Encore anesthésiée par le sommeil, la commandante ouvrit difficilement les yeux, réalisant peu à peu la nuit qu'elle venait de passer dans ses bras. Instinctivement, un large sourire se dessina sur son visage, consciente que ces quelques heures d'intimité lui avaient cruellement manqué… Elle se retourna brièvement, espérant profiter encore un peu de cette tendresse matinale. Hélas, Candice ne rencontra que des draps vides et un oreiller bien trop froid... Déçue, elle souffla en se réinstallant dans ses couvertures et récupéra son portable sur la table nuit. Aucun sms… constata-t-elle avec déception. Antoine avait donc filé, sans aucune explication… Et vu le profond sommeil dans lequel elle était plongée, impossible de se souvenir de son départ. Mais elle le sentait, quelque chose en elle avait changé. Les incertitudes semblaient s'être envolées, remplacées par la satisfaction d'enfin comprendre le chemin à mener pour résoudre ses problèmes. Alors Candice souriait bêtement… songeant à ses mots et ses caresses qui l'avaient apaisé. Et il était clair qu'elle en aurait bien profité davantage… Résignée, la blonde tenta de s'étirer lorsqu'un coup rapide retentit contre sa porte avant qu'elle ne s'ouvre brièvement.

« Room service… entendit-elle soudainement.

- Oh… lâcha-t-elle de tendresse en apercevant Antoine les mains prises par un plateau.

- Petit-déjeuner cinq étoiles pour madame…

- Merci… chuchota-t-elle doucement en fixant le plateau qu'il venait de déposer sur le lit. J'pensais que t'étais parti comme un voleur…

- C'est pas mon genre…

- Hum…

- Normalement la nourriture doit pas sortir du self mais je crois que j'ai été discret…

Elle rigola doucement alors qu'il s'installait à côté d'elle.

- C'est gentil…

- Bien dormi ?

- Ouais… confirma-t-elle. Tu m'avais manqué… osa-t-elle laisser sortir en s'installant contre son torse.

- Hum… Toi aussi… chuchota-t-il à son oreille. »

Silencieuse, elle soupira de satisfaction et se jeta sur le plateau pour le dévorer. Évidemment, Antoine la connaissait par cœur et tout y était… Son thé préféré… Une petite viennoiserie à partager et des tartines avec une confiture un peu spéciale...

« Et en plus c'est personnalisé… souffla-t-elle d'admiration en observant une tartine avec un cœur rouge dessiné dessus.

- Le chef a laissé exprimer sa créativité… »

La blonde se contenta de rire doucement, amusée par la réponse de son commissaire. Et oui, ce matin-là, elle pouvait l'affirmer. C'était SON commissaire. Enfin, même si dans les faits, ce ne l'était plus vraiment en fait… Et par mimétisme, le policier se mit à songer à la même chose… Sauf que lui décida de pousser la réflexion encore un peu plus loin…

« Mais… Du coup… Après ce que tu m'as dit hier… Après notre discussion… On est quoi ? osa-t-il demander perplexe.

- Comment ça ? s'étonna-t-elle en croquant dans une tartine.

- Non c'est pour savoir… Parce que si on est pas ensemble… Mais qu'en même temps, on sait qu'on s'aime… Et que pour une fois on se déteste pas… Qu'est-ce qu'on est ? Parce qu'en plus là… On peut plus dire qu'on est collègues…

- C'est vrai… acquiesça-t-elle dubitative. C'est compliqué…

- Bah oui !

- Mais en même temps… J'y pense… Tu sais ce que mon thérapeute m'a dit un jour ?

- Non…

- Qu'on pouvait avoir un amoureux sans forcément être en couple…

- Donc… ? Ça veut dire ?

- Bah ça nous représente bien je trouve… On est amoureux… Mais pas en couple…

- Donc on est des amoureux ? répéta-t-il perplexe.

- Bah oui ! confirma-t-elle la bouche pleine.

- Ok… Ça me va… Mais on a le droit de passer du temps ensemble quand même ?

- Bah oui… Mais pas souvent…

- Ah… répliqua-t-il déçu. Pas souvent comment ?

- Je sais pas je… J'ai besoin de temps mais j'ai aussi besoin de distance Antoine… Si on se voit tous les jours je… j'y arriverai pas, ok ?

- Ok… acquiesça-t-il difficilement. Mais pas d'1m20 théorisé par Edward Hall ou je ne sais qui hein ?!

Amusée, Candice éclata de rire.

- Non… Pas 1m20 non… Mais pas de bisous… Pas de câlins non plus…

- Sérieux ?! s'indigna-t-il.

- Bah oui…

- L'enfer ! souffla-t-il dépité. Même de temps en temps ?

- Antoine !

- Non mais ça c'est pas possible… Toi-même t'y arriveras pas ! Regarde où tu es là ! expliqua-t-il en baissant la tête vers la sienne.

- Oui bon… Les règles ont pas encore commencé on va dire…

- Ah oui ?

- Ouais… Donc autant en profiter… murmura-t-elle avant de se blottir contre lui.

- Hum… soupira-t-il de satisfaction en l'enserrant dans ses bras. »

À cet instant enfin, Candice sentait la plénitude l'envahir. Ses bras, ses mots, leurs choix et leurs aveux… Tout était réuni pour qu'enfin la communication soit établie. Mais au fond, la blonde le savait… Ce moment passé dans cette chambre s'annonçait bientôt comme un simple souvenir et la triste réalité allait la rattraper. Alors elle laissa le silence s'installer, profitant simplement de la douceur de ses bras revigorant.

« T'es sûre pour les câlins ? intervint-il d'une moue enfantine.

- Oui…

- Vraiment ? força-t-il. Non parce que sinon ça veut dire que c'est le dernier pour un bon bout de temps là…

- Bon… En même temps… Un de temps en temps… C'est pas si grave non ?

- Ah si c'est toi qui le dis, alors d'accord ! confirma-t-il avec engouement avant d'embrasser son crâne.

- Antoine ! protesta-t-elle.

- Pardon… maugréa-t-il bougon.

- T'as vu Nathan en bas ?

- Et voilà… La magie est rompue…

- Roh ! protesta-t-elle en tapant son torse.

- Nan je l'ai pas vu… D'ailleurs faut que je récupère mes affaires dans la chambre… Il va bien voir que je suis pas revenu de la nuit…

- C'est pas grave… Il dira rien je le connais…

- Au moins, j'ai pas eu mal aux lombaires… »

Candice éclata de rire contre son torse. Évidemment qu'Antoine n'avait pas eu mal aux lombaires en passant la nuit dans ses bras… Et même si l'envie de prolonger l'instant se faisant grandement ressentir chez nos deux amoureux, il fallait pourtant revenir à la réalité. Candice releva doucement la tête vers la sienne en souriant et son commissaire comprit de suite ses intentions. Il rigola doucement avant de tourner la tête alors que ses lèvres venaient de heurter sa joue.

« Mais… protesta-t-elle.

- T'as dit qu'on avait pas le droit aux bisous…

- Juste un… Un tout petit…

- Non ! Tu sais bien qu'on y arrivera pas sinon…

- Roh… souffla-t-elle de déception alors qu'il ricanait. »

La commandante finit par difficilement se détacher des bras du policier et le remercia à nouveau alors qu'il se levait. Déçue, elle le laissa partir, non sans une once d'amertume…

. . . . .

Ils descendirent rapidement les escaliers, conscients de l'heure tardive de la journée, et ne tardèrent pas à apercevoir leur collègue assit sur un fauteuil du hall de l'hôtel. Il releva la tête vers eux et se leva précipitamment.

« Ah bah enfin !

- Désolée… s'excusa Candice sans s'étaler.

- Vous avez été au petit-déjeuner ? Je vous ai attendu mais je vous ai pas vu… Et comme vous n'êtes pas rentré hier soir…

Gênée, Candice jeta un œil au commissaire qui baissa la tête. Finalement, la blonde décida d'opter pour l'honnêteté.

- On avait besoin de discuter tous les deux… mais c'est vrai, on est désolés, on a oublié de te prévenir.

- Ah mais j'ai rien dit ! Vous faites ce que vous voulez !

- Je passe à la réception dire qu'on s'en va, vous m'attendez ? demanda Antoine.

- Oui… sourit-elle d'un air béat sous les yeux médusés de Nathan.

- Eh bah… Hier vous vous détestiez et là…

- Oui bon ! Je t'ai dit, on a discuté…

- Toute la nuit ?

- Non on a dormi aussi…

- Jusqu'à 9h30 du matin ? Alors qu'on devait se retrouver à 8h ?

- Nathan ! s'agaça-t-elle.

- Ça va… Il arrive… On peut y aller… souffla-t-il en récupérant son sac.

- Hop ! s'exclama Antoine. Tout est réglé… Donne-moi ta valise, on y va ! »

Candice s'exécuta, consciente que leur étreinte matinale les avait grandement mis en retard. Les trois se dépêchèrent de gagner la voiture et grimpèrent dedans pour rejoindre le cabinet du gynécologue-obstétricien en charge du dossier de Camille. Le commissaire les présenta à l'accueil, et rapidement, le médecin les accueillit dans son bureau. La commandante récupéra le dossier bleu et le feuilleta brièvement en écoutant les explications du praticien.

« J'ai eu Camille en consultation en janvier. Elle venait d'être transférée dans le service approprié après avoir été emmenée aux urgences. On était très clairement dans un cas de déni de grossesse. Elle était enceinte de presque 6 mois à ce moment-là.

- En janvier vous dites ?

- Oui. Le 14 pour être précis.

- Six mois plus tôt donc elle était bien à Agde.

- C'est ce qu'on a cru comprendre lorsqu'on a tenté d'en savoir plus sur sa situation… Un déni de grossesse n'est pas quelque chose à prendre à la légère et on lui a recommandé un psychologue.

- Elle y est allée ?

- Non… déplora-t-il. Pourtant, elle aurait sûrement dû y aller… Un déni révèle toujours un trouble psychologique… C'est… C'est un mécanisme de défense psychique qui résulte d'un trauma.

- D'après nos dernières recherches, sa sœur aurait découvert que Camille avait subi un viol.

- C'est peu étonnant. Les comptes-rendus médicaux signalent des difficultés à se laisser examiner… Alors si la grossesse est une conséquence de cet acte… Le déni est justifié…

- Et elle s'est suicidée moins d'un mois après cette consultation.

- L'avortement n'était plus possible… Et… pour les victimes de ce type, accoucher d'un enfant non désiré et conçu dans ces circonstances… c'est difficile. Certaines s'en sortent quand d'autres optent pour des solutions plus radicales.

- Vous voulez dire qu'elle a préféré mourir plutôt que d'accoucher cet enfant qui lui aurait rappelé ce qu'elle avait subi ?

- Oui. C'est une explication très probable… Et je suis désolé d'apprendre que sa sœur soit récemment décédée…

- Les deux affaires sont liées… Si on retrouve l'assassin d'Émilie, on retrouve le violeur de Camille. Au moins, de là où elles sont, elles pourront voir qu'on ne les as pas laissé tomber… surtout Camille, sept ans après… continua Candice avec émotion. »

Les trois flics remercièrent le médecin et quittèrent le cabinet en silence. Les explications du praticien venaient de secouer la commandante, venant titiller son instinct féminin et lui prouver à nouveau l'existence incontestable de la bêtise humaine sur Terre. Remuée, elle avançait mécaniquement devant elle, l'air embué lorsqu'un klaxon retentit virulemment et qu'un bras la tira vers la gauche.

« Attention chaton ! cria Antoine apeuré.

- Hein ? balbutia-t-elle.

- Le bus ! s'emporta-t-il.

- Pardon j'étais dans mes pensées je…

- Ouais… maugréa-t-il.

- Chaton donc… Eh bah… On en apprend tous les jours…

- Nathan… souffla-t-elle.

- Vous devriez discuter plus souvent… continua-t-il pour plaisanter. Ça vous réussi...

Candice fusilla du regard son commissaire.

- Pardon ça m'a échappé ! s'excusa-t-il tout bas. J'ai eu peur aussi, t'as failli te faire écraser par le… par le bus là !

- N'empêche j'imagine la tête de Perrin s'il savait ça… continua-t-il hilare.

- Bon… maugréa Antoine avec agacement.

- Désolé ! s'excusa-t-il en se retenant de rire. Chaton est attendu dans la salle de contrôle… continua-t-il avant d'exploser de rire.

- Super la réputation… Merci Antoine !

- Pardon… répéta-t-il d'une moue boudeuse. »

. . . . .