Richard resta silencieux le temps d'arriver à destination, nerveux comme jamais à propos de ce qu'il fallait dire. Arrivés sur le seuil, Paul lui recommanda de rester en retrait, le temps que lui ne salue et pose d'abord la question à l'habitant du village. Richard se plaça donc contre le mur et sans voir, fut tout de même surpris par l'intonation enjouée dans la voix de Lars lorsqu'il vit Paul. Après ce que lui avait fait, cet homme restait poli et ne semblait pas lui en vouloir. De plus, entendre Paul parler en russe lui donna des frissons tout en lui rappelant la soirée. Ceci fait, il entendit leur ton changer et Paul prononça son prénom. Déglutissant, Richard sortit de son coin et vint lentement se planter face au colosse, qui lui parut encore plus grand en plein jour. Ce dernier remarqua à quel point son vis-à-vis avait le visage marqué et fronça légèrement les sourcils en ouvrant la bouche. Peut-être pensa t-il que Till l'avait frappé lorsqu'il était venu voir Paul jusque chez eux, ayant vu Kruspe à terre à ce moment-là... Embarrassé d'être analysé comme cela, Richard commença à s'exprimer nerveusement pour en finir. Faire des excuses sincères passa facilement en allemand, et il put regarder Lars dans les yeux pendant que Paul traduisait. Le fait que Richard culpabilise autant n'influença pas le pardon du géant puisqu'il était déjà d'une nature altruiste. Il sortit de chez lui, le pas lourd à cause de sa stature et mettant Richard si mal à l'aise qu'il recula d'un pas vif. Pourtant, il sourit et lui tendit chaleureusement la main. Il avait l'habitude d'impressionner les gens par son apparence. Richard lui prit la main et ils se la serrèrent doucement. Évitant toute démonstration d'affection poussée, Paul lui passa une main dans les cheveux en lui traduisant les mots de Lars.
Après avoir réglé cette histoire, Landers posa la question pour laquelle il était venu. Lorsque le géant commença à parler, Richard décela dans sa gestuelle une réponse négative mais pourtant, il vit son petit ami sourire et Paul lui fit la traduction. D'après Lars, chaque jour apportait des nouveautés lorsque le marché était présent. Et le troisième jour, il y avait des stands avec des bières artisanales. L'idéal ! Et comme il leur restait quelques couronnes norvégiennes à dépenser, les membres du groupe allaient pouvoir s'en donner à cœur joie pour leur soirée "match", tout en se rachetant des spécialités locales. L'habitant put enfin apercevoir un sourire illuminer le visage de Kruspe lorsque Paul lui traduisit la bonne nouvelle. De plus, il se rendait chaque année au marché et il y avait donc une possibilité qu'ils s'y revoient tous dans l'après-midi. Le couple le salua chaleureusement après l'avoir remercié, Richard insistant avec plusieurs hochements de tête.
Une fois rentrés, ils annoncèrent la nouvelle qui fut accueillie avec un enthousiasme exacerbé. Pour la bière, ils étaient toujours d'attaque au point qu'Ollie se projetait déjà dans la soirée.
- Des bières artisanales, j'ai hâte d'y goûter ! dit-il.
Alors qu'il lança un long débat avec Richard et Christian sur les composants des boissons locales, Schneider attira Paul dans la cuisine, où Till s'était réfugié afin d'échapper au brouhaha des autres depuis plusieurs minutes déjà. Lorsqu'il vit Paul arriver, il lui demanda immédiatement si Richard était encore vivant. Sachant qu'il était allé voir celui contre qui il avait hurlé des insultes par jalousie, il s'imagina que le rendu avait du être assez physique.
- Figure-toi que non, Lars s'est montré compréhensif. Et on trouvera des bières cet après-midi, l'alcool arrive toujours le dernier jour sur le marché. Artisanales évidemment !
- Super ! s'exclama Till.
Malgré leur conversation, Christoph posa une main sur l'épaule de Paul pour capter son attention.
- Paul, je repensais au départ de Reesh demain. Ça coûte combien le billet pour New York ?
- Ce n'est plus à New York finalement, il a reçu un message de Joe ce matin. Ils ont un problème de retard de matériel à cause de la tempête. Leur vol a été annulé alors ils vont prendre le temps de tout ramener. Il ira à Berlin en attendant que tout le monde n'arrive. De toute façon, ça vaut mieux vu le visage de Richard. Ça lui laissera le temps de guérir sinon ils vont se poser des questions.
Alors que Till soupira, étant à l'origine de la coupure sur sa lèvre, Doom proposa :
- Tu pourrais aller avec lui !
Landers haussa les épaules puis s'assit.
- J'adorerais, mais il risque d'être pas mal occupé s'il décide de bosser sur des riffs ou des chansons en attendant.
- Ben ce ne sera pas ton cas si tu restes ici. On n'a pas grand chose à faire et Reesh en a pour un mois à peu près. Même s'il sera occupé avec ou sans les autres, il rentrera tous les soirs avec le sourire parce que tu seras là à l'attendre. C'est ton mec, dis-toi que tu as une bonne raison de le suivre et que ça lui fera plaisir. Tu ne penses pas, Till ?
Comme réponse, ce dernier apprécia de voir à quel point Doom pouvait rattraper leur dispute de l'extérieur à la perfection.
- Si, tu as raison. Ça lui évitera la tentation de boire ou de se droguer s'il est seul...
- Till ! coupa Paul, appréhendant des accusations.
- ... et surtout vous pourrez enfin faire plus que vous embrasser. Beauuuucoup plus !
Paul ferma les yeux et entendit le batteur rigoler avec Till. "J'aurai du le voir venir" pensa t-il avant de leur tirer la langue. Fuyant la puérilité de ceux qui lui conseillèrent de la garder pour Richard, il se rendit au salon mais constata que le calme était revenu car Oliver était seul. Cherchant son amant, il vérifia la cuisine et le porche avant de retourner à la chambre. Kruspe n'y était pas non plus, mais Paul devina où il s'était réfugié en voyant la fenêtre ouverte. En effet, une légère odeur de tabac avait pénétré la chambre.
Assis dans son petit coin personnel, Richard caressait le gazon en reniflant l'air avec sérénité comme s'il méditait. Les vrombissements des tondeuses résonnaient dans le village et leur faisaient profiter gracieusement du fruit de leur travail. Paul hésita à se lancer, car comme un enfant ayant peur de demander à ses parents la permission de sortir, il craignit de voir chez Richard un quelconque signe d'hésitation ou d'absence de besoin de lui. Paul voulait être avec lui, mais sans donner l'impression de s'imposer. Pourtant, il finit par se décider après avoir rejoint son homme. Richard resta silencieux et lui tint les mains pour le stabiliser en le voyant s'accroupir, écoutant un à un ses mots... qui modifièrent sa mine instantanément. Le silence gêné de Paul après cela lui fit comprendre son malaise et il répondit :
- Paul, mais... évidemment que je veux de toi, rien ne pourrait me faire plus plaisir.
Tous deux heureux, Richard laissa Paul sauter sur lui pour le faire tomber dans l'herbe et l'embrasser. Bien que vite excité malgré leur présence en extérieur, Paul se concentra sur les gémissements doux et les caresses de Richard sur ses hanches. Il écarta les jambes de chaque côté de lui, étonné d'avoir autant envie de lui en cet instant. Ce fut d'ailleurs Richard qui fit preuve de sagesse en lui rappelant qu'ils étaient probablement à quelques mètres de curieux comme Flake ou Doom. Lâchant son cou pour caresser sa langue, Paul faillit insister avant de se reprendre. Richard lui passa les mains dans les poches arrières et le regarda à la fois avec amour et passion.
- Merci d'être avec moi, petit cœur. Je ne sais pas ce que je serais sans toi.
L'aîné caressa son visage du front jusqu'au menton en tentant de maîtriser l'impact émotionnel de ces mots sur lui. Il avait encore du mal à réaliser qu'il leur avait fallu frôler le drame afin qu'il ne se rende compte qu'il avait des sentiments pour son ami. Il descendit sur le visage de Richard et l'embrassa tendrement.
- Je n'en reviens toujours pas, tu sais mais... je t'aime, mon chaton. Et je te remercie aussi d'être près de moi.
Ils restèrent longtemps enlacés sans prononcer un mot, puis Richard commença à lui passer innocemment les mains sous le sweat. Ils savourèrent chaque élément naturel dans lequel ils baignaient, olfactif et visuel, ainsi que leurs corps et regards soudés.
Lors du déjeuner, Lorenz et Landers sortirent du frigidaire tout ce qui avait été acheté sur le marché. Avec ou sans pain, ils dégustèrent ces aliments tous ensemble autour de la table. Sans aucun appétit, Richard s'extirpa des discussions animées moins de dix minutes plus tard pour aller se laver les dents, cela étant l'excuse idéale pour retourner dans sa chambre. Seuls Till et Paul le remarquèrent, sans savoir à quel point Kruspe était stressé. Malheureusement, même si Paul ne demandait qu'à rester avec lui, il avait aussi envie d'être avec les autres et trouvait injuste de devoir s'imposer un tel choix. Mais il se devait de rester avec eux, parce qu'il partirait le lendemain et voulait profiter de leur présence. De plus, il n'allait pas s'enfermer alors qu'ils allaient partir au marché d'ici une heure.
ooOOoo
Il fallut en fait plus de temps pour que le groupe ne soit prêt et réuni. Richard avait également tenu à préparer son sac en avance tout en vérifiant si son compagnon tenait toujours à l'accompagner, souriant à sa réponse inchangée. Les autres avaient pris de l'avance et étaient déjà sur la place, obnubilés par autant de stands différents. Bières, hydromels, eaux-de-vie et hypocras... Till faillit faire un malaise de plaisir mais se força à rester sur terre. D'ailleurs, il y avait beaucoup plus de monde que les jours précédents.
- C'est à croire qu'ils sont tous ici pour boire ! plaisanta Schneider.
- Bah et nous alors ? suivit Oliver.
Les mains dans les poches, Flake acquiesça.
- L'alcool rapprochera toujours les gens, Oliver. En plus des alcools à l'ancienne comme ça... je regrette vraiment qu'on n'ait pas assez pour prendre de tout.
Fixant de ses yeux brillants un stand d'hydromel, Till lança :
- Je sens que ça va me filer une érection.
Il leur proposa alors de compter tout leur argent afin de décider ce qu'ils choisiraient collectivement pour le soir. Bien que lui et Oliver préférèrent s'en tenir à des bières pour mieux suivre le match et ne pas s'endormir devant la télé, Flake et Schneider furent tentés de prendre de l'hydromel. Or, Lorenz leur rappela un détail : il manquait deux des leurs afin de choisir. Par chance, ils les virent arriver à l'instant même. Kruspe fut moins difficile que Paul et préféra la bière comme Oliver et Till, alors que Paul se sentit soudainement d'humeur à prendre la cuite de l'année. Tout comme Till, il se mit à longer les stands en lorgnant chaque bouteille.
- C'est le Paradis, les gars. J'ai envie de prendre de tout.
- On n'a pas les moyens de tout prendre alors choisis et vite ! lui imposa Christoph.
- Choisir, oui. Vite, non.
- Et si ! Parce que si on achète de la bière, j'aimerais rentrer à temps pour la mettre au frais pour ce soir.
- Comme monsieur le désire...
Landers s'inclina face à lui, faisant rire quelques villageois.
- ... je capitule devant cet argument on ne peut plus noble.
Richard pensa à la bouteille que Thea lui avait amenée et grimaça en se souvenant du lendemain. Il préféra se rendre aux stands alimentaires ou décoratifs. Alors que les autres passèrent une demi-heure à détailler chaque rangée d'alcools - ingrédients compris - pour faire leur choix, Till abandonna et leur laissa la liberté de choisir. "Moi aussi je veux de tout alors n'importe quoi fera l'affaire" pensa t-il. Puis à voix basse, il demanda avec un ton sournois en regardant les femmes face à eux :
- Vous croyez qu'on pourrait avoir des paysannes gratuites pour la soirée ?
Christian haussa les sourcils et il lui passa une main devant les yeux.
- Tu veux mourir ? Rappelle-toi ce qui est arrivé à Richard !
Les mots de Riedel eurent l'effet d'un électrochoc sur Paul, qui commença à chercher son petit ami du regard, le repérant vite. Le guitariste avait délaissé sa petite visite des stands. Il était assis sur un muret, celui devant l'arbre contre lequel ils s'étaient câlinés. Il n'était jamais à l'aise au milieu de la foule, alors il s'était mis à l'écart un moment. Mais il ne baissa pas les yeux pour autant et salua même les gens qui croisaient son regard. Une femme âgée se promenait en famille, le bras maintenu par un homme pour garder son équilibre. Lorsqu'elle remarqua ses traces de coups, elle s'approcha de lui pour toucher son visage comme elle l'aurait fait avec un enfant, touchée par son état. Bien qu'intimidé, Richard lui prit les mains en souriant comme pour la rassurer. "Qu'est-ce que je t'aime quand tu es comme ça" pensa Paul en admirant la délicatesse dans chaque geste avec cette dame. Si son amant avait accepté de sortir, ce n'était pas pour paraître hostile en refusant le contact et Paul avait toujours adoré sa façon de se conduire avec les personnes âgées. Comme preuve qu'il allait bien, Kruspe déposa un baiser sur les mains jointes de la dame et après lui en avoir rendu un sur la joue, elle reprit sa balade en famille.
Landers jaugeait le calme sur le visage de Richard depuis le départ de cette femme, lorsqu'il détecta une alerte soudaine dans son comportement. Contaminé, il suivit son regard. Le mari de Thea, encore accompagné de sa "bande", l'avait remarqué et l'approchait. Alors que Paul commença à traverser la place au plus vite, la peur au ventre, il fut soulagé de voir Till leur barrer la route et s'arrêta. Il n'en crut pas ses yeux. Alors que Richard était redevenu indifférent à la perspective d'un passage à tabac, Lindemann leur fit face avec un regard aussi calme que menaçant. Pour bien montrer que le sous-nombre ne l'impressionnait pas, il s'approcha tout doucement du mari sans le quitter des yeux. Il savait que l'initiative de chercher les ennuis à Richard ne provenait que de lui, car c'était lui qui était insulté intimement. Les autres étaient des suiveurs, un soutien. Mais malgré le fait que revoir Richard avait énervé le mari, revoir Till si près de lui rappela à ce dernier la correction reçue en retour.
- Till, laisse faire ! souffla Richard, résigné.
- Ça t'éclate peut-être de te faire tabasser, mais le public n'a pas à voir ça.
- Rien à foutre !
Alors que Till se repassa les mots que Richard avait juste murmurés pour lui-même, il se demanda rapidement si le ton désintéressé employé contre lui y était pour quelque chose. Puis un hurlement retentit :
- JONAS !
Thea venait d'arriver et s'interposa entre son mari et Till, impuissante face à l'imprévisibilité des événements à venir. Lorsqu'elle se tourna, elle ne cacha pas sa honte en voyant le visage de Richard, égalant celui de son époux. Elle manifesta d'ailleurs un aplomb malvenu devant lui, en s'abaissant près de Richard pour toucher son visage tout en manifestant des bribes d'excuses en anglais. Malheureusement, son hurlement ainsi que le méchant face à face des hommes avait rendu les villageois nerveux. Tous les fixaient, se demandant ce qu'un de leurs voisins pouvait bien avoir vécu comme mésaventure avec un des vacanciers. D'autant que les visages de Richard et du mari témoignaient indubitablement d'un affrontement. Refusant tout esclandre devant tant de monde, Till défia l'époux du regard sans cligner des yeux. Puis au moment où il lui demanda de s'éloigner d'un geste de la main, un de ses amis s'avança en lui prenant le bras. Sans doute voulait-il la même chose ! Lorsque le mari s'exprima d'un air rancunier, un autre villageois fit son arrivée : Lars. Tout comme Lindemann, il se plaça au centre de tous et tendit les bras vers les siens avant de leur parler calmement. Il garda son habituel sourire, ce qui rassura les autres que tout se passait bien. Mais les plus intelligents avaient tous compris à quoi ils venaient d'assister. Après avoir longuement parlé avec les siens, Lars entraîna Jonas afin de lui parler plus intimement. Il semblait très bien le connaître car il l'étreignit à la fin, puis il revint parler avec Paul tandis que les autres payaient enfin leurs emplettes.
Écoutant tout ce que le géant avait à dire à propos de la famille de Thea, Richard ne s'en sentit que plus mal encore. Jonas était malheureux à cause d'une interminable liste d'amants de passage à laquelle Richard venait de s'ajouter. Cette femme était infidèle par nature et trompait Jonas depuis leur mariage. Cet homme ne faisait que souffrir, et l'enfant qu'il avait décidé de choyer n'était même pas le sien. Thea elle-même ne connaissait pas le père et s'en fichait. Elle s'était mise à dos tout le village en agissant ainsi. Malheureusement, il était traditionnel dans leurs familles respectives d'en marier certains membres, avec ou sans sentiments, pour conserver l'héritage des fermes et des champs qui étaient une des rares ressources économiques du village. Lui et ses environs ayant besoin de perdurer, il leur fallait être responsables et s'entraider. Mais Jonas avait fini par tomber amoureux de Thea avec le temps, ce qui n'était pas réciproque. Plus d'une fois des voisins lui avait conseillé de divorcer avant que quelque chose de plus grave ne se produise, mais le jeune homme refusait. Thea faisait toujours venir des amants de la ville lorsqu'il s'absentait. Richard n'en était qu'un parmi d'autres mais la seule raison pour laquelle Jonas avait jeté son dévolu sur lui, c'était parce qu'il n'avait jamais pu découvrir l'identité d'un autre amant avant lui. La jeune femme avait du se montrer indiscrète en l'évoquant ou en le regardant devant Jonas, ce qui avait été la source de leur dispute l'autre soir. Alors il s'accrochait avec acharnement, et Richard pouvait le comprendre. Lorsque tout sembla rentré dans l'ordre pour les villageois, mais que le reste du groupe rejoignit Till avec un œil soupçonneux, il reprit un air lointain et se comporta comme si rien ne s'était produit. Mais entre lui et Richard, un nouveau froid s'était instauré à cause de cette "approche voisine" en public. Ils décidèrent alors de rentrer et de se concentrer sur l'important.
À la maison, ils ne perdirent pas de temps et rangèrent tout, au placard comme au frais. Flake et Oliver avaient, en plus de l'alcool, choisi quelques spécialités du coin, notamment une charcuterie qu'ils avaient adorée la première fois. Ils s'étaient même concertés afin de choisir une bouteille plus forte, et avaient opté pour de l'hydromel à la figue. Ces bouteilles importées de l'étranger étaient très réputées localement. Refermant le frigidaire, Paul attira doucement Richard contre lui et l'embrassa sans faire attention à Flake. Ce dernier, qui avait le dos tourné à ranger des biscuits secs, leur demanda :
- Vous saviez qu'il y avait un match avant de venir ici ? demanda t-il.
Les bras derrière la nuque de Richard à le regarder dans les yeux, Paul répondit tout de même par politesse.
- Comment tu veux savoir ça ? Personnellement, je ne m'attendais pas à rester devant la télé dans un pays étranger alors je n'ai pas prêté attention aux programmes.
Kruspe haussa les épaules.
- Moi je m'étais renseigné, mais je ne savais pas qu'on trouverait une chaîne de chez nous.
ooOOoo
Le soir venu, lorsque Flake arriva dans le salon en apportant une partie des accompagnements, il trouva Till et Oliver en train de lutter sur le canapé pendant que Paul les filmait en rigolant. Richard discutait avec Doom dans un des recoins, à l'abri des coups de pieds donnés par les grandes jambes dépassant du canapé. Lorsqu'il vit son meilleur ami, Paul l'informa :
- Des adultes qui se battent pour la télécommande, on aura tout vu.
Décidant de calmer les choses afin que ses amis ne soient pas trop énervés, Flake pinça les fesses de Lindemann pour l'obliger à se relever.
- Vous avez aussi prévu de mater la barbaque alors assumez-le, bande de gays. Plus personne ne touchera à cette télécommande une fois que la télé sera sur la bonne chaîne.
Terminant sa conversation avec Richard, Schneider s'avança vers le canapé.
- "Mater" ? Tu es sûr que tu ne parles pas de toi là ?
Alors que Doom accusait Flake directement, Till se releva avant de dire franchement :
- Oh ! Même l'homme le plus hétéro du monde a déjà maté un rugbyman une fois dans sa vie. Celui qui prétendra le contraire sera un menteur.
Il ne fut pas surpris de voir le batteur rester silencieux. Ce dernier était comme Richard, il n'avouait jamais lorsqu'il avait tort. Alors qu'il le vit sur le point de quitter la pièce, Paul pinça doucement le ventre de son amant.
- Et puis moi je m'en fiche, j'ai déjà ma barbaque perso.
- C'est trop mignon ! taquina Lorenz en déposant un baiser baveux sur la joue de Richard.
- T'es sérieux là ? grogna le brun en s'essuyant.
- Arrête un peu d'aboyer et profite de la joie pour une fois dans ta vie... Ah mais ce sont les All Blacks en plus ! clama Ollie.
Tous les regards se tournèrent vers la télé, hormis celui de Kruspe qui s'éclipsa en prétextant devoir "rincer sa pauvre joue".
- Je ne sais pas ce que vous avez tous à les admirer comme ça.
- Sérieusement ? Mais ce sont les meilleurs...
- Snobinard !
Alors qu'ils s'installèrent en débattant sur les défauts et qualités de cette équipe, Till s'occupa de ramener la charcuterie et les bières. Étrangement, il n'aperçut pas son meilleur ami dans la cuisine. Son absence l'obligea à se poser des questions lorsqu'il fut sur le chemin du retour. Paul semblait confiant et ne se souciait de rien, continuant de parler avec les autres. Alors que dix minutes plus tard, ils étaient tous installés devant l'écran en se servant dans tout, ils entendirent Richard revenir mais ce dernier commit l'erreur d'éteindre la lumière. Les autres ne tenant pas à renverser quoi que ce soit sur le tapis, il fallait qu'elle reste allumée.
- Reesh, on a besoin de... oh putain, je vais le bouffer.
Tous se retournèrent pour savoir pourquoi Paul semblait s'énerver... ou plutôt fantasmer. Voilà pourquoi Richard avait précédemment éteint la lumière, afin d'éviter des remarques qui furent finalement inévitables. Il leva les yeux au plafond, exaspéré lorsque Flake se leva pour rallumer la lumière. En effet, il portait la dernière tenue de l'équipe néo-zélandaise, ce qui incita les autres à se relever pour le regarder attentivement.
- Tu as une tenue, toi ? Tu es fan de rugby depuis quand ? demanda Oliver.
Bien qu'embarrassé d'être entouré comme ça, Richard répondit :
- Je ne suis pas un fan à proprement parler. J'aime bien regarder le rugby en général, surtout quand les All Blacks jouent.
- Tu avais carrément anticipé ton match alors ?
- Disons que j'avais pris ma tenue au cas où j'aurai eu la chance de trouver une chaîne... mais arrêtez de me regarder comme ça !
Pour la première fois depuis leur sortie, Lindemann lui adressa enfin la parole.
- Je crois que ça aurait été moins risqué de te foutre à poil, regarde la tête de Paul.
Il avait dit ça avant de retourner se poser, comme pour ne pas croiser son regard. Mais en effet, Landers n'en revenait toujours pas. Il semblait à la fois émerveillé et émoustillé. Il posa ses mains sur les hanches de Richard en les faisant descendre jusqu'à ses fesses, le faisant rougir devant les autres.
- Qu'est-ce que ça te va bien ! Je te l'arracherais volontiers mais il a du te coûter la peau des fesses.
- Et je crois que ça va encore lui "coûter la peau des fesses" après le match ! dit Doom.
Les autres rirent avant que Till ne les appelle.
- Landers, arrête donc de baver. C'est quand vous voulez, ça va commencer.
Alors que les autres y retournèrent, Kruspe déposa un chaste baiser sur les lèvres de Paul en lui prenant la main.
- Bon allez Richard, tu nous fais le haka et fais-le bien.
Amusé par la proposition de Flake, Richard haussa les sourcils.
- Tu m'as regardé ?
- Allez, et je le fais avec toi.
- Même pas en rêve ! sourit Kruspe.
- Arrête de l'embêter avec ça, déjà que je vais en rêver cette nuit ! saliva Paul.
Une fois assis, Paul se pencha pour se serrer contre son amant et Richard lui embrassa le cou, attirant l'attention de Lorenz sur le suçon laissé à cet endroit.
- Maintenant, on sait qui est la soi-disant "tigresse" qui t'a fait cette marque.
Richard chassa assez brusquement la main que le claviériste posa dessus et Paul en rit. Il savait être chasse-gardée avec Richard, et il s'en portait très bien. Cela l'amusait et l'excitait à la fois, ce côté possessif et dominateur qu'exerçait Kruspe sur lui et leur entourage. Cet homme le protégeait et le chérissait comme personne.
Le match se déroula sans embêtements et chacun respecta ce moment. En dehors du haka, durant lequel Flake chercha encore à pousser Richard à le faire avec lui, mais en vain. C'était un moment qu'il respectait et regardait avec autant de sérieux que le match. À la mi-temps, les bières commencèrent à faire leur effet et il se montra de plus en plus entreprenant avec Paul sans s'en rendre compte. Le contexte était propice au laisser-aller et le ronflement de Flake, qui s'était pratiquement endormi sur Till, servit à détourner l'attention des autres. Le claviériste n'avait pas tenu longtemps avant de s'écrouler, et Till lui-même commençait à piquer du nez. Richard caressa le visage de Paul en le taquinant au niveau des oreilles. Il en était devenu friand depuis que Paul s'était révélé être chatouilleux à cet endroit. Passant une main innocente sous le haut sportif de l'autre guitariste, Paul unit leurs fronts et caressa son visage légèrement barbu avant de l'embrasser aussi discrètement que possible. Alors que Schneider les regardait en souriant, il sentit Oliver lui secouer le bras.
- Depuis quand c'est aphrodisiaque le rugby ?
Le batteur évita de rire afin de ne pas déranger les tourtereaux, d'autant que Richard approfondissait leur baiser. Il resta focalisé sur le bassiste.
- Je te l'ai proposé mais t'as pas voulu. Avoue que tu t'en mords les doigts !
- Tu rêves ! pouffa Oliver.
"Je t'ai jugé un peu trop vite on dirait, mon vieux" pensa t-il devant la douceur de Richard à l'égard de Paul. Avec Oliver, ils continuèrent de plaisanter là-dessus pendant toute la durée de la mi-temps, après que Till n'eut pesté sur le nombre exagéré de publicités. La reprise du match passa bien plus vite à cause de la fatigue générale qui s'installa. Suivant les piques de ses amis, Till jeta un œil au canapé où se trouvait le couple et malgré lui, il afficha un faible sourire. Il bâilla ensuite et signala son envie d'aller se coucher, mais il dut bouger Flake dont la tête avait atterri sur sa cuisse. Il se permit d'ailleurs une remarque bien obscène par rapport à sa position, en faisant le lien avec sa façon de lui être "rentré dedans" quelques heures plus tôt. Souhaitant une bonne nuit à tous, il se retira après leurs échos et leur éteignit la lumière au passage. De toute façon, ils avaient fini de boire. Il ne fallut que quelques minutes de plus pour que Paul ne sente son amant se tendre contre lui, avant de s'étirer. Lorsqu'il tourna la tête vers lui, il vit ses yeux se fermer tout seul. Richard était fatigué autant que lui, alors peut-être se forçait-il à cause de sa "fidélité" de supporter ! Ou alors parce qu'avoir Paul contre lui en cet instant lui coupait l'envie de bouger !
- Tu veux aller dormir ? Je suis fatigué mais si tu veux finir, je peux rester avec toi.
Richard, qui avait pourtant savouré ce moment au départ, n'en ressentait plus aucune joie. Il était à la fois fatigué et triste.
- Oui !
Bien qu'il eut accepté, il resta sans bouger et Paul dut attirer son attention en mettant sa tête devant la sienne. L'entraînant finalement hors du salon après qu'ils n'eurent salué les trois restant, Paul referma la porte. Malgré l'obscurité régnant dans le couloir étroit, il sentit Richard se coller contre lui. Il sentit cet harassement en lui, mais le guitariste avait autre chose à extérioriser. C'était flagrant pour Landers.
- Dis-moi ce qui te tracasse, je sens que ça ne va pas.
Les faisant doucement reculer contre le mur, Paul lui caressa le buste et le laissa prendre le temps de répondre. Il entendit le plus jeune déglutir et les mains de Richard lui serrèrent doucement le cou.
- Till ! J'ai peur de rentrer demain sans lui avoir parlé au moins une fois. Je sais qu'il m'évite mais je me ne sens vraiment pas bien, c'est comme si c'était un adieu.
- Oh chaton !
Son amant au bord des larmes, Paul l'enlaça et commença à l'embrasser dans cette obscurité apaisante. Mais cette tendresse ne put empêcher l'inévitable, et Kruspe sentit ses émotions prendre le dessus.
- Je sais que je leur ai fait du mal à lui et à Laurence, mais j'ai peur qu'il reste à jamais silencieux. Je voudrais au moins entendre sa voix, même si c'est pour me dire qu'il ne veut plus voir ma gueule. Ça me fait trop mal. Je l'aime, putain !
Paul s'inquiéta soudainement de cette éventualité. Lui non plus ne s'était pas posé la question, et le fait d'avoir parlé à Till seul à seul dans la cuisine n'avait rien donné. Il se sentit trembler à l'idée de poser cette question :
- Et tu ferais quoi si jamais il ne voulait plus de ton amitié ? s'inquiéta Paul.
Désespéré, Richard avoua :
- Je partirais aussi loin que possible.
- Ne fais pas ça, on a tous besoin de toi. Moi surtout ! Comment tu veux que je tienne si tu nous fais faux bond ?
- Toi oui mais lui non ! Ma présence le dégoûte, il ne me regarde même plus. Il a juste envie de me cogner et de m'engueuler. Il serait sûrement mieux sans moi.
- Il finira par ouvrir les yeux, Richard. Il a juste la réaction qu'il aurait du avoir à l'époque. N'oublie pas à quel point il l'aimait... et il l'aime encore. D'ailleurs, ce serait génial si elle revenait vivre avec lui.
Paul avait préféré taire les paroles de Till dans la cuisine, ne sachant pas si l'effet aurait été plus négatif encore sur son compagnon.
- Raison de plus pour que je m'en aille, non ? Si Laurence revient et que je suis constamment près de Till, rien n'ira entre eux.
Découragé et ne sachant plus quoi lui dire pour lui remonter le moral, Paul lui proposa la seule chose réaliste.
- Chéri, tu as juste besoin de dormir. Tu ne sais plus ce que tu dis alors allons nous coucher. On se change vite fait et au dodo.
ooOOoo
Richard mit un temps fou à se changer puisqu'il avait décidé de ranger en même temps les affaires qu'il n'aurait pas à préparer le lendemain matin. Paul fit de même mais avec plus d'énergie, sachant qu'il n'en serait que plus soulagé de s'allonger ensuite. Il resta en boxer, n'étant pas d'humeur à chercher son jogging dans le tas que Richard venait d'amonceler. Il attendit le brun afin de mieux l'accueillir contre lui, l'aidant par tous les moyens à fermer les yeux. L'embrassant une dernière fois, il entendit la respiration irrégulière de Richard s'apaiser au fur et à mesure.
En pleine nuit, Paul fut réveillé en sursaut par une présence envahissante sur toute sa personne. Il sut évidemment de qui il était question, mais sans savoir pourquoi puisqu'il émergeait. Richard était sur lui, mais pas dans le but de se lever. Il embrassait son cou voracement et l'entièreté de son corps était en train de dominer Paul. Ne pouvant remuer, celui-ci se servit de sa voix.
- Richard, qu'est-ce que...
Son appel ne reçut aucune réponse positive. Paul décela l'urgence de la situation alors que son compagnon lui dévora sans ménagement la bouche, touchant et malaxant son sexe alors que sa propre érection dure comme de la pierre le frappa. Réussissant à se dégager les lèvres, il prit peur.
- Oh putain...
Paul réalisa que pour une raison inconnue, l'autre homme avait perdu l'esprit et il tenta de l'arrêter en posant les mains sur ses épaules.
- Attends, s'il te plaît !
Il savait que Richard avait envie de lui faire l'amour également, mais il ne se serait jamais douté que cette envie le prendrait en pleine nuit et de façon aussi violente, au point qu'il ne se jette sur lui sans son consentement. Mais sa peau glissante lui échappa tout à coup, et Landers dut s'y reprendre à trois fois avant de pouvoir le bloquer par la poitrine. Cette fois, il haussa le ton.
- Richard, arrête maintenant !
Terrifié alors que le plus jeune commença à grogner en baissant son boxer, Paul se souvint de leur "première fois" et cette même peur s'y mêla. Sans avoir le choix, il déplaça rapidement une de ses jambes et envoya directement son genoux contre l'excitation de Richard. Après un cri de douleur, Richard se pencha et retomba lourdement à côté de Paul, avant de geindre sous la douleur. La peur encore en lui, Paul se montra intraitable.
- Tu peux me dire ce qui t'a pris ? T'as fait un rêve torride et t'as décidé de le tester avec moi ?
- Pardon...
Tremblant, Paul sentit le plus costaud trembler et reçut sur le visage ce qu'il pensa être une larme, puis il se leva du lit pour allumer la lumière et le fixa. Honteux de son envie et de ce qu'elle l'avait poussé à faire à son petit ami, Richard s'agita et tapa dans le mur avant de se lever du lit à toute vitesse.
- PUTAIN ! Je... je vais aller fumer, ça va se calmer.
Étonné par ce brutal revirement qui ne fit qu'aggraver sa peur, Landers regarda la fenêtre s'ouvrir et Richard s'éclipser en se servant de la lampe de son portable. Cependant, l'envie de se recoucher lui passa tant la peur demeura en lui. Il avait peur de se retrouver à nouveau seul avec Richard dans ce lit. Sachant ce dernier dans son recoin, Paul éteignit la lumière et s'isola dans la salle de bain en verrouillant derrière lui. Assis contre le mur, il amena ses genoux contre lui et resta ainsi sans bouger, ne cessant de penser à ce qu'il avait failli subir une seconde fois. "C'est quoi son problème ? Pourquoi il me fait ça s'il m'aime vraiment ? Il a pris goût au viol ou quoi ?" pensa t-il. Lui qui avait mis du temps à comprendre qu'il aimait Richard - et au prix d'un pardon qui relevait du miracle -, Richard commettait cette erreur encore une fois et pendant le sommeil de Paul. C'était comme s'il profitait d'un état de faiblesse.
Perdu dans des pensées désespérantes, Paul cessa de pleurer lorsqu'il entendit la fenêtre se refermer dans la chambre. Mais la pièce étant dans le noir et la porte de la salle de bain fermée, Richard sut où chercher. Il testa immédiatement la poignée avant de se rendre compte qu'il n'était pas le bienvenu à l'intérieur.
- Paul, ouvre-moi.
N'ayant pas envie de le voir, l'aîné se releva uniquement pour éteindre la lumière de la seule pièce lui apportant du réconfort. Cela ne rendit le faisceau du téléphone de Richard que plus visible par-dessous la porte.
- Je t'en prie, n'aie pas peur de moi. Je ne voulais pas te faire de mal, je te demande pardon ! Paulie !
Des larmes dans la voix, Paul supplia :
- Fiche-moi la paix.
Après deux longues minutes durant lesquelles Paul entendit son amant s'agiter dans le noir de la chambre, il entendit à travers le trou de la serrure :
- Je vais dormir sur le canapé, tu peux te recoucher. Tu resteras avec les gars demain, tu seras mieux avec eux. Bonne nuit Paul !
Suite à ces mots qui le firent pleurer encore plus, Landers entendit la porte se fermer un peu trop fort. Richard avait tenu à lui montrer qu'il était sorti. Ce dernier avança ensuite dans le couloir, le pas lent et l'air absent. Il ne remarqua pas les pieds du batteur à l'entrée de sa chambre, les yeux plissés à cause du peu qu'il venait d'entendre.
À son réveil, Richard eut la surprise de voir le visage de Till devant lui. Dos au mur et les bras croisés, il le regardait comme s'il savait qu'il s'était passé quelque chose la veille. Ce n'était pas pour rien qu'il faisait chambre à part avec Paul, car ce n'était pas la première fois qu'ils se disputaient. Ne supportant pas le poids de son regard, Richard regarda ailleurs le temps que ses yeux ne se fassent à la lumière. Une fois fait, il jeta un œil à sa montre. Il n'était même pas neuf heures.
- Tu peux me dire ce qu'il y a eu cette nuit ?
Cela semblait plus proche d'un ordre que d'une question. Sans le vouloir, Richard tourna son regard vers lui avant de lui échapper à nouveau. Paul lui en avait-il parlé ?
- À quel moment ça a foiré, vous deux ? Vous étiez en train de vous faire des mamours devant la télé et peu de temps après, Schneider t'entend gueuler dans la chambre.
Schneider, évidemment ! Richard referma les yeux en soupirant, il avait complètement oublié que leurs chambres étaient mitoyennes. Le batteur se préoccupait tant de Paul qu'il balançait tout ce qui se produisait. Malheureusement, Richard garda le silence. La seule personne avec qui il comptait en parler ne voulait pas lui parler justement. Pour Richard, Till devait uniquement chercher la confrontation pour le rabaisser encore une fois.
- Arrête de ne penser qu'à toi, vous êtes deux dans l'histoire. Et là je suis d'accord avec Doom, n'essaie même pas de blesser Paul par ce qu'on sera plusieurs à t'en filer une.
Richard s'assit brusquement et enfila ses chaussons. "Si c'est pour entendre ça au réveil, je préfère encore me casser" pensa t-il avant de sortir de salon devant son ami qui le rappelait méchamment. Il alla immédiatement vérifier de loin si la chambre était libre afin de prendre sa douche. Paul sembla absent, alors il se lava et en profita pour se raser et se laver les dents. Il n'avait qu'une envie : partir loin d'ici. Posant son sac à l'entrée de la maison pour le tenir prêt, il se ficha pas mal des jugements et partit de la maison. Il n'avait aucune envie de voir personne car si Schneider l'avait dit à Till, il l'avait dit à tous. Pas question pour Kruspe de subir leurs regards courroucés pour une histoire qui ne les concernait pas et dont ils ignoraient tout. Sauf si par malheur, Paul leur avait tout raconté. Lorsque cette possibilité le frappa, Richard paniqua à l'idée de retourner dans cette maison. Pourtant, il garda espoir car si Paul avait révélé ce qu'il avait essayé de lui faire dans la nuit, Lindemann lui aurait refait le portrait... et il n'aurait pas été le seul.
Errant dans les rues du village redevenues calmes, Richard se perdit dans ses pensées et savoura ce désert rural. "Alors on se dit déjà adieu ? Je ne sais même plus à quoi m'attendre des gens de toute façon. Mais là, je ne m'en prends qu'à moi. Mais pourquoi j'ai fait ça putain ? Ça ne m'était jamais arrivé" pensa t-il avant de voir au loin ce portail qu'il commençait à connaître. Alors qu'il allait se positionner au seul endroit le rendant à peu près discret vis-à-vis de cette maison, le portail s'ouvrit et Thea sortit, surprise de le voir. Sans perdre de temps, elle s'approcha alors que Richard regarda immédiatement le portail. Mais d'après ce qu'elle lui dit en cet instant avec un anglais toujours aussi approximatif, Jonas était en ville pour la matinée avec le petit. Lorsqu'elle remarqua qu'il était préoccupé, elle lui caressa le visage.
Ce fut sans trop de remords que Kruspe lui prit les mains et l'attira derrière le transformateur, après avoir vérifié la rue. Toujours aussi réceptive, Thea le laissa l'embrasser et commença à le toucher là où le feu s'allumait déjà. Grognant, le guitariste l'allongea dans l'herbe avant de baisser son pantalon jusqu'aux genoux. Après avoir relevé sa robe bien trop courte, il décala sa culotte et la pénétra immédiatement, par tristesse et par colère envers lui-même. Sans véritable raison, il la voulait en cet instant et personne ne l'en empêcherait.
- Pour une connerie en plus, je ne serai pas plus seul. J'ai fait peur à mon petit ami et là, je crois que c'est fichu. Toi, même si tu te fous de tout et tout le monde, ta présence me permet au moins de m'évader.
Il avait préféré parler en allemand, son but n'avait pas été de se faire comprendre. De toute façon, l'un comme l'autre, ils étaient intenables et donc impossibles à comprendre. Le temps passa très vite pour lui, comme pour lui montrer qu'il n'avait aucun droit de ressentir du plaisir dans cette situation. Il éjacula très vite mais pour une fois, il se retira car il pensa à Paul au dernier moment. Il en avait assez fait avec cette femme et ne tenait pas à voir une annonce de Norvégienne enceinte de lui du jour au lendemain sur les réseaux sociaux. Sa culpabilité revenait-elle ? Avant de se relever, il lui confia son départ en ce jour puis l'aida à se relever. Revêtus, elle chercha néanmoins une dernière étreinte et lui murmura en anglais :
- T'es pas responsable. J'aime être libre, c'est pour ça que je suis infidèle.
Étrangement, elle s'était bien exprimée cette fois-ci. Lorsqu'ils se dirent adieu, il n'y eut aucune émotion dans leur regard et chacun repartit de son côté. En chemin, Richard repensa à ses mots et se questionna sur les raisons de sa propre infidélité. Lui-même n'en savait rien.
Lorsqu'il se rapprocha de la maison de location, il déglutit en voyant Flake sur le porche mais avança en restant aussi neutre que possible. Ce dernier avait la tête dans son téléphone, mais il balança à Richard une fois arrivé :
- J'espère que ça valait le coup de sauter ta paysanne, parce que tu ne la reverras jamais.
Richard stoppa ses pas, se demandant si Lorenz l'avait suivi. Réalisant que la réponse arriverait probablement assez tôt, il laissa tomber et entra sans en rajouter. Mais une fois à l'intérieur, il vit tous les autres arriver face à lui et lui bloquer la route. Lorsqu'il vit Lindemann exhiber son téléphone, il s'énerva immédiatement.
- Tu en as des messages de gonzesses dis donc !
- Rends-moi ça tout de suite ! ordonna Richard.
Schneider lui bloqua le passage en le voyant faire un pas en avant, et Flake rentra alors que Till continua :
- Je veux bien oublier les femmes à qui tu as envoyé des messages coquins avant d'être avec Paul, mais il y en a deux à qui tu vas foutre la paix. Cette Thea avec qui tu viens d'aller faire des folies - parce que oui, on le sait tous et Paul aussi -, et la dénommée Loria qui t'envoie constamment des messages depuis des semaines. Parce qu'elle s'accroche celle-là.
Les larmes aux yeux, Richard ne sut quoi dire. Il avait tout fait pour oublier cette harceleuse, y compris bloquer son numéro au départ, mais elle le rappelait toujours avec d'autres téléphones. Alors il avait arrêté de la bloquer et commencé à ignorer ses messages, évitant ainsi des accumulations de numéros. Désormais, il ne recevait des messages que sur un numéro mais en quantité considérable. Lorsque Doom le plaqua brusquement au mur, ils entendirent la voix de Paul.
- Pourquoi tu ne m'as rien dit pour elle ?
Après leur nuit, Kruspe n'osa pas le regarder. Alors que Till était sur le point de lui faire un topo sur l'infidélité, Paul passa à l'aveu interdit et déballa tout ce qu'il avait appris par Richard à propos de cette femme. Horrifié, ce dernier partit dans sa chambre en début de résumé de peur d'entendre le plus explicite. C'était une sorte de vengeance pour Landers, mais il voulait surtout éviter que les autres ne se fourvoient. Sur le moment, les autres furent si scandalisés qu'ils en oublièrent Thea. Mais Landers n'avait pas le choix et il finit même par leur exprimer sa pensée : ce que Richard avait essayé de lui faire cette nuit - car oui, il le leur avait dit sous la pression -, était le résultat de cet amas de provocation par téléphone.
Kruspe avait décidé de rester enfermé dans sa chambre jusqu'au moment du départ. Il avait hâte d'échapper à ce pays dans lequel il n'avait fait que des mauvais choix, et à Till qui semblait avoir renié leur amitié. Mais sa solitude fut troublée lorsque Paul entra sans frapper. Bien qu'il vint s'asseoir à ses côtés, Richard se tut. Ils avaient tous les deux envie de parler, mais pas de la même chose.
- Rien n'a changé, je pars avec toi.
Déjà, le plus jeune ne put comprendre sa volonté.
- Mais explique-moi c'était quoi cette nuit ?
- Il n'y a rien à expliquer, je n'ai pas d'excuse et ce n'était pas un rêve érotique. J'avais envie de toi, c'est tout.
Ils échangèrent enfin un regard sans hostilité ou incompréhension.
- Mais c'est encore pire, Richard, tu n'imagines pas à quel point tu m'as fait peur !
- Je ne m'en rendais pas compte sur l'instant.
- Tu dormais ? Parce que j'en ai parlé à Flake et il a parlé de sexsomnie. C'est un genre de somnambulisme sexuel, la personne cherche à avoir un rapport en dormant. C'est rare mais ça peut engendrer des viols, qui eux-mêmes engendrent des ruptures.
Richard expira difficilement et baissa les yeux.
- Paul ! J'admire la connaissance de Flake en la matière, mais j'avais toute ma tête cette nuit.
Landers le regarda silencieusement. Malgré son trouble, il apprécia son honnêteté.
- Si j'avais conscience que j'avais envie de toi spécifiquement, c'est parce que j'étais réveillé. C'est de t'entendre respirer à mes côtés, tu étais si paisible et... tu me donnais envie. J'avais l'impression que j'aurai pu être aussi serein que toi si je te faisais l'amour à ce moment-là. Je n'ai pas imaginé que tu pourrais avoir peur, je ne pouvais plus penser correctement. Tu ne peux pas comprendre ce que c'est, que de se retenir de dominer pour quelqu'un comme moi. J'ai franchement envie de toi et ça me ronge. Je te demande pardon, bébé.
- C'est pour ça que tu as été te "défouler" avec Thea tout à l'heure ? Flake t'a discrètement suivi et dès qu'il en a vu suffisamment, il a fait demi-tour. Mais je t'aime et je ne veux plus entendre parler de cette femme, je veux qu'on oublie ça. Tu acceptes toujours que je vienne avec toi ?
Retenant ses émotions, Kruspe hocha positivement la tête et allongea Paul contre lui.
- Pourquoi tu leur as parlé de Loria ?
- Parce que si une telle chose vient à se reproduire un jour avec cette cinglée, tu réaliseras que tu peux nous parler. Tu ne peux pas régler ça tout seul. Alors je leur ai tout dit, pour éviter qu'ils ne pensent à une femme que tu retourneras voir dès notre retour. Et aussi parce qu'un coup de pute en entraîne un autre. Non ?
- Si ! murmura Kruspe avant de se blottir davantage contre lui.
Alors qu'ils restèrent calmes, Richard rouvrit brusquement les yeux et se rassit. Voyant le regard interrogateur de Landers, il murmura en montrant son entrejambe du doigt :
- Il vaut mieux que j'aille me le nettoyer.
- Ça vaut mieux, oui.
Mais lorsque Richard se releva, il vit des ombres bouger et disparaître rapidement.
- Non mais hé... ils écoutent aux portes, les cons !
- J'aurai du fermer, c'est de ma faute.
Paul décida de rester avec Richard jusqu'au déjeuner, et le repas fut trop calme pour être normal. Cependant, Richard ne supporta pas les regards compatissants de certains et menaça de s'énerver.
Lorsque vint enfin le moment de saluer les quatre autres, il ne resta pas sans s'arrêter dans cette cuisine où le meilleur lui était arrivé avec Paul. Cette camaraderie ayant mené à leur premier vrai baiser hors-scène, leurs caresses... cela serait son meilleur souvenir. Paul lui sourit et en souvenir de ce jour, il le chatouilla. Oliver les avertit pour le taxi et jeta sans ménagement le sac de Paul dehors.
- Allez, cassez-vous, j'en ai marre de vous voir.
- Oh lui...
- Tu vas voir !
Richard balança un verre d'eau à Riedel alors que Paul ramassait son sac.
- Si tu m'as tordu mon godemiché, je te l'enfonce dans la bouche.
- Beuh ! grimaça Oliver.
Rieur, Till désigna le chauffeur qui les attendait.
- J'espère pour vous que ce gars ne parle pas allemand, sinon vous allez rigoler pendant le trajet.
Mais alors que Richard voulut monter en voiture, une main se posa doucement sur son épaule et il tourna la tête : c'était Till. Leurs regards changèrent et se fixèrent.
- On en parlera en rentrant, d'accord ? Rien que toi et moi.
Richard n'en revint pas, une larme à l'œil alors que son meilleur ami lui adressait enfin la parole. Acquiesçant doucement, il se tourna juste dans l'espoir que l'aîné se laisserait faire, et il le serra contre lui. Au loin, Paul eut du mal à cacher son émotion mais le batteur leva les yeux au ciel.
- Eh les nounours, vous allez vous revoir hein !
Les bagages rangés et tout le monde installé, le duo prit la direction de l'aéroport, non sans saluer une dernière fois leurs amis.
à suivre...
