Harry Potter vit exactement à quel moment Malefoy se retrancha derrière une expression aussi neutre que possible et il regretta immédiatement son recul.
Depuis le désastre survenu lors de la bataille de Poudlard, Harry se sentait terriblement seul. Il avait fait face à Voldemort, la pierre de résurrection serrée dans la main, rassurée de voir ses parents l'entourer et le regarder avec amour.
Il s'était avancé vers le mage noir en pensant qu'il allait les rejoindre. Il avait finalement accepté son sort et il était prêt à se sacrifier volontairement.
Le sort de mort l'avait touché et il s'était effondré, résigné. Suffisamment résigné en tout cas pour ne pas bouger et ne pas chercher à s'écarter. Il lui suffisait de penser à ses amis et à leur avenir pour que sa détermination en soit renforcée.
Ensuite… il s'était retrouvé face à Dumbledore pour une raison mystérieuse. Trop étonné pour se mettre en colère, il avait écouté le vieil homme le remercier de son sacrifice et lui annoncer qu'il avait un choix à faire : il pouvait rejoindre ses parents et cesser de se battre, ou bien revenir à la vie et continuer le combat.
Le choix n'avait pas été évident pour Harry. Sa courte vie avait été pleine de misère et il aspirait à connaître enfin ses parents. Cependant, ses amis lui avaient offert tant de joies qu'il était prêt à retourner les aider, pour s'assurer qu'ils soient sains et saufs.
Il avait été influencé — manipulé même — par Dumbledore, mais il s'en moquait. Lorsque l'ancien directeur de Poudlard avait annoncé tranquillement que Ron et Hermione pourraient être en danger, Harry n'avait rien de plus à se demander. Il devait y retourner et s'assurer qu'ils iraient bien. Qu'ils vieilliraient dans un monde en paix et qu'ils seraient heureux.
Quel que soit l'endroit où il s'était retrouvé durant ce bref échange, il avait rouvert les yeux à l'endroit exact où il avait reçu le sort de mort, toujours entouré de Mangemorts et de Voldemort, à quelques secondes à peine de son trépas. Il était resté aussi immobile que possible, le cœur battant. Il n'avait pas accepté de vivre pour être capturé immédiatement et maintenant que sa décision était prise, il ne comptait pas se laisser tuer sans lutter.
Alors qu'il était étendu, aussi immobile que possible, sur le sol dur de la forêt interdite, son esprit tournant à toute allure pour trouver une solution à sa situation presque désespérée, la pierre de résurrection toujours serrée dans sa main, lui entaillant presque la paume, l'esprit de sa mère s'était agenouillé près de lui, sa main translucide planant au-dessus de ses cheveux, totalement invisibles pour ceux qui les entouraient.
Harry l'avait fixée un instant, avide de voir son visage éternellement jeune, jusqu'à ce que Lily chuchote, avec empressement.
— Tu dois te cacher et partir, Harry. Tu as besoin de rassembler tes forces avant de l'affronter, mon chéri.
Depuis toujours, Harry était habitué à être livré à lui-même. Il s'était toujours débrouillé, y compris pour prendre ses décisions, mais cet ordre avait été donné par sa mère, la femme qu'il avait idéalisée depuis aussi longtemps qu'il s'en souvienne. Il n'avait pas réfléchi un seul instant, il avait obéi, serrant toujours la pierre de résurrection. Il avait lentement tiré de sa poche la cape d'invisibilité et s'en était couvert, avec un peu de maladresse, lui permettant de disparaître efficacement de la clairière, sans même avoir bougé. Personne ne faisait attention à lui, ils étaient trop occupés à se réjouir et à planifier leur prochaine action.
Il avait attendu quelques secondes, puis, alors que les Mangemorts se réjouissaient de sa mort, il s'était relevé, se déplaçant à quatre pattes pour ne pas risquer d'exposer ses pieds. Depuis qu'il avait reçu cette cape, il avait grandi et il peinait déjà à garder tout son corps dissimulé lorsqu'il parcourait les couloirs de Poudlard.
Il avait procédé lentement, avec prudence, surveillant attentivement ce qui l'entourait.
Avec beaucoup de malice, Harry avait pris le risque de s'approcher du mage noir, parfaitement invisible, assez près pour tendre la main et s'emparer de la baguette de Dumbledore qu'il gardait dans une poche de sa robe sorcière.
Même s'il s'en était servi pour lui lancer l'Avada, Harry avait noté que la baguette ne répondait pas parfaitement à Voldemort puisqu'il n'en était pas le maître et le mage noir se servait d'une autre baguette pour lancer ses sorts. Il avait probablement trouvé amusant d'utiliser la baguette de celui qui avait protégé l'adolescent de son mieux pour l'attaquer, aussi Harry profita de sa cape d'invisibilité et de l'agitation dans le camp des ténèbres pour récupérer l'artefact, frissonnant lorsqu'il la saisit.
Sans véritable surprise, Harry sentit la puissance de la baguette de sureau, lui confirmant qu'il en était le maître comme il le suspectait… ainsi, il avait entre ses mains, à cet instant précis, les trois reliques de la mort. Il s'éloigna doucement, en silence, de cette clairière, sans un regard en arrière.
Il était déchiré à l'idée d'abandonner, alors qu'il était encore en état de se battre. Il ne voulait pas abandonner ses amis, ou même le monde magique, mais l'esprit de ses parents le convainquit de disparaître quelque temps. Il avait un atout considérable : Voldemort le pensait mort et il pourrait se préparer avec soin. La prochaine attaque, il aurait l'avantage, puisqu'il prendrait le mage noir par surprise et qu'il aurait la possibilité de choisir quand et où il se battrait.
Harry avait un instant pensé à aller retrouver ses amis, mais il avait résisté à la tentation. Bien qu'ils soient proches de lui et dignes de confiance, Hermione et Ron avaient droit à un peu de répit. Il savait qu'il pouvait compter sur la famille Weasley pour les protéger et s'assurer de leur sécurité.
Ainsi, il était parti, tournant le dos à ce qui était attendu de lui, plus combatif que jamais. Harry n'abandonnait pas. Il changeait juste de méthode. Au lieu de se précipiter en bon Gryffondor, il allait se mettre en retrait, observer et se préparer avec soin.
Il allait attendre le moment idéal dans l'ombre, tout en reprenant des forces, pour que lorsqu'il frapperait, il soit certain que Voldemort n'aurait pas la moindre chance de s'en sortir.
Il se sentirait probablement seul, mais il ne le serait pas. Pas vraiment. Il avait beaucoup de choses à apprendre encore et il devrait faire en sorte de saper le pouvoir de Voldemort, d'une façon ou d'une autre.
Lorsqu'il s'était enfui de Poudlard, Harry n'avait jamais pensé qu'il choisirait Drago Malefoy comme allié, mais à cet instant précis, ça lui semblait évident et il se reprochait de ne pas y avoir pensé plus tôt, surtout en voyant les efforts que faisaient le jeune homme pour s'éloigner de lui… pensant probablement le protéger.
