XVI La réputation
Août 1999 (Rafael)
Quand le gardien me sort de ma cellule surchauffée par l'après-midi andalou, je m'attends à être conduit à une sorte de procès dont le jury serait composé de mes pairs espagnols et britanniques. De quoi sauter par la première fenêtre venue si on y réfléchit trop. Peut-être dans le bureau où j'ai déjà été interrogé par ce lieutenant Amilcar. Peut-être dans une salle plus grande vu le nombre de personnes à réunir. Je me dis confusément que je fais sale et débraillé et que ce n'est jamais un bon point quand on doit être jugé.
Le gardien me fait sortir du bâtiment — ce qui manque de faire ressortir tout entière cette paranoïa que j'avais réussi à maîtriser en Angleterre -, jusqu'à un jardin intérieur rafraîchi de plusieurs fontaines et ombragé par de grands arbres. Une sorte d'oasis. Pas l'endroit où on imagine être égorgé comme un mouton noir.
Dora Tonks-Lupin, en uniforme comme pour une session du Magenmagot, est assise sur un banc. Elle se lève en me voyant.
"Cheffe", je souffle en me redressant. "Qu'est-ce que tu fais là ? Tes vacances !"
Elle attend que le garde se soit reculé pour me répondre : "Je fais mon travail de mentore... qui parfois est incompatible avec mes vacances. Surtout que vous êtes impliqués tous les deux." Je garde un silence prudent qu'elle reconnaît aisément. "Ça va ?"
"Pas vraiment", je décide de reconnaître.
"Tu les connaissais ?", elle veut savoir en me prenant par le bras pour me faire asseoir à côté d'elle — un geste autoritaire, mais aussi un geste de proximité. La bulle de silence qu'elle a dû préparer m'enveloppe immédiatement. Le garde reste impassible. "J'ai demandé qu'on puisse se parler dans un lieu... plus neutre que ta cellule... et que je puisse protéger notre conversation", elle explique.
"Ils ont accepté ?", je m'effare.
"Un certain Fervi a pris sur lui de rendre ça possible. Un gars qui s'intéresse à toi." Je préfère me taire et elle l'accepte. "Alors, tu les connaissais ?"
"Non."
"Le défunt... Fermin Garnati a quasiment ton âge... "
"Ils avaient tous les trois mon âge, à vue de nez, mais je te l'ai déjà dit, cheffe : je ne connais personne, moi ! Ma grand-mère... et don Curro ont veillé à ce que je reste dans mon coin."
"Fervi a une théorie", elle indique.
"Je sais", je marmonne.
"Sopo, je suis venue pour t'aider", elle soupire avec une pointe d'impatience. "Et je ne sais pas ce que tu te racontes, mais s'il te faut des précisions, sache que ton silence n'aide pas. Ni votre posture collective défaitiste. Aucun de vous n'a même demandé un avocat ! Vous paraissez soit débiles, soit coupables, soit cacher un truc énorme."
"Débile", "coupable", il y a des mots qui font mal quel que soit le ton sur lequel ils sont prononcés.
"Cheffe, je ne sais pas pour les autres, mais je sais que je... Je suis certain que tu es dans mon camp, mais... la vérité est que je ne sais pas où je mets les pieds... avec Fervi... ou avec les autres ici, ni ce que vous — le Bureau britannique — pouvez penser."
Elle acquiesce dans le vide comme si elle validait mes questions.
"J'ai mis Albus — Albus Dumbledore", elle précise, "sur la question de la Confrérie". Malgré la bulle de silence, elle a traduit le mot en anglais et je sais bien que ce n'est pas parce qu'elle ne parle pas assez espagnol. Elle vient de sacrément me réaffirmer son soutien et de faire preuve de réalisme pragmatique. Comme d'habitude, je suis tellement impressionné que je me tais. "Tu as raison de t'inquiéter de la position collective de la Division. Je suis ici avec Dawn, qui a été la mentore de Ogden, et Rigel Savage, qui a été celui de Twycross. Savage est le plus gradé de nous tous et c'est un gars avec qui on peut parler", elle estime. "Le mandat de Shacklebolt est de vous sortir tous de là. Même si vous étiez saouls ou défoncés — ses mots - la Division lave son linge sale en famille." Je ne sais pas ce qu'elle lit dans mes yeux, mais elle continue : "Personne ne dit que vous étiez saouls, Rafael. Les moins coopératifs de tes potentiels futurs collègues insinuent que c'est un règlement de compte communautaire... entre..."
Le mot lui échappe.
"Moriscos", je lui souffle. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas réalisé avant que c'est sans doute le plan des commanditaires de toute cette opération. Me faire disparaître à la suite d'une rixe communautaire. Comme si j'avais trahi mes origines en devenant Auror. Le pire est que ça peut certainement se concevoir. La suite logique est de se demander ce que les commanditaires ont promis aux trois pauvres types qui nous ont agressés — une baguette non bridée ?
"Voilà. Mais, je n'ai pas eu l'impression qu'ils avaient toutes les preuves dont ils auraient besoin pour en faire une théorie officielle... mais dans tous les cas, au final, on en revient à ta décision."
"Ma décision, cheffe ?"
"Soit tu ne comptes pas remettre les pieds ici. Jamais..."
"Vous me garderiez ?", je l'interromps, laissant certainement voir l'ampleur de mes insécurités.
"Arrête de faire ton pauvre petit orphelin persécuté, Sopo. Pas sur mon épaule en tout cas", elle me rabroue.
"Je ne parle pas de toi..."
"Mais de la Division. Est-ce que la Division a été injuste avec toi ?" Je secoue la tête. "Donc, arrête : l'option est là, tu le sais, Fervi le sait, les autres l'espèrent peut-être... Mais celui qui doit choisir, c'est toi."
J'ouvre la bouche et la referme et elle prend ça avec raison pour une victoire.
"Mais si tu veux pouvoir revenir ici... ou même laisser ouverte l'option... je crois que tu as besoin d'alliés... Je ne dis pas que cette mystérieuse Confrérie est la solution — ou la seule solution. J'espère qu'Albus me rappellera vite, mais si elle ne l'est pas... tu sauras au moins quelles sont tes options... "
Qu'elle ait si vite fait sienne la position de Fervi me laisse la bouche sèche.
"Bon, on va aller te négocier une douche avant la réunion collective qui doit avoir lieu. Amilcar, le lieutenant qui vous a interrogés, va rappeler l'ampleur des dégâts... Savage va sans doute vous gronder de ne pas avoir eu le dessus à ce prix-là... Faudra nous expliquer d'ailleurs, l'addition est carrément salée", elle souligne, mais ce n'est pas l'ampleur de la somme qui a l'air de l'inquiéter. Je baisse quand même les yeux. "On devrait obtenir votre libération contre la promesse qu'on va vous rappeler à vos devoirs... peut-être pas avant demain matin, faudra être patient... "
Ça se passe à peu près comme Tonks-Lupin l'a annoncé. Quand je sors d'une douche honnêtement bienvenue, on me laisse le temps d'enfiler un uniforme que, j'imagine, nos chefs britanniques ont amené dans leur bagages, parce que, moi, je n'avais pas jugé utile d'en avoir un dans ma valise — D'ailleurs, est-ce que quelqu'un s'est occupé de notre hôtel et de nos affaires ? On me traîne ensuite dans une grande salle où Britanniques et Espagnols sont réunis, la mine sévère. Fervi est là, pas au premier rang, mais assez central dans l'arc formé par les Aurors espagnols.
C'est la première fois que je revois mes amis et mon amoureuse — eux aussi vêtus de leurs uniformes et essayant de faire face à ce jury intimidant. Je suis totalement frustré de ne pas pouvoir leur demander comment ils vont. Je n'ose pas dévisager nos "juges", même Jeffita. Il y a des sortilèges de traduction qui permettent à chacun de parler dans sa langue. C'est un peu curieux de se dire qu'il n'y a que Tonks-Lupin et moi pour comprendre tout le monde. Enfin, peut-être que des gars comme Fervi, bien éduqués, possèdent assez d'anglais pour suivre tous les intervenants.
Le lieutenant Amilcar, notre hôte, parle le premier. Il redit que nous avons foulé au pied le Secret et provoqué des dégâts matériels coûteux, avant de regretter un mystérieux "impact psychologique" pour "toute notre communauté". Tout le monde opine avec gravité.
Pour ne pas être en reste, Savage souligne que deux jeunes Aurors et deux Aspirants, même pris par surprise, auraient dû être capables au moins de maîtriser leurs agresseurs. Quand je vois la lèvre inférieure de Nydia trembler devant cette critique, je manque de perdre ma résolution de jouer au mouton noir stoïque qui prend sa volée de bois vert en silence.
Je n'ose toujours pas regarder Tonks-Lupin parce que je ne supporterais pas qu'elle ne pense pas comme moi. Il ne me reste qu'une chose à faire, serrer les poings comme toutes les autres fois où je me suis senti frustré et impuissant — quand ma grand-mère est morte, par exemple.
Savage s'enquiert ensuite avec diplomatie d'où en est l'enquête. On apprend ainsi que le corps de ce pauvre Fermin Garnati a été retrouvé mort assez loin au nord-est de Grenade, dans les Cuevas de Guadix. Égorgé "comme un mouton", en utilisant un couteau moldu, selon les analyses, détaillées par un Auror dont je ne retiens pas le nom. Il estime enfin l'heure probable de décès à un moment où nous étions déjà sous la garde des Aurors andalous — ce qui disculpe complètement Zoya, je le mesure avec un soulagement certain.
"Le véhicule moldu décrit par vos jeunes Aspirants", continue l'homme — reléguant Albus et Zoya à un statut de plus que débutants, "a été retrouvé près de Guadix. Brûlé. Processus magique. Aucune aura et aucun marqueur génétique n'ont survécu à l'incendie. L'endroit est suffisamment isolé pour que nous n'ayons aucune chance de trouver un témoin. Je dirais presque que si quelqu'un avait prétendu avoir vu quoi que ce soit, nous aurions pu nous interroger sur sa bonne foi."
"La famille de ce Garnati ?", veut savoir Savage, ce qui est une sacrée bonne question, je le réalise.
L'Auror analyste regarde ouvertement Amilcar plutôt que de répondre.
"Les Garnati sont installés à Guadix", décide de raconter ce dernier. "Une famille assez nombreuse. Plutôt honorable. Travaillant essentiellement à la production de plantes et d'élixirs... Mais les grandes familles aussi ont... leurs brebis galeuses... Le jeune Fermin... d'après ce qu'on nous a dit... aurait aimé... davantage. Un jeune homme facile à tenter...", il conclut d'un air entendu et je ne peux m'empêcher de me demander si une collection d'Aurors n'a pas dit exactement la même chose d'Azahara quand on l'a retrouvée morte.
"Donc vous le pensez commandité", relève Savage.
Amilcar joint les mains et soupire. "Il y a plusieurs théories. La première serait qu'un trio de petits sorciers sans grand avenir s'en prennent à des touristes étrangers pour leur or, leur baguette ou que sais-je... sans savoir qu'ils ont affaire à des apprentis Aurors. Ce n'est pas foncièrement impossible. Brûler la voiture dans ce scénario est presque crédible aussi. Mais que les complices soient allés jusqu'à égorger le troisième qui était juste légèrement blessé par l'Auror Twycross... ça paraît aller un peu loin."
Il laisse le silence entériner sa conclusion.
"Une deuxième théorie serait que ces jeunes gens s'en soient pris à l'Aspirant Soportújar", il reprend à contrecœur. Moi, je me dis que je n'ai jamais été aussi peu content qu'on prononce aussi précisément mon nom. "Et là encore, on peut imaginer plusieurs hypothèses. Une jalousie face à sa réussite ? Il aurait fallu la connaître — et sans vouloir me montrer désobligeant avec l'Aspirant, sa situation n'est pas réellement connue au-delà de la Division centrale. Moi-même, j'avais perdu de vue qu'on avait un Andalou en Angleterre !", il avoue en secouant la tête comme si c'était une bonne blague.
"Il ne reste plus que l'attaque sur commande", conclut Savage, sans doute impatient d'en venir au fait. "Mais une commande motivée par quoi ?"
Amilcar a besoin de presque une minute tout entière pour prendre sur lui de répondre à cette question.
"Malheureusement... la communauté sorcière andalouse... n'est pas toujours aussi... unie que… nous l'aimerions... L'histoire particulière de notre région… fait qu'il demeure des... vendettas... bien souvent incompréhensibles pour quiconque en dehors des protagonistes..."
"Qui dit vendetta dit vengeance, Lieutenant Amilcar", souligne Savage.
Il y a un nouveau silence lourd du côté andalou espagnol puis Amilcar, avec un regard à son chef qui n'a pas l'air d'être prêt à l'aider, se décide pour une nouvelle admission : "Je ne sais pas si vous avez en tête que... la dernière famille de votre... de notre aspirant commun… a disparu il y a quelques années... suite à une de ces rixes intercommunautaires que je regrettais précédemment... Peut-être que nous n'avons pas vu... une dimension plus personnelle à ce... regrettable... incident."
La formulation est poussive et désagréable, mais je ne peux que me demander à quel point il a raison. J'ai toujours tenu ma grand-mère comme la victime d'un massacre général visant des Moriscos sans souci de leur âge, de leur sexe, de leurs activités ou de leur identité. Est-ce la réalité ?
30 janvier 2021 (Dora)
Je ne passe pas la nuit chez Samuel et Iris. Je ne bois pas plus qu'un verre avec mon gendre. Je rejoins la Division pour le départ des renforts. J'écoute Ron leur faire un dernier briefing insistant sur la coordination et la prudence, et je leur souhaite bonne chance. Je me contente d'un bref message à la fois pour Samuel, que je n'imagine pas dormir, pour Remus, qui attend la pleine lune, ce qui ne doit pas le rendre enclin au sommeil, pour Philippine à Bruxelles et pour Zorrillo à son hôtel à cette heure : "Ils sont partis". Seuls les deux derniers accusent la réception de mon message, et c'est aussi bien.
Vingt minutes plus tard, preuve de l'efficacité des transports magiques, on a la confirmation de Darnell que l'équipe chargée d'investir le manoir Allodia en Écosse est en place et, presque en même temps, que le bateau portant l'équipe d'Iris a appareillé depuis l'Irlande. Ron répète à Seamus qui coordonne l'opération depuis Dublin que l'équipe écossaise doit attendre.
C'est une longue attente. Toutes les dix minutes, Caradoc Darnell demande s'ils peuvent y aller. Seamus lui répète que non. Ron et moi nous gardons d'intervenir. Le message d'Eolynn, chargée des communications par Iris visiblement — deux chefs, deux styles — , qu'ils ont pris pied sur l'île permet de donner le top départ à Darnell.
On peut imaginer que sur place l'action commence enfin. Ici, l'attente est juste un peu plus lourde et étouffante. Je me retiens donc de partager avec Samuel — on est tombés d'accord sur une communication minimum ; j'ai promis que je ne cacherais pas "les merdes" ; et encore plus avec Remus, qui a moins d'expérience de ce qui fait ce genre d'opérations et que la pleine lune ne rendra pas obligatoirement aussi lucide et logique qu'il faudrait. J'ai, par conséquent, un temps de cerveau disponible un peu trop abondant et, comme penser à Rafael n'aiderait pas, je finis par aller chercher des rapports que je dois contresigner. Ron fait à peu près comme moi.
L'ami d'enfance de Harry est ainsi toujours assis en face de moi quand Finnigan nous fait son deuxième rapport sur l'infiltration en cours. L'aube n'est encore qu'une vague promesse, et Zorrillo n'est pas encore arrivé au Ministère.
Les deux équipes sont entrées. Le contact direct est réduit à la communication par jetons. La progression est conforme aux modélisations des experts du Département des Mystères qui se sont installés à ses côtés. D'après ces derniers encore, les effets du rituel commencent à être perceptibles "sans pour autant demander des ajustements du plan".
Finnigan est factuel — sans optimisme mal placé ou inquiétude apparente — dans son compte rendu. Pourtant, je vois bien que Ron tique comme moi. Si Zorrillo était là, je n'aurais peut-être pas posé la question, mais c'est sans doute ma dernière occasion de le faire.
"Vas-y, Seamus, dis-moi ce qui te tracasse", je me risque. Est-ce que je suis prête à tout entendre ? Pas le temps de me poser la question.
Dans les flammes, les yeux de Finnigan cherchent celles de Ron, son vieil acolyte, et ils mettent du temps à se décider — un temps qui fait s'accélérer mon cœur.
"C'est... l'équipe de Darnell... Je ne sais pas pourquoi ils se précipitent comme ça. Comme si c'était une course... Ils n'ont donné aucunes nouvelles directes à Iris. Ils me font des rapports... factuels... mais ne développent rien... Ils n'ont fait aucun des relevés attendus — ils vont droit vers la salle du rituel, sans pause ou quoi que ce soit d'autre… Les experts râlent à chaque fois que les relevés soient si rares et brefs... "
"Darnell, Forrest et Huxley ?", je vérifie, juste pour gagner du temps. J'ai vu grandir Caradoc bien avant qu'il ne décide de devenir Auror. Jeune collègue, il a eu des élans émotionnels - tout Serpentard qu'il soit — qui ont parfois obscurci son jugement. Même si, me basant par exemple sur Severus, je ne suis pas loin de penser que cette image des Serpentard, toujours rationnels parce qu'arrivistes, est tout à fait fausse, je le tiens aujourd'hui comme un Auror solide et de confiance. Dikkie Forrest était de la génération de Rafael. Elle semblait promise à un grand avenir professionnel puis, par des choix personnels, un enfant toute seule notamment, elle s'est assez longtemps mise en retrait de la Division : intervenante à l'Académie, experte sécurité free-lance... jusqu'à ce que j'aille la rechercher quand sa fille, Zara, est entrée à Poudlard en 2015 pour lui proposer de revenir. Depuis, je n'ai jamais eu de raisons de le regretter. Et, en Écosse à sa demande, elle me semblait se construire une place qui lui convenait avec compétence. Winnie, enfin, est d'habitude, l'image même de l'Auror qui suit scrupuleusement les procédures — malgré son passé de Gryffondor d'ailleurs. Bref, ce que je sais d'eux ne m'aide pas à comprendre ce qui se passe.
"Darnell qui ne communique pas avec Iris", souligne d'ailleurs Finnigan d'un air entendu. Il a fait équipe avec les deux et se plaignait parfois à l'époque d'avoir du mal à être dans leurs confidences, je me souviens.
"Tu leur as demandé s'ils n'ont pas un problème technique ?", je vérifie tout en sachant bien que Seamus n'est pas le genre à ne pas écarter d'abord les solutions simples.
"Oui, ils disent que non. Je leur demande de communiquer davantage alors avec l'autre équipe et de donner plus de détails et ils ne répondent rien à ça", confirme Finnigan avec patience.
"Forrest, Dora... elle est de la génération de Sopo ?", questionne alors Ron.
"Oui", je confirme.
"Je ne me souviens plus... Ils avaient quoi comme relations ?"
"Au départ... Forrest le méprisait", je décide de répondre la vérité. La surprise de Ron et Seamus est patente. "Vous avez sans doute oublié, vous étiez plus jeunes, mais Rafael n'avait pas de super notes à l'Académie ; certains disaient que s'il n'avait pas été parrainé par la Coopération, il aurait été soit réorienté, soit renvoyé... — ce qui aurait été une erreur", je commence et je grimace de ma formulation. Parce que cette erreur l'aurait peut-être amené à une autre vie. Ça fait maintenant près de dix jours que je rumine ça. Sauf que je crois au choix.
"Ce qui aurait été un crève-cœur pour lui et assez injuste parce que les compétences et la motivation étaient là", je tempère donc. "Il souffrait d'une... limitation. Sa baguette, dans sa famille depuis des générations, je veux dire des siècles, était maudite et limitait ses performances, notamment en combat... "
"Ça me dit quelque chose — le gars dont tu as fait un combattant", commente Seamus. "Un morceau de ta légende !"
"Les légendes ne reconnaissent pas toujours les bons héros", je soupire. "Mais oui, c'est lui qui est derrière ce que tu appelles la légende... Et, quand la limitation a été levée — et ton frère Bill y est pour quelque chose, Ron... "
"Bill ?", s'exclame Weasley avec une vraie surprise dans la voix.
"Ton frère a trouvé le briseur de sorts compétent pour s'attaquer à la malédiction - ça demandait un peu plus d'expérience qu'il n'en avait à l'époque... Cette malédiction levée, Sopo a changé progressivement de réputation... Et Dikkie a changé lentement de regard sur lui — pas que Dikkie d'ailleurs... Il a eu une aventure avec Nydia Lytton... assez longue... puis il y a eu ces vacances en Andalousie... durant lesquelles il a été attaqué par des... gars commandités... Zoya, Albus, Nydia et lui", je précise. Je vois que tout ça rappelle quelque chose de lointain à Ron comme Seamus, alors en première année à l'Académie.
"Au retour... ils avaient tous acquis une drôle de réputation. Ils s'étaient fait déborder par trois jeunes dont personne ne savait rien ; ils avaient contribué à des dégâts assez homériques ; on était allés les sortir des griffes de la Division andalouse... Ce n'était pas spécialement élogieux, mais quand même intriguant et excitant", je continue et je vois qu'ils comprennent bien de quoi je parle. Les réputations ne sont pas toujours rationnelles, elles non plus
"Ça a été une goutte de trop pour Nydia, qui… n'a pas pu rester avec Rafael... Ils sont restés amis, mais Nydia avait besoin de distance. Et, même s'il n'avait pas entièrement la tête à la bagatelle ou à une relation sérieuse, Dikkie et Rafael sont sortis ensemble... C'était une relation compliquée et houleuse de ce que j'ai pu comprendre mais... mais peut-être plus longue que ce qu'on croit", je formule.
Depuis que je suis allée chercher Dikkie, il y a presque sept ans, celle-ci a toujours présenté sa fille Zara comme "le plus magnifique souvenir de vacances que j'ai jamais ramené de n'importe où... en l'occurrence du Maroc". Présentation qui, de l'avis de tous, explique la crinière de cheveux bouclés et les yeux pailletés d'or de cette petite Zara, dans un visage plus saxon. C'est ce que j'ai répété à Remus à chaque fois qu'il m'a montré la jeune Zara Forrest au milieu de ses condisciples Serdaigle. La dernière fois, juste avant Noël, pour me signaler qu'elle sortait assez officiellement avec le petit dernier de Bill, Louis, ce qui nous avait amusés parce qu'on avait repensé au rôle de Bill dans la réparation de la baguette de Sopo. Peut-être ai-je juste été aveugle toutes ces années.
"Tu penses qu'elle pourrait vouloir le retrouver la première ?", formule Ron comme s'il avait suivi le cours tortueux de mes pensées.
Seamus ouvre la bouche de surprise — celle-là, il ne l'avait pas vu venir.
"Je ne peux pas être certaine mais... pourquoi pas... ", j'admets. Je ne sais pas s'ils connaissent ces rumeurs.
"Presque, on peut l'espérer", souligne Ron. "Parce qu'aucune alternative ne nous plairait mieux... "
"Quelles alternatives, Ron ?" J'ai quelques idées d'où son imagination a pu le mener. Est-ce que toutes ces années, Dikkie aurait pu jouer un double jeu ? Que sais-je des missions privées qu'elle a menées ?
"Si c'était par... jalousie professionnelle mal placée... ce serait déjà très regrettable", formule Ron avec apparemment moins d'imagination que moi. Je me force à revenir sur les faits, à garder la mesure.
"Et Darnell suivrait ?", je lui oppose. "C'est à lui qu'on a donné la direction de cette mission — pas à Dikkie"
"Il suit", constate Ron sans reculer d'un pied. Un bon adjoint.
"Je vais leur écrire qu'on veut plus de partage et de détails", je propose en sortant mon jeton devant moi.
Ron approuve et Seamus me remercie.
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Merci aux sept reviewers du chapitre précédent. Le prochain s'intitule La légende, je vous laisse à votre imagination. Merci par avance à ceux et celles qui partagent.
