Chapitre XXXII

-Il est hors de question que je vous laisse le ventre vide, vous n'avez déjà rien voulu manger ce matin et vous avez à peine touché à votre assiette ce midi ! Depuis quand avez-vous ces troubles alimentaires ?

-Je n'ai pas de troubles alimentaires ! C'est juste que j'ai du mal à grossir et les potions antidouleurs me coupent l'appétit ! rétorqua-t-il en perdant patience, en ayant plus qu'assez que l'infirmière le traite comme un enfant de quatre ans.

-Si vous ne mangez pas un peu, je vous nourris par perfusion ! Le menaça-t-elle.

La menace fit effet, car l'adolescent se saisit de son assiette de peur que l'infirmière exécute sa sentence. Après avoir lu la description d'une perfusion dans un livre de médecine moldue qu'elle lui avait prêté pour qu'il s'occupe, Théodore n'avait aucunement envie d'expérimenter la chose.

Cela faisait presque une semaine qu'il se trouvait à l'infirmerie et sa tête se trouvait toujours très douloureuse, sans compter ses points de suture qui le tiraillaient désagréablement.

Les nuits étaient particulièrement éprouvantes pour lui et l'infirmière, car il n'était pas rare que le jeune Nott, à la suite d'un cauchemar, se réveille en hurlant, faisant accourir la vieille femme à son chevet. Il finissait par se calmer, lorsque l'infirmière lui murmurait des paroles apaisantes et glissait précautionneusement dans ses cheveux noirs, une main câline pour le consoler.

Théodore supportait de moins en moins la douleur et le fait de rester enfermé, ce qui le faisait se réveiller d'une humeur particulièrement exécrable. A bout de nerf, il ne parvenait plus à se contrôler et pouvait passer des heures à se plaindre en pleurnichant et gémissant, ce qui avait le don de le mettre en colère contre lui-même.

Une fois n'est pas coutume, le jeune garçon s'était réveillé de mauvaise humeur et ne cessait de grogner et de ronchonner pour un rien, ce qui exaspérait Madame Pomfresh :

-Vous aviez été particulièrement agréable à vivre jusqu'à présent ! Une douche froide vous fera le plus grand bien, mais faites attention à la suture !

Trop heureux de pouvoir se lever de son lit, il se dirigea vers la petite salle d'eau et entreprit de prendre une douche, en étant particulièrement attentif à ne pas toucher la plaie. Ce n'est que trois jours plus tard qu'il fut autorisé à sortir de l'infirmerie.

Lorsqu'il pénétra dans la salle commune, le jour même de sa sortie de l'infirmerie, il remarqua que celle-ci était anormalement calme. Un groupe de troisième année chuchotait entre eux, un journal à la main et semblait le regarder avec méfiance.

Montant au dortoir dans l'espoir de parvenir à récupérer ses cours manqués avant le dîner, l'adolescent se fit assaillir par son ami :

-Elle t'a enfin laissé sortir !

Théodore hocha la tête avant de répondre :

-Elle en avait probablement marre de mon mauvais caractère…

-C'est vrai que tu es vraiment mauvais malade et que venir te voir à l'infirmerie n'est pas toujours une partie de plaisir, alors je n'imagine même pas ce que la pauvre Madame Pomfresh a dû endurer !

-J'aurais bien aimé t'y voir…grogna-t-il en guise de réponse.

-Trêve de plaisanterie, j'ai une bonne nouvelle pour toi, enfin je ne sais pas vraiment si on peut considérer ça comme une bonne nouvelle, tu verras par toi-même…Lui dit Blaise en lui tendant la Gazette du Sorcier.

S'asseyant sur son lit, son cœur fit un bond en voyant le titre de la première de couverture : « Une dizaine de mangemorts échappés d'Azkaban ». Parcourant rapidement la liste des noms, l'adolescent ressentit un immense soulagement en lisant le nom de Richard Nott.

Fermant les yeux, il inspira profondément.

-Tout va bien ?

Relevant les yeux vers son ami, il déclara, en haletant presque, sous le coup de l'émotion :

-Oui…Il est vivant c'est le principal mais j'espère qu'il pourra parvenir au manoir sans être arrêté de nouveau et que son état de santé ne s'est pas trop détérioré…

-Seul l'avenir pourra nous le dire…

L'année scolaire suivait son cours et le mois de juin arriva rapidement. Comme toujours à cette période de l'année, le jeune homme passait tout son temps libre à la bibliothèque pour réviser ses examens de fin d'année. L'anxiété était toujours aussi présente que les années précédentes, mais Théodore faisait de son mieux pour se contrôler. Il estimait qu'il avait déjà assez versé de larmes liées à ses peurs et angoisses au cours de sa vie, pour se laisser aller une fois de plus à des crises de paniques insurmontables.

La veille des examens alors qu'il relisait tranquillement ses notes, il fut interrompu par son ami :

-Madama Pomfresh t'as drogué la dernière fois que tu es allé à l'infirmerie ? J'ai du mal à te reconnaître ! L'année dernière tu étais complètement hystérique avant les BUSE…

-Arrête de te moquer ! J'essaye de relativiser, c'est tout…

Les examens se déroulèrent sans encombre pour le jeune garçon qui était pratiquement certain de passer en septième et dernière année, l'année prochaine.

Alors qu'il se trouvait dans la fraîcheur de la salle commune, fuyant la chaleur insoutenable de l'extérieur, tentant d'occuper ses pensées comme il le pouvait en rangeant et pliant avec application ses vêtements dans sa malle, son ami lui fit remarquer :

-On n'a même pas fêté ton anniversaire…

-C'était il y a trois mois et je ne le fête pratiquement jamais, même quand je vivais avec mon père…marmonna-t-il.

Bien évidemment, étant enfermé à Azkaban son père ne lui avait envoyé ni lettre ni colis pour fêter ses 17 ans.

-Ce n'est pas tous les jours que l'on devient majeur quand même ! insista Blaise.

Relevant la tête, Théodore rétorqua :

-Tu m'a déjà fait un cadeau ! Qu'est-ce que tu veux faire de plus ?

-Cela fait quelques semaines que les Septièmes années parlent d'organiser une fête ce soir et…

-Hors de question que j'y aille ! Vous allez faire un boucan pas possible et en plus ce genre de choses, c'est contre le règlement ! Le coupa-t-il brusquement.

-Et bien reste avec tes bouquins si ça te fait tant plaisir…

Tous les élèves de Serpentard semblaient surexcités au dîner et ne cessaient de se chuchoter des choses à l'oreille. Ayant passé une grande partie de la journée à rassembler ses affaires en vue des vacances d'été, Théodore ignorait si leur projet de fête allait véritablement aboutir ou si celui-ci n'allait rester qu'au stade de rumeur.

L'adolescent eut bien vite sa réponse lorsqu'il pénétra dans la salle commune ce soir-là. Les tables étaient remplies de nourriture et de boissons (pour la plupart alcoolisés) et Adrian Pucey tentait de faire fonctionner une sorte de radio magique. Lorsque celui-ci eut enfin réussi à la faire fonctionner, une musique sourde et entraînante se fit entendre. Il n'en fit pas plus au jeune Nott pour se précipiter dans son dortoir.

Même du dortoir la musique était assourdissante et Théodore fut obligé de lancer un sort de silence pour insonoriser la pièce. Il se prépara ensuite pour la nuit et blotti dans son lit, il s'empara du livre sur les plantes que son ami lui avait offert pour son anniversaire. Cependant, l'adolescent ne parvenait pas à rester concentré et pensait sans cesse à son père. Où était-il en ce moment ? Etait-il parvenu au manoir sans danger ? Son état de santé s'était-il dégradé ?

Il ferma d'un coup sec son livre et s'allongea avec appréhension. Alors qu'il dormait profondément quelqu'un le secoua sans ménagement pour le réveiller :

-Théodore, lève-toi !

Grognant, il entrouvrit les yeux et aperçu son ami qui semblait paniqué.

-Pourquoi ? Votre stupide fête est déjà fini ?

-Arrête c'est sérieux ! Il se passe quelque chose de grave, on a entendu comme des cris, des bruits de pas et de sorts que l'on jetait quelque part en haut…

Se levant et s'habillant rapidement, il se mit à son tour à paniquer. Des mangemorts pouvaient-ils avoir infiltré le château ?

Instinctivement il tourna la tête vers le lit de Drago Malefoy et constata que celui-ci était vide.

-Malefoy…où est-ce qu'il est ?

Blaise haussa les épaules en guise de réponse.

-Je t'avais dit qu'il était bizarre ces temps-ci…dit-il à son ami en descendant dans la salle commune, qui faisait peur à voir.

Des bouteilles vides jonchaient le sol, ainsi que d'innombrables paquets de bonbons et de chips. Mais le plus effrayant était sans conteste, les visages blafards et crispés par l'angoisse de ceux qui s'y trouvaient déjà.

-Dépêchez-vous de tout nettoyer ! Rogue va nous tuer s'il voit ça !

-Taisez-vous ! Je crois que ça recommence !

Le silence se fit et en tendant l'oreille, Théodore pu percevoir comme ses camarades des bruits de pas et des cris sourds retentir quelques parts dans le château.

-Qu'est-ce qu'on fait ? Questionna un élève de cinquième année, la voix tremblante.

-Rien du tout, on ne prend aucun risque et on reste tous ensemble !

Les élèves de Serpentard attendirent quinze longues minutes, sursautant à chaque bruit quand le mur de pierre qui permettait de rentrer et de sortir coulissa et laissa apparaître le Professeur Slughorn.

-Professeur ! Qu'est-ce qu'il se passe ?

-Où est le Professeur Rogue ?

Assis sur un des seuls canapés qui n'étaient pas jonchés de bouteilles et d'emballage, Théodore regardait ses camarades se jeter sur le Professeur Slughorn et écouta d'une oreille attentive ses réponses :

-Je ne veux pas vous faire peur mes enfants, mais quelque chose de grave se passe, je crois que des mangemorts ont infiltrés le château…

Des cris de paniques se firent entendre du côté des plus jeunes :

-N'ayez crainte, rien ne va vous arriver…Le Professeur Rogue est quelques peu occupé et c'est moi qui suis chargé de le remplacer. Ne sortez sous aucun prétexte d'ici et restez tranquille, je reviendrais demain matin pour vous informer de la situation. En attendant, vous devriez faire un peu de ménage…

Regardant le Professeur Slughorn quitter la salle commune, Théodore se tortilla nerveusement sur son canapé. Si des mangemorts avaient infiltré l'école, son père se trouvait-il avec eux ?

-Tout va bien ? Le questionna Blaise, en le voyant pâlir a vue d'œil.

-Oui je crois…

A vrai dire, l'adolescent se sentait littéralement engloutie et perdu dans ce qu'il ressentait. Prenant sur lui pour se maîtriser devant les autres, il se leva et dit à son ami :

-Inutile de rester ici plus longtemps, je retourne me coucher…Réveille-moi, s'il se passe vraiment quelque chose de grave…

-Tu ne trouves pas ça assez grave à ton goût ? répliqua celui-ci sur un ton sec, que Théodore ne lui connaissait pas.

-Tu as très bien compris ce que je voulais dire…Tu as entendu Slughorn ? Il nous a dit de rester ici en attendant son retour. Je ne vais certainement pas rester éveillé toute la nuit à nettoyer vos cochonneries !

Tournant les talons, ne laissant même pas le temps de répondre à son ami, il retourna dans le dortoir, en songeant que la panique leur faisait à tous perdre leur sang-froid…

L'adolescent s'était tourné et retourné dans son lit durant des heures sans parvenir à s'endormir avant l'aube. C'est vers 8h du matin que quelqu'un le réveilla une seconde fois. Le jeune Nott ne fut pas surpris en découvrant son ami penché au-dessus de lui, mais son expression grave qui ne lui était pas familière, lui firent comprendre que quelque chose venait réellement de se produire :

-Dumbledore est mort…

Surpris et abasourdi par la nouvelle, Théodore se redressa brusquement :

-Comment c'est possible ?

-Je ne sais pas, c'est ce que Slughorn nous a dit quand il est revenu vers 4h du matin…Apparemment des mangemorts ont véritablement infiltrés le château et Rogue et Malefoy en faisaient partis…

Les deux garçons restèrent silencieux un long moment quant au bout de quelques minutes l'héritier Nott déclara :

-Une guerre va éclater, c'est certain, ce n'est plus qu'une question de temps maintenant…

Le jeune homme se rendit dans la Grande Salle en même temps que tous ses camarades de maisons. Les plus âgés avaient insistés pour ne laisser personne s'y rendre seul et Théodore comprit pourquoi lorsqu'ils y pénétrèrent. Des regards noirs furent lancés dans leur direction et quelques insultes fusèrent. Les trois autres maisons semblaient s'être ligués contre eux. Dorénavant, ils ne pourraient plus compter que sur eux même, s'ils voulaient survivre…

S'installant en silence à la table des Serpentard, le jeune garçon risqua un coup d'œil autour de lui. A chaque table il apercevait des visages pâles et défaits, parfois accompagnés de quelques larmes. Le Professeur Mcgonagall prononça quelques mots sur le drame qui s'était produit la veille au soir.

Jamais l'ambiance n'avait été aussi sinistre dans la Grande Salle.

A 11 heures précise, tous les élèves de Poudlard se trouvaient à la gare de Pré-au-lard pour rentrer chez eux et profiter d'un été qui ne serait pas aussi insouciant que les précédents. Théodore, suivit de Blaise, s'installa dans un compartiment vide, faisant profil bas et tentant de faire abstraction des regards meurtriers qui étaient posé sur lui.

Après de longues minutes de silences, il murmura :

-Ce n'est pas juste…Ils nous regardent tous comme si nous avions tués Dumbledore en personne, alors que nous n'y sommes pour rien !

-La vie n'est pas juste…

-Je suis bien placé pour le savoir…

Ainsi, le trajet se fit dans une atmosphère étrange. Le nez plongé dans son livre de potion qu'il relisait pour la énième fois, Théodore se sentait de plus en plus nerveux, à mesure que le train se rapprochait de King's Cross. Il avait très peur de ce qu'il allait trouver ou non, lorsqu'il rentrerait au manoir…

Son ami sembla le ressentir car au moment de se quitter, il lui dit :

-Ecrit moi si tu as le moindre problème…ma porte est toujours ouverte.

Théodore hocha la tête en silence et après avoir traîné sa lourde malle ainsi que la cage de son hibou, dans un coin tranquille, il transplana.