La nuit était douce, comme souvent à l'aube de l'été. Le ciel dégagé offrait une vue imprenable sur le ciel étoilé et bon nombre d'habitations étaient plongées dans le noir étant donné l'heure tardive. Pourtant, une maison faisait exception.

Pour les nombreux moldus habitant à proximités, le numéro 23 de la rue des Acacias n'était qu'un terrain défraîchit, sur lequel les gamins du quartier aimaient jouer au foot. Mais pour Harry Potter, qui se tenait précisément sur le trottoir juste en face, un manoir lugubre s'élevait sur l'herbe en jachère. Les fenêtres du rez-de-chaussée étaient allumées, et bien qu'aucune image ni aucun son ne s'échappaient du lieu, le jeune sorcier savait que des choses terribles étaient en train de s'y produire.

Je ne dois pas traîner, se rappela-t-il.

Une pointe d'angoisse lui enserra la gorge. Le combat à venir en lui-même ne l'effrayait pas. Enfin... pas trop. Ce qui lui retournait l'estomac, c'était sans conteste de revoir tous ceux qu'il avait quitté. Ceux à qui il avait été arraché. Cinq années étaient passées, du moins pour lui. Ici, dans cet espace temps, une seule année s'était écoulée. Convaincre son ancienne famille de lui faire confiance et de croire en son histoire ne serait certainement pas une mince affaire, mais il fallait procéder par étape.

D'abord, sauver tout le monde.

Harry traversa la rue, puis contourna la maison. Son Maître lui avait répété les étapes à suivre des centaines de fois. Peut-être même des milliers ? L'erreur n'était pas envisageable. Instinctivement, Harry frotta sa nuque du plat de sa main, songeant à la marque des disciples qui était imprimée dans son cou. Une foule d'émotions aussi violentes que contradictoires tentèrent de le submerger, mais il refoula la vague avec toute la détermination dont il était capable. Il n'avait pas vécu tout ça pour échouer maintenant. Il devait se concentrer. Agir selon le plan. Obéir aux ordres.

À l'arrière de la maison, Harry se dirigea vers la gouttière et chercha à tâtons le loquet que son Maître lui avait décrit dans les moindres détails. Il le dénicha en quelques secondes, puis, après avoir apposé le bout de sa baguette dessus et souffler l'incantation nécessaire, une porte se dévoila.

Un sourire étira ses lèvres. Fugace.

Ouf, je l'ai trouvé, se félicita-t-il. Heureusement.

À pas feutrés, Harry se faufila à l'intérieur du manoir tout en glissant sa baguette à l'arrière de son jean. Il ne devait pas user de la magie une fois à l'intérieur, son Maître avait été formel. Les risques qu'un sortilège de protection alerte les Mangemorts étaient élevés, que Voldemort lui-même fut également averti plus que plausible. De toute façon, avec ses dons, Harry ne devrait pas avoir trop de mal à s'en sortir.

Il était 23h52 et il disposait précisément de huit minutes pour mener sa mission à bien. À minuit pile, Lord Voldemort serait là et le destin de tous serait compromis. Selon les souvenirs de son Maître, au cours de ces huit minutes, seuls deux Mangemorts seraient dans le manoir. C'était donc le moment propice pour tenter un sauvetage. Harry traversa le hall du manoir dans la pénombre. Sur le côté, un filet de lumière sous la porte de ce qu'il savait être une vieille cuisine lui était son unique source de lumière. Derrière cette porte, il y aurait donc deux ennemis. Les ordres étaient de les tuer et Harry frissonnait déjà à cette pensée. Toutefois, il savait qu'il obéirait. Au fond de la pièce il y aurait deux grandes cages protégées de magie noire puissante. Dans l'une d'elle se tiendrait monsieur et madame Wesley, Severus Rogue, Remus Lupin, Alastor Maugrey et une prénommée Nymphadora Tonks. Dans la seconde, Ron, Hermione, Fred, Georges et Ginny.

Harry s'arrêta juste devant la porte à cette pensée avant d'inspirer profondément. La simple perspective de se retrouver face à ses deux meilleurs amis lui coupait les jambes. La première année de leur séparation, il les avait pleuré à de nombreuses reprises. Il les avait réclamé à son Maître aussi. Souvent. Même s'il savait que les voir aurait été impossible, mais ça avait été plus fort que lui. Deux corrections cuisantes de son Maître avait mis fin à ses demandes, mais les deux jeunes sorciers n'avaient jamais cessé de lui manquer, chaque jour. Et là, à quelques mètres d'eux et de leurs retrouvailles, qu'ils puissent le rejeter et ne pas comprendre ce qu'il avait vécu ces dernières années lui brisait déjà les reins.

Ressaisis-toi, Harry, se sermonna-t-il.

Il se remémora avec force les conseils de son Maître : ne pas regarder vers les cages. Éliminer les deux Mangemorts. Libérer les adultes et les laisser prendre le relai.

Ni une ni deux, Harry poussa la porte de la cuisine. Il aurait sans doute pu faire une entrée plus fracassante, il s'était imaginé débarquer en faisant valdinguer tout dans la pièce sous le regard statufié des siens, mais son cœur battait trop vite pour faire du zèle. Et il n'avait pas le droit à l'erreur.

Le silence face à son entrée était assourdissant. En un éclair, Harry repéra les deux cages. Il s'interdit de s'attarder sur ses occupants et il n'eut aucun mal puisque les deux Mangemorts, qui mangeaient près de ce qui ressemblait à un plan de travail en bois en partie détruit se redressèrent d'un seul tenant. Ils portaient leur tenue noire et leur cagoule était partiellement relevée, juste au niveau de la bouche. Ils dégainèrent leur baguette et une décharge d'adrénaline parcourut le bras d'Harry. Il leva deux doigts et d'un mouvement rapide traça un geste vers la gauche . Les deux baguettes s'arrachèrent des mains des deux hommes pour s'écraser contre le mur opposé.

- Harry ! crièrent ses amis.

Entendre leur voix lui tira presque les larmes aux yeux, mais il ne s'autorisa pas à lever les yeux sur eux. Il devait avant tout maîtriser les deux ordures qui maintenaient les siens captifs avant qu'ils ne transplanent et alertent Voldemort.

- Putain ! s'écria l'un des deux Mangemorts.

Harry leva le bras vers le ciel d'un geste vif et les deux hommes décollèrent comme deux poupées de chiffons pour heurter violemment le plafond. Un craquement sinistre suivi d'un hurlement indiqua qu'au moins un des deux était sévèrement blessé. Harry maintient sa paume ouverte en direction de ses victimes qu'il ne percevait plus correctement à cause du plan de travail. D'un pas rapide, il le contourna pour découvrir l'un des Mangemorts inconscient et l'autre allongé sur le sol, qui se tenait l'épaule en gémissant. À la vue d'Harry, une lueur de peur sembla traverser son regard. Harry savait que lui semblait déterminé, mais intérieurement c'était tout autre. Tuer n'était pas dans sa nature. Son Maître n'avait jamais vraiment dit pourquoi il était nécessaire de leur ôter la vie plutôt que de les maîtriser et il songea qu'il serait possible de ne pas obéir. Après tout, son Maître n'était plus là. Harry frissonna, mais pas à l'idée de tuer cette fois-ci. Désobéir n'était plus ce qu'il faisait de mieux désormais.

- Je suis désolé, souffla-t-il en direction de l'homme dont le regard s'écarquilla.

Sans doute avait-il compris. Harry dirigea sa main vers la gorge de sa victime et serra le poing d'un cou sec. Un craquement sourd résonna dans la cuisine. Il avait souvent pensé à la manière dont il s'y prendrait pour tuer ses ennemis. Briser la nuque était le plus rapide, le moins douloureux. Harry ravala ses larmes, mais fut incapable de masquer ses tremblements lorsqu'il se pencha sur le second Mangemort. Une chance, il était déjà mort.

Harry venait de tuer deux êtres vivants. Plus aucun son ne provenait de la cage de ses amis. Ils étaient sans doute choqués, mais Harry s'interdit d'office de les aviser. Il s'inquiéta plutôt de l'heure et jeta un coup d'œil à la vieille montre qu'il portait à son poignet.

23h57. Il ne disposait plus que de trois minutes.

Abandonnant les deux corps sans vie, il se précipita vers la cage où les adultes étaient enfermés. Il savait que les prisonniers étaient dans une sorte de bulle. Ils ne pouvaient pas parler. Enfin, si, mais aucun son ne dépassait les barreaux de leur prison. Les Mangemorts avaient fait ça pour ne pas les entendre et ne pas leur permettre de communiquer avec les enfants ou même les rassurer sur leur sort à venir. Harry releva les yeux sur les occupants une fraction de seconde et rechercha instinctivement Severus Rogue. Il se heurta à son regard glacial, bien qu'une expression d'étonnement barrait son visage. Remus Lupin s'avança jusqu'aux barreaux, poussant Harry à lever les yeux sur lui. Ils échangèrent un regard affectueux. Lupin avait les larmes aux yeux et il secoua soudain la tête en remuant ses lèvres. Harry crut y lire : "Tu es vivant ?" Mais il n'en était pas certain.

Harry lui accorda un sourire avant de lui murmurer : "Je dois agir vite, monsieur. Nous n'avons que quelques minutes pour fuir."

Détacher son regard de son ancien professeur de Défense contre les forces du mal fut plus difficile qu'il ne l'aurait imaginé. Il savait que monsieur et madame Wesley étaient juste derrière, mais il ne devait pas leur adresser le moindre coup d'œil, au risque de fondre en larmes pour de bon.

Cette mission de sauvetage était une véritable torture sur le plan émotionnel !

Harry se tourna vers la serrure qui maintenait la cage scellée. Elle était la seule grande inconnue dans cette pièce. Son Maître lui avait appris tout ce qu'il savait des lieux et de ce que lui et les autres y avaient vécu, mais le Seigneur des ténèbres avait torturé et tué la majorité d'entre eux dans cette cage et les deux seuls survivants avaient été transportés au repère du Mage noir inconscients. Il ignorait donc tout des sortilèges précis qui ensorcelait la cage tout comme de la manière de les briser. L'idéal était qu'Harry utilise l'un de ses dons. Le plus puissant en somme, celui qui lui demandait le plus de ressources. Sans doute allait-il perdre connaissance, mais le challenge était de le faire une fois seulement les maléfices détruits.

Après une courte hésitation, Harry releva les yeux vers Remus Lupin. Il serait celui qui lui ferait confiance le plus facilement, du moins il l'espérait.

- Je vais vous libérer. À la seconde où vous serez dehors il faudra libérer les autres et transplaner en lieu sûr. Voldemort sera là dans quelques instants avec trop de Mangemorts pour vous en sortir.

Harry sortit sa baguette de l'arrière de son jean et la montra au professeur Lupin avant de la poser à terre. Ce dernier acquiesça d'un mouvement de tête, l'air concentré et sérieux. Le Survivant savait qu'il avait toute l'attention du sorcier et sans doute de toutes les personnes présentes.

- Elle vous sera sûrement utile, précisa-t-il, nerveux. J'ai... J'ai besoin que vous reculiez tous vers le fond, s'il vous plaît. J'ai peur de vous blesser.

Les sorciers s'exécutèrent sans discuter et Harry s'agenouilla face à la serrure. Il apposa ses mains dessus et clos ses paupières. Les trois ou quatre premières secondes, il ne se passa rien. Son cœur battait tellement vite et des émotions tourbillonnaient si violemment en lui qu'il lui était difficile de se concentrer. Il se força donc à penser à son Maître et leurs entraînements. Il n'avait pas le droit d'être distrait maintenant.

À l'intérieur de son esprit, il ouvrit une porte qu'il connaissait par coeur. Celle qui lui permettait de communiquer avec l'esprit qui l'accompagnait depuis pratiquement cinq ans : Lyro, l'esprit du renard. Pas n'importe quel renard, mais Harry n'avait pas le temps de songer à cela. Il entra en communions avec lui et puisa dans ses forces. Une chaleur qu'il connaissait par coeur irradia de ses paumes pour s'attaquer directement à la serrure.

D'un point de vue extérieur, Harry était parfaitement immobile. Une lumière bleuté très douce enveloppa ses mains et sembla s'enrouler entre elle et la serrure, sous le regard perplexe des prisonniers.

Harry sentit ses forces s'amenuiser, mais les sortilèges qu'il voulait briser étaient puissants. Plus encore que son Maître l'avait estimé. Le jeune sorcier serra les dents et poussa son esprit plus loin encore auprès de Lyro. Il n'avait vraiment pas le droit à l'erreur. Tout ce qu'il avait enduré ces cinq dernières années avait eu pour but de le conduire ici, à cette épreuve. Il avait pour mission de changer le cours du temps. D'empêcher Voldemort de gagner cette bataille et de plonger le monde dans le chaos. Tout débutait cette nuit-là.

Harry s'accrocha de toutes ses forces à l'esprit du renard, le suppliant de ne pas l'abandonner. Soudain, il y eu un bruit de serrure, un cliquetis qui déchira la tension qui avait envahi toute la sordide cuisine.

La porte de la cage de déverrouilla et une main la tira brutalement. L'instant d'après, des bras cueillir le Survivant au moment même où il perdait connaissance.