Hello ! Joyeux réveillon de Noël ! Cette histoire a été écrite dans le cadre du secret santa de MHA pour Zodiaaque ! Ta fiche m'a bien inspirée. Cette fic aura 3 ou 4 chapitres en tout. Je vais tout faire pour poster la suite rapidement ! J'espère, en tout cas, que tu aimeras ! :)
Attention, ce texte est classé M pour smut, mentions de drogues et d'addiction (uniquement dans le passé) et relation toxique (uniquement dans le passé, également !)
Un tout grand merci, Moira-chan, pour ta bêta express ! Merci de m'avoir soutenue jusqu'au bout et d'avoir supporté mes doutes :p Merci aussi, ainsi qu'à Hatsukoi-san, pour l'organisation de ce si bel event !
Le titre du chapitre est inspiré de la chanson Rolling in the deep d'Adele.
Je vous souhaite une bonne lecture !
Chapitre 1
Nous aurions pu tout avoir
Natsuo regarda autour de lui, admirant son salon. Il venait de vider la toute dernière caisse. C'était bon. Il était officiellement installé dans son nouvel appartement. Il avait son propre chez-lui. Il sourit, juste heureux d'en être arrivé là. D'avoir enfin un boulot stable en tant qu'infirmier, de pouvoir subvenir à ses besoins. Il tourna ensuite son regard son petit ami qui ne semblait pas du tout concerné par sa joie. Tenko était, en effet, occupé à se battre avec les câbles pour pouvoir brancher sa console de jeux. Natsuo fut amusé par son comportement. Il s'assit alors sur le divan et attendit qu'il ait terminé. Mais quand ce fut fait, Tenko voulut directement lancer une partie. Natsuo se racla la gorge.
« Tenko, tu n'oublierais pas quelque chose ? »
Tenko fit la moue. Il était plus qu'évident qu'il n'oubliait rien du tout, mais qu'il n'avait plutôt pas envie d'en parler. Cela faisait pourtant plusieurs semaines qu'ils avaient décidé de faire une pendaison de crémaillère. Et, d'un commun accord, ils avaient choisi de finaliser les détails une fois qu'ils auraient terminé leur déménagement. C'était à dire maintenant, donc. Mais Tenko était mal à l'aise. Il n'avait jamais été doué pour ce genre de discussion. Sentant le regard de Natsuo sur lui, il se mit d'ailleurs à se gratter le cou. Une habitude qu'il avait malheureusement du mal à perdre malgré toutes les tentatives de Natsuo pour l'aider. Avec le temps, ce dernier avait fini par comprendre qu'il ne devait pas lui en parler ou essayer de bloquer son bras quand ça arrivait. Non, au contraire, il devait plutôt faire semblant de rien et essayer de le distraire, jusqu'à ce qu'il arrête de lui-même.
« Bon, commença-t-il d'une voix enjouée. Tu verras, ça va aller vite ! Commençons par le plus simple ! Qui veux-tu inviter ?
—Pas mon père, grogna aussitôt Tenko.
—Le mien ne viendra pas non plus. Comme ça, pas de jaloux. »
Natsuo laissa échapper un léger ricanement. D'accord, en soi, ça n'avait rien de drôle. Pourtant, il préférait largement en rire. Tenko et lui n'avaient jamais eu de bonnes relations avec leur cher paternel. Et la compréhension d'avoir un père merdique les avait pas mal rapprochés.
« Et les autres ? » le relança Natsuo.
Tenko se mit à réfléchir. Sans même qu'il ne s'en rende compte, il délaissa son cou, reposant sa main sur ses genoux.
« Hana, pas le choix, finit-il par grogner. Si on ne l'invite pas, elle va faire toute une histoire.
—C'est vrai, approuva Natsuo. De mon côté, je vais inviter Touya, Fuyumi et Shoto. »
—Ouais, souffla Tenko, mais faudra dire à Touya de ne pas se ramener avec son dernier plan cul en date ! »
Natsuo grimaça à cette phrase. Il se souvenait encore parfaitement de sa fête d'anniversaire d'il y a deux ans. Touya s'était ramené avec son mec de passage, un certain Katsuki. Natsuo ne savait pas ce qui avait été le pire : que ce soit l'un des amis de Shoto, que ce mec ait le pire caractère qu'il n'ait jamais vu au monde ou que Touya, ivre, lui ait raconté en détails leur dernière partie de jambes en l'air qui avait été assez... explosive. Ce jour-là, Natsuo en avait bien plus appris sur les goûts de son frère ainé qu'il ne l'aurait souhaité. Enfin, au moins, Katsuki n'était pas resté longtemps dans sa vie. Peut-être un ou deux mois. Touya se lassait tellement vite depuis- Natsuo inspira profondément.
« Je le lui dirai, confirma-t-il alors. Même si je ne sais pas s'il a quelqu'un en ce moment.
—Il a quelqu'un, grogna Tenko. Et crois-moi, tu ne veux pas savoir qui c'est ! »
Tenko était de mauvaise humeur rien qu'en en parlant. Natsuo se doutait qu'il avait déjà dû se disputer avec Touya à ce sujet. Même si Tenko jouait toujours les insensibles, il tenait beaucoup à ses amis. Natsuo préféra alors ne pas poser trop de questions. Même s'il s'inquiétait pour son frère, il ne voulait pas que Tenko se sente obligé de lui révéler quoi que ce soit. Si c'était véritablement dangereux, il savait qu'il le tiendrait au courant, de toute manière.
« Très bien, reprit-il. Alors, on invite nos mères bien entendu et leurs nouveaux compagnons ? »
Tenko hocha la tête.
« Ok. Et puis, de mon côté, je voudrais inviter mes amis de la fac. Ça te va ?
—Ouais, ouais, c'est bon.
—Et toi ? le relança gentiment Natsuo.
—Pff on peut inviter Jin, Toga, Shuichi et Atsuhiro. »
Natsuo acquiesça. Il aimait bien les amis de Tenko. Au plus il y pensait, au plus il avait hâte d'y être ! Il avait attendu si longtemps de pouvoir construire sa vie avec Tenko. Ils avaient envie – ou plutôt Natsuo avait très envie et Tenko voulait lui faire plaisir – de faire une soirée avec tous leurs proches pour fêter ça dignement.
Mais alors que Natsuo réfléchissait à la suite de l'organisation, il vit Tenko recommencer à se gratter. Ça, c'était le signe que quelque chose le tracassait. D'habitude, une fois distrait, il ne recommençait pas à se blesser. Natsuo fronça légèrement les sourcils.
« Tu penses à quelque chose en particulier ? lui demanda-t-il alors.
—Ouais, souffla Tenko. C'est juste que... Il est revenu. »
Il était revenu ? Comment ça ?
« Alors là, il va falloir que tu sois plus précis, rigola Natsuo. Qui est revenu au juste ?
—Keigo ! Cet imbécile de Keigo a fini sa mission ! Il est dans le coin pour les six prochains mois ! »
Oh... Natsuo comprenait maintenant la raison de son agitation. Keigo était un sujet... compliqué. Pendant très longtemps, Natsuo et Tenko avaient été amis avec Keigo. Ils s'étaient même super bien entendus. Mais ça remontait à l'époque où Keigo sortait avec Touya. Ils avaient formé un couple solide tous les deux. Et Natsuo avait été si soulagé que son frère soit enfin avec quelqu'un de bien qui le traitait correctement. Avec Keigo, il avait cru que son frère serait définitivement tiré de ses sales affaires. Mais il avait parlé trop vite. Keigo et Touya s'étaient séparés quatre ans auparavant. Et depuis, si Tenko traînait encore avec lui de temps en temps, Natsuo préférait l'éviter. Il ne voulait pas trahir Touya et, en plus... Il devait bien avouer qu'il en voulait à Keigo. Il savait que c'était stupide, que Keigo avait eu raison de partir. Mais ça ne l'empêchait pas de lui en vouloir quand même.
« Tu veux qu'il vienne ? » demanda Natsuo d'une voix incertaine.
Tenko haussa les épaules. Il faisait comme si ça n'avait pas d'importance, mais Natsuo le connaissait bien, à présent. Si Tenko avait pris la peine de lui en parler, c'était qu'il voulait qu'il vienne. Eh bien... en soit, Natsuo pourrait bien faire cet effort pour son petit ami. Mais Touya serait également présent. Et ça, ça l'embêtait beaucoup plus.
« Réunir Keigo et Touya sous le même toit... Je ne suis pas persuadé que ce soit une bonne idée.
—Ouais, sans doute, souffla Tenko. Mais c'est pas très juste !
—Comment ça ?
—C'est Touya qui a foutu la merde et c'est Keigo qui devrait perdre tous ses amis ?! »
Natsuo garda le silence un instant. Il savait que c'était la vérité, mais... mais... ce n'était pas simple, malgré tout.
« Tu crois que Keigo accepterait de venir même si Touya est là ?
—P't-être, marmonna Tenko. Faut que je lui demande.
—... D'accord, faisons ça alors, céda Natsuo. Tu lui demandes et moi, j'irai parler à Touya de mon côté. Et selon leur réponse, on prend une décision. Ça te va ? »
À nouveau, Tenko haussa les épaules et marmonna un c'est comme tu veux. Mais Natsuo savait que ça lui faisait plaisir qu'il laisse la porte ouverte. Il sourit alors avec douceur. Allez, il pouvait bien faire ça pour lui. Même si la perspective de parler de Keigo à Touya ne l'enthousiasmait absolument pas. Depuis quatre ans, Natsuo faisait même tout pour éviter le sujet.
Mais alors qu'il tenta de continuer la conversation en parlant des autres aspects à organiser, un coin de son esprit restait focalisé sur son grand-frère. Il espérait de tout coeur que cette histoire ne le ferait quand même pas disjoncter à nouveau. Il allait falloir qu'il se montre prudent. En attendant... Il espérait que son frère ne faisait pas n'importe quoi...
Mais, comme toujours, Touya n'en faisait qu'à sa tête. À plusieurs kilomètres de là, dans un bel appartement en plein centre-ville, Touya ne pensait plus à rien. La personne avec qui il était se chargeait à merveille de tout lui faire oublier. Touya laissa alors échapper un long gémissement. Les yeux fermés, il agrippa avec force les épaules de l'homme assis en dessous de lui. Il accéléra ses va-et-vient, haletant de plus en plus. Ses cheveux lui collaient au front. La sueur coula lentement le long de son dos. Ah… ça faisait si longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi bien. La douleur se mêlait au plaisir, le faisant complètement vriller. De larges mains enserraient ses hanches, guidant ses mouvements. Touya adorait ça. Il pouvait sentir la force de l'autre homme. Il aimait se laisser complètement manipuler par lui. Son souffle devint plus court. L'une de ses mains vint se glisser dans la chevelure de son amant. Il serra ses cheveux avec force. La prise sur ses hanches se resserra aussitôt. La cadence se fit encore plus rapide. Touya rejeta sa tête en arrière. Un petit cri de plaisir quitta sa gorge. Il était si proche, si proche. Son autre main quitta, à son tour, les épaules de l'homme pour venir se poser sur son propre sexe. Touya l'enserra de ses doigts. Oui, c'était si bon. Il ne tiendrait plus très longtemps. Il sentait tout son corps s'embraser. L'autre homme gémit, le faisant frissonner. Comme ça ! Juste comme ça, c'était parfait !
À son grand regret, cependant, son amant finit par s'immobiliser au fond de lui quelques instants plus tard. Heureusement, ses mains quittèrent ses hanches et vinrent se poser sur ses doigts pour prendre leur place. Touya gémit doucement sous les caresses qu'il commença à lui prodiguer. Son amant savait si bien s'y prendre. Il connaissait à la perfection ses envies et ses points faibles. Le plaisir l'enivrait. Touya ne mit pas longtemps à jouir, à son tour. Il respira alors fortement. Ça avait été si intense. Il se sentit planer un moment. Et cette sensation le fit presque vaciller. Puis, lentement, il redescendit sur terre. La sensation était passée. Il se releva alors, les jambes un peu flageolantes. Il jeta ensuite un regard narquois à l'autre homme qui enleva le préservatif et se nettoya rapidement le ventre.
« Eh bien, professeur, se moqua Touya. Que dirait votre supérieur s'il vous voyait comme ça, hmm ? »
L'homme ne lui répondit pas. À la place, il se leva et s'approcha de Touya. Il n'était pas très impressionnant, honnêtement. Pourtant, Touya aimait l'autorité naturelle qui se dégageait de lui. Touya n'avait jamais eu beaucoup de respect pour ses professeurs, encore moins pour ceux de cette université. Mais Giran était différent. Il n'était pas propre sur lui, il ne s'était jamais placé bien au-dessus de ses élèves. Touya l'avait tout de suite deviné lors de son premier cours avec lui. Si Giran parlait aussi bien des criminels, c'était parce qu'il en était un lui-même. Il connaissait parfaitement la loi pour pouvoir au mieux jouer avec elle. Et ça, c'était très excitant.
« Il dirait sûrement que j'ai de la chance », répondit Giran d'une voix tranquille.
Ils savaient tous les deux que c'était faux, mais Touya sourit à cette réponse. Loin d'être gêné par sa nudité, il se contenta ensuite d'observer Giran qui lui remettait ses vêtements.
« Tu ne m'invites pas à prendre une douche avec toi, cette fois ? demanda Touya avec un léger rire.
—J'ai une réunion dans quelques minutes, chaton. Mais tu peux utiliser la salle de bain. Claque juste la porte d'entrée en sortant. »
Giran passa une main affectueuse dans ses cheveux noirs, avant de s'en aller, tout simplement. Tant pis... Ça n'avait pas vraiment d'importance. Touya décida de prendre une douche sans lui. Il prit son temps, savourant l'effet de l'eau chaude sur sa peau. Puis, il se rhabilla et quitta l'appartement de Giran. Il sortit de l'immeuble et rentra directement chez lui. Il se sentait bien, à présent. Ou, en tout cas, il se sentait mieux qu'en arrivant chez son professeur. Il était enfin détendu et, pendant presqu'une heure, il avait réussi à ne penser à rien. Il s'était juste perdu dans sa relation avec Giran. Et c'était tout ce dont il avait eu besoin sur le moment même.
Oh, bien sûr, ça n'avait rien de sérieux entre eux deux. Giran avait été très clair là-dessus. De toute façon, Touya ne cherchait pas de relation sérieuse. Il voulait juste s'amuser, s'anesthésier. Et, avec Giran, ça avait toujours été sans prise de tête. Dire que c'était pourtant son professeur. Touya sourit à cette pensée. En dehors de Tenko, personne n'était au courant qu'il se tapait l'un de ses profs d'unif et c'était mieux comme ça. Touya savait d'avance que personne n'approuverait. Natsuo penserait sûrement que c'était encore l'un de ses comportements destructeurs et Fuyumi serait peut-être déçue de voir qu'il ne prenait pas ses études au sérieux. Même si elle se tromperait.
Touya avait repris ses études de criminologie depuis quelques mois, à présent, et il faisait de son mieux pour suivre ses cours. Il avait droit à une seconde chance et il ne voulait pas tout faire foirer. Il n'avait pas prévu d'être irrémédiablement attiré par l'un de ses professeurs. Mais où était le mal, dans le fond ? Touya avait besoin de ça, besoin d'une distraction, besoin de se perdre dans quelque chose. Et une relation interdite était bien mieux que... bien mieux que tout ce qu'il avait pris auparavant pour réussir à se perdre. Surtout que Giran savait s'y prendre avec ses étudiants.
Sur cette pensée qui le fit sourire, Touya ouvrit la porte de son studio. Après avoir retiré sa veste et ses chaussures, il se dirigea vers le salon. Son regard tomba assez vite sur le téléphone posé sur la table, qu'il avait complètement oublié en partant. Visiblement, il avait eu l'esprit plus embrumé qu'il ne le pensait. Il l'attrapa alors et vit qu'il avait un message de Natsuo. Ce dernier voulait absolument le voir. Touya jeta un coup d'oeil à l'horloge. Il répondit ensuite à son frère qu'il pouvait passer d'ici une heure, s'il le voulait. Lorsque Natsuo répondit par l'affirmatif, Touya regarda autour de lui. Tout était en désordre total. La vaisselle sale s'accumulait dans l'évier et sur le plan de travail depuis une bonne semaine au moins. Et ses affaires de cours traînaient dans tous les recoins possibles. Ok, il était bon pour faire un peu de rangement, là. Il décida de s'y mettre au plus vite, histoire de ne pas donner une trop mauvaise impression à son frère.
Il avait presque fini lorsque Natsuo sonna à la porte, une heure plus tard. Ce n'était pas parfait, mais Touya était quand même satisfait du résultat. Il alla alors lui ouvrir. Il le laissa s'installer sur le divan, tandis qu'il préparait du thé. Une fois qu'il fut prêt, il les servit tous les deux. Honnêtement, il n'aurait pas dit non à une boisson plus forte, mais il préférait ne plus trop boire d'alcool ces derniers temps.
« Alors, lança Touya. Pourquoi tu voulais me voir ? »
Il remarqua à ce moment-là que son frère semblait nerveux. C'était étrange... Touya sentit le stress l'envahir. Il n'aimait pas quand Natsuo était comme ça. Il se mit à appréhender ce qu'il voulait lui dire. Natsuo, quant à lui, but une longue gorgée de son thé pour se donner un peu de courage.
« Tu te souviens de la pendaison de crémaillère dont je t'ai parlé ? On fera ça ce samedi », se lança-t-il ensuite.
Touya cligna des yeux. Oh... C'était de ça dont il voulait lui parler ? Aussitôt, il se sentit bien mieux.
« Ouais, d'accord, souffla-t-il alors, amusé. Ça va être d'enfer. »
Il leva les yeux au ciel, clairement moqueur.
« Je vois trop Tenko en organisateur de fête. Il doit être ravi.
—Peu importe, rétorqua Natsuo. Ce n'est pas de ça dont je veux te parler.
—Ok, ok. Je t'écoute. »
Touya sentit l'angoisse le reprendre. Il n'arrivait pas à voir où il voulait en venir et ça l'inquiétait. Ces dernières années, il avait eu tant de conversations difficiles avec Natsuo qu'il en venait à avoir peur de chaque discussion sérieuse que son frère lançait. En face de lui, Natsuo soupira.
« Bien. Tu es invité.
—C'est trop d'honneur, se moqua Touya qui était de plus en plus tendu.
—Mais tu viens seul, continua Natsuo comme s'il n'avait pas été coupé. Pas question que tu nous ramènes ton dernier mec.
—Ça va, je ne comptais pas venir avec lui de toute façon. C'est tout ? Franchement, c'était pas la peine de faire une telle tête !
—Non, ce n'est pas tout, avoua Natsuo. Tenko... euh Tenko et moi, on aimerait bien inviter quelqu'un d'autre.
—Oui, je me doute qu'on ne sera pas que tous les trois.
—On veut inviter Keigo. »
Touya se figea dès qu'il entendait sa phrase. Son coeur rata un battement. Keigo... Keigo... Entendre ce prénom était suffisant pour lui faire perdre pied. Surtout qu'il ne s'y attendait pas du tout. Sa respiration se bloqua dans sa gorge. Tout devenait flou. Il ne comprenait pas. Pourquoi son frère lui parlait-il de Keigo ? Il était invité ? Il allait venir chez Natsuo et Tenko ? Touya ne savait même pas qu'il était de retour dans le pays. Tout s'embrouilla dans son esprit. Il avait tellement de mal à y croire. Pour lui, Keigo était loin. Si loin d'ici. Il avait même cru que Keigo ne reviendrait jamais...
« Il va venir... vraiment ? »
Son ton était presque timide et Natsuo s'en voulut immédiatement. Il aurait dû suivre son premier instinct et ne pas en parler à Touya. Cette histoire ne pouvait que mal se terminer. Il n'aimait pas du tout la lueur d'espoir qu'il pouvait maintenant apercevoir dans le regard de son frère ainé.
« Il n'y a rien de sûr, répondit-il alors avec prudence. Tenko doit encore lui parler. Mais... Disons que c'est une possibilité. Et je voulais savoir... enfin, tu sais... si ça ne te poserait pas de problème. »
Lui poser un problème ? Touya secoua aussitôt la tête. Jamais ça ne lui en poserait un !
« Non ! Ça ne me dérange pas du tout ! »
Son ton était précipité. Son coeur s'était mis à rebattre avec force dans sa poitrine. Si Keigo revenait... Non, Touya n'allait certainement pas laisser échapper l'unique chance qu'il aurait peut-être de le revoir. Mais il avait tellement de mal à réaliser que c'était vrai.
« Je ne savais pas qu'il était rentré, souffla-t-il. Il va bien ?
—Je ne sais pas, répondit Natsuo. Je ne suis pas resté en contact avec lui. »
Touya hocha vaguement la tête. Bien, tant pis, il aurait la réponse bien assez vite de toute façon. Lorsqu'il le reverrait enfin. À ce moment-là, il pourrait...
« Touya, murmura Natsuo, ne t'emballe pas trop, d'accord ? Ce n'est vraiment pas sûr qu'il vienne. Il pourrait dire non. »
Touya leva les yeux vers lui. Evidemment. Comment avait-il pu être aussi stupide ? Tenko allait l'inviter, mais rien ne garantissait que Keigo accepterait. Keigo n'avait sûrement aucune envie de le revoir. Mais s'il ne venait pas à cause de lui... Le coeur de Touya se serra. C'était stupide. Ça faisait presque quatre ans, maintenant. Quatre ans que Keigo l'avait quitté. Il ne devrait plus être affecté par ça.
« Je comprends, répondit lentement Touya. Quand est-ce que Tenko va lui parler ?
—Bientôt... Je te tiendrai au courant, d'accord ? »
Touya acquiesça. Il but un peu de son thé, tâchant de paraître normal, mais le tremblement de ses mains le trahissait. Il pouvait lire l'inquiétude dans le regard de Natsuo. Bien sûr, son frère avait été aux premières loges lors de sa déchéance. Il connaissait ses côtés les plus sombres, bien plus que Fuyumi ou Shoto.
« Ça va aller ? lui demanda-t-il d'ailleurs. Si tu ne le sens pas, on n'est pas obligés de l'inviter. C'était une mauvaise idée de toute façon !
—Non ! répondit aussitôt Touya. Je t'assure... Ça va aller. Je te le promets.
—Ce ne sera pas trop difficile pour toi ?
—Non. Je ne dis pas que ce sera simple, mais je peux le gérer, assura-t-il.
—Et si tu sentais que ce n'était pas le cas, tu me le dirais ? »
Touya hocha doucement la tête. Natsuo le regarda un peu sceptique, mais finit par acquiescer. Que pouvait-il faire d'autre, de toute façon ? Touya, quant à lui, se sentait de plus en plus fébrile. Il avait besoin de penser à autre chose. Son cerveau partait déjà dans tous les sens. Il fallait absolument qu'il reste les pieds sur terre. Au moins devant son frère.
« Alors, comment ça se passe la cohabitation avec Tenko ? demanda-t-il pour tenter de se distraire. Tu ne regrettes toujours pas ton choix ?
—Bien sûr que non, répliqua Natsuo. Tenko est gentil, il suffit de savoir lui parler. Ce que tu n'as jamais su faire. »
Natsuo lui lança un regard moqueur. Touya sourit, amusé, même si le cœur n'y était pas vraiment. Ah ça... Tenko et lui étaient amis depuis des années et pourtant, ils ne cessaient de se disputer. Touya se demandait vraiment comment Natsuo faisait pour le supporter. Mais, même s'il ne l'avouerait jamais à haute voix, il était content qu'ils se soient installés ensemble. Ils se complétaient bien et puis... et puis, Natsuo avait enfin quelqu'un sur qui il pouvait se reposer. Ça aurait dû être son rôle. Il aurait dû prendre soin de Natsuo, en tant que grand frère. Il aurait dû être tellement plus pour lui. Mais, au final, les rôles s'étaient inversés. C'était Natsuo qui avait pris soin de lui tant de fois. Trop de fois. Mais c'était fini maintenant.
« Ne le laisse quand même pas s'occuper de l'organisation de la fête, conseilla Touya. Sinon, ça va finir en catastrophe. »
Natsuo aurait aimé pouvoir le contredire pour défendre son petit ami, mais... sur ce coup-là, il devait bien reconnaître qu'il était d'accord avec son frère. Tenko n'était pas doué pour l'organisation. S'il devait s'en occuper, il ferait tout à l'arrache et... ça ne ressemblerait à rien du tout.
« T'inquiète, je gère, sourit alors Natsuo.
—Je n'en doute pas. »
Touya lui sourit avec douceur. Puis, voyant que la conversation s'essoufflait, il le relança sur son travail. Il avait besoin d'entendre la voix de Natsuo, de parler de n'importe quoi. Tout, plutôt que le silence qui allait irrémédiablement l'attirer dans ses sombres pensées. Il écouta donc son frère lui parler des cas compliqués qu'il rencontrait en ce moment. C'était agréable de se laisser porter par sa voix. Mais, malheureusement, Touya ne pouvait retenir Natsuo indéfiniment. En début de soirée, celui-ci finit par se redresser, après avoir reçu un message de Tenko qui l'attendait pour manger. Touya n'avait pas envie qu'il parte, mais il tâcha de ne rien en montrer. Il afficha un sourire faux sur son visage.
« Il vaut mieux que tu rentres avant qu'il ne mette le feu à votre cuisine, se moqua-t-il gentiment.
—C'est ta spécialité ça, se moqua Natsuo.
—Ce n'est arrivé qu'une seule fois et ce n'était pas de ma faute ! Tu le sais très bien ! »
Natsuo rigola. Mais son hilarité ne dura pas longtemps. Bien vite, son visage redevint sérieux.
« Tu veux venir avec moi ? proposa-t-il. On pourrait manger ensemble. »
Touya hésita. Plus que tout, il avait envie de dire oui. Mais ça voulait dire qu'il allait encore être un fardeau pour son frère. Combien de fois déjà Natsuo n'avait-il pas dû laisser Tenko en plan pour s'occuper de lui ? Combien de fois Natsuo n'avait-il pas ramené Touya lorsqu'il allait voir Tenko pour ne pas le laisser seul ? Ce n'étaient que de mauvais souvenirs. Touya avait dépassé tout ça. Il ne voulait plus revenir dans ce schéma-là. Ça faisait un an maintenant... Un an qu'il avait repris sa vie en main. Un an que Natsuo ne devait plus s'occuper de lui. Alors non, Touya n'allait pas retomber dans ses travers à la première contrariété. Il secoua alors doucement la tête.
« Non, je préfère rester ici. J'ai de quoi manger et puis, je dois remettre mes notes au propre. La vie d'étudiant, tu sais ce que c'est. »
Natsuo lui lança un long regard. Il n'était pas vraiment dupe, pourtant il ne voulait pas insister. Il ne voulait pas le braquer. Et lui aussi devait réussir à fonctionner différemment. Il fallait qu'il apprenne à faire de nouveau confiance à Touya. Si son frère lui disait qu'il préférait être seul, Natsuo devait le respecter. Mais il n'y avait rien à faire. Ces dernières années l'avaient beaucoup marqué. Laisser Touya alors qu'il voyait bien que la nouvelle l'avait touché, c'était très difficile pour lui. Mais il devait bien ça à son frère. Tenter de lui faire confiance. Il hocha alors la tête.
« Très bien, mais jure-moi que tu m'appelleras si ça devient trop compliqué pour toi.
—Je te le promets.
—Tu peux aussi appeler ta psy si ça ne va vraiment pas et-
—Je sais, coupa Touya. Je t'assure, Natsuo, ça va aller. »
Ils se regardèrent un instant, bien conscients tous les deux que leur dynamique était difficile à changer. Et Touya s'en voulait tellement pour ça. C'était de sa faute. C'était entièrement de sa faute si Natsuo s'inquiétait autant pour lui, s'il avait pris cette place qui n'aurait jamais dû être la sienne. Tout ce qu'il pouvait faire, à présent, c'était tenter de le rassurer et espérer qu'un jour... qu'un jour, au moins, leur relation pourrait redevenir normale.
Face à lui, Natsuo finit par céder. Il hocha la tête, avant de remettre sa veste et ses chaussures. Il jeta ensuite un regard à Touya. Il dut se retenir pour ne pas lui donner une dernière recommandation. Il finit alors par simplement le saluer de la main et lui souhaita une bonne soirée.
Puis, ce fut le silence.
Touya inspira profondément. Ce n'était pas bon. Il n'aimait pas être seul avec lui-même, mais il devait apprendre à l'être. Il décida de finir la vaisselle qu'il n'avait pas su terminer avant que son frère n'arrive. Il essayait clairement de penser à autre chose, mais il n'y arriva pas longtemps. Les souvenirs remontaient en lui avec force. Et il ne pouvait qu'y songer, encore et encore.
Avec un peu de chance, il allait bientôt revoir Keigo. Mais comment est-ce que ça allait se passer ? Comment devrait-il se comporter face à lui ? Peut-être que Keigo ne voudrait même pas lui parler. Et si Keigo l'avait juste oublié ? En quatre années, il avait pu se passer tant de choses de son côté. Keigo était sûrement avec quelqu'un d'autre. Touya devait se préparer à cette éventualité. Il ne pouvait rien espérer de cette rencontre avec son ex-petit ami. Rien, à part au moins combler l'un de ses plus grands regrets. Il avait besoin de lui parler...
C'était un sujet qui était souvent revenu lors de ses séances de thérapie. Plusieurs fois, Touya avait voulu recontacter Keigo pour s'excuser, pour s'expliquer. Il l'aurait sûrement fait, d'ailleurs, si Natsuo n'avait pas fini par effacer son numéro de son téléphone. Sa psychologue lui avait toujours dit qu'il valait mieux qu'il reste loin de Keigo tant qu'il n'avait pas réglé ses problèmes. Mais... Ils étaient réglés aujourd'hui. Enfin, plus ou moins. Ils ne partiraient jamais totalement. Cette faiblesse... Cette envie de se laisser aller à la consommation pour juste oublier... ça resterait peut-être en lui toute sa vie. Mais, après plusieurs rechutes, Touya avait l'impression qu'il était sur le bon chemin. Cela faisait un an qu'il était sorti de l'hôpital. Et un an et demi qu'il était parfaitement clean. Pourtant, il n'avait pas songé à recontacter Keigo depuis sa sortie. Parce qu'il savait qu'il était parti à l'étranger. Mais surtout parce que ça lui paraissait juste... trop tard. Après tout ce temps, il allait juste réouvrir de vieilles blessures. Touya s'était convaincu qu'il ne lui parlerait plus jamais. Et ça avait été dur à accepter – peut-être même ne l'avait-il jamais vraiment fait – mais maintenant, il avait une chance.
Il inspira profondément. Natsuo avait raison, une fois de plus. Même si son frère ne savait pas à quel point Touya songeait encore à cette relation où il avait tout foiré, il avait quand même raison. Touya ferait bien d'appeler sa psy. Il ne pouvait pas se ramener à la fête sans préparation. Il était si faible, si faible... Touya secoua la tête. Il termina rapidement la vaisselle avant de retourner sur le divan. Il alluma la télévision, tout en commençant à traîner sur son téléphone. Il cherchait une distraction, même s'il le savait d'avance, toutes ses tentatives étaient vouées à l'échec. Ses souvenirs avec Keigo s'imposaient d'eux-mêmes à son esprit.
Keigo... Touya était tombé amoureux de lui au lycée. Sportif, gentil, attentionné, Keigo avait toujours tout eu pour plaire. Mais ce que Touya avait préféré, c'était son côté espiègle, un peu prétentieux, trop sûr de lui par moment. Keigo avait été ce que Touya ne pourrait jamais être. Il était doué dans toutes les matières, il était très intelligent, il savait ce qu'il voulait faire de sa vie et rien ne l'arrêterait. Touya l'avait trouvé inspirant. Et quand ils avaient commencé à sortir ensemble, Touya avait eu l'impression de se sentir pousser des ailes grâce à lui. Il s'était mis à croire que lui aussi pouvait réussir. Keigo avait toujours voulu travailler pour la défense de son pays. Et Touya, qui était l'ainé d'un militaire à la carrière brillante, avait tant voulu le suivre. Pour faire quelque chose d'utile dans sa vie. Pour... peut-être... que son père soit enfin fier de lui. Mais Touya aurait dû se souvenir qu'il n'était pas Keigo. Si Keigo réussissait tout ce qu'il entreprenait, ce n'était pas son cas. Lui échouait à chaque fois.
Ça l'avait tant ramené à ses pires incertitudes. Surtout quand Keigo avait réussi son admission et que lui s'était fait recaler.
Keigo n'y pouvait rien. Keigo n'avait jamais rien fait de mal. Mais il était juste ce que Touya avait toujours voulu être. Et l'inspiration s'était transformée en jalousie. Ça avait recommencé, comme avant. Comme lorsque son père l'avait rejeté pour se concentrer uniquement sur son dernier fils. Touya l'avait toujours su, il n'était pas à la hauteur. Et c'était bien ça qui l'avait précipité dans cette merde en premier lieu. C'était si facile de juste renifler un peu de poudre pour tout oublier. De perdre le contrôle. Juste un instant. Parce que Touya avait toujours cru qu'il garderait la main mise. Que ce n'étaient que des écarts. Mais ces écarts étaient devenus de plus en plus nombreux.
Keigo l'avait soutenu tant de fois. Il avait essayé de l'aider. Mais le regard qu'il avait porté sur lui avait commencé à changer. La lassitude. Ses yeux avaient cessé de briller. Parce que Touya avait juste été horrible avec lui. À lui crier des horreurs, à lui gâcher toutes ses joies, à lui en vouloir, à tenter de minimiser chacune de ses réussites. Avec le recul, Touya ne savait pas comment Keigo avait pu tenir le coup toutes ces années. Pourtant, il lui avait fait part tant de fois de ses limites.
« Je ne revivrai pas ça, Touya, lui avait-il dit un jour. Je refuse de retomber là-dedans. »
Touya s'était juste moqué de lui, avant de s'énerver. Comment Keigo avait-il osé le comparer à ses parents ? Maintenant, quand il y songeait, Touya avait juste l'impression de se noyer. Il avait été si horrible. Keigo s'était pourtant confié à lui dès leurs premiers mois ensemble. Il lui avait avoué que ses parents étaient alcooliques et qu'il vivait un enfer à la maison. Touya en avait été révolté. Oui... Et malgré tout ça, il avait fait vivre le même enfer à Keigo. Sa dépendance à la drogue avait tout fichu par terre. Ils auraient pu être heureux pourtant. Ils avaient tout pour l'être. Ils avaient décidé de se partager un appartement. Ils avaient tous les deux pris un petit boulot en plus de leurs études et Touya avait de toute façon pas mal d'argent de côté. Ils devaient faire attention, mais ils étaient à deux. Ils étaient indépendants. Et c'était tout ce qui aurait dû compter. Si Touya n'avait pas tout fichu par terre.
Touya s'était fait virer. Il avait abandonné ses études. Il avait dépensé tout son argent dans cette merde. Juste pour se sentir vivant. Mais ça n'avait fait qu'empirer les choses. Parce qu'il s'était senti de plus en plus mal. Parce qu'il ne valait rien.
Touya inspira profondément. Ses mains s'étaient mises à trembler. Il n'allait pas bien. Non, ça n'allait vraiment pas. Il avait travaillé là-dessus. Il continuait à le faire. Le retour de Keigo ne devait pas le replonger dans une spirale négative. Mais c'était pourtant en train d'arriver. Et Touya ne pouvait pas le supporter. Il avait envie de vomir. De se faire tout mal. De se foutre en l'air. Tout plutôt que de repenser au mal qu'il avait fait à Keigo.
Il ne pouvait pas rester dans cet état-là. Il avait besoin d'aide. Le souffle court, il se décida enfin à appeler sa psychologue. Il faisait tout pour se reprendre en main. Autrefois, il aurait juste ignoré ses propres signes de détresse. Ou bien, il n'aurait fait qu'aggraver les choses dans un plaisir autodestructeur. Mais il allait mieux aujourd'hui. Il s'était relevé et il ne voulait plus redescendre aussi bas. Plus jamais.
Heureusement, sa psychologue décrocha au bout de la deuxième sonnerie.
« Désolé de vous appeler aussi tard, souffla Touya. Je peux vous parler un moment ?
—Je vous ai dit que vous pouvez m'appeler quand vous le voulez, répondit doucement sa psychologue. Dites-moi ce qui vous arrive. »
Touya inspira et lui raconta tout. Sans lui mentir, sans rien lui cacher. Ses mains tremblaient toujours, mais il se sentit un peu mieux une fois que les mots eurent quitté sa bouche.
« Il est normal que la mention de Keigo fasse remonter tous ces souvenirs, lui répondit-elle avec douceur. Mais vous devez vous concentrer sur le positif. Visualisez vos réussites. Repensez au chemin que vous avez parcouru depuis cette époque-là.
—Je sais, mais... »
Touya ne parvenait même pas à finir sa phrase. Ça n'avait jamais été un exercice facile pour lui.
« Allez-y, l'encouragea sa psychologue. Enoncez vos réussites à voix haute.
—... J'ai arrêté la drogue, commença lentement Touya. J'ai repris mes études. Je suis de nouveau capable de vivre seul sans faire n'importe quoi.
—N'oubliez jamais ça. Parce qu'il faut énormément de force pour réussir à faire ce que vous faites tous les jours. »
Touya se détendit un peu en entendant ses mots. Elle avait raison. Il le savait pourtant, mais ça lui faisait beaucoup de bien de l'entendre.
« Vous vous sentez prêt à revoir Keigo ?
—Je ne sais pas, répondit sincèrement Touya. Mais j'en ai besoin.
—D'accord... mais ne placez pas trop d'espoir dans cette rencontre. Gardez bien à l'esprit que vous ne pouvez contrôler que votre partie de la relation. Si jamais Keigo ne devait pas avoir la réaction que vous voudriez, ne le prenez pas personnellement.
—Non, je sais. Je n'attends rien de lui. Mais il faut... Il faut que je m'excuse.
—Bien sûr, je comprends, assura sa psychologue d'un ton doux. Quand doit avoir lieu cette fête ?
—Ce samedi...
—Très bien. Si vous avez le moindre problème ce jour-là, vous pouvez m'appeler directement, d'accord ?
—Oui...
—Vous vous sentez bien, sinon ? Vous allez tenir le coup ? »
Il savait, bien sûr, ce qui se cachait derrière ces questions. C'était le plus dur avec les addictions. Les rechutes étaient nombreuses et même jugées normales. Dans certains centres, elles faisaient partie intégrantes du processus de désintoxication. Touya savait qu'il devrait être suivi un long moment encore, avant que la crainte de rechuter ne finisse par le quitter, lui aussi. Mais ici, il se sentait sûr de lui.
« Ça va aller. Merci. Je me sens mieux.
—Bien. Essayez de vous reposer et n'hésitez pas à me rappeler en cas de besoin. »
Touya la remercia à nouveau et lui promit de lui téléphoner si ça redevenait trop difficile pour lui. Puis, il raccrocha. Il passa ensuite une main sur son visage, inspirant profondément. Il avait encore tellement de mal à contrôler ses émotions. Il se sentait si stupide de réagir comme ça. Mais au moins, il avait appelé. Au moins, il prenait les choses en main. Maintenant, il allait falloir qu'il se calme. La respiration irrégulière, il décida alors d'envoyer un message à Giran.
Encore envie de toi. T'es dispo quand ?
Il espérait avoir une réponse de sa part rapidement. Giran était bien le seul homme qui parvenait si bien à chasser toutes ses mauvaises pensées. Parfois, Touya se demandait si Giran ne savait pas exactement ce qui se passait dans sa tête. Son professeur semblait l'avoir si bien cerné. Touya s'accrochait aux relations physiques lorsqu'il était dans une spirale négative. Et Giran ne lui posait jamais de questions. Il l'avait déjà vu aller mal, être dans un état vraiment pitoyable. Et pourtant, il ne lui avait jamais rien dit. Il le laissait venir quand il en avait besoin. Il le prenait aussi fort qu'il le voulait. Il faisait tout disparaître, l'espace de quelques minutes. Et pour Touya, c'était devenu les minutes les plus précieuses de sa vie.
Passe demain, chaton.
Touya sourit lorsque ce message s'afficha sur son écran. Encore ce surnom stupide. Il lui avait pourtant dit qu'il le détestait, mais Giran adorait l'appeler comme ça. Et, finalement, c'était resté. Touya s'y était fait et il ne se voyait plus être appelé autrement par cet homme qui avait pourtant le double de son âge. Demain, hein ? Touya allait donc passer la soirée seul. Mais ça allait aller. Il était plus fort maintenant. Il se raccrocha aux paroles de sa psychologue. Il fallait qu'il pense au positif.
Touya avait peut-être gâché bien des choses, mais il ne s'en sortait pas trop mal maintenant. Son père avait même accepté de lui repayer ses études. Une façon pour lui de se racheter peut-être. Touya n'avait pas poussé la question plus loin. Il n'était pas encore prêt à se pencher sur sa relation avec son père. Mais au moins, ce dernier lui avait donné une nouvelle chance. Personne dans sa famille ne lui en avait voulu pour ses écarts de conduite. Alors, rien que pour eux, il allait s'accrocher. Il finirait par avoir son diplôme, il aurait un vrai travail, il remonterait la pente.
Finalement, même si ça réveillait en lui certaines angoisses, le retour de Keigo tombait à un bon moment. Touya ne savait pas s'il était réellement prêt, mais il sentait qu'il pourrait y faire face, malgré tout. Et peut-être qu'enfin... qu'enfin, il parviendrait à lui dire ce qu'il avait rêvé de lui dire tous les jours depuis son départ. Enfin, il allait pouvoir s'excuser auprès de lui.
À quelques kilomètres de là, le lendemain, Natsuo rentra à son appartement après une longue journée de travail. Il était exténué, mais il n'était pas de mauvaise humeur pour autant. Rien que le fait de pouvoir rejoindre son petit ami chez eux le faisait se sentir tout de suite mieux. Natsuo le retrouva d'ailleurs dans le petit bureau, en train de peindre un tableau. Il s'avança vers lui, avant de l'enlacer tendrement par l'arrière. Il embrassa avec douceur son cou sur ses blessures encore fraîches.
« Tu as passé une bonne journée ? demanda-t-il tout en contemplant la peinture.
—Ouais, souffla Tenko. Keigo n'a pas arrêté de parler, c'était pénible. J'avais oublié qu'il pinaillait autant. »
Natsuo afficha un sourire amusé. Il dégagea ensuite les cheveux de Tenko pour venir poser sa tête sur son épaule.
« Comment est-ce qu'il allait ?
—Bien. Juste crevé. Fallait pas devenir pilote de chasse s'il voulait dormir. »
Tenko ronchonna. Natsuo avait envie d'en rire, mais le sujet le tracassait bien trop pour ça.
« Tu lui as parlé pour la fête ?
—Ouais. Il a dit qu'il viendrait.
—Il sait que Touya sera là ? s'inquiéta Natsuo.
—Evidemment ! Je lui ai dit, qu'est-ce que tu crois ?
—Et qu'est-ce qu'il a répondu ? »
Tenko resta silencieux un moment. Il ajouta un trait à son tableau, avant de reprendre.
« Il m'a demandé si Touya se droguait toujours. Je lui ai dit non. Après ça, il a confirmé qu'il viendrait. »
Natsuo hocha doucement la tête. Bien. Au moins, ils étaient tous prévenus. Malgré tout, il ne se sentait pas à l'aise. Il n'était toujours pas convaincu que ce soit une bonne idée que ces deux-là se renvoient. Bon, au moins, ça se ferait chez lui. Il pourrait donc avoir un certain contrôle sur la situation. Mais quand même, il n'était pas tranquille.
« Tu penses que ça se passera bien ? » demanda-t-il à Tenko.
Ce dernier finit par poser ses pinceaux et se tourna vers lui.
« Je pense qu'il est grand temps qu'ils se reparlent. Il faut qu'ils mettent tout à plat une bonne fois pour toutes et puis basta ! »
Evidemment, Tenko avait sa façon très personnelle de voir les choses. Mais peut-être qu'il n'avait pas tort. Natsuo avait tendance à vouloir protéger Touya. Il savait qu'il était encore fort touché par cette relation qui s'était si mal terminée. Mais sans doute que ça lui ferait du bien de pouvoir enfin y faire face. Touya avait besoin de tourner la page et une franche conversation avec Keigo était peut-être ce qui lui manquait pour y parvenir. Le plus important, c'était qu'il serait là auprès de Touya. Il pourrait le rattraper si cette rencontre le faisait chuter. Oui, il ferait bien attention à lui. Il sourit alors à Tenko et l'embrassa sur la bouche.
« Tu as raison, chuchota-t-il juste après.
—Tu vas arrêter de t'inquiéter alors ? demanda Tenko tout en fronçant les sourcils.
—Ça, ça va être plus compliqué. »
Natsuo posa son front contre celui de son petit ami et inspira profondément. Il ferma les yeux un instant. Heureusement qu'il était là pour le soutenir. Il sentit ensuite les bras de Tenko se glisser dans son dos et il se laissa aller dans son étreinte. La tension quitta lentement son corps.
« Merci », chuchota-t-il.
Tenko ne lui répondit pas, mais il posa sa tête contre le haut de son torse. Natsuo se sentait bien comme ça. Si seulement les bras de Tenko pouvaient rester autour de lui pour toujours...
La journée touchait à sa fin lorsque Touya reçut un message de Natsuo lui annonçant que Keigo serait bien présent samedi. Seul dans son studio, il lut les quelques lignes, avant d'inspirer profondément. Natsuo lui demanda ensuite s'il voulait qu'il l'appelle ou qu'il passe. Touya le rassura, avant de glisser son téléphone dans sa poche. Il s'assit sur l'une de ses chaises et passa une main dans ses cheveux. Il résista à la tentation de tirer de toutes ses forces sur ses mèches. Alors... il allait réellement revoir Keigo... Dans trois jours... Dans trois jours, il allait se retrouver face à Keigo. Il avait du mal à réaliser. Il se sentit trembler. Mais, contrairement à la première fois, il parvint à garder un certain contrôle. Les sombres souvenirs lui laissaient toujours un goût amer sur la langue. Mais, au moins, il s'y était attendu, cette fois-ci. Maintenant qu'il avait assimilé la nouvelle, il pouvait même laisser un tout autre sentiment l'envahir. Bien sûr, il était très nerveux, mais en même temps... en même temps, il avait hâte. Tellement hâte de revoir Keigo. Après tout ce temps, toutes ces années... Il allait pouvoir le retrouver. Dans si peu de temps, Keigo et lui seraient dans la même pièce.
La réalisation le frappait de plus en plus. Le regard de Keigo allait, de nouveau, se poser sur lui. En y pensant, Touya se réfugia aussitôt dans la salle de bain. Il n'avait jamais beaucoup fait attention à son apparence, mais là, il allait quand même falloir qu'il soit présentable ! Il jeta un regard peu amène à son reflet. La dernière fois que Keigo l'avait vu, Touya était dans un état pitoyable. Il était si maigre, complètement ravagé par la drogue. Il avait repris du poids depuis. Il avait l'air en bonne santé. Ses cernes étaient sans doute trop prononcées, mais son visage avait retrouvé un teint bien meilleur qu'avant. Ses yeux n'étaient plus injectés de sang. Son regard se posa ensuite sur sa chevelure noire. Son estomac se contracta. Touya avait gardé l'habitude de se teindre les cheveux. Le noir lui avait fait du bien. Il avait eu l'impression d'être une autre personne. De se détacher de ce Touya si faible et si pitoyable. Mais Keigo n'avait jamais aimé cette couleur. Enfin, techniquement, Touya savait qu'il n'avait rien eu contre. Seulement... Touya s'était mis à se teindre les cheveux en noir lorsque les choses avaient dégénéré. Keigo l'avait accusé de commencer à changer. C'était un simple détail pourtant, mais ça le frappait maintenant. Peut-être qu'il devrait reteindre ses cheveux en blanc. Revenir au Touya qu'il était autrefois... De cette façon, Keigo aurait peut-être moins de mauvais souvenirs lorsque ses yeux se poseraient sur lui.
C'était illusoire, il se savait bien. Une modification insignifiante. Sans doute que ça ne changerait rien. Mais maintenant qu'il y pensait, ça lui semblait important de le faire. Dès le lendemain, il irait au magasin pour prendre une teinture blanche. Oui, ce serait bien. Ça n'effacerait pas le passé. Peut-être même que Keigo n'y ferait pas attention. Touya ne devrait pas y accorder trop d'espoir. Mais il allait quand même le faire. Il se sentirait mieux comme ça. Oui, c'était forcément une bonne idée.
Touya sentait les émotions l'envahir. Tout se bousculait dans son esprit. Ses attentes, ses peurs. Le positif se mélangeait fatalement au négatif. C'était trop... Même en y étant préparé, il avait du mal à garder le contrôle de ses émotions. Il fallait qu'il y coupe court. Heureusement, ce soir, il ne se serait pas seul. Chassant ses pensées, il délaissa son miroir. Il se prépara et décida de partir sans attendre chez Giran. Il passa ensuite toute la nuit avec lui, se délectant de chacune de ses caresses. Oubliant jusqu'à la moindre de ses angoisses...
Le lendemain, Touya continua sur cette lancée et se noya dans ses cours pour ne pas penser à tout ce qui allait bientôt arriver. Mais il ne pouvait ignorer la réalité bien longtemps. Il voyait le samedi se rapprocher avec nervosité. Natsuo lui avait demandé plusieurs fois s'il allait bien. Touya lui avait répondu de ne pas s'en faire. Il ne pouvait pas lui mentir, mais il ne voulait pas que son frère s'inquiète pour lui. C'était son moment à lui, après tout. Touya parviendrait bien à tenir le coup. En plus, ce serait l'occasion de revoir toute sa famille presque au complet, ainsi que la plupart de ses amis. Keigo mis à part, ce serait forcément une bonne journée. Et c'était à ça qu'il devait se raccrocher.
Après ses cours, Touya passa au magasin pour s'acheter du colorant. Puis, lorsqu'il rentra chez lui, il se dirigea directement vers la salle de bain. Il n'avait pas envie d'attendre trop longtemps. Il appliqua donc les recommandations indiquées sur la boîte. Pendant l'attente, il pianota sur son téléphone. Puis, enfin, lorsque ce fut terminé, il retourna dans la salle de bain pour finaliser le travail et voir le résultat. Son reflet était étrange à regarder. Ça faisait si longtemps qu'il n'avait plus eu les cheveux blancs. Il passa distraitement ses doigts dans ses mèches. Malgré la couleur, paradoxalement, il paraissait plus jeune comme ça. Plus vulnérable aussi, peut-être... Mais, contrairement à ce qu'il avait craint, ce n'était pas désagréable. Il était même plutôt content de retrouver sa couleur naturelle. Il se demandait même pourquoi il ne l'avait pas fait plus tôt. Enfin, ça lui convenait et c'était tout ce qui comptait.
Dans un coin de sa tête, pourtant, il ne pouvait s'empêcher de penser à la réaction que les autres auraient lorsqu'ils verraient sa nouvelle apparence. Il espérait qu'il n'aurait pas trop de commentaires. Ni même qu'il n'y aurait pas de confusion sur son geste. Mais il se faisait peu d'illusion là-dessus. Un tel changement juste avant de revoir Keigo, tout le monde pourrait faire le lien. La tension parasitait ses épaules. Il n'avait pas envie de se justifier. Il espérait au moins que sa famille serait juste contente, elle aussi, de le voir retrouver cette couleur.
Touya fit donc ce qu'il savait faire de mieux et poussa cette inquiétude sur le côté. Mais le temps, lui, continuait de filer. Le vendredi soir, il était dans un grand état de stress. Il décida de se réfugier, à nouveau, chez Giran. Il avait besoin de ne plus penser à rien. Dans l'appartement de son professeur, il avait l'impression de pouvoir s'évader. Comme si le lendemain n'était qu'une idée abstraite. Assis sur le fauteuil du grand salon, il commençait déjà se sentir mieux. L'ambiance du lieu l'aidait toujours à se détendre. La lumière était tamisée, la chaleur était parfaite. Mais le mieux, c'était les mains de Giran sur sa peau.
Giran était dans son dos, embrassant le haut de sa nuque. Il frissonna. L'une de ses mains se glissa ensuite dans ses cheveux. Touya le laissa agir comme il le voulait. Il aimait se faire câliner, même si ça ne voulait rien dire. Touya s'accrochait à ses gestes, à son toucher. C'était agréable et il parvenait à maintenir ses pensées à distance. Les doigts de Giran s'attardèrent dans les mèches blanches de Touya.
« Tu reviens à ta couleur naturelle, chaton ?
—Ouais, c'est mieux. »
Giran fredonna. Le changement semblait lui faire plaisir. Ses mains glissaient maintenant sur son torse.
« Tu es tendu.
—Fais-moi oublier.
—Qu'est-ce que tu veux oublier, chaton ?
—Demain... »
Les doigts de Giran revinrent sur son dos. Il passa le long de sa colonne, apaisant ses tensions. Silencieusement, il l'encourageait à continuer de parler, s'il le voulait.
« Je vais revoir mon ex...
—C'est pour lui que tu as teint tes cheveux ?
—Oui », souffla Touya.
Il eut tout de suite envie de se justifier, mais, finalement, il préféra laisser tomber. Il ne devait aucune explication à Giran. Parce qu'il savait que Giran ne le jugerait pas.
« Il va te trouver magnifique, chaton. »
Touya sourit légèrement. Il ne savait pas s'il espérait que ce soit le cas ou non. Sa relation avec Keigo était bien trop compliquée pour qu'il y pense. Il souhaitait surtout que lui ne trouve pas Keigo magnifique. Même si c'était perdu d'avance. Son coeur allait forcément s'affoler dès qu'il l'apercevrait. Touya avait hâte. Il avait hâte autant qu'il redoutait ce moment. Le souffle tremblant, il finit par se tourner vers Giran. Penser à Keigo le faisait bien trop vaciller. Il ne voulait plus y songer pour l'instant. Il était ici pour ne plus penser à son angoisse, après tout. Il regarda alors Giran droit dans les yeux.
« Professeur, gémit-il. C'est l'heure de votre leçon, non ? »
Son sourire se fit plus aguicheur. Le regard de Giran changea. Il ressemblait presque à un prédateur comme ça. Et Touya... Oh, Touya aimait tant être sa proie. Il laissa alors Giran le coucher sur le divan et se mettre au-dessus de lui. Ses mains si expérimentées se posèrent, à nouveau, sur son corps. Touya gémit. Il ferma les yeux et se laissa totalement aller sous lui.
Giran avait vraiment un don pour ça, pour lui faire tout oublier. Et c'était bien pour cette raison que Touya aimait tant se perdre dans leur relation. Sa chemise s'ouvrit. La langue de Giran glissa sur sa peau et Touya frémit. Tous ses problèmes lui semblèrent bien loin. Demain n'existait plus. Demain n'existerait peut-être jamais. Et tout ça n'avait pas la moindre importance. Pas tant que les mains chaudes de Giran seraient posées sur lui...
Merci de m'avoir lue ! À bientôt pour le chapitre 2 :)
