pour supporter une telle douleur ? Car elle en était sûre, son amie avait vu et ressentait exactement la même chose qu'elle. Mais elle ne lui pose davantage de questions. Une charrette passée devant eux.

- Il ! Dégagez de la route, lancez l'homme.

– Désolée, un petit étourdissement.

– Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Ryan.

– C'est pas sûr. Mais j'ai pas aimé du tout.

Il y a eu un léger silence, vite rompu par Graham.

– Désolé, mais on s'est un peu perdu, s'excuse-t-il. On n'est pas du coin.

– Non, c'est vrai ? Votre pendjabi n'est pas si mauvais pour des étrangers, pourtant, remarque le jeune homme. Faites attention. Ces itinéraires ne sont pas sûrs, en ce moment.

– Nous sommes à la recherche d'une femme. Une femme qui s'appelle Umbreen.

– Oui, Umbreen. Et pourquoi ?

– On est de sa famille, a répondu Yaz en même temps que Ryan répondait : « amis ».

– Yasmin est de sa famille, mais nous, nous ne sommes que des amis, rectifie Missy avec un sourire poli.

– On voulait juste lui faire un petit coucou. Lui faire une surprise.

– Mais on avait dit que… Oh, d'accord. Montez, céda-t-il.

« On avait dit que… » ? Que quoi ? Missy poussa le landau et attrapa le Docteur avant que celle-ci ne monte à l'arrière de la charrette. Elle prend le nourrisson dans ses bras et désigne le landau.

– Vous pliez ça pour que ça rentre, ordonna-t-elle.

– Pourquoi ?

– Pour que ça rentre, je vous ai dit.

– Non, je veux dire… Pourquoi vous supportez mieux la douleur que moi ?

– Vous avez l'habitude de la douleur psychologique et moi de la douleur physique.

– Je ne m'habitue jamais à perdre des gens.

– Vraiment ? Vous faites bien semblant, en tous cas.

– Qu'est-ce que vous sous-entendez, encore ?

– À votre avis ? Oh, laissez tomber. Rien de plus que d'habitude.

– Je ne comprends déjà pas d'habitude…

Les gémissements plaignants de Cardea s'élevèrent un peu, leur signifiant qu'elle n'aimait pas lorsque ses mères se disputaient.

– Ne t'inquiète pas, mon trésor. Ce sont des histoires de grandes personnes, n'est-ce pas, Missy ?

Cette dernière haussa les épaules, tourna le dos au Docteur et tendit le bébé à Yaz pour pouvoir monter avec plus d'aisance. Puis elle tendit une main à Graham pour qu'il l'aide à se siffler à l'arrière de la charrette. Oh, pourquoi le TARDIS n'avait pas été fichu de les conduire directement à la grand-mère de Yasmin ?

– Et moi, personne ne m'aide ? soupira Dottie en pliant le landau.

– Ne restez-vous pas un homme, malgré les circonstances ? ironisa Missy en reprenant délicatement sa fille dans ses bras.

– Vous êtes toujours si plein d'esprit.

– C'est juste que… Vous n'avez jamais besoin d'aide, alors on a pas l'habitude, a répondu Graham avec preuve.

– C'est faux. J'ai toujours besoin d'aide.

– Ben, ça se voit pas, en tous cas, maugréa Ryan.

Le Docteur hissa le landau à l'arrière et monta, mais réalise bien vite qu'il n'y avait plus vraiment de place.

– On va se serrer, assure Yaz en se collant à Ryan pour laisser un peu d'espace à son amie.

Elle se place alors face à Missy qui arborait toujours un masque d'impassibilité.

« Qu'est-ce que je vous ai fait ? » l'implora-t-elle.

« Si vous voulez un indice, je peux vous dire que toutes ces histoires se sont passées pendant vos trois premières incarnations, plus une pendant la cinquième. »

Le Docteur était sûr que ça remontait à loin !

– Tu fais le taxi, maintenant, Prem ? lance la voix d'un vieil homme.

– Vous voulez que je vous emmène, Sadou ? interrogea le nommé Prem. J'ai encore de la place. Enfin, s'ils se serrent un peu plus.

– Vous avez un problème aux pieds ? interrogea le vieil homme. Vous, les jeunes, vous êtes toujours pressés.

– Ne m'en parle pas… murmura Missy. Vous savez Monsieur, même certains anciens ne savent pas faire preuve de patience, lançant-t-elle au vieil homme avec un bref regard vers son amie d'enfance qui soufflait déjà d'agacement.

– Comme c'est dommage. Marcher m'a toujours servi dans la vie, répondez-il à l'intention de Missy, puis il se tourne vers le conducteur. Je serais là, ne t'inquiète pas, l'informa-t-il.

– Et nous on sera prêt, sourit Prem. J'suis en retard. Umbreen va me tuer, murmura-t-il plus pour lui-même que pour les autres.

La charrette reprit sa route non sans que Missy ai envoyé un sourire chaleureux au vieil homme sage. C'était un homme qu'elle appréciait déjà pour sa patience et sa philosophie.


« Vous êtes bien silencieux… et très calme », ne met s'empêcher de relever Missy.

« Et alors ? Ce n'est pas comme si vous vouliez me parler, » rétorqua la blonde.

« Oui, mais c'est aussi très surprenant et… inquiétant. êtes-vous mourante ? Non, même au bord de la mort, vous ne pouvez vous empêcher de faire n'importe quoi… »

« Oh, les critiques pleuvent à nouveau ? Bonne nouvelle… »

« Ne soyez pas sarcastique. »

« Je l'étais bien avant vous, surtout mon premier visage et mon précédent. »

« Oui, vous avez une raison. Vous détenez la palme d'or pour le sarcasme et la lâcheté. »

« Alors c'est ça ? Vous me reprochez ma lâcheté ? Je pense pourtant avoir fait preuve de beaucoup de courage au cours de ma vie. »

« Ça, c'est vous qui le dit. »

« Tu me cherches, là ? »

« Non, pas uniquement aujourd'hui. Je pense avoir passé une grande partie de ma vie à vous chercher. »

Le Docteur sentit l'amertume dans sa gorge. Elle savait qu'elle lui appartenait autant qu'à Missy. Et c'était douloureux parce que des pots-de-vin de souvenirs commençaient à refaire la surface. Des liens commençaient à se faire dans son esprit. La lâcheté dont Missy l'accusait. Elle pouvait se remémorer l'une de leurs disputes fréquentes sur Gallifrey. Une en particulier où le Docteur avait évoqué l'idée de partir. Une où le Maître s'était offusqué, s'était mis en colère.

« Vous n'avez jamais eu le courage de vous battre ni dans cette guerre, ni pour Gallifrey. Vous avez toujours été lâche, mais j'espérais qu'un jour vous pourriez faire preuve de courage. En fait, je réalise que vous ne pourrez jamais changer. Vous êtes lâche et vous le resterez toujours. Comment pourrais-je continuer à être ami avec quelqu'un que je ne peux plus respecter ? » lui avait craché son ami, à l'époque.

Ces mots avaient été si violents. Et ils l'étaient toujours autant même après 2000 ans de vie. Alors, après que le Maître eu mené une révolte contre le Seigneur-Président – un tyran – le Docteur avait décidé de fuir. Il avait abandonné son ami sans même le prévenir. Il l'avait trahi en laissant fuir la révolte que le Maître avait mise en place et il s'était enfuit le lendemain sans même l'en avoir informé.

Mais elle n'avait encore jamais fait le lien entre cet incident et la rancœur du Maître à son égard. Pourquoi ne l'avait-elle jamais fait ? Probablement parce que son ami ne lui en avait jamais parlé. Il lui avait craché sa haine. Il avait lui jeté son affection au visage. Il l'avait protégé. Il avait voulu redevenir son ami. Mais à chaque fois, le Maître et Missy n'avaient jamais parlé des motivations, de ce qui avait mené à ces sentiments, à ces choix. Son amie avait toujours gardé ses explications pour elle. Elle ne s'était jamais réellement confiée.

Et même après ces soixante années passées dans le Coffre, ils avaient parlé de la culpabilité, du bien et du mal, de la compassion, de son désir de changer. Mais Missy n'avait jamais répondu aux rares questions qu'il lui avait posées.

Et depuis 2000 ans, le Maître n'avait jamais voulu lui communiquer la raison de sa haine. Jamais il n'avait voulu lui expliquer pourquoi il commettait autant d'horreurs. Il s'était toujours contenté du légendaire amusement, de la folie, de la haine et de la beauté du chaos et de la destruction. Mais il ne lui avait jamais confié quelque chose de réel, de tangible. Rien de plus que ce qu'il disait à qui voulait l'entendre. Mais pourquoi une telle distance ? Elles étaient pourtant amies.

– Pourquoi vous faîtes ça ? murmura-t-elle sans réaliser qu'il s'agissait bel et bien du son produit par ses cordes vocales.

Missy relève la tête, surprise.

– Vous agacez ? Je ne sais pas. Parce que c'est amusant ? propose-t-elle en haussant les épaules.

- Non. Pourquoi vous faîtes ça ? répéta la blonde.

– Je vous ai répondu, il me semble.

– Non, vous m'avez dit le même genre de platitude que vous sortez à tout le monde. Vous faîtes toujours ça. Vous m'aviez reproché de parler sans jamais rien dire, mais quand je vous demande, vous répondez aussi sans répondre.

– Parce que les gens ne peuvent pas comprendre.

– Parce que je suis « les gens », moi ?! je suis désolée Dottie.

– Non, mais les choses sont compliquées.

– Vous ne vous confiez jamais.

– Justement parce que c'est compliqué, Docteur.

– En quoi est-ce que ça peut bien être compliqué ? C'est moi !

– Justement parce que c'est vous, tranche Missy. Je ne veux pas en parler et certainement pas avec un public.

Elle désigne les Humains présents qui avaient tous le visage en l'air, feignant d'observer les silhouettes dessinées par les nuages blancs. Même leur conducteur avait tendu l'oreille.

« Bien et comme ça ? Nous n'avons plus de spectateurs », assure le Docteur.

« Pourquoi tu fais ça ? »

« Non, ça c'est ma question. »

Missy soupira et réarrangea la position de sa fille qui s'était assoupie dans ses bras. Pourquoi le Docteur insistait-elle autant ? Son ami s'était toujours contenté de ce qu'elle lui disait et même lorsqu'elle ne répondait pas franchement et qu'il le savait, il n'insistait pas. Alors pourquoi maintenant ? À cause de leur dispute ? Elle se mordit la langue. Elle n'aurait jamais dû approcher le sujet. Elle avait toujours tenu à protéger le Docteur de… en fait, de tout ce qu'elle pouvait lui reprocher.

Mais cela commençait à lui jouer des tours. Elle se sentait moins patiente avec cette nouvelle incarnation de son ami et moins encline à passer sous silence ses sentiments. Si son incarnation précédente avait désespérément besoin de retrouver son ami d'enfance à n'importe quel prix, elle, elle savait qu'elle avait besoin de plus. Elle savait que maintenant que la Mort avait été révélée, elle avait besoin que sa relation avec le Docteur reparte à zéro. Elle avait besoin que le Docteur s'implique plus dans toute cette histoire. Elle ne voulait pas d'un simple encouragement. Elle voulait que chacun partage les torts, la colère et l'affection. Elle voulait une relation équitable.

« Vous ne me parlez toujours pas… »

La charrette semble stopper sa course. Les deux Dames du Temps avaient toujours le regard fixé l'un dans l'autre, comme si cela pouvait les empêcher de penser au monde extérieur.

« Nous sommes arrivés », a répondu simplement Missy.

« Ça m'est égal. »

Le Docteur sentit alors de l'agitation. À côté d'elle, Yaz essayait de s'extirper de la charrette sans trop déranger l'échange silencieux entre les deux nouveaux parents. Graham et Ryan tentaient également la même chose. Mais la disposition était assez complexe.

« Que s'est-il passé ? » interrogea la blonde, préférant continuer d'ignorer le monde autour d'elles.

Yaz pouvait largement s'en sortir seule avec sa grand-mère, après tout.

« La Mort et les tambours ne sont-ils pas suffisants ? »

« Non, après que j'ai quitté Gallifrey. Que s'est-il passé ? »

« Je suis parti aussi. J'ai volé un TARDIS défectueux, je suis tombé sur la planète Destination et vous savez ce qui s'est passé ensuite puisque vous êtes venu me faire un petit coucou. »

C'était toujours un souvenir amer, douloureux pour Missy. Non seulement son premier acte dans l'Univers avait été bon, mais en plus le Docteur l'ignorait toujours. Oui parce qu'elle avait sauvé les habitants de cette planète lorsque son TARDIS s'était crashé. Elle les avait sauvés et les avait aidés à se reconstruire. Mais elle avait bien vite fini par comprendre qu'avec un peu d'aide, ils pourraient développer la technologie nucléaire qui pourrait l'aider à réparer son TARDIS. Et le Premier Docteur était arrivé. Certes, cette expérience pouvait mal tourner, mais ça ne donnait pas le droit au Docteur de faire échouer sa tentative, de faire en sorte que la population ne se retourne contre lui et de l'abandonner sur cette planète. D'autant plus,

« Personne ne m'avait jamais dit que vous étiez parti à ma suite. Vous n'êtes pas plus d'ailleurs. »

Encore une de ces choses que le Maître gardait pour lui seul. Pourquoi ne se montre-t-il jamais honnête avec lui ? C'était un peigne. Ils étaient pourtant amis. Et toutes ces choses que le Maître lui cachait… Le Docteur savait qu'il ne s'agissait en rien d'actes ignobles. Non, le Maître avait toujours aimé paraître sans cœur et cruel. Le Maître s'était toujours vanté des actes horribles qu'il commettait. Et plus ils étaient horribles et plus il s'amusait à voir le visage des gens se décomposer. Et même devant elle, il semblait toujours tenir à cette réputation. Mais pourquoi ? Missy pensait-elle que tout ce qu'elle lui cachait valait vraiment la peine de ce silence ? En tout cas, pour le Docteur, c'était impensable. Parce que si ce n'était pas des actes ignobles que lui cachait son amie, alors cela signifiait bien pire. Cela signifiait que peut-être… Oui, que peut-être… elle gardait le silence pour la protéger une fois de plus.

« Parce que la plupart des gens pensaient que nous avions fuis à cause de l'ennuie. Ils n'avaient pas besoin de plus. Il n'y avait qu'une seule personne qui savait réellement pourquoi nous avions fui. »

« Je sais que j'ai fuis parce que j'étais lâche… parce que j'avais peur. Mais vous… Pourquoi êtes-vous parti ? Vous vouliez rester sur Gallifrey, si je me souviens bien de notre dispute. »

« Oui… »

« Alors pourquoi ? »

« Parce que vous n'étiez plus là. Quand j'ai volé ce TARDIS, c'était dans le mais de vous retrouver. »


Yaz sauté hors de la charrette, vite imitée par Graham et Ryan. Mais visiblement, ses deux amies extraterrestres ne les rejoindraient pas immédiatement. Et c'était peut-être pour le mieux avec tous leurs problèmes à régler. Elle regardait l'homme qui les avait si gentiment escortés jusqu'ici. Il se tenait face à une belle jeune femme qu'elle reconnaissait immédiatement comme étant sa grand-mère.

– T'es en retard, reprocha-t-elle à Prem. Et qui sont ces gens ?

– Ils sont de ta famille, Umbreen, a répondu Prem en dépassant la jeune femme pour poser un panier de fleurs.

– Quoi ? dit-elle sans comprendre.

Yaz se précipita alors vers sa grand-mère.

– Oh mon Dieu, murmura-t-elle. Vous êtes Umbreen ? Vous êtes resplendissante, sourit-elle. Qu'est-ce que vous faîtes ici ?

– Je vis ici.

– Dans une ferme ? Mais je… C'est pas grave. Je suis trop heureuse de vous voir.

L'agent de police prend sa grand-mère, encore jeune, dans ses bras. Elle la sentit gênée, raide. Mais ça lui était égal. Elle était si heureuse de la voir à cette époque de sa vie dont elle ignorait encore tout. Et en même temps c'était très étrange parce qu'elle parvenait difficilement à reconnaître sa grand-mère. C'était elle, il n'y avait aucun doute. Elle la reconnaissance avait sur des photos qui avaient été prises dans sa jeunesse et elle sentait cette familiarité et ses yeux. Visage de fils. Elle sentait qu'il manquait quelque chose pour retrouver sa grand-mère, mais elle ne doutait pas une seule seconde de l'identité de la jeune femme. C'était une sensation très étrange.

– Euh… Yaz, vous devriez peut-être lui dire qui on est, lancement Graham en s'approchent.

Car une chose était sûre, s'il s'agissait bien de la grand-mère de son amie, il savait aussi que cette jeune femme si peu à l'aise dans les bras de Yaz ne comprenait rien à la situation.

– Désolée. Oui. L'enthousiasme, sourit l'agent de police en lâchant Umbreen. Euh… Oncle Malik. Vous connaissez oncle Malik ? exigea-t-elle savoir qu'il y en avait bien trop pour que sa grand-mère ne se pose plus de questions.

Umbreen semble prendre quelques secondes pour réfléchir, puis reprendre un air confus.

– Y a des tas d'oncles Malik, lui fit-elle remarquer.

– Oui, je sais. Mais euh… Je parle de celui qui vit à peu près à quinze vallées, là-bas. Et moi, je suis la petite sœur d'un cousin au troisième degré de l'oncle Malik. Ouais. Et eux ce sont mes amis : Ryan, Graham et les deux femmes encore dans la charrette sont Missy et le Docteur, présenta-t-elle d'une manière un peu précipitée.

– Elles ont un problème ? interrogea Prem.

– Seulement entre elles deux, la rassura Graham. Elles essayent de régler quelques litiges. Nous arrivons d'Angleterre.

– Il vaudrait mieux que vous gardiez ça pour vous, lui conseilla Prem.

– Pourquoi ? murmura Ryan.

– Je crois que c'est à cause de la Partition des Indes, lui répondit son grand-père par alliance.

– Ah, d'accord, sourit Umbreen. Mais nous ne vous attendions pas, en fait. Nous n'attendons personne d'autre, d'ailleurs. Oncle Malik ne doit pas venir au mariage, je crois.

– Y a-t-il un mariage ? s'étonna Yaz.

– Oui, bien sûr, Yaz. Arrêté de plaisanter. Tu nous as fait venir d'Angleterre spécifiquement pour ça, se rattrapa Ryan. Elle fait tout le temps des plaisanteries. Et c'est pour quand exactement ? Parce que les blagues mises à part, Yaz nous a pas vraiment dit.

– Demain.

– Formidable ! se réjouit l'agent de police. J'ai hâte de rencontrer le futur marié.

– Mais c'est déjà fait, fit Umbreen en désignant Prem derrière elle.

– Vous vous souvenez de moi ? La charrette. Les fleurs, énumérées-t-il. C'est moi qui épouse Umbreen.

Yaz hocha négativement la tête. C'était impossible. Cet homme ne pouvait pas épouser sa grand-mère. Parce qu'aussi gentil qu'il fut, il n'était pas son grand-père.

– Non… Non, c'est pas possible. Vous ne pouvez pas…

– On adore les mariages. J'irais à un mariage tous les jours, si je peux, la coupa Ryan.

– Besoin d'un chanteur ? Je connais plutôt tous les classiques ou les derniers tubes.

– Euh… Ne le laissez jamais chanter, les prévint le jeune homme à la peau sombre.

Graham lance alors un regard vexé à son petit-fils par alliance.

– Bonjour, fit une voix au loin, alors qu'un nouveau jeune homme apparaissait. J'avais bien vu des gens dans ta charrette. Désolé pour sa façon de conduire.

– Mon petit frère croit qu'il peut tout faire mieux que moi, sourit Prem en attrapant la tête de son frère, le forçant à se baisser et attirant le regard des trois inconnus sur les reflets brillants de sa montre.

Yaz toucha instinctivement la montre qui se trouve dans sa poche. C'était exactement la même chose. À un détail près. Celle au poignet de Prem n'était pas encore brisée. Elle échangea un regard avec Ryan et Graham. Mais seul ce dernier semblait avoir été attiré par l'éclat du soleil sur le cadran de la montre.

– Moi, c'est Manish, se présente le jeune frère.

– Venez ! s'écria une nouvelle voix, sortant de la ferme. Venez vite ! Ils vont l'annoncer !

– On vient, Maman, fit Umbreen en se retournant.

Les deux futurs époux se dirigèrent vers l'intérieur de la ferme où se tenait l'arrière-grand-mère de Yaz.

– Qu'est-ce qui se passe ?

– Tout le monde attend la proclamation. Mais moi, j'ai déjà des informations, fanfaronna Manish.

Puis il courut derrière la petite maison. Une fois qu'il semble être hors de portée, Yaz reprend :

- D'accord. Y a un souci. L'homme qu'Umbreen s'apprête à épouser, c'est pas mon grand-père.

– Non, c'est vrai ? T'en es sûr ?

– Oui. D'abord Prem, c'est un prénom hindou. On est musulman. Ensuite, il ressemble pas à mon grand-père sur les photos que j'ai de lui. C'est pas lui.

– Mais Umbreen, c'est bien ta grand-mère ?

– Oui, elle c'est la même que sur les photos.

– Mais Prem porte la montre que ta grand-mère te donne dans le futur ?

– Et alors ? Elle a eu un premier mari hindou qu'elle nous aurait caché ?

Graham et Ryan échangèrent un regard qui signifiait « pourquoi pas ? ».

– Euh… Je crois qu'il est temps de partir.

– Oui.

- Non ! On peut pas. J'suis lieu chercher des réponses et tout ce que j'ai, c'est encore plus de questions, opposa Yaz.

– On devrait au moins en parler au Docteur et à Missy.

– Ouais, elles s'y connaissent mieux. Elles sauront quoi faire, persiste Ryan.

– Pas besoin. Je sais déjà quoi faire.

– Quelqu'un peut m'aider ? demanda Manish en réapparaissant.

– J'arrive ! répondu à l'agent de police en se précipitant à sa suite.

– Merci, Yaz. On vit un grand moment qui restera marqué dans nos mémoires.

– Ça on peut le dire.

Ils s'éloignèrent tous les deux sous les regards abasourdis des deux hommes.

– Tu crois pas qu'on aurait dû l'empêcher de faire ça ? murmura Graham, inquiète.

– Si, je le crois… lui répondit son petit-fils.


« Pour me ramener sur Gallifrey comme avait dû vous le demander le Haut-Conseil ? »

« Ils m'avaient effectivement chargé de cette mission. Mais elle n'était pas la raison de mon départ. »

« Alors… ? »

« Nous étions inséparables depuis notre enfance, Docteur. Vous imaginez ce que j'ai ressenti quand j'ai appris qu'un idiot volé avait un TARDIS défectueux ? Je me suis précipité chez vous pour réaliser que vous étiez parti, que vous m'aviez abandonné. Vous ne m'aviez pas contacté. Vous ne m'avez laissé aucun message. »

La douleur. Brûlante. Violente. La première trahison de son ami. Enfin non… En réalité, il s'agissait de la seconde. Mais le Maître l'avait vécu comme la première à l'époque.

« Je sais que je n'aurais pas dû. Mais vous avez dit que vous ne vouliez pas partir. Nous avions tellement changé depuis notre enfance et j'étais si terrifié. Je voulais mettre Susan en sécurité. »

« Alors vous pensez qu'il était plus judicieux de me rayer de votre vie ? »

« Non, ce n'est pas comme ça que ça s'est passé ! »

Le Docteur sentit la colère, la douleur et la culpabilité s'emparer de ses cœurs. Comment Missy osait-elle penser qu'elle avait pu la rayer ainsi de sa vie ? Elle n'avait jamais pu oublier son ami et ce peu importe ce qu'il faisait et à quel point il s'y efforçait. Il s'y efforçait… ? C'était bien la première fois qu'elle réalisait qu'elle avait effectivement voulu mettre un terme à son amitié avec le Maître en faisant cela. Comment n'avait-elle pas pu réaliser cela plus tôt ? Était-elle stupide ? Aveugle ? Ou bien avait-elle mis tant d'application à fuir, à courir, qu'elle en avait oublié tout ce qu'elle aurait dû se reprocher ?

« Comment cela s'est-il passé, alors, Docteur ?! »

« Je vous l'ai dit. Je me sentais perdu. Vous, lorsque vous avez perdu votre femme et votre fille, vous êtes parti à la Guerre. Moi, j'ai fui ma planète. Chacun sa manière de faire face au chagrin. »

« Je ne vous avais pas abandonné, moi. »

« Bien sûr que si. J'étais dévasté de vous voir partir au combat. J'étais tellement angoissé. C'était comme un suicide. »

Deux silhouettes se dessinèrent dans sa tête, alors que la blonde se souvenait de cet instant. Il suppliait son ami de ne pas partir à la guerre, de ne pas l'abandonner. Il essayait de lui faire comprendre qu'il allait mourir et que plus jamais ils ne se reverraient. Mais Koschei avait répondu avec froideur qu'il était déjà mort.

Ça avait été un premier pas franchi. Dès la mort de la femme et de la fille du Maître, le Docteur avait su qu'il ne retrouverait probablement plus jamais son ami. Il l'avait vu dans ses yeux. Quelqu'un a choisi était mort en lui ce jour-là. Le fossé avait commencé à se creuser malgré eux.

Puis Koschei était un revenu de la guerre. Il allait bien. Le Docteur s'était précipité pour le serrer dans ses bras, soulagé et infiniment reconnaissant au ciel. Mais là encore, quelque chose avait changé. Son ami lui avait rendu son étreinte. Mais son regard était infiniment plus dur et plus tourmenté. Koschei n'était plus. La guerre avait balayé ce qu'il avait pu espérer retrouver de son ami. Depuis ce jour-là, ils n'avaient plus jamais été en accord sur rien et n'avaient arrêté de se disputer. Le fossé s'était à nouveau creusé un peu plus.

« J'ai survécu. »

« Mais vous ne vous êtes pas non plus demandé ce que cela me ferait. »

« Ce sont deux choses totalement différentes. Vous auriez pu me prévenir, me laisser un mot. Et surtout, vous auriez pu ne pas me repousser, alors que j'avais besoin de vous ! »

« Sur Destination ? Je vous avais dit qu'un jour, vous auriez à nouveau votre place à mes côtés. Que nous serons à de nouveaux amis. »

« Et dans votre tête, à quel moment sommes-nous devenus ennemis ? Parce qu'à ma connaissance, avant cet épisode, nous nous contentions de nous disputer sans nous combattre, tout en restant amis. Ce n'est qu'à partir de ce jour que nous nous sommes vraiment affrontés, Docteur. »

« Lors de notre dernière dispute, vous m'avez dit que vous ne pouviez pas être amis avec quelqu'un que vous ne respectiez pas. »

« Oui, mais à ce moment-là, je vous respectais toujours. Sinon, pourquoi aurais-je demandé de devenir Seigneur-Président une fois le dictateur renversé ? »

« Sauf que j'étais sûr de perdre votre respect en partant. »

« Alors pourquoi être parti ? Mon respect et mon affection n'étaient pas suffisants pour vous. »

« Je voulais protéger Susan. »

" Moi aussi. »

« Pas autant que vous le pensez, visiblement. »

Missy Palit. Comment le Docteur osait-elle prétendre qu'elle ne s'était pas assez inquiétée pour Susan ? Ils l'avaient élevé ensemble, après la mort de ses parents ! Missy lui avait créé un jouet avec un système de géolocalisation pour toujours la retrouver et les rassurer, tous deux !

– Euh… Doc, vous savez qu'on est là depuis suffisamment longtemps pour avoir écouté le discours de Lord Mountbatten sur le traité de la partition des Indes ? les interruptions Graham. Et il semble y avoir du grabuge dans la famille de Yaz.

Les deux Dames du Temps se forcèrent à reporter leur attention sur l'ancien chauffeur de bus.

– Comment ça ? interrogea prudemment Dottie.

Missy leva les yeux au ciel, irritée. Pourquoi Graham s'était-il senti obligé de venir les interrompre au beau milieu d'une conversation très importante si ce n'est même vitale pour elle ? Réponse : parce que Yasmin avait dû faire une bêtise qu'elles doivent réparer. Non, elle ne sentait aucun problème avec le temps. Il n'était pas fissuré, pas blessé. Personne n'avait fait de bêtises. Alors pourquoi les déranger ? En quoi les querelles de la famille de Yaz les concernaient-elles ? Est-ce qu'elle, elle leur imposait ses disputes avec le Docteur ? En tout cas, elle s'efforçait de ne pas le faire. Mais elle détestait également avoir du public. Ça devait être pareil pour cette famille. Alors encore une fois : pourquoi les déranger ?

– Sa grand-mère est sur le point de se marier, mais pas avec son grand-père.

« Oh, intéressant », songea Missy.

« Intéressant ? Moi, j'aurais plutôt dit inquiétant , » lui rétorqua le Docteur.

– Soit c'est une erreur chronologique due à notre présence qui risque de provoquer un paradoxe, soit c'était déjà écrit et il n'y a aucun problème, tout se déroulera conformément à l'Histoire, assure Missy.

– Comment ça pourrait être une erreur due à notre présence ?

– Le temps fonctionne parfois par résonance, précise Missy.

– Le temps est une mécanique très complexe. Trop complexe pour que les Humains puissent le comprendre avec vos connaissances actuelles, expliquer le Docteur en saautant hors de la charrette.

– Encore merci… maugréa Graham. Et du coup, on fait quoi ?

– Il faut qu'on parte, répondit la blonde.

– Pas sûr que Yaz soit de votre avis.

– Nous devrions d'abord les rejoindre, là-bas, non ?

– Est-ce qu'il y a un risque de paradoxe ou de truc comme ça ? s'inquiéta Graham.

– Je n'en sens aucun pour le moment. Le Temps n'a pas été fissuré et l'Histoire de l'Univers semble se dérouler conformément à ce que nous attendons, le rassura la rousse.

– Vous ne ressentez rien ?

– Nous sommes des Dames du Temps. Nous avons le sens du temps. Et si nous ne sentons rien d'anormal, alors il n'y a rien d'anormal, assure Missy avec duretés.

Le Docteur tira le landau toujours plié hors de la charrette. Graham aida Missy à descendre, le bébé toujours paisiblement endormi dans les bras. Elle pose doucement, délicatement Cardea dans le landau et glisse vers la poignée pour pousser le landau. Mais elle se heurta aux mains. Les mains de son amie d'enfance.

– Je peux la pousser, dit-elle.

– Non, je peux m'en occuper, assure le Docteur.

– Pourquoi ? Vous ne me faites pas confiance pour m'occuper de notre fille ?

– Bien sûr que si !

– Alors quoi ?

– Je n'ai pas le droit de m'occuper de ma propre fille ?

– Oui, mais…

– Je veux m'occuper de Cardea.

– Ce n'est pas la peine. Je peux le faire, assure Missy.

– Je sais, mais je veux le faire.

– Vous savez quoi ? Je… Je vais l'emmener au ruisseau, fit Graham en attrapant le landau et en se précipitant vers le rassemblement familial.

Les deux Dames du Temps se fixèrent quelques instants, abasourdies.

– On vient vraiment de le laisser emmener notre fille ? murmura la blonde.

– C'est exact. Mais elle est en sécurité avec lui. N'est-ce pas ?

- Yes of course.

Après un court silence, elles décidèrent de se mettre en chemin.

« Qui est au courant ? »

« Pardon ? » interrogea la rousse en fronçant les sourcils.

« Qui connaît la vraie raison de notre départ de Gallifrey ? » précise Dottie.

« Qui d'autre que Magnus ? »

" Bien sur. Il nous connaît bien… »

Nouveau silence gênant. Missy croisa les bras, agacée. Elle avait toujours détesté ce genre de silence. Et encore plus avec le Docteur alors qu'ils n'avaient jamais été à court de conversation. Il n'y avait jamais eu ce genre de silence pesant entre eux. Pas même pendant leurs nombreuses affrontements. Elle jeta un regard à la mère de son enfant. Elle la fixait du coin de l'œil, mais détourna vite le regard.

Le Docteur balança ses bras, ennuyée. Les derniers mots de Missy tournaient en boucle dans sa tête. Ceux avant que Graham n'arrive pour les interrompre. Quel droit avait-elle eu d'abandonner le Maître sans la moindre information, emmenant Susan avec elle ? Susan était sa petite-fille, pas celle du Maître, alors, normalement, elle avait tous les droits. Pourtant, elle se sentait un peu coupable.

– Ta source doit se tromper ! Parce que tu as mis ma maison au Pakistan ! l'interrompit une voix forte.

– Avec les autres musulmans, répondez simplement Manish.

– Oh non, la Partition des Indes et tous les problèmes qu'elle va engendrer… Ça commence, soupira Missy en reprenant le landau des mains de Graham.

– Quoi ? Vous pourrez tous repartir de zéro, lancer le même jeune homme.

– Manish, il faut que tu te calmes, tenta son frère.

– Le Pakistan est une terre pour les musulmans, mais rien ne les oblige à s'y installer ! opposé à Umbreen.

– Je ne dis pas qu'ils doivent s'y installer. Mais le Pakistan a été créé pour les musulmans. Les hindous auront l'Inde. On sera bien chacun chez soi, affirme Manish.

– C'est un peu réducteur, mon frère. C'est pas si simple, tenta Prem.

Missy fronça les sourcils. Elle était plutôt d'accord avec Prem. Dans la vie, les choses étaient bien moins simples que sur le papier. Car en réalité, il y avait des gens qui ne voulaient pas du Pakistan et qui se feraient expulser de chez eux alors qu'ils occupaient leur terre depuis toujours. D'un autre côté, il y avait des groupes qui voulaient comme ce Manish faire du chacun chez soi. Il existait en réalité trois groupes. Les musulmans qui voulaient un pays à eux. Les hindous qui voulaient un pays à eux. Et au milieu de ça, des innocents qui voulaient juste qu'on les laisse vivre tranquillement. Et malheureusement, la plupart de ces gens allaient mourir ou se faire déporter… Mais Missy devait bien avouer que, bien que cette situation soit inextricable, elle était également nécessaire.

– Je peux comprendre que ce sera compliqué, si tu es marié, reprend Manish.

– Cette terre appartient à tout le monde. Ça fait des siècles que c'est comme ça. Ça va pas changer en un jour.

Certainement pas. Mais cela n'empêchait pas que certains le veuillent et fassent en sorte que cela se produise.

– Tu sais, je t'aime mon frère, mais tu as tort.

– Ce qui faut pas entendre, maugréa Missy, attirant les regards de la grand-mère et l'arrière-grand-mère de Yaz sur elle.

Mais elle ne met se concentrer davantage dessus. Sa douleur à la tête la reprit. Exactement la même qui l'avait saisie juste avant de tomber sur Prem. Elle entendit le Docteur gémir et la sentit se plier en deux à côté d'elle. Elle vit deux grandes créatures fines et droites. Elle parvenait à capter quelques pots-de-vin… quelques images. Mais c'était trop douloureux. Que pourrait bien être ces créatures pour que leur télépathie les fasse autant souffrir ? La seule communication télépathique à avoir jamais fait souffrir le Maître était avec la Mort elle-même.

« Même les dieux n'ont jamais été aussi douloureux… » fit la voix du Docteur.

– Regardez ! Des démons !

Missy recula alors que Cardea se mettait à pleurer. Elle connaissait ces créatures qui se tenaient non loin de là. Elle savait qu'elle les connaissait. Elle se place immédiatement devant le landau de sa fille en position de défense, son stylo sonique en main, alors que le Docteur sortait également le sien pour scanner les alentours.

– J't'avais dit que ça allait arriver ! lancement de l'arrière-grand-mère. Je t'avais dit que cette époque était maudite, paniqua-t-elle.

Le Docteur lut les résultats de son tournevis sonique. Elle voyait flou. Elle devait se concentrer. Elle plissa les yeux. Les résultats lui confirmèrent avec horreur ce qu'elle soupçonnait déjà. Mais elle ne put s'y attarder car les créatures s'évaporèrent.

– Ils sont partis ! prévint Umbreen.

– Pas loin. On va gérer ça, assure le Docteur.

Elle se retourne vers Missy et dit :

– Faîtes attention.

– Vous n'allez pas partir à leur poursuite ? Ils sont dangereux ! protesta vivement la rousse.

– Bien sûr que si. C'est bien parce qu'ils sont dangereux que je ne peux pas les laisser faire n'importe quoi en pleine nature.

– Ils sont bien plus forts et agiles que nous. Les Seigneurs du Temps ont toujours peur des combats rapprochés avec ces extraterrestres.

– Eh bien, vous serez débarrassée de moi ! rétorqua Dottie.

– Vous n'êtes pas drôle, Docteur.

– Protégez ces gens et notre fille au cas où ils reviendront par ici, ordonna le Docteur. Les autres, avec moi, ajoutéa-t-elle en se mettant à courir.

– Non, mais attendez, Doc ! l'interpella Graham. Vous pensez sérieusement que c'est une bonne idée si même vous, vous n'êtes pas de taille à affronter ces créatures ?

– Je suis de taille à affronter n'importe qui, Graham. Je suis le Docteur et jamais personne ne m'a empêché de faire ce que je voulais ou n'a pu s'en prendre à cette planète tant que je suis là. Alors non, je ne crains rien. Mais si vous voulez, vous pouvez rester en sécurité avec Missy.

Elle lance un regard à ses trois compagnons. Ryan et Yaz semblent hésiter quelques instants, mais ils se dirigent vers le Docteur.

Graham, lui, regardait Missy, inquiet.

– Vous les mettez imprudemment en danger ! s'agaça Missy. Vous n'êtes pas un dieu, Docteur ! Vous vu l'état dans lequel leurs interférences télépathiques vous ont mis ?

– Je peux gérer, assurer-t-elle en reprenant sa course.

– Docteur ! appela l'ancienne maîtresse du chaos.

– Je risque de les perdre à continuer de bavarder avec vous !

– Yasmine ! Ryan ! Revenez ! ordonna Missy.

Mais ils ne l'écoutaient déjà plus. Ils courraient à la suite du Docteur.

– Je devrais partir avec Ryan, rentrer immédiatement Graham.

– Certainement pas.

– Grace ne me le pardonnerait jamais s'il lui arrivait quelque chose. Je suis désolé, Missy.

Cette dernière ressentit à la fois de la reconnaissance et de l'angoisse. Grace… Pourquoi Grace continuait-elle de lui communiquer ce genre d'émotions alors qu'elle n'était même pas encore née ? C'était agaçant, frustrant. Parce qu'elle ressentait non seulement son propre besoin de protéger Graham, mais également celui de Grace.

– Non, restez.

– Je viens avec vous, lancement Prem.

– Certainement pas. Vous ne savez même pas à quoi vous vous engagez espèce d'idiot, s'agaça la Dame du Temps.

– Elle a raison, Prem, tenta Umbreen.

– J'ai déjà eu affaire à ses créatures sur le champ de bataille. Je ne les laisserai pas filer une seconde fois, dit-il.

Il dépose un baiser sur la joue de sa fiancée et se précipita vers la forêt qui s'étendait devant eux.

– Graham, je vous l'interdis ! répéta Missy.

– Vous n'avez rien à m'interdire.

Mais alors que l'ancien conducteur de bus se retourna, Missy lui asséna un coup sur la tête. Il tombe à terre sous les regards choqués des trois derniers Humains à ses côtés.

– Pourquoi as-tu fait ça ?

– Je devais bien le protéger, non ?


– Chut, mon ange. Ne t'inquiète pas. Ce ne sont que des images dans ta tête. Ils ne te feront jamais aucun mal, murmura Missy.

Elle berçait Cardea, toujours en pleurs dans ses bras. Évidemment qu'elle était en pleurs. Elle avait vécu pour la première fois une expérience télépathique douloureuse et en plus âgée de seulement quelques semaines.

– Ils ne te feront jamais aucun mal, tant que maman sera là. Personne, jamais ne te fera de mal.

– Vous êtes sûr que vous n'y êtes pas allée un peu fort avec votre ami ? s'inquiéta Hasna en déposant un linge humide sur son front. Il est toujours inconscient.

– Il s'en sortira bien mieux ici que face à ces tueurs, assure Missy.

– Mais pourquoi ces démons sont-ils ici ?

– C'est une excellente question, Umbreen. Pourquoi venir le jour de la Partition des Indes ?

– C'est de mauvais augure, murmura Hasna.

– Ce ne sont pas des démons. Ce sont des extraterrestres. Certes, ils sont très dangereux, mais ils ne viennent pas de votre monde et n'annoncent pas quoi que ce soit de nuire. Enfin, eux, en eux-mêmes peuvent faire quelque chose d'horrible, mais ce ne sont pas des démons.

Les deux femmes échangèrent un regard confus.

– Oh, ma tête, murmura une voix endormie.

Missy s'approche de Graham et s'assit sur une chaise face à lui, son bébé toujours dans les soutiens-gorge. Il se frotta l'arrière de son crâne.

– Vous m'avez assommé ? réalisa-t-il immédiatement.

– Désolée ?

– Je dois aller chercher Ryan.

Il tente de se lever, faiblement, difficilement, mais Missy le force à se rasseoir d'une seule main.

– Vous ne savez même pas où aller, dit-elle.

– Lâchez-moi.

- Non.

– Comment vous faîtes pour avoir autant de force ?

– Je ne suis pas humaine, voilà pourquoi. Maintenant, vous allez rester bien tranquille parce que j'ignore si je ne vous ai pas frappé un peu trop fort.

– Vous avez dit qu'il allait bien, s'inquiéta Umbreen.

– J'essayais de vous rassurer…

– Vous avez une façon singulière de rassurer et de protéger les gens, s'agaça Graham.

– D'accord, peut-être que j'y suis allée un peu fort. Mais j'ai agi sur l'impulsion du moment. C'est très rare venant de moi. Vous devriez être flatté.

– Merci, maugréa le vieil homme.

Il se laisse retomber, la tête s'appuie en arrière contre le mur, les yeux fermés. Son crâne était vraiment douloureux. Missy n'y était définitivement pas allée de main morte.

– On va vous laisser, lançant alors Umbreen en entraînant sa mère dehors.

– Pourquoi vous m'avez frappé ?

Mais seul le silence accueillit sa question. Il ouvre les yeux. Missy était toujours face à lui, le fixant mal à l'aise.

– Quoi ? ajouté-t-il.

– Je… je ne voulais pas risquer votre vie et Grace s'inquiétait aussi pour vous, alors… je n'agis jamais de manière aussi sentimentale, mais là… Je suppose qu'il y a aussi les hormones dues à l'accouchement. Et entre toutes mes motivations personnelles et Grace… je ne sais pas… avoua-t-elle difficilement.

– C'est gentil. Mais c'était mon choix, affirme Graham.

– Comme c'était le choix de Grace d'étourdir la créature ce soir-là ?

Graham se frotta la nue. Certes, il devait avouer que respecter le choix des personnes que l'on aimait n'était pas toujours simple. Mais il avait laissé Grace s'occuper de la créature. Il l'avait laissé faire son choix.

– Je ne regrette pas de vous avoir assommé, explique Missy. Au moins vous êtes en sécurité, vous.

– Si vous avez pu, vous auriez assommé le Docteur aussi, n'est-ce pas ? sourit l'ancien conducteur de bus.

– Oui. Entre son idée stupide de se mettre en danger et celle de mettre en danger ses compagnons Humains et fragiles, je ne sais pas ce qui m'a retenu. Il faudrait que j'aille voir. Elle est peut-être en danger.

L'ancienne maîtresse du chaos se mordit la langue pour s'empêcher de poser Cardea dans son landau et courir dans la forêt à la suite de son amie d'enfance. Mais elle ne devait pas faire ça. Elle devait veiller sur leur fille.

– Vous pensez que c'était vraiment plus dangereux que d'habitude ?

– Cette espèce est une race d'extraterrestres assassins très dangereux et télépathiques. Même les Seigneurs du Temps ont toujours évité les confrontations directes avec eux. Et le Docteur s'est jetée sur eux, après eux sans aucune préparation ou défense et en entraînant des Humains fragiles avec elle. Vous trouvez ça prudent ?

– Non, c'est sûr, mais…

– Mais il n'y a aucune excuse. Elle n'a pas pris la moindre précaution. J'aurais dû l'arrêter. Pourquoi je ne l'ai pas arrêté ? C'était peut-être même un piège pour l'attirer…

Cardea poussa un petit gémissement. Missy resserra son emprise sur sa fille, inquiète.

– Qu'est-ce qu'elle dit ? interrogea Graham.

– Elle m'en veut parce que je lui communique ma peur. Elle pense que le Docteur va s'en sortir. Elle dit qu'il est très fort.

– Il ?

– Elle l'appelle souvent par le masculin. Parce qu'il aurait dû être son père et non sa mère dans la logique des choses. Apparemment, ça l'aide à nous différencier.

– Si je comprends bien, vous étiez des hommes avant.

– Oui ?

– Alors quand vous redeviendrez toutes les deux des hommes, y aura aussi le problème des deux papas ?

– Oui, mais je serais toujours sa mère puisque c'est moi qui l'ai mise au monde et porté. Mais ce qui m'inquiète, c'est le comportement étrange du Docteur. Je sens qu'il ya quelque chose qu'elle ne veut pas me dire.

– En ce moment, vous n'êtes pas très raccord, lui rappelle Graham.

– Et ce serait une raison pour me cacher quelque chose d'aussi important ?

– D'après ce que j'ai compris, vous aussi, vous lui cachez des choses assez importantes.

– De quel côté êtes-vous ?

– Du côté de la vérité, répondu-il théâtralement.

– Très amusant.

– Elle nous a dit, tout à l'heure que vous lui en vouliez pour des choses dont elle ne se souvenait plus et dont vous ne vouliez pas lui parler.

– Je fais ça pour la protéger ! Alors qu'elle…

– Je crois pas que vous la protégez tant que ça non plus.

– Vous, vous allez mourir.

– Non, c'est pas ce que je veux dire. Bien sûr que vous voulez la protéger. Et je doute pas une seconde que ce soit désintéressé. Mais… en lui cachant ça, vous accumulez de la rancœur contre elle et c'est pas bon pour votre relation, ça.

– C'est juste… Mais la vérité n'a jamais été moins douloureuse que le mensonge, au contraire.

– Je sais pas ce qui s'est passé entre vous deux. Le Docteur à juste dit qu'elle avait probablement fait à nouveau un truc horrible. Et vous-même avez dit que vous lui avez fait des trucs horribles. Mais finalement, c'est peut-être le moment de tout reprendre à zéro, non ?

Missy baissa les yeux. Il était évident que Graham avait raison, mais de là à parvenir à changer des siècles de fonctionnement en un jour…

Elle fut vite interrompue dans ses réflexions par le retour de Yaz, Umbreen, Hasna et Manish dans la grange.

– Où est le Docteur ? s'inquiéta-t-elle.

– Et Ryan ? a ajouté Graham.


– Vous le connaissiez bien ? interrogea Graham en chantant au vieil homme mort.

– C'est lui qui m'a appris les textes sacrés, expliqua Manish. Il est mort comment ?

Graham regardait Yaz, seul dépositaire du message.

– On sait pas trop, pour l'instant, répond-elle.

Missy leva les yeux au ciel. Le pire dans tout ça, c'était qu'ils l'ignoraient réellement, alors qu'il ne lui devrait qu'une minute avec le corps pour analyser la chose. Et c'était frustrant car le corps était dans la forêt et qu'elle ne pouvait pas laisser sa fille seule alors que le Docteur s'amusait encore et toujours à mettre sa vie en danger.

– Où est Prem ? Et vos deux autres amis ? interrogea Hasna.

– Ils cherchent à en savoir davantage sur ce qui s'est passé.

« Autrement dit : ils recherchent les extraterrestres, ces idiots ! »

– Manish, ta famille est maudite.

– Maman, la rappela à l'ordre Umbreen.

– Même si les malédictions existent, je ne crois pas que cela en soit une, précise Missy.

– Ça existe vraiment ? murmura Graham.

La Dame du Temps hocha la tête.

– Tout cela est un mauvais présage pour toi, Umbreen.

– Merci de m'encourager, ironisa la jeune fille.

– Je vais aller la charrette et ramener son corps, prévint Manish.

– J'vais t'aider à préparer ses obsèques, poursuivit Hasna en se levant pour rejoindre la sortie. Et prier pour ta famille.

– Manish, une fois que vous ramènerez son corps ici, j'aimerai pouvoir l'observer plus en détail pour déterminer la cause de la mort.

Le jeune homme hocha la tête avant de passer la porte.

– Je ne sais pas quoi faire. Bakti avait accepté de nous marier. Il y en a pas beaucoup qui auraient accepté de marier un hindou à une musulmane en ce moment, murmura Umbreen.

– Donc vous ne pouvez plus vous marier avec Prem ? exigea Yaz avec un semblant d'espoir.

Graham lui lance un regard réprobateur. Et Missy se masse les tempes. Quand comprendrait-elle que ce mariage avait déjà eu lieu et ne pourrait plus être empêché ?

– Vous croyez que je vais baisser les soutiens-gorge aussi facilement ? J'ai vu la guerre emporter nos jeunes. La sécheresse emporte nos vieux et les faibles. Et maintenant des hommes irresponsables nous imposent une frontière qui va fracturer notre pays. Prem est la seule certitude de ma vie, assure Umbreen avec détermination.

Graham sourit fièrement, alors que Yaz parvenait à peine à un faible sourire.

Missy quant à elle sentit les larmes lui monter à nouveau aux yeux. Ce discours. Cette situation. Cela lui rappelait horriblement Gallifrey et sa première épouse. Cela lui rappelait horriblement la sensation qu'il avait procuré sa première épouse. La seule certitude. La seule sécurité. Du moins jusqu'à ce qu'on lui arrache.

Une atroce réalisation de la frappa. Si ce mariage avait bel et bien eu lieu, alors cela voulait dire que Prem était probablement mort bien trop tôt.


– Vous prendriez réellement ? soupira Missy en voyant Hasna, accroupie dans l'herbe et visiblement en train de prier tandis que Manish s'occupait du corps du Saint Homme.

– C'est un droit.

– La famille de Prem et Manish n'est pas maudite.

– Ce sont des démons.

– Des extraterrestres.

– C'est un mauvais présage.

– Uniquement parce qu'ils sont dangereux. Ça n'a aucun rapport avec le mariage d'un hindou et d'une musulmane.

– Vous vouliez voir le corps ? les interrompit Manish.

La Dame du Temps hocha la tête et se hissa dans la charrette pendant que le jeune homme commençait à creuser un trou.

Elle retira d'un geste vif le drap blanc qui le recouvrait. Le vieil homme avait un visage neutre. Pas de signe quelconque de douleur. C'était assez embêtant. Elle regarda ses soutiens-gorge et ses poignets. Il ne semblait pas y avoir de traces de lutte non plus sur son corps. S'il avait été tué par les assassins Tyjare, alors il n'aurait pas eu le temps d'essayer de se défendre. Mais quelque chose clochait sans qu'elle ne parvienne réellement à identifier quoi.

Elle sort son stylo sonique et scanne le corps. Pas de traces résiduelles d'une quelconque arme étrangère. C'était impossible. S'il avait été touché par une de leurs armes, alors elle devrait retrouver les résidus. Et s'il avait été attaqué et tué sans armes, alors il y aurait eu des traces de luttes et des blessures. Des blessures très sanguinolentes d'après ses connaissances sur les assassins de Tyjare.

Alors elle écarta délicatement le tissu de sa tenue au niveau du torse. C'est alors qu'elle vit au niveau de la seconde couche de vêtement un fin filet de sang qui essayait de se propager hors de la blessure. Pourquoi en avait-il si peu perdu ? Il était sans doute mort sur le coup. Mais ça ne définitivement en rien aux méthodes des aliens. Elle glissa sa main ses poches et sortit une longue et fine pince à épiler. Car cette blessure apparaît bien trop à celle provoquée par une arme à feu. Comment le Docteur avait-elle pu passer à côté de ça ? Sans doute était-elle trop pressée de courser les aliens…

Elle inséra la pince à épiler dans la blessure, tourna, tritura et ressortit finalement avec une balle pleine de sang. Elle sort un mouchoir en soie, seul endroit où déposer la pièce à conviction. Dommage. Elle l'aimait vraiment beaucoup.

Elle remet les morceaux de tissu en place avec délicatesse. C'était définitivement un Humain qui avait causé sa mort. Mais qui et pourquoi ?

– Vous avez fini ? interrogea Manish.

Elle se retourne et fixe le jeune homme avec curiosité. Il semblait impatient, inquiet, nerveux. Certes, il était censé avoir perdu quelqu'un qu'il connaissait, mais les réactions et les sentiments ne semblaient pas correspondre à la perte. Et puis il fixait son mouchoir avec insistance.

– J'ai fini, lui répondu-elle calmement.

– C'est quoi, ça ?

– La balle humaine qui a tué ce sadhu. Ce n'est donc pas l'œuvre des démons ou signe de mauvais présage, assure Missy en lançant un bref regard à Hasna qui s'était éloignée pour chercher elle ne savait trop quoi.

– Qu'est-ce que ça change ? Il est mort, non ?

La Dame du Temps plissa les yeux. Il y avait tellement de dureté dans sa voix. Bien qu'il avait été touché lorsque Yaz était venu leur annoncer la mort du vieil homme, maintenant, il ne montrait plus la moindre émotion. Comme si ce corps face à lui ne représentait rien. Et il y avait quelque chose dans ses yeux. Il y avait une lueur… Une lueur qu'elle connaît bien.

– Dîtes-moi, Manish… avez-vous déjà tué quelqu'un ? demanda-t-elle en se manifestant devant lui.

- Pardon ? s'offusqua-t-il.

La colère. Et cet éclat… Cet éclat étrange dans les yeux de Manish lui confirmait ce qu'elle soupçonnait déjà. Elle le sentait. Cet homme était un meurtrier. Tout comme sentir la mort autour d'elle, elle savait dénicher les meurtriers. Peut-être un autre cadeau de la Mort ? Ou bien juste l'expérience personnelle ? Elle ne savait pas et ça lui était égal. Car une chose était sûre : il y avait de grandes chances pour que Manish ait tué le Saint Homme.

– Je le savais, murmura-t-elle.

– Qu'est-ce que vous saviez ? interrogea Hasna en revenant vers eux.

– Rien de très important.

La Dame du Temps recula et partit vers la ferme d'où elle voyait déjà Yaz et Graham discuter.


Yaz fixa ses plats. Elle avait la sensation que plus rien n'allait. C'était horrible. Toutes ses pensées semblaient tambouriner dans sa tête, confuses et douloureuses. Comment sa grand-mère avait-elle pu ne pas lui parler de ce premier mari ? Pourtant, elle lui avait déjà dit à plusieurs reprises qu'elle pouvait lui parler de tout. Alors pourquoi pas de ça ? Elle se sentait déçue, trahie. Sa grand-mère ne lui avait-elle donc pas fait assez confiance pour lui parler de son secret ? Et puis pourquoi cela était-il un secret ? Qu'allait-il arriver avec Prem ? Elle était sûre que jamais elle ne pourrait mettre suffisamment d'ordre dans ses idées pour en parler franchement avec sa grand-mère. Enfin, c'était la sensation qu'elle avait maintenant.

– Ça doit être la bousculade dans ta tête, l'interrompit Graham.

– Un peu, ouais, murmura-t-elle, les yeux toujours baissés sur ses mains. Je croyais tout connaître de la vie de ma grand-mère. Elle a été une source d'inspiration. Mais si tout ça est vrai. Si elle a vécu ça dans sa vie… alors elle m'a menti.

– Oui, mais justement, elle voulait peut-être pas te raconter cet épisode de sa vie. Les femmes ont le droit d'avoir des secrets, y compris vis-à-vis de leur petite-fille.

En disant cela, il pensait également à Grace qui n'avait jamais confié tous ses secrets à Ryan. Et ça il le savait parce que ce genre de secrets pouvait être connu par d'autres. Il savait donc par expérience qu'une grand-mère ne partageait jamais avec ses petits-enfants des détails trop personnels ou douloureux de leur vie. Et c'était quelque chose que lui-même comprenait. C'était une réalité avec laquelle il vivait depuis Grace. Mais il ne savait pas s'il expliquait bien la situation à Yaz. Grace aurait été bien plus indiquée. Ou peut-être même le Docteur. Puisque selon Missy, elle était grand-père.

– Yaz, n'oublie pas une chose, reprit-il. Cette jeune fille là-dedans… n'est pas encore ta grand-mère. Ce n'est que plus tard qu'elle décidea comment te le dire.

Yaz relève alors les yeux vers Graham. Il avait raison. Elle devait bien admettre que cette femme ne la connaissait pas… que cette femme ne connaissait pas encore son grand-père et n'était donc pas encore mère et était encore loin d'être grand-mère. Mais ce n'était pas à cette version de sa grand-mère qu'elle en voulait. C'était à celle qu'elle avait connu pendant toute sa vie. Pourquoi lui cacher une chose si importante de sa vie, alors qu'elle-même ne lui cachait rien ? Rien ? Vraiment ? Sa grand-mère ne savait pas qu'elle voyageait dans le temps et l'espace avec deux extraterrestres. Et c'était sans doute l'une des choses les plus importantes de sa vie. Alors comment pouvait-elle continuer de lui en vouloir alors qu'elle-même n'était pas honnête et lui cachait un pan entier de sa vie ?

– Et honnêtement, je ne sais pas si nous connaissons tous la vérité sur nos propres vies, a ajouté Graham dans un versant plus philosophique. Parce qu'on est trop occupé à les vivre l'un derrière l'autre. Alors profite bien de ce qui t'arrive. Profitez bien du moment présent. Cherche les réponses plus tard.

– C'est plus facile à dire qu'à faire, répondu-elle néanmoins.

– Oui, j'comprends, mais… regarde-nous. On fait des choses formidables avec le Doc et Missy. Le est en 1947.

– Avec ma grand-mère, sourit Yaz. Personne ne nous croirait. Surtout pas ma grand-mère.

– On a perdu le Docteur ! Alerte rouge !

C'était une voix lointaine, mais Yaz pouvait y reconnaître celle de Ryan.

– Quoi ?! fit une nouvelle voix derrière eux.

Ils sursautèrent et se retournèrent pour se retrouver nez à nez avec une Missy visiblement furieuse. La Dame du Temps courait immédiatement vers la source du bruit, les laissant tous les deux en arrière.


Alors ?

Comment trouvez-vous le prénom du bébé ?

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