Après que Maugrey eut lâché Harry, Severus Rogue s'était levé d'un geste calme, mais peu rassurant pour Harry qui savait interpréter les mouvements et expressions de l'homme avec une précision que ce dernier trouverait redoutable.

Harry se leva en echo par réflexe. Il n'avait pas le droit en théorie de rester assis si son Maître ne l'était pas lui-même et il fut incapable de réprimer cette habitude. Il garda la tête et le regard tournés vers le sol en signe de soumission jusqu'à ce que le silence lui paraisse trop insoutenable pour demeurer ainsi. Alors qu'il relevait son attention en direction de la table, il fut choqué de voir tous les regards interdits qui le fixaient. Harry su qu'ils avaient sans doute compris à sa réaction qu'il ne mentait pas.

- C'est n'importe quoi, déclara le maître des potions avant de s'éloigner de la table d'un pas sec.

- Si cette marque vous appartient il vous suffit d'en reprendre possession, proposa Maugrey. On saura alors que c'est vrai.

Harry frémit. Alors quoi il allait être directement soumis à la volonté de cet homme sans que personne ne lui laisse quelques jours de répit ? Sans que personne ne s'inquiète de tout ce que cela impliquait ?

- Vous êtes cinglé, tempêta Rogue. Je ne tiens pas à m'occuper de Potter. Si je me lis à la marque, je deviens son Maître et lui mon disciple. Ce n'est pas quelque chose qu'on décide en deux secondes !

Harry recula machinalement d'un pas. Lorsque Severus Rogue montait ainsi le ton, il fallait mieux changer d'attitude dans la seconde.

- Vous scellerez à nouveau la marque juste après, répliqua sèchement Maugrey.

- Ce serait extrêmement douloureux pour Harry, coupa Lupin, affecté. Quel intérêt de faire ça ?

- Ça suffit ! proclama froidement monsieur Wesley.

Harry fut tant surpris par la réaction de l'homme d'ordinaire si gentil et doux qu'il releva la tête. Il put alors constater que tous les adultes s'étaient levés.

- Il est évident qu'Harry ne ment pas, ajouta le père de famille. Regardez-le.

Harry rougit.

- Dois-je rappeler à tout le monde ici qu'Harry nous a sauvé la vie ce soir. Il n'oppose pas la moindre résistance à nos questions par ailleurs. Il fait parti de notre famille.

Arthur Wesley avait un peu rougi lui aussi, comme Ron lorsqu'il était mal à l'aise. Harry lui accorda un sourire timide, mais emplit d'une reconnaissance infinie.

- Si je suis devenu votre Maître, Potter, et que je vous ai renvoyé ici, pourquoi ai-je seulement scellée cette marque ? J'aurais pu la faire disparaître avant de vous réexpédier.

Rogue fixa son élève avec hostilité et Harry demeura muet, acte qu'il n'aurait pas réalisé si facilement vingt-quatre heures plus tôt face au même regard noir.

- Je vous ai posé une question, siffla-t-il.

Il se rapprocha de la table et cela suffit amplement à Harry pour obéir. Il s'empêcha toutefois de contempler le sol.

- Parce que vous m'avez appris tout ce que vous saviez. Je sais tout ce qu'il y a à savoir sur Voldemort, son repère, ses méthodes. Je connais la magie noire également. Je suis désormais très doué en potions. Il y a les pouvoirs de Lyro aussi et la capacité à me transformer en renard. Vous avez... mon... mon Maître a estimé que je devais demeurer sous l'autorité d'un sorcier. Que cela serait trop dangereux de me laisser libre à l'heure actuelle.

Le nouveau silence qui envahit l'espace écorcha les oreilles du Survivant.

- Trop dangereux pour quoi ? interrogea Rogue.

Harry inspira profondément tout en se remémorant la douloureuse conversation qu'il avait pu avoir avec son maître.

- Parce que même avec cinq année de plus, mon Maître pense que... que je reste trop immature, trop porté par mes émotions et pas assez réfléchi. À ces yeux je suis... il disait que je suis une machine à bêtises.

Mal à l'aise, Harry détourna quelques instants le regard, mais Rogue poursuivit son interrogatoire sans prendre cas de la gêne du jeune sorcier.

- Pourquoi je l'ai scellée ? Elle m'aurait répondu exactement comme si j'étais lui.

- Parce que mon Maître pensait que vous ne seriez pas... forcément d'accord pour me prendre comme disciple.

En vrai, il avait dit "prêt", mais Harry n'était pas certain que le professeur Rogue ici présent ne prenne pas l'adjectif comme une offense.

- Foutaises tout ça, commenta Maugrey.

Harry, qui semblait retrouver un peu de sa confiance en lui d'une part et qui considérait cet homme comme de plus en plus antipathique d'autre part, se tourna sèchement vers lui.

- Le professeur ici présent ne connaît qu'Harry Potter son élève qu'il ne supporte pas, précisa Harry. Mon Maître était différent. Il avait dix ans de plus, vivait dans un monde dévasté et avait été torturé durant des années par Voldemort. Nous nous sommes retrouvés lui et moi seuls pendant cinq années. Le contexte et l'histoire étaient différents, il n'y avait que nous.

Harry repris son souffle, pris à revers par un vertige tant il venait de se sentir audacieux.

- Monsieur, expira-t-il pour la forme.

- Tu as dit cinq années de plus ? Tu as passé cinq ans là bas ? s'enquit Hermione.

Harry se tourna vers elle et fut surpris de lire sur son visage de la tristesse.

- Oui... Pour moi, je suis parti pendant cinq ans, confirma-t-il.

- C'est vrai que tu parais peut-être... un peu plus âgé, intervint Ginny avant de se mordiller le doigt.

- Bon, souffla Remus Lupin en se pinçant l'arête du nez. Il est extrêmement tard.

- Ou extrêmement tôt, ajouta Tonks avec une légèreté qui détonnait complètement avec la situation.

- Nous devons tous dormir quelques heures et essayer de récupérer après cette journée et nuit abominables, poursuivit Lupin. Arthur, vous voulez bien avec Molly installer les lits de camps, surtout pour les enfants ? Ils ont été assez éprouvés.

Les parents Wesley s'exécutèrent sans discuter. Harry n'osa pas bouger alors que Fred lança avec humour à sa mère qu'il n'avait pas son pyjama et que dormir nu devant tout ce monde là le dérangeait quelque peu.

Ron s'approcha de Harry et ancra un moment son regard dans le sien avant de le serrer dans ses bras. Harry lui rendit son étreinte tout en ravalant l'envie de pleurer qui lui talonnait l'esprit.

- Je suis désolé, souffla Ron au plus bas. Tu n'es plus seul maintenant.

Une dizaine de minutes plus tard, Fred, Georges, Ginny et Hermione avait leur couchette. Tonks s'était laissée choir dans le canapé et madame Wesley dans le vieux fauteuil juste à côté. Elle bailla sans retenue et Harry avisa le petit groupe quelques instants. Ils avaient l'air exténués.

- Harry, tu peux aller dormir un peu aussi, lui suggéra Lupin en posant sa main sur son épaule.

Il lui désigna la dernière couchette sur laquelle le jeune homme ne se sentait pas forcément de s'installer. Tout le monde n'avait pas de place pour dormir et il était sûrement le dernier dans cette pièce à mérité du confort.

- Je peux dormir par terre si quelqu'un en a besoin, monsieur, bredouilla-t-il.

Mais Lupin n'eut pas le temps de réagir que Maugrey leva un doigt d'ores et déjà vindicatif vers Harry.

- On a des tas de choses à voir avec lui avant de lui faire confiance, décréta-t-il.

- On a dit qu'il était temps de se reposer, rappela Tonks sans ouvrir les yeux du canapé. Il ne va pas nous sauter dessus.

Harry pinça les lèvres.

Merci pour le vote de confiance, songea le concerné.

- Il a disparu pendant un an et du peu qu'on a entendu, il n'y a rien de rassurant dans toute son histoire. Il prétend avoir carrément voyagé dans le futur ! Il n'y a que moi que ça choque au plus haut point ? s'emporta Maugrey.

- Alors quoi on le maintient éveillé toute la nuit ? se moqua Lupin en écarquillant les yeux. Dans quel but ?

- S'il le faut, oui, aboya Maugrey. On a tous été piégé par Voldemort il y moins des vingt-quatre heures. Je ne suis pas prêt à sauter une deuxième fois dans le panneau.

- Alastor, souffla Lupin, visiblement à deux doigts de perdre patience. Il est venu nous sauver.

- C'est Harry, intervint brusquement Ron en écarquillant les yeux et les bras, soulignant l'évidence.

Arthur Wesley fit signe à son fils de s'allonger sans se préoccuper de tout ça. Hermione et Ginny semblaient déjà endormies. Harry remercia silencieusement son meilleur ami pour son intervention. Son Maître l'avait prévenu que son retour serait très compliqué, mais il ne s'était pas attendu à ça pour autant.

- Et pour ça, je n'avais rien prévu ?

Harry releva brusquement la tête vers Severus Rogue qui le fixait avec une sévérité que son élève connaissait par coeur. Il mit deux ou trois secondes à comprendre la remarque du sorcier, ou plutôt il eut du mal à encaisser le constat de voir que ce Rogue ci n'était pas si éloigné de son Maître.

Évidemment que son Maître avait prévu le nécessaire pour que les sorciers ici présents puissent le maîtriser comme ils l'entendaient. Son Maître avait été clair, ses derniers ordres avaient été quant à eux formels : son discipline devait rester disciple et il devait être éduqué.

Mais Harry aurait donné n'importe quoi pour ne pas avoir à répondre à la question de l'homme. Ses yeux s'humidifièrent alors qu'une pointe d'angoisse noya sa poitrine.

- Cela répond à ma question, je présume, assura Rogue, pas un brin adouci par la détresse du jeune sorcier.

D'un geste tremblant, Harry tira de l'arrière de son pantalon un collier et le tendit avec hésitation à Lupin. Le remettre à ce Rogue était émotionnellement trop violent pour lui. L'ancien professeur de Poudlard saisit le collier. Il était simple, en cuire noir, avec un système d'attache semblable à celui d'une ceinture, bien qu'il n'y avait qu'un seul cran d'attache.

- Il y a de la magie noire, commenta-t-il en tournant le collier entre ses mains.

- Si je le porte, je ne peux pas me transformer en Lyro ni user de ses pouvoirs, monsieur.

Lupin se figea un instant. Harry pensa qu'il venait sans doute de comprendre ce qu'il allait devoir faire. Il observa un moment l'objet, l'air soucieux avant de décréter.

- Effectivement c'est un collier qui empêcherait n'importe qui de prendre sa forme Animagus, conclut-il. Néanmoins la magie qui l'entour est plus puissante.

Harry haussa les épaules pour feindre l'indifférence, mais ses lèvres tremblantes trahissaient son état.

- Lyro est puissant. Mon Maître l'a adapté.

- Harry..., souffla-t-il avec affection. Je ne vais pas te mettre un collier autour du cou, je...

Il secoua la tête, mal à l'aise. Quelques exclamations offensées fusèrent derrière mais les adultes firent taire les plus jeunes qui comprirent que dans cette situation, leurs avis n'avait pas d'importance.

- Mettez-lui, Lupin, ordonna Maugrey. Tant qu'on est pas tous en lieu sûr, cela ne peut être que plus intelligent.

- Je vote également pour, murmura Rogue avec froideur.

Ce fut sans doute le plus difficile à encaisser pour Harry. Arthur Wesley et Lupin échangèrent un regard, l'un comme l'autre à la recherche silencieuse d'une solution. Molly et Tonks observaient la scène d'un air affecté, mais aucune des deux de prononça une parole.

- Mettez-le moi, chuchota Harry, les joues rosies et les larmes au bord des yeux. J'y suis habitué, ce n'est pas la première fois, je vous assure.

Il se força à sourire à son ancien professeur qui, lui, semblait interdit, presque choqué. Quelques secondes s'égrenèrent, puis Lupin défit la boucle du collier. Harry refoula ses larmes aussi loin que possible. Il haïssait ce collier pour tout ce qu'il représentait, pour l'humiliation que le porter lui procurait, mais aussi pour son action sur lui. La connexion qu'il entretenait avec Lyro allait être brutalement rompue. Ce n'était en rien douloureux physiquement, mais émotionnellement, c'était autre chose. Harry allait ressentir le manque de son renard et il n'aurait aucun répit jusqu'à ce qu'on lui ôte le collier.

Lupin s'approcha et Harry baissa les yeux tout en demeurant parfaitement immobile.

- Je suis désolé, Harry, assura-t-il. Je te promets que je te l'enlèverai moi-même au plus vite.

- Ne vous en faites pas, monsieur, répliqua-t-il d'une voix tout juste audible.

Lupin frotta l'épaule du jeune sorcier avec une douceur qui trancha bizarrement avec l'effet immédiat qu'Harry ressentit à la mise en sourdine complète de son renard.

Il était désormais totalement seul.

- Et si tu tentes de l'enlever ? interrogea Maugrey, peut-être un tout petit peu moins agressif.

- Je ne peux pas l'ôter de moi-même, assura Harry.

Maugrey le fixa en écarquillant les yeux jusqu'à ce qu'Harry comprenne où il voulait en venir.

- Si je défais la boucle, elle se referme et se resserre pendant un moment en signe d'avertissement, précisa-t-il dans l'espoir de s'épargner la démonstration.

Maugrey ne bougea pas d'un cil ce que Harry trouva particulièrement cruel. Il ne comprenait pas que ce sorcier puisse être aussi suspicieux. Il ne disait que la vérité depuis son retour !

Peiné, Harry posa ses mains sur le collier et défis la boucle sans tergiverser ni poser la moindre question.

- Harry, non, tenta Arthur Wesley, mais c'était trop tard.

D'un geste sec, le collier se referma et se serra autour de sa gorge. Privé d'air, Harry plaqua ses mains sur sa gorge et finit par poser un genou à terre. Il s'efforça à mettre la panique de côté au plus vite et respira tout doucement. Le collier se resserrait de telle sorte que respirer devenait un effort trop important pour que son porteur puisse ne fusse que bouger. Remus Lupin s'accroupit près de lui et l'observa avec attention. Au bout d'une minute, la pression se desserra davantage et Harry put donner l'illusion que la punition était terminée. Pourtant, il savait que le collier resterait plus serré que nécessaire pendant une bonne heure encore.

- Parfait, conclut Maugrey.

- Ça suffit, siffla Lupin, furieux.

Les deux sorciers se fusillèrent du regard alors que Lupin aidait Harry à se redresser.

- Et si tu tentes de te transformer, il se passe quoi ? ajouta Maugrey, presque avec provocation.

Pour le coup, Harry fut incapable de cacher sa panique. Il recula de deux pas en secouant la tête.

- Je vais recevoir un Doloris, gémit-il. Je vous en prie, je n'ai rien fait de mal depuis que je suis là, je... Je peux partir si vous préférez ?

La poitrine du Survivant se souleva à l'image de sa respiration encore difficile à récupérer et de la panique qui grondait en lui. Sans doute n'aurait-il pas dû être aussi effrayé, après tout, son Maître l'avait châtié avec sévérité des centaines de fois au moins en cinq ans, mais son absence lui sembla subitement effrayante. Il était seul et face à des sorciers dont il ne connaissait ni ne comprenait les réactions. Il songea à s'agenouiller afin de témoigner de sa docilité, mais se ravisa en pensant bêtement à Ron. Il ne voulait pas renvoyer à son meilleur ami une image de lui à quatre pattes à la moindre rebuffade.

À sa grande surprise, le professeur Lupin se positionna devant Harry et tendit son bras sur le côté à l'image d'une barrière symbolique.

- Cela suffit maintenant, ordonna-t-il en direction de Rogue et Maugrey. Il est hors de question de torturer cet enfant, est-ce que c'est clair ?

Personne ne répondit et le coeur d'Harry battait si fort, si violemment qu'il était convaincu que tout le monde devait l'entendre. L'instant d'après, Remus Lupin se tourna vers son ancien élève et l'invita à aller s'allonger sur le lit de camp et à y reprendre des forces.

- Je veille sur toi, précisa-t-il à la dernière seconde.