À l'intérieur, la blonde resserra son kimono, signe flagrant d'appréhension… Au fond, Candice le savait… Antoine se trouvait probablement derrière la porte et évidemment, il n'était pas là pour parler chiffon. Mais était-elle réellement prête à l'affrontement ?
Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir qu'elle osa ouvrir doucement la porte.
« Euh… J'te dérange ? demanda Antoine perturbé.
- Non… Qu'est-ce qu'il y a ?
- J'peux entrer ? Nathan me fait peur… ironisa-t-il.
- Il te fait peur ? répéta-t-elle en rigolant alors qu'elle s'écartait pour le laisser passer.
- Non mais… C'est hors de question que je dorme avec lui… Il a fait des sous-entendus graveleux… s'agaça-t-il d'une moue boudeuse.
Candice éclata de rire face à la naïveté de son ancien compagnon.
- Bah si tu veux je prends ta place… osa-t-elle volontairement en rigolant.
- Ça va pas non ?! Tu vas pas dormir avec lui quand même…
- Bah pourquoi pas ?!
- Bah non il est super bizarre !
- Mais ça va… T'inquiète pas, même s'il te trouve charmant, c'est un grand garçon… Il sait se contenir…
- HEIN ?! cria-t-il en réalisant.
- Quoi… ? T'avais pas compris ?
- Bah non… bafouilla-t-il gêné.
- Ça valait bien la peine d'être jaloux toute la journée… rigola-t-elle avant de se rasseoir dans son lit.
- Oui bon… maugréa-t-il. Je savais pas…
- Hum… Et donc… ? Autre chose ?
- Bah euh… C'est que je me disais que… commença-t-il difficilement en montrant le lit de sa compagne.
- Hein ?! s'époumonna-t-elle. Ah non mais tu dors pas là ! Tu crois que je le connais pas ton petit manège Antoine ?!
- Bah non mais enfin je…
- Négatif ! Je te vois venir avec ton Valenciennes BIS là…
- Pardon ?! S'offusqua-t-il en contournant le lit pour s'asseoir à côté d'elle. Je dois te rappeler qui m'a appelé en pleurs ce soir-là ?
- Et moi ?! Je dois te rappeler qui m'a sauté dessus ce soir-là ?
- Comme si t'étais pas consentante !
- C'est pas la question ! S'indigna-t-elle.
- Non puis en plus dans l'autre chambre je me récupère le fauteuil… bouda-t-il d'une moue enfantine.
- Et alors ?
- Bah tu sais bien que j'ai les lombaires fragiles…
- Les lombaires fragiles… répéta-t-elle en hochant négativement la tête. On aura tout entendu donc…
- S'te plaît… la supplia-t-il. En plus j'aurais personne pour me faire des massages…
- Si t'avais pas quitté ta femme… On en serait peut-être pas là, Antoine… répondit-elle durement en détournant le regard.
Surpris, Antoine haussa les sourcils alors qu'elle lui tournait le dos.
- Ma femme… répéta-t-il. Je croyais que t'aimais pas dire ça…
- Pourquoi ? J'ai pas le droit de changer d'avis ?
- Non mais c'est bien… Tant mieux… Et… C'est ta thérapie qui t'aide à changer comme ça ? lança-t-il hasardement.
Candice fit volte-face et le fixa le regard dur.
- Comment tu sais ça ?
- Candice… J'suis pas bête… Le thérapeute d'Émilie c'est le tiens aussi c'est ça ?
- Pas du tout… mentit-elle.
- Arrête… Je t'ai entendu en parler avec Nathalie la dernière fois dans la salle de repos…
- J'y crois pas ?! s'indigna-t-elle. T'as écouté à la porte ?!
- Pourquoi tu m'as rien dit… ?
- Pfff… souffla-t-elle en s'installant dans les draps dos à lui.
- Candice ?!
- Je suis fatiguée. Bonne nuit ! conclut-elle en éteignant sa lampe de chevet.
- Je croyais que tu voulais pas que je dorme là…
- J'attends que tu partes.
- J'ai pas envie ! répondit-il éhontément.
- Mais c'est dingue ça ! Tu vas pas me lâcher ?! s'agaça-t-elle en rallumant la lumière.
- Non… Parce que j'en ai marre que tu te défiles… Là y a que nous deux ! Personne pour nous déranger… Tu crois pas que c'est le moment ?
- Le moment de ?
- D'arrêter de fuir la conversation et de me parler…
- Mais je me défile pas ! C'est juste que y a rien à dire voilà…
- Comment veux-tu qu'on avance si tu me parles pas, Candice… lâcha-t-il doucement.
La blonde se contenta d'hausser les épaules.
Je sais pas je… j'me suis renseigné sur lui et il a l'air compétent…
- Bah oui… confirma-t-elle.
- Donc ça t'aide ? Ça te fait du bien ?
Gênée, la blonde se contenta d'hausser les épaules à nouveau et contenir ses larmes qu'elle sentait grimper à vitesse grand V.
- Tu veux pas en parler ? força-t-il.
- C'est pas facile… avoua-t-elle en baissant la tête.
- Qu'est-ce qui n'est pas facile ?
- Les séances… Ça remue le passé et… ça fait mal… chuchota-t-elle.
- C'est normal ça… Il vient évoquer le passé pour faire ressortir ce qui t'a blessé et essayer de réparer le présent.
- Je sais mais… confirma-t-elle.
- Mais ?
- C'est compliqué… se contenta-t-elle de répondre.
- Tu sens une amélioration depuis que tu y vas ?
- Ouais… Sauf que j'ai l'impression que je m'en sortirai jamais… avoua-t-elle en laissant couler discrètement une larmes.
- J'suis désolé... Finit-il par lâcher en s'approchant d'elle pour caresser son dos.
- De ?
- J'ai pas été là pour toi ces derniers temps… J'me suis pas rendu compte à quel point t'étais mal…
- C'est toi qui viens t'excuser alors que c'est de ma faute si on en est arrivés là ?
- Mais j'aurais dû être là pour te soutenir…
- Mais c'est moi qui voulais pas t'en parler ! Je voulais régler ça toute seule… Tu pouvais pas savoir… continua-t-elle en pleurant.
- Viens… proposa-t-il en ouvrant ses bras. »
Émue de cette discussion à cœur ouvert, la blonde ne rechigna pas et osa se jeter dans ses bras. Antoine l'enserrait, conscient qu'elle avait besoin d'être rassurée et protégée dans cette quête interne qu'il l'avait poussé à mener.
« Tu sais… C'est pour toi que je le fais… avoua-t-elle d'une petite voix. J'veux te prouver que je peux changer… Pour que tout redevienne comme avant...
- J'suis fier de toi… chuchota-t-il a son oreille. »
Incapable d'en dire davantage, Antoine sentait les larmes monter à son tour et se contenta d'embrasser sa joue en silence. Candice fermait les yeux, se délectant de ce moment d'intimité devenu si rare depuis qu'il avait décidé de la quitter deux mois plus tôt. Il ne cherchait pas à en savoir plus, la laissant guider cette conversation. Il voulait juste être un soutien pour elle. Juste lui prouver que malgré sa décision, il était là et il veillait… Il voulait juste lui prouver que malgré tout, il l'aimait… Touchée par sa présence, Candice osa briser sa carapace et évoquer l'objet de sa séance passée.
« La dernière fois on a parlé de mon père. lâcha-t-elle d'une petite voix. C'était douloureux mais… ça m'a fait du bien… et ça m'a permis de comprendre que si j'étais comme ça maintenant… ça avait peut-être un lien avec ce que j'avais vécu quand j'avais 17 ans…
- Je comprends… Et… J'ai envie de te dire que c'est normal… T'as vécu un traumatisme Candice… Ça laisse des traces…
- Tu sais… Le suicide de mon père je l'ai vécu comme un abandon… et c'était horrible parce que je me suis sentie tellement coupable de son geste… Ma mère m'a repoussée, elle m'en voulait et… Belinda aussi a été touchée par tout ça… J'ai été abandonnée et je les ai abandonnées à leur tour… continua-t-elle en larmes.
- Eh… On est pas obligés d'en parler si c'est trop difficile…
- Si… Parce que je veux que tu comprennes…
- Alors je suis là… répliqua-t-il doucement.
- Heureusement, à l'époque j'avais Laurent. Avec lui c'était solide, c'était fiable. Et j'ai voulu construire la famille parfaite que j'avais pas pu avoir… Tu vois quand j'entendais ma mère pleurer à cause de mon père… Je me suis toujours jurée de ne jamais faire pleurer mes enfants… De toujours les rendre heureux…
- Et t'as réussi à l'avoir cette famille heureuse…
- Presque… Je l'avais jusqu'à ce que Laurent décide de s'envoyer en l'air avec quelqu'un d'autre… Et ça… ça a été un deuxième abandon, tu comprends ?
Antoine acquiesça doucement la tête, fière qu'elle parvienne à se livrer.
- Et ça m'a brisé. Depuis, j'arrive plus à faire confiance… Et… J'ai tellement peur de perdre à nouveau que je préfère pas m'engager avec quelqu'un que j'aime vraiment.
- Ça veut dire que t'as pas confiance en moi… ?
- Si… C'est juste que je me sens tellement pas à la hauteur de toi que… je me dis qu'un jour, toi aussi tu peux me laisser pour quelqu'un de mieux…
- Donc tout ce que je t'ai déjà dit… Ça te rassure pas ?
- Si mais en surface… Le psy dit que mes peurs sont enfouies bien au fond de ma carcasse et que c'est ça qui m'empêche de vivre sereinement…
- Et il t'aide ?
- Ouais… confirma-t-elle en acquiesçant. Mais il dit qu'il y a encore beaucoup de travail… Ça risque d'être long pour que je vienne à bout de tous ces problèmes…
- Et tu vas prendre tout le temps dont tu as besoin…
- Oui mais… Je veux pas qu'on se relance dans quelque chose tant que j'ai pas tout cicatrisé… Tu comprends ?
Il acquiesça difficilement.
J'ai envie de venir à bout de tout ça… Qu'on reparte sur des bases saines… Mais…
- Mais ?
- Je comprendrais que tu veuilles pas attendre…
- Si je voulais pas attendre Candice, je serai pas là ce soir…
- Ça veut dire que tu m'aimes encore ? demanda-t-elle d'une moue enfantine.
- Toujours… chuchota-t-il à son oreille. »
En réponse Candice l'observa en souriant avant de l'encercler de ses bras. Blottie contre son torse, la commandante s'apaisait, s'autorisant à relâcher la pression. Antoine hocha négativement la tête. Quelle question… songea-t-il désabusé. Évidemment qu'il l'aimait encore. Évidemment qu'il l'aimerait toujours. Il sentit progressivement le souffle de son ex-compagne ralentir. Satisfait d'avoir accompli sa mission, il tenta de l'allonger afin de quitter la chambre mais la blonde protesta. « Reste… » le supplia-t-elle en s'accrochant à sa taille. Le ton qu'elle venait d'employer le poussa à obéir. Faut dire qu'entre le petit fauteuil aux côtés de Nathan et les bras de la femme qu'il aimait, le choix était vite fait… Alors il éteignit la lampe et s'allongea à ses côtés, ne tardant pas à sentir son poids sur son torse. Candice l'enserrait comme un doudou rassurant, nécessaire pour apaiser une âme en souffrance. Le commissaire soupira de satisfaction, s'autorisant à fermer les yeux à son tour pour profiter de cette prise d'otage dont il était finalement le seul responsable…
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