J'ai écrit ce prototype de chapitre en 2016, vers la fin de la rédaction de l'arc trois de « Au-delà des étoiles ». Aucun des trois personnages principaux de « Vers l'avenir » n'étaient encore apparu.
D'ailleurs, en dehors de Zen'kan qui n'a pas beaucoup changé de caractère, ils ont pas mal évolué. Rorkalym était une espèce de racaille vulgaire !
Le principal changement est bien sûr qu'ils se connaissent depuis leur plus tendre enfance. Et Pipeau était encore en vie dans cette version!
Tout ce texte n'est bien sûr plus d'actualité, mais je le publie quand même, pour que vous puissiez le comparer au chapitre14 de « Vers l'Avenir » arc 2
J'ajouterai que je n'ai rien relu avant d'écrire les chapitres définitifs, mais beaucoup de choses étaient déjà comme elles devaient l'être !
Il correspond grosso-modo aux chapitres 12 à 14 de vers l'avenir-arc 2.
Il se tenait devant la porte fermée depuis au moins cinq minutes, hésitant.
Ils étaient partis le matin même pour un long voyage de deux semaines, abandonnant derrière eux le monde qu'ils avaient toujours connu, et avec lui, toute leur vie et tout ce qu'ils avaient connu.
Zen soupira. Ils n'étaient que sept à bord du grand vaisseau conçu pour embarquer une centaine de personnes. Trois adolescents, leurs parents, et un chat.
Sa mère lui avait demandé d'aller faire connaissance avec la fille de son maître d'armes, histoire qu'elle ne passe pas tout le voyage seule.
Il passa la main pour la centième fois dans ses longs cheveux, et se lança, poussant la porte.
« Salut, moi c'est Zen'kan, mais tout le monde m'appelle Zen » dit il en s'approchant de la jeune femme qui contemplait, mélancolique, les étoiles défiler à une vitesse inimaginable à travers le hublot.
« Salut, je m'appelle Ilinka » répondit elle en se retournant vers lui.
Elle portait une longue robe fluide d'un rose poudré sur laquelle cascadait une chevelure noire qui descendait plus bas que ses fesses. Elle tripota distraitement quelques bracelets de bois et de cuir à son poignet, l'air mélancolique.
« Toi aussi, la Terre te manque déjà ? » demanda Zen dans l'espoir d'engager la conversation.
« Oui, je ne comprends pas très bien pourquoi on a dû partir » répondit-elle tristement.
Zen s'assit sur la table à côté d'elle.
« Ouais, t'as trop raison, c'est naze. Ma mère m'avait dit que si j'économisais pour me payer le billet, je pourrais aller au Greenfield cette année. Et là, un mois avant, elle me dit qu'on va partir dans une autre galaxie... fait ch... » grommela-t-il.
« C'est quoi le Greenfield ? » demanda l'adolescente en rajustant une mèche derrière son oreille, dans un geste qu'il trouva très mignon.
« Un monstre festival de metal trop cool. Il y a plein de groupes trop biens qui viennent, certains méga vieux, d'autres moins, bref, trop l'éclate ! » s'enflamma-t-il.
« Tu aimes le metal ? »
« A ton avis ? » dit-il en sautant de la table, les bras écartés pour qu'elle puisse admirer son t-shirt.
La jeune femme dut se rendre à l'évidence : Zen, avec son pantalon deux fois trop grand aux poches gigantesques, son t-shirt avec un squelette punk jouant de la guitare, ses bracelets à piques et sa longue tignasse blonde qui lui tombait à moitié sur les yeux, avait tout du parfait petit métalleux.
« Tu écoute quoi comme musique, toi ? » demanda-t-il à son tour.
« J'aime bien la musique classique, et le celtique aussi » dit-elle en rougissant un peu.
« Hé, c'est cool la musique celtique, c'est souvent super joyeux » s'enthousiasma le jeune homme.
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« Hé, Zen, tu te planques où ? Tu t'es perdu ou quoi ? » retentit une voix moqueuse dans le couloir.
« Aïe, ça c'est Rory » dit-il sur le ton de l'excuse. « Hey Rory, je suis ici, faut que je te présente Ilinka » appela-t-il ensuite.
Un grand gaillard apparut à la porte de la pièce, tout sourire. D'un peu plus de deux ans l'aîné de Zen'kan, l'adolescent portait ses longs cheveux attachés en un chignon lâche. Son accoutrement était pour le moins singulier. Le jeune homme portait une sorte de robe mi-longue noire déchiquetée sous laquelle on entrevoyait un second vêtement bleu sombre. Une paire de sarouels larges, une sacoche de toile noire et des bottes de cuir complétaient son accoutrement. Autour du cou, il portait une myriade de colliers représentant toutes sortes de symboles ésotériques.
« Salut, moi c'est Rorkalym, mais pitié ne m'appelle pas comme ça, on dirait un nom de fille ! » grimaça joyeusement le nouvel arrivant en s'installant sur la table à côté de son ami d'enfance.
« Enchantée, Ilinka » répondit la jeune fille en agitant la main.
Le silence retomba entre eux.
« Punaise, je crève la dalle » grommela Rory
« Ouais moi aussi, t'as pas trop la dalle, toi ? » grogna son ami en se tournant vers la jeune fille.
« Non ça va, j'essaie d'éviter de trop m'agiter depuis que ça a commencé, et puis papa m'aide » répondit-elle.
« Hé, toi aussi, tu l'as gardé ? » demanda Zen à la jeune femme pour changer de sujet, désignant le fin pendentif aux motifs complexes qu'elle arborait.
La jeune femme attrapa pensivement ce dernier et le contempla un instant.
« Je n'arrive pas à l'enlever, je le porte depuis toute petite, alors je me sens toute nue sans » avoua-t-elle.
« C'est vrai que ça me fait tout bizarre de me voir dans un miroir sans... » ajouta Rory.
Ils entendirent un bruit de pas, et la mère de Zen apparut.
« Ah, vous êtes là. Ilinka, ton père te cherche, c'est l'heure de ton entraî à vous deux, vous avez des exercices à faire, non ? » dit-elle, l'air sévère.
Le petit groupe se sépara en se souhaitant bonne chance pour leurs corvées réciproques.
Les deux adolescents rejoignirent la cabine qu'ils se partageaient à l'arrière de l'appareil, suivis par une Milena qui veillait au grain.
Avec un gros soupir, ils s'assirent à l'étroite table face aux épais cahiers d'exercices qu'elle veillait à leur faire remplir chaque jour.
Après une heure de traductions difficiles, la mère dragon consentit enfin à les libérer.
Alors qu'ils se dépêchaient de sortir de son champ d'action, Rory suggéra d'aller voir comme s'en sortait l'adolescente.
« Je me demande à quoi elle ressemble sans... » déclara Zen en tripotant son collier.
« Moi, je me demande plutôt à quoi elle ressemble sans sa robe » répliqua son pote d'un ton paillard.
« T'es lourd, Ro, tu le sais ? » le sermonna l'autre.
Ils arrivèrent devant la vaste salle centrale qui servait de zone d'entraînement. Ilinka se battait avec férocité contre son géant de père, qui la noyait sous un véritable déluge de coups de bâton.
Le géant s'interrompit en voyant les deux adolescents.
« Hé, Milena vous a relâchés ? Venez montrer à Ilinka ce que vous valez en combat » leur dit-il en leur lançant à chacun un bâton.
L'homme se mit en garde, et les deux adolescents échangèrent un regard inquiet, essayant de décider lequel des deux commencerait.
« Ilinka, je crois qu'ils ont trop la frousse pour bouger, choisis-en un » ordonna-t-il à sa fille.
La jeune femme regarda avec pitié les deux adolescents. Même si tous deux la dépassaient déjà de quelques centimètres, ils avaient de quoi être impressionnés par le géant blond de plus de deux mètres, tout en muscles et perpétuellement vêtu d'un long manteau de cuir avachi, qui se tenait devant eux.
Avec un haussement d'épaules désolé, elle désigna Zen – qui s'avança en traînant des pieds.
Le géant lui bondit dessus. Instinctivement il para le coup, en esquiva un autre et attaqua, mais l'homme n'était déjà plus au même endroit. Il parvint de justesse à éviter un estoc, mais alors qu'il armait un second coup, il fut fauché et se retrouva couché sur le dos, la pointe de l'arme sous la gorge.
« Pas mal, Zen » le félicita-t-il en l'aidant à se relever. « A toi, la grande perche » ajouta-t-il en se tournant vers Rory.
L'adolescent parvint à esquiver les deux premiers coups en reculant, mais il se trouva alors acculé contre le mur. L'homme lui mit son bâton sous la gorge.
« Moins bien, Rorkalym. Si tu ne fais que reculer, tu vas forcément mal finir » l'avertit-il en baissant son arme.
« Oui, monsieur Lanthian » répondit ce dernier d'une toute petite voix.
« Je te l'ai déjà dit cent fois : appelle-moi Markus, s'il te plaît » grommela le maître d'armes.
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Rosanna passa devant la salle puis, à reculons, revint dans l'embrasure.
« Dites, vous êtes au courant qu'on a décollé et que le voyage va durer deux semaines ? » demanda-t-elle.
« Oui maman, on le sait, pourquoi tu nous rappelle un truc aussi déprimant ? » demanda Ilinka
La femme mima un pendentif à son cou, puis repartit. Le géant soupira en s'étirant.
« Pff, ta mère à raison, ma petite reine. Je porte ce machin depuis tellement longtemps que j'ai oublié que je pouvais l'enlever » dit-il en desserrant le lien de cuir qui maintenait le pendentif à son cou.
A l'instant où le bijou quitta la chair, l'illusion se dissipa. Devant les trois adolescents, ce n'était plus le taciturne garde-chasse blond qui se tenait, mais un dangereux prédateur alien.
Markus remit ses longs cheveux blancs en place, puis fit jouer d'un air songeur ses doigts, observant les longues griffes tranchantes et les deux fentes nourricières au creux des paumes.
« Ça fait du bien de redevenir soi-même » soupira-t-il en souriant, découvrant une rangée de dents acérées et translucides.
Les trois adolescents le regardaient bouche bée, impressionnés par la grâce féline qu'il dégageait.
Ilinka avait vu son père sous sa véritable apparence une ou deux fois, mais c'était toujours un choc pour elle de le voir ainsi.
Rosanna repassa devant la salle, les bras chargés d'une caisse qu'elle posa à terre en voyant son mari ainsi. Elle s'approcha de lui, et l'embrassa tendrement.
« Ça m'avait manqué de te voir comme ça. » dit-elle d'un ton doux en effleurant tendrement le contour des fentes nourricière dans ses mains.
« Papa, Maman ! » protesta Ilinka en se cachant les yeux pendant que les deux garçons regardaient au plafond.
La femme rit puis, s'approchant de sa fille, vint lui coller un bisou bruyant sur la joue.
« Mais je t'aime aussi comme tu es, ma petite reine » lui dit-elle en riant, tandis que sa fille tentait d'échapper à l'étreinte maternelle. « Cela dit, vous feriez bien de profiter de ce voyage pour vous habituer à votre véritable apparence. Ici, nous sommes entre nous, personne ne vous posera de questions, mais après, dans Pégase... » dit-elle en redevenant sérieuse.
« Mais maman, je me plais comme je suis maintenant, et je veux rester sur Terre. Pourquoi est-ce qu'il faut qu'on aille dans Pégase ? » protesta la jeune femme.
« Ilinka, ma chérie... Tous les trois, vous arrivez à votre puberté, et bientôt la nourriture humaine ne vous sustentera plus du tout. Vous ne pouviez pas rester sur Terre. Et puis, Pégase est votre galaxie natale, vous revenez chez vous en quelque sorte. »
« Je m'en fous de Pégase ! Je veux rentrer à la maison ! » hurla la jeune femme en partant dans une grande envolée de cheveux.
Rosanna se frotta l'arête du nez.
« Excusez-nous, les garçons, les disputes de famille, ce n'est jamais agréable d'y assister. Essayez tout de même de les enlever, d'accord ? » dit-elle en ramassant sa caisse.
Lorsqu'elle fut partie, le wraith se tourna vers eux.
« Si vous avez trop faim, venez me voir, je vous aiderai, d'accord les garçons ? » leur dit-il en ramassant le bâton que sa fille avait jeté à terre dans sa colère, avant de partir.
Une fois seuls dans la pièce, les deux adolescents se regardèrent.
« C'est quand, la dernière fois que tu l'as enlevé ? » demanda Zen
« La semaine passée, mais j'ai pas osé me regarder dans un miroir. Et toi ? »
« Y'a un ou deux mois. Ça a pas duré longtemps » répondit-il en se mordillant la lèvre.
« On l'enlève à trois, d'accord ? Et interdit de se moquer ! » proposa Rory.
« OK »
« Alors un... »
« Attends, attends, on l'enlève à trois ou... ? » demanda le métalleux inquiet
« A trois. Un... deux... et trois ! » compta Rorkalyn avant de retirer le collier.
Tous deux avaient fermé les yeux en retenant leur respiration à la fin du décompte.
Zen, la tête rentrée dans les épaules, entrouvrit un œil. Il vit son ami d'enfance faire pareil en face de lui.
« Je suis comment ? » demanda-t-il.
« Vert, et moi ? » répondit Rory.
« Vert... et tout maigre, mais c'est pas nouveau, ça » s'esclaffa son ami.
Les deux garçons prirent le temps de se détailler mutuellement, se découvrant sous leur véritable apparence pour la première fois.
« C'est vraiment bizarre, les yeux jaunes, avec les pupilles comme ça » fit remarquer Rory en mimant les pupilles verticales.
« Ouais, toi en plus, tu as un peu de vert au centre. On essaie de trouver un miroir ? » proposa le métalleux.
Ils partirent donc à la recherche d'un miroir – qu'ils trouvèrent dans les grands sanitaires communs du vaisseau.
Les deux adolescents s'examinèrent de près, observant leurs cheveux d'un blanc diaphane et leurs yeux inhumains. Zen constata que ses traits étaient plus marqués que sous son apparence humaine, tandis que Rory, fasciné, observait la rangée de dents aiguisées qui ornait sa mâchoire lorsqu'il souriait.
Le métalleux se baissa soudain, et retira son pantalon.
« Hé, tu fous quoi, mec ?! » s'exclama Rory.
« T'as pas envie de voir à quoi tu ressemble à poil, toi ? » demanda Zen en retirant son t-shirt.
« Pas vraiment, j'ai une fois eu l'idée de regarder dans mon caleçon, ça m'a amplement suffi » grogna-t-il
Une fois en sous-vêtement, le métalleux s'observa dans la glace. Se tournant de tous les côtés pour observer sa colonne vertébrale saillante, ou les fentes respiratoires qui ornaient son torse et son visage.
« Chuis peut-être vert, mais je suis plus musclé, et ça c'est cool » fanfaronna-t-il en roulant des pectoraux.
« Regarde dans ton caleçon avant de frimer » lâcha son ami pour le faire taire.
L'adolescent obéit.
« Ohhh putain, merde... »
« Ouais... je te le fais pas dire » grommela son pote.
Cela sembla avoir douché l'enthousiasme de Zen, qui se rhabilla vite fait.
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Ilinka était partie s'enfermer dans la soute deux, puisqu'elle partageait sa cabine avec ses parents et qu'elle n'avait aucune envie de les voir à cet instant.
Elle s'était recroquevillée sur une caisse de matériel, pour ruminer tout son saoul.
Pourquoi fallait-il que ses parents insistent autant pour qu'elle retire son collier ?
Elle l'avait enlevé quelques semaines auparavant, et elle avait détesté ce qu'elle avait vu. Sa peau était d'un blanc-vert opalescent, si pâle qu'elle en paraissait bleutée, contrastant violemment avec ses longs cheveux noirs. Et son nez, quelle horreur, il semblait avoir fondu sur son visage ! La seule chose qui la répugnait plus que ça, c'était les deux fentes dentelées au creux de ses paumes.
Lorsque la faim avait commencé à la tenailler, son père lui avait expliqué comment s'en servir, et elle avait vu avec dégoût les fins crochets venimeux et les minuscules tentacules sortir de sa paume.
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Elle ruminait ses sombres pensées depuis environ une demi-heure lorsque sa mère la découvrit.
« Maman, comment tu m'as trouvée ? » demanda-t-elle d'un ton geignard.
« C'est ton père qui me l'as dit » répondit elle doucement en venant s'asseoir sur la caisse à ses côtés.
« Pourquoi faut-il toujours qu'il m'espionne tout le temps... » grogna-t-elle.
« Il ne t'espionne pas. C'est plus fort que lui, il faut qu'il garde un œil sur ceux qu'il aime, à savoir nous deux » dit-elle en poussant sa fille d'un petit coup d'épaule complice.
« Tu n'es pas venue me parler des obsessions de papa, je suppose » grommela l'adolescente.
« Non, tu as raison. Je pensais te l'offrir pour ton arrivée dans Pégase, mais je pense que c'est le bon moment » dit-elle en lui tendant une grosse boîte.
« C'est quoi ? » demanda Ilinka en la prenant.
« Un cadeau d'anniversaire un peu en avance, on va dire. »
La jeune femme dénoua le ruban qui tenait la boîte fermée, et l'ouvrit délicatement.
A l'intérieur se trouvait une robe faite d'un magnifique tissu bleu clair, léger et brillant, qui coula entre les doigts d'Ilinka comme de l'eau.
« Maman, elle est magnifique. Tu l'as trouvée où ? » murmura la jeune femme en effleurant le tissu.
« J'ai crée le modèle, puis je l'ai faite coudre par un tailleur professionnel. C'est de la soie de Lifflin » lui dit elle tendrement.
« De la soie de quoi ? »
« De Lifflin, c'est une sorte de gigantesque papillon très toxique qui vit sur la planète P12-723 » expliqua l'artiste.
« Tu l'as trouvé où, cette soie de Lifflin ? » demanda sa fille, curieuse d'en savoir plus sur cette période mystérieuse dans la galaxie de Pégase dont ses parents parlaient si peu.
« C'est Markus qui me l'a offerte en guise de... cadeau de fiançailles, dira-t-on » répondit-elle en faisant la moue.
« Comment ça, dira-t-on ? »
« Pour les wraiths – enfin, ceux qui ont grandi dans Pégase –, les humains ne sont que de la nourriture, et pour les humains, les wraiths ne sont que de dangereux prédateurs. Il nous a fallu très très longtemps pour nous rendre compte que nos sentiments dépassaient la simple amitié étrange. A vrai dire, sur le coup, ton père a été plus perspicace que moi, moi je n'avais rien compris. Enfin bref, il m'a offert cette étoffe le jour où il m'a vraiment embrassée pour la première fois, avant de me demander si je voulais bien de lui comme compagnon. Des fiançailles en somme » raconta-t-elle avec nostalgie.
« Papa est un grand romantique, en fait » nota Ilinka, plus habituée à son attitude de père protecteur mais taciturne.
« C'est pas faux, mais c'est surtout quelqu'un qui a envoyé valdinguer tout ce qu'il avait appris au cours des siècles pour foncer vers l'inconnu, ce qui ne l'a pas empêché de toujours faire les choses de manière très... protocolaire. »
« Papa, protocolaire ? alors qu'il déteste la paperasse ? »
« Pas dans ce sens là, mais par exemple : quelques mois après notre rencontre, il s'est arraché le tatouage qu'il avait sur l'œil pour prêter serment à la femme qui dirigeait Atlantis. Il était inconcevable pour lui de lui prêter serment et de lui être vraiment fidèle s'il portait encore la marque de sa ruche natale. »
« Papa a eu un autre tatouage ? » demanda Ilinka, avide d'en savoir plus.
« Oui, il ressemblait un peu à celui qu'il a maintenant, je me suis inspirée de l'ancien pour concevoir le nouveau. »
« Tu as dessiné son tatouage ? »
« Oui, ça lui manquait alors je le lui ai offert. Je crois qu'à ses yeux, ça vaut toutes les bagues de mariage. Attends, aide-moi à trouver la caisse où j'ai rangé tout mon matos d'art, il y a mes vieux carnets de croquis dedans, je pourrais te montrer » dit sa mère en se relevant.
Ilinka ne se fit pas prier, son vague à l'âme oublié. Sa mère lui en avait plus dit sur eux en dix minutes qu'elle ne l'avait fait pendant des années.
Après quelques minutes de recherches, elles trouvèrent la caisse. Rosanna récupéra dedans une pile de vieux carnets à dessins cornés.
« Tiens regarde, voici les premiers croquis que j'ai faits, le lendemain de ma première rencontre avec Markus » dit-elle en lui montrant des pages couvertes de petites silhouettes ramassées au crayon.
« On dirait un animal en cage » remarqua Ilinka.
« C'était ce qu'il était, à l'époque. Mais regarde là, c'est lui six mois plus tard » dit elle en lui montrant une aquarelle représentant le wraith debout, fier, dans un grand manteau noir qui lui allait à la perfection.
« Il était classe... Il a pas vraiment changé en, quoi, seize ans ? Contrairement à son manteau » pouffa la jeune femme.
« Me parle pas de ce manteau, dès qu'on arrive, je le brûle et je lui en trouve un autre ! » s'exclama sa mère. « Cela dit, tu sais, c'est le privilège des wraiths de ne pas vieillir. Quand tu seras adulte, tant que tu mangeras à ta faim, tu ne vieilliras jamais. Il y a des wraiths qui ont plus de dix mille ans, pour te dire ! » ajouta-t-elle.
« Toi non plus, tu n'as pas changé » fit remarquer Ilinka en montrant une photo qu'elle avait trouvée entre les pages du carnet.
Sur le tirage, une vingtaine d'hommes et de femmes vêtus d'uniformes gris ornés de triangles de différentes couleurs posaient devant un grand anneau gris, sur lequel se découpaient des constellations bleues. Dans un coin, son père, l'air agacé par la photo, se tenait la mine renfrognée, sa mère – un grand sourire aux lèvres – devant lui.
« Ton père me fait régulièrement des dons de vie, afin que je puisse rester à vos côtés aussi longtemps que possible. Et puis, disons que je suis un peu spéciale, comme humaine » murmura-t-elle « Tiens regarde là, au milieu, c'est Milena » poursuivit-elle en désignant la femme, avisant l'air avide de sa fille et espérant changer de sujet,.
« Elle, elle a pris un sacré coup de vieux, par contre ! » s'exclama l'adolescente.
« Ton père a proposé de lui faire aussi des dons de vie, mais elle a refusé. Elle dit que son existence humaine lui suffit pour faire de Zen'kan quelqu'un de bien, et qu'elle ne désire pas rester plus longtemps que ce qu'on lui a offert dans cet univers » avoua l'artiste.
Elle laissa sa fille feuilleter encore un peu les vieux carnets
« Bon, assez de souvenirs pour aujourd'hui » conclut-elle en lui reprenant des mains les cahiers cornés.
Elle les rangea dans la caisse, puis se retourna vers sa fille.
« Ecoute ma chérie, ce soir, on fête tes dix-sept ans. Tu deviens une adulte. En plus, ce soir, on quitte la Voie lactée, alors s'il te plaît, laisse ton apparence humaine derrière toi. Embrasse ta vraie nature » dit-elle d'une voix presque suppliante.
« Maman, je suis hideuse ! » protesta-t-elle
« Non, tu es magnifique, ma petite reine, laisse-moi te le montrer » dit elle en s'approchant de sa fille.
« Mais les mecs vont se moquer de moi, avec mon nez qui a fondu » geignit la jeune fille.
« Ton nez qui quoi ? Mon cœur, tu as toujours été une jeune femme magnifique, que tu sois humaine ou wraith. Et puis, si c'est Zen'kan ou Rorkalym qui t'inquiète, je te rappelle qu'eux aussi sont des wraiths, tu vas les faire chavirer » dit sa mère en lui caressant la joue, un sourire aux lèvres.
« Tu me le promets ? » demanda l'adolescente, indécise.
« Je te le promets. Laisse-moi t'aider, et ce soir, observe-les, d'accord ? » la rassura-t-elle avec un clin d'œil.
Rosanna sentit une pointe de culpabilité lui percer le cœur : elle ne disait pas toute la vérité à sa fille. Si elle pouvait lui promettre ainsi que les deux adolescents ne se moqueraient pas d'elle, c'était car elle savait que lorsque sa fille apparaîtrait dans toute sa splendeur de reine, les deux jeunes wraiths s'imprégneraient d'elle instantanément. Leurs instincts ataviques les pousseraient à la servir et à la protéger jusqu'à leur mort, ce qui ferait d'eux d'excellents commandants.
Ils avaient été choisis tous les deux seize ans plus tôt dans ce seul but : devenir les commandants d'une reine unique, à la tête d'une ruche d'un nouveau genre.
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L'ayant convaincue, Rosanna emmena sa fille dans la grande salle de douche commune qu'elle verrouilla d'autorité, afin que personne ne vienne les déranger.
« Va te doucher, et lave-toi les cheveux, ça serait dommage que tu sentes la sueur le soir de ton anniversaire » lui ordonna-t-elle avant d'aller chercher ce qu'elle avait prévu pour sa fille.
Lorsque l'adolescente sortit de la douche toute dégoulinante, sa mère avait recouvert d'un drap les miroirs.
« Tu l'enlèves ? » lui demanda Rosanna gentiment.
Ilinka hésita un instant, puis retira le collier avant de le donner à sa mère – qui le rangea dans une pochette en tissu.
Rosanna observa sa fille d'un œil ému. Devant elle se tenait une jeune reine à la peau d'albâtre, la fixant de ses magnifiques yeux d'or. Elle admira comment ses longs cheveux soyeux caressaient et soulignaient les formes élancées et fines de son corps, tandis qu'elle tenait de ses mains délicates et puissantes la serviette de bain humide devant elle. La jeune femme dégageait une aura de grâce féline et naïve qui la rendait encore plus irrésistible. Comment pouvait-elle se trouver laide ?
La femme soupira : sa fille vivait le traumatisme du passage à un corps d'adulte, en dix fois pire que les autres adolescents. Elle avait de quoi être perturbée.
Ecartant ces pensées, elle tendit à la jeune femme les sous-vêtements qu'elle avait précieusement gardés pour elle toutes ces années. Ilinka regarda la culotte et le soutien-gorge assorti, taillés dans une étoffe fine et fluide qui ne pesait quasiment rien.
« Lingerie wraith » souffla sa mère, l'air un peu gêné.
« C'est joli, et ça a l'air confortable » remarqua l'adolescent en les enfilant.
Ils lui allaient à la perfection. Satisfaite, sa mère la fit s'asseoir sur un tabouret, et entreprit de la coiffer.
Avec habilité, elle fit une coiffure complexe à sa fille, composée de trois types de tresses différentes qui s'entremêlaient harmonieusement au-dessus de sa masse de cheveux soyeux.
La coiffure terminée, elle accrocha dans les cheveux de l'adolescente deux peignes d'argent ornés de pierres bleues, reliés entre eux par un fin entrelacs de chaînes ornées de minuscules perles bleues elles aussi. Elle maquilla ensuite sa fille, illuminant ses yeux d'une ombre à paupières gris cendré, et d'un trait d'eye-liner.
Puis, attrapant un petit pot d'une encre spéciale, elle entreprit de tracer sur l'épaule, le haut du dos , la nuque et la joue de sa fille un tatouage complexe.
« C'est du maquillage ce soir, mais un jour, tu auras ton propre tatouage » lui dit-elle, émue.
Enfin, elle aida la jeune femme à enfiler la robe, qui laissait ses épaules dégagées avant de cascader souplement autour d'elle. La tenue fut complétée par une paire de bottes d'un fin cuir gris sombre.
« Je sais que ton père a encore un cadeau pour toi, mais moi, j'ai fini » lui dit la femme, un grand sourire aux lèvres. « Tu es prête ? » ajouta-t-elle en attrapant un coin du drap qui couvrait les miroirs.
Ilinka ferma un instant les yeux puis, ayant inspiré à fond, acquiesça.
Le drap tomba et Ilinka découvrit, qui la fixait d'un air ahuri, une grande alien au port altier, impressionnante dans sa tenue royale.
Elle plaqua ses mains sur sa bouche, et dans le miroir, l'alien fit pareil.
Elle s'observa dans la glace, tournant la tête à gauche puis à droite. Derrière l'étrangeté de ses traits, elle ne pouvait nier reconnaître les traits qu'elle s'était toujours vus. Le reflet que la glace lui renvoyait n'était pas beau à son goût, mais elle devait reconnaître qu'ainsi coiffée et vêtue, elle était fascinante, et impressionnante.
Alors qu'elle se tortillait devant le miroir pour s'observer, son père entra.
L'alien s'était changé, et avait trouvé le temps de remplacer son éternel catogan lâche par une coiffure complexe, composée de deux fines tresses ornées de perles d'argent qui encadraient son visage, tandis qu'un demi-catogan retenu par un lien de cuir maintenait le reste de ses cheveux.
Il portait un long manteau de cuir noir qui lui allait à la perfection, une sorte de chemise épaisse, elle aussi taillée sur mesure, et un pantalon de toile souple et résistante qui plongeait dans ses bottes de cuir noir. Une ceinture ornée d'une boucle argentée complexe et une sacoche de cuir sombre accrochée dessus complétaient l'ensemble.
Un immense sourire carnassier illumina son visage.
« Tu es magnifique, ma petite reine » lui dit-il télépathiquement.
Il s'approcha d'elle, et sortit quelque chose de sa sacoche.
« Ferme les yeux » ordonna-t- il.
Lorsque l'adolescente eut les yeux fermés, il accrocha quelque chose à son cou.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, un magnifique collier – d'un argent veiné de noir, enchâssant délicatement une énorme pierre bleue qui semblaient briller de l'intérieur – reposait autour de son cou.
« Papa, c'est... c'est magnifique » bégaya-t-elle mentalement en s'observant, bouche bée.
« Un cadeau digne d'une reine, ma fille » acquiesça fièrement le grand wraith, avant de la serrer dans ses bras et de l'embrasser dans les cheveux.
Ils restèrent un instant comme ça, tandis qu'Ilinka – un peu dépassée par les événements – tentait de retenir des larmes d'émotion.
Lorsque Ilinka se redressa, elle eut la surprise de voir que sa mère s'était changée, enfilant un élégant pantalon de toile écrue et une robe à mi-mollet du même tissu, au col montant, qui ne laissait que l'extrémité de ses épaules apparaître des longues manches évasées. Elle avait complété sa tenue très sobre d'une fine ceinture d'un métal presque blanc, faite de nombreuses pièces aux motifs complexes, et d'une paire de délicates ballerines blanches.
« C'est un vêtement lanthien. Ta mère a du sang Ancien de ses veines » déclara Markus, anticipant la question de sa fille.
« Les Anciens, comme ceux des contes que vous me racontiez enfant ? » demanda-t-elle, perturbée.
« Eux-mêmes, mais nous discuterons de ça une autre fois, tout le monde doit nous attendre » l'interrompit sobrement son père.
Le wraith enlaça une fois encore les deux femmes de sa vie, puis ils partirent en direction du pont de commandement du vaisseau.
Markus avait fait sortir le vaisseau d'hyperespace pour l'occasion, et ils avançaient maintenant doucement en bordure de la Voie lactée. Le pont offrait à cet instant une vue à couper le souffle sur la galaxie qui se déroulait sous eux.
Tous les passagers du vaisseau étaient réunis sur le pont, attendant l'héroïne de la soirée.
Les deux adolescents avaient été récupérés par Markus et Selk'ym – le père adoptif de Rorkalym – qui s'étaient assuré qu'ils portent des atours convenant à la situation.
A savoir un manteau de cuir noir, plus sobre que celui de Markus, une chemise noire et un pantalon de toile épaisse pour Zen'kan, et une tunique plus longue avec un genre de sarouel pour Rorkalym, complété pour les deux par une paire de bottes noires identiques.
L'hybride avait revêtu quant à lui la tenue traditionnelle portait lors de tous les événements importants par les moines qui l'avaient recueilli, deux siècles auparavant. Il avait fière allure, drapé dans la longue toge pourpre, son sabre effilé au côté.
Milena, en bonne militaire, avait ressortit sa tenue d'apparat pour l'occasion, bien que le mouchoir qu'elle tripotait nerveusement brisât un peu sa rigidité guerrière.
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Ilinka prit une grande inspiration, puis elle s'avança, se tenant aussi droite qu'elle le pouvait, le port élégant, un léger sourire flottant sur ses lèvres.
Même si elle était intérieurement tremblante de stress, elle n'en laissa rien paraître. S'il fallait qu'elle soit wraith, elle le serait avec élégance et classe !
Derrière elle, dans l'embrasure de la porte, ses parents échangèrent un sourire angoissé. Ils étaient en train d'abattre leur dernière carte d'un jeu qui avait commencé près de dix-huit ans auparavant.
La jeune reine s'avança au milieu de ses invités, l'air calme et avenant.
Rorkalyn le premier posa un genou à terre, s'inclinant profondément devant elle. Zen'kan l'imita quelques instant plus tard.
Ilinka jeta un coup d'œil un peu inquiet à ses parents, qui lui firent un petit signe encourageant de la tête.
« Suis ton instinct » murmura son père dans son esprit.
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Elle ferma les yeux un instant, écoutant la voix en elle. Puis elle s'avança jusqu'à ses nouveaux lieutenants.
« Rorkalym, fils de Selk'ym, jure-tu de me servir et de me protéger, jusqu'à ta mort, quels que soient mes ordres ? » demanda-t-elle dans la langue de ses ancêtres.
« Je suis vôtre jusqu'à ma mort, ma Reine » lui répondit-il, une main sur le cœur.
Elle se retourna ensuite vers Zen'kan et répéta la formule millénaire. Il prêta à son tour serment.
La jeune reine sembla réfléchir un instant, puis ajouta, dans cette langue antique :
« Je vous fais serment de toujours vous traiter avec bonté et justice, et je m'engage à toujours faire passer le bien commun devant mon propre bien-être. »
Les spectateurs échangèrent un coup d'œil surpris. Ilinka démontrait déjà des aptitudes de grande souveraine, en ajoutant une nouvelle clause au serment atavique millénaire.
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Zen'kan était agacé. Sa mère l'avait chopé alors qu'il essayait de regarder dans la salle de bains où s'étaient enfermées Ilinka et sa mère. Milena lui avait passé un solide savon, dans la plus pure tradition italienne, puis elle l'avait confié – en compagnie de Rory – à Markus et Selk'ym.
Les deux wraiths leur avaient alors donné des vêtements, et les avaient aidé à se coiffer « à la wraith ». Une fois les deux adolescents prêts, les deux adultes leur avaient expliqué que quelque chose se passerait durant la soirée, et qu'ils ne devaient en aucun cas avoir peur. Même s'ils étaient un peu jeunes pour cela, ça arrivait à tout wraith alpha, et ils n'auraient qu'à suivre leurs cœurs. Rory avait plaisanté en disant qu'il savait ce qu'étaient les érections, et qu'ils étaient un peu âgés pour avoir le droit à « La Discussion ». Mais le regard qu'avaient échangé les deux wraiths avait mis Zen'kan extrêmement mal à l'aise.
Après cet obscur avertissement plus confus qu'autre chose, Markus s'était éclipsé pour aller voir à quoi sa fille qui fêtait ses dix-sept ans en était, pendant de Selk'ym les traînait sur le pont.
Milena, toute émue de voir son fils adoptif ainsi, l'avait serré à l'en étouffer dans ses bras, tout en murmurant des « Mon Dieu, mon fils, tu es un adulte maintenant, mon Dieu... » en boucle.
Rory, lui, avait échappé à l'humiliation familiale, puisque Selk'ym s'était contenté de lui donner une grande tape dans le dos, assortit d'un « Je suis fier de toi, mon fils ».
Ils avaient ensuite attendu quelques minutes, et Elle était entrée.
Il n'avait pas immédiatement reconnu la jeune fille timide avec qui il avait parlé le matin même, mais une chose était certaine, elle était éblouissante !
Il resta un instant ainsi, hébété, puis comme un tsunami, un désir viscéral de lui offrir sa vie et d'en faire sa reine le submergea.
Il s'aperçut vaguement que Rory mettait un genou à terre, tandis qu'il tentait d'imaginer sa vie autrement qu'à Son service. C'était impossible, il en mourrait ! Il mit donc un genou à terre, la tête courbée, priant de chaque fibre de son cœur qu'elle ne le rejette pas.
La reine hésita un instant puis, de sa voix enchanteresse, elle prononça les paroles qu'il appelait de toute son âme. Elle avait choisi Rorkalym ! Il sentit une jalousie violente monter en lui. Il eut envie de lui arracher le cœur, mais Elle était là, si près qu'il ne pouvait pas bouger. Il resta figé, glacé de terreur qu'Elle le 'elle se tourna vers lui, prononçant les paroles antiques, Zen'kan crut qu'il allait défaillir de bonheur. Il prêta serment de la servir jusqu'à son dernier souffle, de la moindre parcelle de son âme.
Il se sentit soulagé, comme si on venait de lui enlever un gigantesque poids du cœur. Il avait une Reine, les choses étaient comme elles devaient être.
Alors qu'il attendait ses premiers ordres, sa Reine prononça à son tour un serment, l'engageant elle à leur égard.
Son cœur fondit d'amour pour sa Reine qui, dans sa perfection, leur offrait tant!
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Son serment fini, Ilinka ordonna à ses nouveaux lieutenants de se relever, ce qu'ils firent avec empressement. L'hybride s'avança alors, très droit, il dégaina son sabre, puis le tendit bien à plat sur ses paumes ouvertes à la jeune reine.
« Reine Ilinka, je vous fais aujourd'hui serment de vous servir et de vous protéger, jusqu'à mon dernier souffle, et vous offre ma vie en présent » dit-il d'un ton solennel en s'entaillant la paume droite jusqu'à l'os.
« Selk'ym, guerrier aux deux visages, j'accepte votre service et votre vie » répondit-elle selon la formule consacrée que son père lui avait apprise dans les contes de son enfance.
Enfin, Markus s'avança, et vint poser un genou à terre devant sa fille.
« Ilinka, noble reine, je ne peux vous prêter serment, car mon cœur appartiendra toujours à la cité d'Atlantis et à sa reine. Mais en ce jour solennel, je vous présente mes plus profonds respects pour votre futur règne. Puisse-t-il être long et fructueux. »
Le grand guerrier se releva alors, et il murmura si bas que seul sa fille l'entendit :
« Tu seras toujours ma petite reine. »
La jeune femme ravala une larme et répondit :
« Markus, guerrier d'Atlantis, j'accepte vos vœux. »
Elle se tourna alors lentement vers les deux femmes, qui n'avaient pas bougé.
« Nous sommes humaines, Ilinka, nous ne prêtons pas ce genre de serment. Mais tu auras toujours notre amour et notre soutien » lui dit doucement sa mère.
Les paroles de l'artiste brisèrent le charme. Les trois adolescents sortirent de leur transe atavique.
Tout le monde souhaita avec mille hourras un joyeux anniversaire à la jeune wraith, puis Ilinka put souffler les bougies de son gâteau qui – à défaut de la rassasier – la régala.
Plus tard, après une soirée de rires et de discussions, alors que Rosanna aidait sa fille à se déshabiller, les deux wraiths emmenèrent une fois encore Zen'kan et Rorkalym à part.
« Nous sommes désolés, nous ne pouvions pas vraiment mieux vous prévenir » s'excusa l'hybride.
« C'était quoi ? J'ai cru que j'allais mourir ! » s'exclama Zen.
« Nous appelons ça l'imprégnation. La plupart des alphas comme vous ou Markus s'imprègnent de leur reine avant leurs cents ans. Dix-sept ans, c'est vraiment jeune, mais c'était nécessaire. Lorsque vous serez dans Pégase, vous risquez de croiser d'autres reines, et si vous n'aviez pas été déjà imprégnés, vous auriez été à leur merci » expliqua Selk'ym.
« Mais concrètement, ça change quoi maintenant, à part qu'on a été ridicules ? » intervint Rory.
« A moins que vous n'ayez une force de caractère hors du commun, ce qui ne m'étonnerait pas, vous obéirez à Ilinka sans broncher ni remettre ses ordres en question, même si elle vous envoie à la mort. »
« Quoi?! »
« C'est pour ça qu'il était important que vous vous imprégniez d'Ilinka. Depuis que nous l'avons adoptée, nous l'avons élevée dans le but qu'elle soit une reine juste et bonne, dont vous n'aurez rien à craindre » expliqua Markus
« La plupart des reines sont des créatures mauvaises et égoïstes, qui ne voient en leurs wraiths que des pions remplaçables » précisa Selk'ym.
« Attends, papa, tu veux dire qu'on va devenir les serviteurs d'Ilinka ? » demanda Rory, indigné.
« Non, nous vous avons élevé, Milena et moi, pour que vous deveniez de grands guerriers, des leaders et de bons commandants. C'est sur vos épaules qu'elle se reposera, entre vos mains qu'elle déposera sa vie. Vous serez les seuls à la voir vraiment telle qu'elle est, avec ses faiblesses et ses défauts. Votre rôle sera bien sûr de transmettre et d'exécuter ses ordres, mais surtout, ce sera d'être là pour elle, de la soutenir et la conseiller en toute circonstance. Vous comprenez ? » expliqua l'hybride.
« Je crois » murmura Zen'kan, tandis que Rorkalym acquiesçait frénétiquement
« On va vous laisser en discuter entre vous, alors » déclara Selk'ym en se relevant.
« Papa, pourquoi tu t'es entaillé la main comme ça ? » demanda Rory.
L'hybride regarda la balafre qui couturait toujours sa peau, à moitié cicatrisée.
« C'est la formule rituelle pour prêter serment lorsqu'on a déjà servi une autre reine » expliqua-t-il sobrement.
« C'est hardcore ! » s'exclama Zen.
« Je l'ai aussi fait lorsque j'ai prêté serment au docteur Weir » ajouta Markus.
« Lui, il s'est aussi arraché la moitié de la peau du visage, avant de prêter serment » ajouta l'hybride avec une mine de dégoût amusé.
« Pour enlever mon tatouage ! » précisa le wraith.
« C'est juste trop hardcore » répéta l'adolescent, les yeux écarquillés d'horreur admirative.
« Lorsque vous aurez commencé à vous nourrir correctement, vous commencerez à régénérez : vous verrez alors, votre point de vue changera » ajouta l'hybride en riant.
Les deux wraiths souhaitèrent alors une bonne nuit aux deux adolescents.
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Une fois seuls dans leur cabine, Zen enleva ses bottes et se vautra sur sa couchette.
« C'était dément cette soirée. A ton avis, cette imprégnation, c'est un peu comme un mariage ? » demanda-t-il à son ami.
« Je ne sais pas, mais je ne pense pas. Regarde Markus, tu as entendu comment il parle d'Atlantis et de cette docteur Weir, ça se voit qu'il lui obéirait les yeux fermés, et pourtant regarde-le : il adore sa femme et sa fille. Je ne voudrais pas être le mec qui aurait la mauvaise idée de s'en prendre à l'une des deux... » réfléchit l'autre.
« Si quelqu'un s'en prend à Ilinka, je le tue... » murmura Zen.
« Ouais moi aussi, mais je crois pas que cela nous empêche de tomber amoureux. Regarde mon père, il vient de prêter serment à Ilinka, et pourtant, je sais que la seule chose dont il rêve, c'est de retrouver Drysse... » poursuivit Rory.
« C'est qui Drysse ? » demanda Zen, flairant le scoop.
« C'est sa compagne. Elle est humaine, mais un wraith a fait des expériences sur elle et depuis, elle guérit plus vite que les humains et semble aussi vieillir plus lentement. Elle est restée dans Pégase quand il est parti sur Terre pour s'occuper de moi. Tu te rends compte ? Seize ans sans voir la femme de ta vie... »
« Non, je me rends pas compte. Il est encore plus cool en wraith qu'en humain, ton père, en tout cas ! »
« Tu crois qu'on va se trouver des copines dans Pégase ? » demanda Rory.
« Peut-être, si elles sont aussi ouvertes que la mère d'Ilinka, parce que bon, avec nos tronches, c'est pas gagné avec les humaines. Et Maman m'a dit qu'il y avait environ une reine pour deux à trois mille wraiths... Alors pour en choper une... » répondit son ami.
« Galère... » grogna Rory en retirant aussi ses bottes.
