Bonne lecture !


Chapitre 28

Planquée derrière un poteau, j'espionne Fred qui essaye d'ouvrir son cœur à David près des vestiaires dont il est sorti et je prie Merlin pour qu'il l'accepte. Comment pourrait-il lui résister après la jolie pancarte qu'elle a tenu tout le match, malgré la défaite de Serpentard, et la victoire de Gryffondor ? C'est impossible de faire plus romantique ! Elle a bravé la concurrence féroce, et même haineuse, entre leurs deux maisons pour le soutenir en public ! Alors qu'elle ne supporte pas de s'attirer le regard des autres, elle a fait ça pour lui. Il faut que David ouvre les yeux, maintenant. Elle n'a jamais fait ça pour Régi.

Quelque chose se pose alors sur mon épaule et je sursaute légèrement en me cramponnant au poteau des deux mains. Mais il ne s'agit que de Filou, notre hibou Grand Duc, que Jamie et moi avons adopté lors de notre entrée à Poudlard pour communiquer avec notre famille. Avec ses grandes plumes au sommet de sa tête en forme d'oreilles et ses yeux oranges vif qu'il aime écarquiller, il a toujours un air choqué et effrayé qui nous a tout de suite séduit dans la boutique. Et il est si chou… il aime frotter sa petite tête contre nous pour nous dire bonjour.

"Bah alors, Filou, t'as grossi ?" le taquiné-je.

Avec ses deux kilos bien tassés, Filou paraît être un géant dans la volière. C'est sûrement aussi ce qui a conquis Jamie qui veut toujours plus grand et plus gros que les autres !

A ma pique, il me picore le cartilage de l'oreille pour prendre sa revanche et je pouffe. Se tenant sur une seule patte, il redresse l'autre pour me présenter un petit mot enroulée dans un fil en cuir et je hausse les sourcils de surprise. Après avoir remis son message, il prend son envol et je le regarde disparaître par la cour à coups d'ailes agiles. Je déroule le message qui révèle une simple phrase :

"Plains ceux qui ont peur car ils créent leurs propres terreurs."

Un instant prise de court par cette citation que je connais bien, je retourne le mot pour découvrir un mini-plan de Poudlard avec une petite croix qui indique un endroit du deuxième étage qui me semble être les toilettes du Deuxième Etage que Mimi-Geignarde hante. Tiens, c'est curieux. Ce n'est quand même pas Mimi qui a hanté Filou pour me donner rendez-vous ?

…Quoique… cette pensée est plutôt sympathique…

Quelqu'un passe devant moi, la démarche pressée, et je relève le nez pour voir qu'il s'agit de David qui s'éloigne rapidement. Oh ! Je fourre le mot dans ma poche et dépassant le poteau, j'accoure vers Fred qui me tourne le dos et ne réagit pas alors que je bondis face à elle sur un :

"Alors ? Il a dit quoi ?!"

Au regard qu'elle m'adresse, humide de larmes, je devine la teneur de sa réponse. Mes yeux se dirigent là où j'ai vu partir David, mais il est déjà loin.

"Il n'a pas envie de prendre le risque de souffrir," me rapporte-t-elle faiblement.

Je m'approche d'elle pour l'enlacer et lui caresser le dos dans des amples mouvements. En écho, les mots du message me reviennent. Plains ceux qui ont peur car ils créent leurs propres terreurs. J'ai reconnu les mots de Stephen King dans La Ligne Verte, et soudainement, je les trouve si vrais. N'est-ce pas ce que fait David ? Je sais qu'il a des sentiments forts pour Fred mais puisqu'il a peur, il refuse de lui donner une seconde chance, mais n'est-ce pas ce qui va le faire souffrir au final ? Et Fred aussi… ? Dans un éclair fugace, je me demande qui a bien pu m'envoyer ce mot…

"T'as été ultra courageuse, la complimenté-je, et ça, tu peux en être fière, Freddy !"

Je me recule pour la voir me sourire à travers ses larmes et la douleur de son petit cœur déçu transparaît. Mais en dépit de l'issue de la tentative, c'est pourtant vrai qu'elle peut être fière d'elle.

Moi, je le suis en tout cas !

OoOoOo

"CATH ! CATHOUILLE ! Ca fait cinq minutes que je te courre après !"

A bout, je me retourne vers Jamie qui affiche son air bougon habituel et qui, effectivement, me fille au train depuis un petit moment, quand l'on s'est croisé dans les escaliers. Mais même s'il me manque, je ne veux toujours pas lui parler ! Rien que de voir sa tête m'énerve ! FAUX FRÈRE !

"J'ai pas le temps ! annoncé-je. Je suis en pleine enquête !

-Encore ? rétorque-t-il. Qu'est-ce que t'es allée nous inventer comme nouvelle connerie ?"

Je souffle fort et tourne les talons pour poursuivre ma route, mais sa voix ne lâche pas l'affaire et me retient :

"Tu veux pas savoir ce que Dylan m'a dit ?"

Mes pieds se haltent aussitôt et sans me retourner pour autant, mes oreilles se dressent.

"Il m'a tout dit pourtant…

-C'est vrai ce mensonge ?

-Hm hm."

Je lui jette un regard méfiant par-dessus l'épaule pour surveiller l'air goguenard et jubilatoire de mon jumeau qui a parfaitement conscience de me tenir dans le creux de sa main perfide.

"Et qu'est-ce qu'il a dit ?"

Jamie fait "non, non" du doigt, puis "viens plutôt par là" de la main et j'abandonne toute ma détermination à mes talons pour accourir.

OoOoOo

C'est abasourdie que j'avance vers les toilettes de Mimi-Geignarde, tandis que tout ce que Jamie m'a appris tourne dans ma tête en boucle.

Non seulement Dylan est derrière les cagoulés, mais il est aussi derrière les Floutés. Ce qui signifie qu'il est celui qui a agressé Jamie, qui m'a pourchassé, moi, dans les couloirs et à qui j'ai échappé la première fois, mais aussi celui qui s'en est pris une deuxième fois à moi, le visage caché dans une cagoule. Dylan a avoué à James qu'il s'en est pris à nous, et à d'autres sang-de-bourbe, en faisant porter le chapeau aux Serpentards pour qu'on rejoigne les rangs de sa petite armée. Tout partait d'une haine qui avait vu le jour durant sa Deuxième et Troisième Années à Poudlard, période pendant laquelle il avait été la victime avec un autre ami à lui (qui était lui aussi un des quatre agresseurs masqués qui avait sévi ces derniers temps) d'une bande de Serpentards, pour la plupart fils de mangemorts et autres partisans de Voldemort, qui les avaient persécutés pour l'impureté de leur sang. La graine de la vengeance s'était plantée dans le cœur fertile de Dylan et petit Dylan était devenu grand, sa haine avec.

Mais les responsables avaient déjà quitté Poudlard. Fort heureusement, ses yeux s'étaient revêtu d'oeillères sous les coups et les maltraitances, et depuis, il s'était mis à croire que tous les Serpentard étaient les mêmes, ce qui lui permettait, d'une manière très commode, de s'en prendre à quatre contre un Troisième année pour la seule raison de la couleur de son uniforme. Sans même que cette pensée ne le traverse, la pensée qu'il reproduisait exactement ce qu'il avait subi quand il était aussi petit et vulnérable que ses nouvelles victimes.

J'ai du mal à comprendre le schéma de pensée de Dylan. Qu'a-il gagné dans tout ça ? Rien, puisque ceux qui s'en étaient pris à lui peuvent désormais rire à l'idée que leur ancienne victime essayait de se venger sur des innocents. Qu'espérait-il prouver ? Qu'il n'était plus un enfant, faible et tyrannisé ? Au bout du compte, il est renvoyé de Poudlard avant la fin de sa scolarité et il devra certainement répondre de ses actes devant la justice sorcière. Il vient de ruiner sa propre vie.

Alors que j'atteins sa destination, cette sombre affaire quitte mon esprit pour laisser toute la place à ma nouvelle enquête et je tire le mystérieux message de ma poche pour le lire une dernière fois. Qui peut être l'expéditeur ? Qui et comment a pu se servir de Filou comme postier ? Notre hibou a un sacré caractère et il attaquerait sans pitié le premier inconnu qui l'approcherait de trop près ! C'est bien étrange !

Bien décidée à résoudre cette énigme, je pousse la porte des toilettes hantées pour y pénétrer et dans un regard circulaire, j'observe les lieux déserts et silencieux avant que la maîtresse des lieux ne se faufile hors des canalisations dans une salutation sur-aiguë qui résonne contre les murs.

"Catherine ! me reconnait-elle. Enfin, tu reviens me voir…"

Comme retenant un sanglot, Mimi renifle de sa manière larmoyante tout en redressant ses lunettes sur l'arrête de son nez.

"Ah oui, fais-je, j'ai été un peu occupée…

-Pendant trois ans ?

-Bah… c'est que…"

Durant ma quatrième année, je voulais tout savoir sur sa vie et sa mort, et j'allais sans cesse lui rendre visite pour papoter avec elle… mais c'est vrai que j'ai fini par m'en lasser… en même temps, on vit vite le tour de la vie d'une morte !

Mes yeux se tournent alors vers les portes des cabines de toilettes qui sont toutes fermées et je remarque que la cabine tout à droite est décorée d'une ligne verticale d'un vert vif. Et une ampoule s'allume dans mon cerveau ; la ligne verte ! Le message contient une citation de ce livre !

Forte de cette illumination, je me précipite pour ouvrir en grand cette cabine et je tombe sur des toilettes tout ce qu'il y a de plus normal, à l'exception que sur le battant fermé siège un livre.

"Ohhh, c'était pour toiiii ? roucoule Mimi en voletant jusqu'à moi. Je pensais au début que c'était un cadeau pour moi… j'aurais bien aimé…"

Je me penche pour récupérer le fameux livre dont le titre en lettre d'or luit à la lumière des bougies de la pièce, le Petit Manuel pour Sorciers Confus. Un post-it est collé sur la couverture, marqué d'une consigne :

Remets-moi à ma place

"Tu as tellement de chance…, soupire Mimi en appuyant son menton transparent à mon épaule. Moi, je suis bloquée dans ces toilettes…

-Qui est-ce qui est venu mettre ça là ? demandé-je.

-J'ai pas le droit de le diiiiire…, chantonne-t-elle en décollant dans une spirale aérienne,... c'est un secreeeeet… et Mimi sait garder les secreeeets…"

Et Cathy sait les découvrir !

OoOoOo

"L'eau m'a donné la vie, elle saurait aussi me la reprendre, répété-je. Contemple-moi avec amour mais prends garde à ne pas me briser.

-C'est quoi ça ?" me souffle Chris.

Les sourcils toujours froncés dans la réflexion, je lui montre le petit paquet en velours bordeau fermé par un ruban de soie d'un rose pâle qui est aussi impossible à dénouer qu'à couper. J'ai tout essayé pourtant ! Le paquet est si petit qu'il tient dans le creux de ma main. Et c'est sur le tissu brillant du long ruban que l'énigme est inscrite.

Mon bras traversant l'allée qui sépare nos pupitres, je tends le mystérieux coffret à Chris qui s'en empare. On est lui, Fred, David et moi enfermée dans une salle de classe pour la retenue que nous a collés McGonagall et c'est le concierge qui nous surveille alors qu'on recopie mollement un texte sur l'histoire de Poudlard, de la création à nos jours.

"Tu l'as trouvé où ? me demande-t-il dans un murmure.

-A la bibliothèque."

Suivant les consignes, je m'y suis rendue pour ranger le livre et je me suis dirigée dans les rayons sur les manuels de sortilèges. Et suivant l'ordre alphabétique, j'ai retrouvé le petit vide où le Petit Manuel pour Sorciers Confus devant être rangé sur les étagères. J'y ai trouvé le fameux étui fermé magiquement, et depuis je me creuse la tête pour la déchiffrer son énigme.

"Qui te l'a donné ?

-Aucune idée…

-Chuuuut," nous sermonne le concierge sans même lever la tête de son magazine.

Fred fait alors tomber sa plume au sol et alors qu'elle se penche pour la récupérer, David, son voisin de gauche et installé au pupitre juste devant moi, l'a battu en rapidité. Chris et moi marquons une pause dans nos activités pour observer leurs doigts timides qui se frôlent, et David qui lui rend sa plume tombée avec une prévenance silencieuse. Fred lui souffle un remerciement, ses joues prenant une jolie teinte rosée.

J'écris quelques lignes supplémentaires avant que Chris ne me rende mon bien, et je le retourne dans mes doigts, songeant encore et encore à la réponse.

"L'eau m'a donné la vie, soufflé-je, hm… la pluie, une plante ? Un lac ?

-La deuxième partie me fait penser à un miroir, non ? propose Chris.

-C'est vrai… oh ! m'exclamé-je. La glace !

-Miss Morland ! me reprend le concierge. Faites vos lignes !"

Je me recroqueville sur mon pupitre tout en camouflant mon ébahissement émerveillé alors que le ruban se défait de lui-même autour de la boîte de velours. Chris et Fred, interpellée par l'agacement du concierge, sont témoins de l'ouverture de la boîte. Et dans un éclat de lumière, la boîte se transforme en une paire de patins à glace. Heureusement le dos et les épaules de David me cachent de la vue du concierge qui, de toute façon, feuillette de nouveau son magazine.

Sur le cuir blanc des patins, au niveau du talon, est dessiné une lune pleine et je penche la tête sur le côté avec questionnement.

Il va falloir que j'interroge le ciel !

OoOoOo

Les deux pieds enfouis dans le manteau de neige qui recouvre le parc de Poudlard, et les patins à glace pendant grâce à leurs lacets noués à mon épaule droite, je dresse le menton au ciel noir. De fins nuages sont portés par un vent violent en travers des étoiles, et l'un d'eux défile devant la pleine-lune. Portrait fidèle à celui de cuir qui décore les patins que mon mystérieux expéditeur m'a offert. Je crois bien que c'est l'heure de mon rendez-vous nocturne !

Je resserre mon manteau beige autour de moi et avance vers le lac. J'en ai déduit que ce ne pouvait qu'être là le lieu de rencontre, où pourrions-nous patiner si ce n'est sur la surface glacée du lac ? Et ça tombe bien parce que je suis très douée en patinage ! Je me suis même essayée au patinage artistique durant mes nombreux hivers à Poudlard.

Je trace mon chemin dans la neige jusqu'au lac qui brille sous l'éclat blanc de la lune. En son milieu, je vois effectivement une silhouette qui se détache comme une ombre dans tout ce décor enneigé. Sur la glace, des points de lumières dansantes l'entourent et à mesure que je me rapproche, je réalise qu'il s'agit de petites bougies. Et c'est dans ce mélange de lumières, celle de la lune qui vient d'en haut et celle plus chaude des bougies à leurs pieds, que je reconnais le visage de Henry. Ses cheveux dressés sur le sommet de sa tête et un sourire repentant sur les lèvres.

"C'était toi ?! m'écrié-je. Oh, mais c'est pour ça que tu m'as envoyé Filou !

-Oui…, avoue-t-il. James a accepté de m'aider…

-Ah bah d'accord…, m'agacé-je.

-Tu me rejoins ?"

Et de son index ganté, il désigne les patins à ses pieds. Je reste sur les berges du lac, méfiante, et je croise les bras sur ma poitrine, sur la défensive.

"Pourquoi t'as fait tout ça ?

-Parce que je sais que tu aimes les énigmes, répond-il, et Stephen King, et le patinage. Je voulais te faire plaisir… et me faire pardonner, aussi."

Il m'offre une mine embêtée, accompagné d'un regard de chiot battu, qui fait craqueler ma carapace. Je me remémore toute la journée qui vient de s'écouler, et tous ces moments trépidants à passer d'un mystère à l'autre, des toilettes de Mimi-Geignarde à la bibliothèque et à imaginer tous les scenarii possibles. Et c'était l'une des meilleures journées que j'ai vécu…

Je capitule donc et m'assois sur un tronc penché pour troquer mes bottines contre les patins à glace. Glissant sur la glace, Henry s'approche de moi et me tend la main mais lorsque je me redresse, j'ignore sa proposition d'assistance et lui passe devant pour patiner de moi-même sur la glace. Les mouvements me venant avec aisance, je me mets à zigzaguer entre les bougies avec plaisir. Je me rends alors compte brusquement qu'avec tout ce qui s'est passé, je n'ai pas patiné de toute la saison.

Mais aussi que ces nouveaux patins sont particulièrement confortables, chauds et qu'ils glissent parfaitement sur la glace. Dans une rotation, je me retourne vers Henry qui est revenu sur la glace et m'observe en souriant.

"Pas si vite !" le stoppé-je d'un index autoritaire.

Et il cesse d'avancer aussitôt, je rabaisse mon doigt.

"C'est trop facile, tu trouves pas ? m'enquis-je. De faire tout ça maintenant que James t'a donné l'autorisation ?

-Il ne m'a pas donné son autorisation, nie-t-il, on s'est disputé, tu sais, ce soir-là dans la salle-commune."

Je ne dis rien alors que le souvenir se reforme dans mon esprit.

"C'était à ton sujet, m'explique-t-il, et après, on s'est plus parlé pendant des jours tandis que j'organisais mon jeu de piste. Mais il a fini par comprendre que je préparais quelque chose, et quand il m'a posé des questions, je lui ai dit que j'aurais besoin de Filou. Et il a accepté.

-Vraiment ?"

Cette fois-ci, lorsqu'il se rapproche de nouveau, je ne l'arrête pas jusqu'à ce qu'il soit juste en face de moi. Son beau visage éclairé par la lune et les bougies, et je me sens fondre comme la glace de son énigme. C'est lorsqu'il sort un livre de derrière son dos que je me rends compte qu'il avait depuis le début une main dissimulée. C'est l'Année du Loup-Garou, l'un des derniers livres de Stephen King que je n'ai pas encore lu, et alors que je m'en empare pour le voir de plus près, j'y trouve un post-it semblable au premier. Cette fois-ci, un autre message y est inscrit :

Accepterais-tu d'être ma copine-garou ?

Face au mot, j'éclate de rire et ne peux retenir plus longtemps un sourire éclatant que je dirige aussitôt vers Henry qui ne semble pas peu fier de lui. Oh et puis, zut ! Pourquoi essayer de résister plus longtemps ? J'efface alors la distance entre nous d'un coup de patin et me hisse jusqu'à passer mes bras autour de son cou tandis qu'il se penche pour recevoir son baiser de pardon.

"C'est un oui, du coup ? vérifie-t-il ensuite.

-Oui !

-Ahouuuuu !" crie-t-il en direction de la pleine lune.

J'éclate de rire avant de l'embrasser de plus belle.