Titre : Le pouvoir des mots

Auteur : Lady Zalia

Rappel du chapitre précédent :Voldemort arrive juste à temps pour sauver Harry du grimoire. Durant la nuit, il cauchemard, mais le mage noir le rassure et profite de sa détresse pour l'inciter à coucher avec lui. Le lendemain, il l'oblige à assister à une réunion de Mangemorts et fait le serment inviolable de ne jamais chercher à le tuer.


Chapitre 12

Harry ouvrit les yeux sur le plafond blanc du bureau de Voldemort, aussi déprimé que lorsqu'il les avait fermés, plusieurs heures plus tôt.

Après la réunion et une énième prise de tête, le mage noir avait invoqué une sorte de lit de camp sur lequel il l'avait laissé se reposer, entouré d'une bulle de silence. Il avait toujours les mains attachées, mais la position n'était pas si inconfortable et il était finalement parvenu à trouver le sommeil tandis que son geôlier organisait ses sombres desseins de son côté. Quelque part, c'était moins douloureux ainsi. Fermer les yeux, se boucher les oreilles alors que l'homme dont il était tombé amoureux planifiait des meurtres et autres exactions sans la moindre pitié.

Bien sûr, il savait que cela ne pourrait durer. Ça le rendait malade, et il se sentait bien trop coupable. En tombant dans le piège de Voldemort, il lui avait traduit les ¾ du grimoire et ce n'était plus qu'une question de jours avant qu'il ne lui fournisse le fameux rituel qu'il contenait. Il était pied et poings liés, car le mage noir avait menacé ses amis, cependant il savait qu'il ne se le pardonnerait jamais. Il ignorait encore ce que Voldemort comptait faire de ce pouvoir, mais le connaissant, c'était forcément quelque chose de mauvais.

D'un autre côté, avait-il seulement une chance de l'arrêter ? Certes, en prêtant serment, le mage noir s'était interdit à jamais de le tuer, mais Harry était loin d'être un aussi bon duelliste que lui, sans compter que Voldemort était toujours en possession de sa baguette. Un autre que lui aurait peut-être pu profiter de leur proximité pour surprendre le Serpentard dans un moment de faiblesse, mais lui-même s'en sentait incapable. Pire, la seule idée de blesser le mage noir le répugnait.

Finalement, il ne s'était jamais vu en héros et ce n'était pas près de changer. Il avait beau avoir attaqué et insulté le mage noir à plusieurs reprises, il avait agi sous le coup de la colère et certainement pas dans l'idée d'une vendetta.

Il pouffa d'un rire sans joie. Il allait probablement devenir fou, et si ce n'était pas sa situation qui le faisait, ce serait le grimoire d'Eldritch qui s'en chargerait. Pour l'heure, il était le prisonnier privilégié de Voldemort et ne pouvait plus bouger un doigt sans qu'il ne lève les yeux sur lui. Il n'avait aucune idée sur comment s'enfuir et ne voyait pas non plus la moindre solution pour éviter de lui fournir le rituel. Et même s'il ne savait toujours pas en quoi il consistait, par principe il voulait éviter qu'il ne tombe entre les mains de quelqu'un d'aussi amoral.

Soudain, deux mains aux doigts fins vinrent encadrer son visage, et il sursauta en voyant deux prunelles carmines apparaître dans son champ de vision. À cause de la bulle de silence, il ne l'avait pas entendu approcher…

- Tu m'as l'air bien pensif.

- Ma situation me déprime. TU me déprimes.

- La traduction est presque terminée. Bientôt tu pourras reprendre tes précieux contes pour enfants et retourner dans ton petit monde bien rangé.

Le libraire soupira. S'il ne parvenait pas à empêcher Voldemort d'obtenir la traduction complète, il comptait plutôt quitter l'Angleterre. Partir pour ne plus jamais revenir. Cela bien sûr à condition qu'il le laisse vraiment libre. Après tout, il avait promis de ne pas le tuer mais pas de le libérer…

Il détourna le regard pour ne plus le voir, mais il ne put s'empêcher d'inspirer son odeur alors que son nez frôlait la paume de sa main. Il pleurerait sans doute plus tard… Quand plus personne ne pourrait le voir, il pleurerait la perte de l'homme qu'il avait aimé. Mais pour l'heure, il ne pouvait se permettre de le faire, pas alors que cette même personne continuait de piétiner ce en quoi il croyait tout en couchant avec lui …

Un léger bruit de bouche retentit au-dessus de lui, attirant son attention.

- Tu es vraiment mauvais en Occlumancie, je vois que tu n'as même pas essayé de mettre en application les principes du livre que je t'ai prêté.

Il fronça les sourcils avant d'écarquiller les yeux sous le coup de la compréhension.

- Tu lis mes pensées ! Arrête ça !

- C'est difficile d'en faire abstraction, c'est comme si elles flottaient constamment autour de ta tête. Tes sentiments, je les vois. Tu…

- Ne le dis pas. Tu n'es qu'un putain d'hypocrite, tu peux peut-être les lire, mais tu ne les entendras plus jamais. Tu ne les mérites pas.

Sans s'offusquer de son ton mordant, Voldemort l'incita à se redresser pour s'asseoir à ses côtés, et Harry fut bientôt prisonnier de son étreinte. Totalement sourd à ses reproches, il avait posé ses lèvres sur sa nuque, et le Gryffondor frissonna en sentant son souffle chaud contre sa peau.

- Tu parles d'hypocrisie, toi ? Je te vois réagir à mes baisers, à mes caresses, et pourtant tu me craches ta haine au visage. Mais je crois que si tu es autant en colère, c'est avant tout parce que tu t'en veux. Tu te sens coupable de ressentir cela pour moi, le Seigneur des Ténèbres. Tu as beau savoir qui je suis, tu continues à me désirer, à m'offrir ton corps et à jouir entre mes doigts. Je sens ton petit cœur battre si fort dans ta poitrine, mais ce n'est pas de la peur. Tu attends avec impatience ce moment où je vais te toucher, parce que tu sais que quand je suis en toi, tu oublies tout. Alors, qui de nous deux est le plus hypocrite, hein ? Je me le demande…

Harry ne répondit pas, laissant uniquement échapper un gémissement étranglé alors qu'il l'attirait sur ses genoux. Voldemort ne simulait pas son désir pour lui, il pouvait sentir la bosse révélatrice entre ses fesses, et lui-même était dans le même état.

Pourquoi était-il si faible ? Comment pouvait-il seulement imaginer un plan pour s'évader alors que son bourreau lisait ses pensées avec une telle facilité ?!

Un léger rire répondit à son interrogation et il comprit que cette pensée aussi avait été interceptée. Il grogna en guise de réponse, mais la main du Serpentard était à nouveau en train de se glisser dans sa tunique et il peinait à formuler une phrase cohérente.

- Bon sang… c'est une manie chez toi, de me tripoter n'importe quand…

- À présent que tu connais mon identité, je n'ai plus aucune raison de réprimer mes désirs les moins raisonnables. Je suis quelqu'un d'un tantinet possessif, je le crains. Ton corps m'attire, Harry et je suis le Seigneur des Ténèbres. Je peux faire ce que je veux, quand je le veux.

Et sur cette phrase, il s'infiltra dans son caleçon pour empoigner son sexe. Harry tressaillit et sentit ses abdominaux se contracter sous la caresse. Il ne savait pas comment réagir. La rationalité aurait voulu qu'il résiste, qu'il le repousse. Il tenta une dernière fois de se donner bonne conscience.

- Tu ne peux pas faire ce que tu veux, sinon ça s'appelle un viol.

- Ose prétendre que tu n'es pas consentant. Tu voudrais peut-être pouvoir jouer les victimes, mais je vois tes pensées, alors décide-toi maintenant. Si c'est un non, dis-le clairement et je ne te toucherai plus.

Il frissonna, incapable de prendre cette décision. Il avait cette impression frustrante de perdre le contrôle de son corps, d'être réduit à ses plus bas instincts, mais en même temps il n'arrivait pas à haïr Voldemort pour cela. Le plaisir qu'il lui offrait était ravageur, et cette fois personne ne vint frapper à la porte pour les interrompre.

Il n'avait pas fait un geste pour se soustraire de l'emprise de son amant, mais quand bien même il aurait essayé, il n'aurait pu faire grand-chose. Le mage noir avait sa main droite autour de sa verge et sa main gauche sur sa gorge, tandis que ses poignets étaient toujours attachés, ses mains posées entre ses cuisses.

Lorsque les doigts fins frôlèrent ses bourses, le libraire se mordit la lèvre pour taire ses halètements. Il ne pouvait se départir de l'impression particulièrement gênante que n'importe quel Mangemort passant devant la porte pourrait l'entendre, et il en était mortifié.

À son grand dam, comme chaque fois qu'il le caressait, le mage noir s'appliqua à faire disparaître tous ses scrupules, abattre jusqu'à la moindre de ses résistances, et il abdiqua bientôt, basculant sa tête en arrière et écartant les jambes de lui-même.

C'était libérateur. Ce plaisir intense, immédiat, qu'il lui offrait, associé à cette transgression, ce frisson à l'idée d'enfreindre un tabou ultime. Il prenait plaisir entre les bras d'un despote, un mage noir cruel qui n'avait aucun respect pour quoi que ce soit. Et il aimait ça.

Bien sûr, le Gryffondor n'avait jamais fait grand cas des règlements, mais il avait toujours fait le bien et n'avait jamais dévié de sa boussole malgré les années. Aujourd'hui, même s'il ne faisait pas de mal à qui que ce soit en s'offrant au Serpentard, il ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable. Mais d'un autre côté, il n'avait pas assez d'arguments pour refuser. Pourquoi souffrir inutilement ? Pour sombrer dans la folie, faute de tout réconfort ? Pour venger son père mort trente ans plus tôt ? C'était absurde…

Il ferma bientôt les yeux. Il ne voulait plus y réfléchir. Voldemort allait l'amener à la jouissance, ce n'était plus qu'une question de secondes…

Il manipulait son corps comme un marionnettiste expert. Son souffle était tout contre sa gorge, pinçant parfois sa peau de ses lèvres, léchant sa carotide comme un vampire affamé avant d'aspirer la fine membrane pour y laisser une marque.

Pendant un instant, Harry crut qu'il s'arrêterait juste avant l'orgasme, pour le frustrer et le punir pour son insolence. Heureusement il sentit bientôt une brusque chaleur envahir son corps, et il se libéra entre les mains du mage noir en un ahanement extatique.

Lisant encore une fois ses pensées, son tortionnaire répondit à sa question muette.

- J'ai moi aussi songé à m'arrêter, mais cela aurait été contre-productif. Après tout, mon but est de te donner goût à cette vie. Te montrer combien il pourrait être plaisant de rester à mes côtés. Tu n'imagines pas combien cela me satisfait… pouvoir te tenir dans mes bras, offert, totalement vulnérable face à mes caresses.

Le libraire ne bougea pas, se remettant doucement de sa jouissance. Malgré la brume qui avait envahi son cerveau, il devinait sans mal le mot qui se cachait derrière ses propos : Voldemort n'aimait rien de mieux que le voir totalement soumis, et s'il acceptait le besoin de domination de son amant, le Gryffondor se serait sans doute vivement récriminé s'il l'avait énoncé de cette manière.

- Je ne peux pas nier que j'aime ça. Quand tu me tiens contre toi, je me sens bien… Malgré tout le reste. Mais ça ne pourra pas durer éternellement.

- Pourquoi ? Tu pourrais rester à mes côtés. Je ne laisserai jamais tes anciens amis te faire de mal, si c'est ce que tu crains.

Harry eut un rire sans joie.

- Tu ne comprends pas. Tu es sans doute incapable de comprendre. Je ne pourrais jamais être heureux si je ne peux plus voir mes amis ou ma mère. Je ne pense pas non plus pouvoir être heureux en vivant aux côtés d'un homme aussi cruel que toi, qui prend plaisir à torturer et tuer. Pour l'instant… j'ai besoin de toi, de ta présence à mes côtés pour supporter l'horreur du grimoire. J'ai besoin de fermer les yeux sur qui tu es pour ne pas devenir fou. Mais il viendra forcément un moment où la réalité me rattrapera.

Il soupira, immobile, profitant encore quelques secondes de ce moment hors du temps, où il pouvait simplement confier ce qu'il avait sur le cœur. Loin de le repousser, le mage noir raffermit son étreinte autour de son torse.

- Ferme les yeux autant que tu le veux. Je n'ai pas encore perdu l'espoir de te convaincre. Mais sache qu'à la fin de la traduction, il te faudra faire un choix, et il sera définitif. Je ne suis pas le genre d'homme qu'on peut congédier à l'envie, Harry…

Comme souvent, sa voix était proche d'un chuchotement, et ces sonorités sifflantes firent frissonner le Gryffondor.

- Tu me laisserais partir ?

- Je te l'ai dit. Violer un prisonnier ne m'apporterait vraiment aucun plaisir. Je veux que tu restes à mes côtés de ton plein gré. Mais saches que même si je serais prêt à faire certaines concessions, je ne changerai pas ma manière de vivre ni qui je suis. Si tu t'engages, tu sauras à quoi t'en tenir.

Le libraire écarquilla des yeux, n'osant se retourner pour croiser son regard. Il était toujours entre les bras du mage noir et il ressentit un regain d'affection pour lui. C'était sans aucun doute un sociopathe sans la moindre empathie, mais il avait tout de même certains principes… Il respecterait sa volonté.

Pris d'un soudain désir, il se laissa glisser jusqu'au sol avant de se retourner. À en juger par la protubérance sous ses fesses, le mage noir n'était pas encore soulagé et il voulait le remercier…

- Laisse-moi te sucer.

Immédiatement, Voldemort perdit tout sourire.

- Tu sais que je n'aime pas ça.

- Mes poignets sont toujours attachés. Je ne bougerai pas. Sers-toi de ma bouche de la manière que tu veux. Je veux simplement te donner du plaisir comme tu m'en as donné.

Le mage noir sembla hésiter un instant avant de glisser sa main gauche dans ses cheveux. Le geste était tendre, loin des habituels élans de domination de Voldemort, et Harry ouvrit immédiatement la bouche, yeux fermés. Il n'osait le dire tout haut, mais l'idée de son amant enfonçant son sexe entre ses lèvres avait quelque chose de terriblement excitant. Il se sentit durcir à nouveau lorsque la verge se posa sur sa langue, cependant il ne fit pas le moindre mouvement, fidèle à sa promesse. Presque timidement, le sexe s'enfonça dans sa bouche avant d'en ressortir, le même schéma se reproduisant au gré des oscillations de la main dans ses cheveux.

Peu à peu, le mouvement se fit plus rapide, la pression sur sa tête plus forte, et de légers halètements retentirent au-dessus de lui, incitant le libraire à observer son vis-à-vis. Le mage noir était littéralement en train de baiser sa bouche, tête renversée en arrière dans la plus pure expression de plaisir. L'image était absolument érotique, et Harry s'efforça de la graver dans sa mémoire.

Les mouvements devenus brutaux l'obligèrent bientôt à se concentrer sur sa respiration, et après encore quelques secondes, il accueillit la semence de Voldemort au fond de sa gorge tandis qu'un râle de jouissance retentissait dans la pièce.

Il avala le sperme et releva les yeux pour croiser ceux du mage noir qui semblait perdu dans sa fascination. Ils restèrent ainsi, figés, le regard l'un dans l'autre, jusqu'à ce que le Serpentard s'agenouille finalement devant lui pour le serrer dans ses bras.

- Tu me fais ressentir des choses si violentes que je pourrais tuer tous tes proches pour t'avoir pour moi tout seul.

- Cela me détruirait.

- Je sais. Mais tu n'imagines pas… à quel point je te désire, Harry Potter.

L'étreinte était fébrile, comme s'il se retenait de l'étouffer entre ses bras, mais le Gryffondor ne fit pas un geste pour s'en détacher, se contentant au contraire de caresser son torse à travers sa robe sorcière.

- On ne peut pas forcer l'amour.

Bien sûr, il était déjà tombé amoureux de lui. Mais de là à abandonner toute sa vie… Il ne voulait pas l'envisager. Heureusement, la réponse fut lapidaire.

- Je ne suis pas stupide. Utiliser l'Imperium ou une potion serait parfaitement hypocrite. C'est toi que je veux. Je veux que tu m'appartiennes tout entier. Je veux ton esprit, ton âme. Je veux intoxiquer ton corps au point que ta magie reconnaisse la mienne et en devienne dépendante. Je veux devenir ton seul ancrage.

Quelque part, venant d'un mage noir, c'était sans doute ce qui se rapprochait le plus d'une déclaration d'amour.

Soudain, il l'incita à se relever et nettoya son vêtement d'un sort avant de le repousser sur la couchette. Ces gestes avaient été si rapides que Harry en fut quelque peu désorienté. Lorsqu'il releva les yeux, Voldemort s'était déjà rassis derrière son bureau.

- J'ai encore un rapport à lire et ensuite nous pourrons rentrer.

Harry se sentait un peu groggy par l'orgasme et il se contenta de l'observer. Le Seigneur des Ténèbres lisait manifestement le parchemin avec attention, car il pouvait voir ses yeux passer d'une ligne à l'autre, fronçant parfois les sourcils. Il remplissait sa tâche avec sérieux et le Gryffondor s'en amusa.

- Qui aurait cru que diriger une armée de psychopathes soit aussi fastidieux !

- Mon but n'est pas de simplement semer la terreur, Harry. Je veux peu à peu sculpter le pays selon mon idéal.

- En organisant un attentat dans une boutique de Quidditch la veille de Noël ? Quel meilleur moyen de changer les choses, c'est évident.

Voldemort leva les yeux pour soutenir son regard.

- Ces actions servent à discréditer Dumbledore et à montrer combien l'Ordre du Phénix est impuissant face à moi. Ce n'est qu'une période de transition. Lorsque le vieux fou sera mort, je prendrai Poudlard et placerai un de mes pions comme Directeur.

- Une période de transition qui dure depuis 40 ans. Votre gué-guerre est absurde. Dumbledore ne fait que se terrer dans son château sans jamais t'affronter directement. Il préfère laisser ses partisans prendre tous les risques à sa place. Vous ne valez pas mieux l'un que l'autre.

- Quelle insulte de ta part ! Mais contrairement à lui, je ne le crains pas. Une fois le pouvoir du grimoire en ma possession, il sera bien forcé de sortir de son trou s'il veut avoir un espoir de m'arrêter. Et alors je le vaincrai une bonne fois pour toute.

Harry haussa les épaules. À titre personnel, il se fichait bien que Dumbledore meure face à Voldemort. Il n'avait ni respect ni pitié pour le directeur de Poudlard et considérait qu'il avait provoqué la mort d'un nombre bien trop important de personnes pour mériter d'être sauvé…

Tout en parlant, le mage noir avait rangé ses affaires et s'était levé jusqu'à se positionner devant lui. Le libraire se releva immédiatement à son approche, pressé de pouvoir quitter les lieux. Il n'avait rien mangé depuis le matin même et le QG des Mangemorts avait quelque chose de malsain qui le mettait mal à l'aise. Lorsque Voldemort l'attira contre lui pour le faire transplaner, il se laissa faire sans résister, et lorsqu'ils arrivèrent dans le jardin de sa demeure, il s'autorisa même un sourire.

***/+/***

Comme chaque fois que Harry dormait à ses côtés, Voldemort prit le temps de l'observer. Ces deux derniers jours, sa vie avait subi un certain nombre de bouleversements qui avaient changé son quotidien de manière radicale.

Lui qui avait toujours aimé la solitude devait maintenant vivre constamment avec un Gryffondor vindicatif à l'opposé de ses valeurs morales. Loin de le craindre, il l'avait insulté à plusieurs reprises et ne semblait pas se rendre compte à quel point il se montrait exceptionnellement tolérant à son encontre.

Bien sûr, tout cela était pour une cause plus grande, cependant les choses n'étaient pas aussi mauvaises qu'il s'y serait attendu suite à la révélation de sa supercherie.

D'une part, et non des moindres, il avait accepté de continuer à avoir des rapports sexuels avec lui, et cette idée lui procurait une intense satisfaction. Pouvoir encore coucher ensemble malgré la découverte de son identité avait quelque chose d'inespéré, et rien ne le ravissait plus que de le sentir répondre à ses baisers et lui offrir son corps.

D'autre part, il ne semblait pas totalement fermé à l'idée de rester vivre à ses côtés une fois le grimoire traduit, et le mage noir ne pouvait s'empêcher d'espérer que peut-être, il finirait par le convaincre. Bien sûr, Harry ne l'avait pas formulé de cette manière. Il lui avait dit qu'il ne pourrait être heureux en vivant loin de ses proches, mais ce n'était qu'une hypothèse, et lui-même voyait cela comme un challenge.

Évidemment, il savait que si le libraire décidait de retourner à sa vie d'antan et de l'oublier, il réagirait extrêmement mal. Sans doute allait-il mettre le pays à feu et à sang pendant plusieurs semaines avant de parvenir à se calmer, mais cela, il valait mieux éviter de le dire au jeune sorcier s'il voulait avoir encore une chance de le séduire.

Il n'avait pas prêté serment de préserver la vie de ses proches, et si Harry l'abandonnait, il s'assurerait que sa douleur soit aussi grande que sa rage…

Pour le moment, il était dans son lit, nu et paisiblement allongé à ses côtés, heureusement inconscient de ses sombres pensées. Il avait passé la soirée à l'entraîner à l'Occlumancie et la nuit avait été paisible, sans créature ni cauchemar pour la troubler.

Avec un sourire espiègle, Voldemort glissa un doigt le long du torse découvert, faisant frissonner le jeune sorcier.

- Il va falloir se lever, il est temps pour nous deux d'aller travailler…

Le murmure lui arracha un grognement réprobateur, néanmoins il ouvrit bientôt les yeux, baillant et s'étirant comme un chat.

- Hum… j'étais bien là. J'ai passé une excellente nuit, et toi ?

- Je n'ai pas été dérangé par des cris ni par une attaque donc je suppose qu'elle fut bonne. Allons prendre une douche, et ensuite tu pourras déjeuner.

Cette fois, le libraire ne se récrimina pas pour sa tenue ni pour sa volonté de diriger chaque seconde de sa vie, et ils rejoignirent rapidement son quartier général.

Il était prévu que Harry traduise l'avant-dernière partie aujourd'hui et cela n'avait pas semblé effrayer le Gryffondor malgré ses récentes expériences avec le grimoire. Il paraissait au contraire déterminé et Voldemort admira son courage.

- J'aimerais que tous mes Mangemorts soient aussi résolus que toi…

Le libraire haussa les épaules.

- Je sais que Paul de Tudèle a survécu malgré sa situation catastrophique donc je sais que je ne risque pas de mourir. Par contre, je ne sais pas ce que tu attends de ce fameux rituel mais il n'a pas vraiment l'air d'être un mage noir en puissance. Il veut sauver ses camarades, qu'ils soient sorciers ou moldus. Ce n'est pas tellement dans tes valeurs… Enfin je suppose que je découvrirai la vérité à la fin du grimoire…

- Nous verrons ça. Ne crains rien, je resterai à tes côtés cette fois. Je ne laisserai rien t'arriver…

Harry grimaça et tapota son front avec une grimace.

- Hormis la folie et les traumatismes causés par ce que je vais vivre, bien sûr… D'un côté, j'ai peur de ce que je vais trouver aujourd'hui, mais d'un autre côté je suis… curieux. Comme si j'avais besoin de savoir. Je pense que sinon ça m'obséderait. Ce qu'il s'est passé dans ce livre, je l'ai vécu. Ce n'est pas juste une histoire non terminée. C'est comme si d'un seul coup la réalité se déchirait, te laissant dans l'ignorance. On a l'impression de ne plus être maître de sa propre vie, comme si on était le jouet d'une sorte de divinité…

Pris d'une pulsion subite, Voldemort l'attira jusqu'à lui pour l'embrasser.

- Même si ce livre joue avec ton cerveau, l'Occlumancie devrait t'aider un peu, cette fois. A tout à l'heure.

Il se recula d'un pas et s'assit sur son propre siège, face à lui. Il s'était simplement installé de l'autre côté du bureau, sa baguette à portée de main, prêt à intervenir au moindre phénomène inquiétant. D'ici, il pouvait presque toucher le visage de son amant, et ce dernier lui offrit un dernier sourire avant de plonger son regard en direction du grimoire.

De là où il était, il put voir immédiatement les changements s'opérer alors que sa conscience était escamotée par le pouvoir du grimoire. De sa main droite, il s'était mis à écrire, frénétiquement, tandis que ses yeux enchaînaient les mots avec une vitesse surprenante. Il semblait à peine respirer et tout son corps s'était rigidifié, comme s'il était plongé en transe.

Le mage noir resta plusieurs minutes à l'observer, fasciné à la fois par la puissance du grimoire et par le physique du libraire. Lorsque lui-même avait essayé de traduire la partie en français, à aucun moment il n'avait été aspiré dans l'histoire de cette manière. Peut-être était-ce parce qu'il lui manquait trop de mots de vocabulaire pour comprendre, ou peut-être était-ce du fait de sa force mentale exceptionnelle, mais il en était un peu frustré. Il était curieux de savoir ce que le Gryffondor vivait, et après quelques secondes d'hésitation, il pointa sa baguette droit devant lui.

- Legilimens.

***/+/***

Il fallut un temps interminable avant que notre camarade supplicié ne finisse par rendre l'âme. Il avait été traîné dans toute la ville et ne l'avions suivi en compagnie du seigneur Vasilescu, impuissants. Je sentais la culpabilité me ronger les entrailles et j'aurais aimé avoir quoi que ce soit à prier pour améliorer notre sort.

La soirée n'était encore qu'à son début et le chef du village semblait bien décidé à nous faire visiter son Église, qui m'avait déjà plongé dans l'effroi la première fois.

Nous n'avions cependant d'autre choix que de le suivre, et lorsque nous arrivâmes en haut de l'escalier qui plongeait sous terre, j'attrapai mes camarades par les poignets pour les prévenir.

- Il faut que vous sachiez, les habitants de ce village vénèrent un monstre. Il m'y a emmené hier. Il y a là-dessous un temple en l'honneur d'une créature digne de vos pires cauchemars. J'imagine qu'ils voudront qu'on lui rende hommage… J'espère juste que cela sera d'une manière qui soit humainement acceptable.

Ma mise en garde sembla épouvanter mes camarades, et Serge m'attrapa brutalement par le col de ma tunique.

- Et vous n'avez pas songé à nous prévenir plus tôt ? Ces barbares vont nous sacrifier au nom de leur dieu ! Hors de question que je mette les pieds là-dedans !

Le seigneur Vasilescu n'avait pas manqué notre altercation et il tourna vers moi ses yeux noirs.

- Que se passe-t-il ?

- C'est… mon camarade a peur des lieux fermés. Je lui ai annoncé que nous allions probablement devoir descendre et il refuse. Il a très peur d'aller sous terre.

Je tentais de lui épargner cette épreuve, mais le chef du village m'offrit un sourire inquiétant et leva trois doigts.

- S'il refuse, c'est qu'il est faible. Les couards ne méritent que d'être sacrifiés au nom de notre dieu. Il le rencontrera, de gré ou de force.

Immédiatement, deux gardes se saisirent de lui et tentèrent de le menotter, malgré ses tentatives pour se débattre.

- Arrêtez ! Qu'est-ce que vous leur avez dit ! Vous leur avez demandé de me tuer ?

- Pas du tout ! J'ai dit que vous étiez claustrophobe pour vous éviter d'avoir à descendre, mais… Mais il refuse… Je suis désolé… Je suis tellement désolé !

Comprenant ce qui était en train de lui arriver, Serge se démena de plus belle, mais les gardes étaient costauds et manifestement rompus à ce genre de pratique. Ils le clouèrent au sol, face contre terre et lui attachèrent les mains et les chevilles, sous les pleurs d'Iseult et Bérénice.

Mon camarade rua, hurla, tenta de mordre ses assaillants, en vain. Ses cris se répercutèrent dans les escaliers jusqu'à finalement se noyer dans les ténèbres, tandis que nous étions restés immobiles, figés, stupéfaits par l'horreur et l'absurdité de la situation.

Pour ma part, je me sentais nauséeux, à la fois impuissant et coupable. Mortifié d'avoir précipité la chute de mon condisciple et terrifié par ce qui nous attendait en bas.

J'étais incapable de prononcer un mot, la gorge nouée par l'intensité de mes émotions, et ce fut Iseult, qui osa prendre le relai.

- Seigneur Vasilescu, nous ne comprenons pas pourquoi avoir fait cela ! Notre camarade est terrifié, persuadé qu'il va mourir ! Alors que vous nous avez accueillis avec tant de générosité, nous avons désormais l'impression que le moindre geste pourrait nous coûter la vie.

- Madame, chez nous le blasphème est puni de mort. En refusant de se prosterner devant notre dieu, votre ami a scellé son destin. Réjouissez-vous désormais qu'il fasse sacrifice de sa vie au nom du grand Cthulhu. Son âme participera au réveil de notre dieu.

La terreur submergea notre interprète qui s'écroula sur elle-même, incapable de faire un pas de plus. Heureusement, Bérénice s'empressa de la relever, la soutenant contre elle pour l'empêcher de retomber.

Elle me jeta un regard, désignant le bras où était caché ma baguette, cependant je secouai immédiatement la tête. Quand bien même nous aurions transplané jusqu'à l'extérieur du village, nous n'avions aucun vivre et il était impensable de simplement se téléporter sans cesse jusqu'à la frontière. Par ailleurs, je n'avais jamais été un combattant, et je m'imaginais mal venir à bout du seigneur et de tous ses gardes, sans compter les villageois fanatiques.

Nous n'avions d'autre choix que de suivre la visite prévue par le roumain et espérer qu'il nous laisserait partir le lendemain comme il nous l'avait promis.

D'un pas tremblant, nous entamâmes la descente des marches en direction du temple. L'escalier me sembla interminable, mais je retenai mon souffle, osant à peine soupirer par peur de courroucer le seigneur Vasilescu. Mes camarades semblaient encore moins rassurées que moi, car elles n'avaient encore jamais mis les pieds dans la caverne et ignoraient tout de ce qui les attendait.

Iseult semblait s'être rassérénée, car elle avançait d'elle-même, sans l'aide de Bérénice, toutefois j'ignorais si elle parviendrait à garder son calme une fois en bas.

Depuis ses derniers propos, le chef du village nous fixait tour à tour, comme s'il cherchait la moindre trace de sacrilège dans notre attitude, et je pouvais presque sentir son regard nous brûler par son intensité. Il fermait la marche en compagnie de quelques soldats, nous interdisant toute retraite.

Je m'efforçai de continuer à marcher en faisant preuve d'un optimisme forcené pour juguler ma peur, mais peut-être étais-je déjà en train de sombrer dans la folie. Bientôt, nous fûmes suffisamment profonds pour percevoir l'entêtante mélopée qui résonnait depuis le chœur de l'église souterraine.

- Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Iä, Iä, Cthulhu R'lyeh fhtagn ! Iä, Iä, Cthulhu fhtagn !

Contrairement à la dernière fois, je pris le temps d'essayer de l'analyser, mais ces mots ne semblaient même pas issus d'un quelconque langage humain. Ils ne ressemblaient à aucune langue connue et je ne parvenais pas à en deviner le sens. Il y avait bien cette récurrence de ce nom, Cthulhu, qui était manifestement le nom de leur dieu, mais je ne parvenais pas à comprendre comment l'idée d'un culte aussi étrange avait pu leur venir. Par ses pratiques, il rompait complètement avec le christianisme pourtant bien implanté dans la région, néanmoins il avait donné naissance à cette dictature terrifiante où le moindre blasphème était puni de mort.

Mes pensées m'avaient aidé à faire abstraction de mon environnement direct, et je repris conscience alors que nous pénétrions dans l'immense salle. Des centaines de fidèles… J'oserais dire toute la ville, était réunie ici. Chacun d'entre eux portaient une longue bure jaune qui les recouvrait de la tête aux pieds tandis qu'ils étaient agenouillés à même le sol, leurs mains tendues vers le ciel.

Le seigneur Vasilescu nous fit encore avancer jusqu'aux pieds de la statue, et je m'étonnai à nouveau que des humains sans magie aient pu réaliser une sculpture à la fois aussi grande et aussi détaillée. On pouvait voir les écailles qui recouvraient la peau de la créature ainsi que les stries de ses ailes. Les tentacules qui pendaient de son visage semblaient prêts à s'animer et je m'attendais presque à en voir suinter un ichor gluant tel les créatures marines dont il était inspiré.

Soudain, je pris conscience que ce que j'avais pris pour un autel lors de ma première visite était en réalité une table sacrificielle, et je ne pus réfréner un mouvement de recul. Serge était allongé sur la surface de pierre, cependant, alors même qu'il n'était pas attaché, il ne faisait pas un geste pour se relever, comme s'il s'était résigné à son sort. De la même manière, je me demandais s'ils ne l'avaient pas drogué pour le rendre plus paisible, car il ne criait ni ne pleurait bien qu'aucun bâillon ne recouvre sa bouche. Sa tunique avait été arrachée pour mettre son torse à nu et je fermai un instant les yeux pour me préparer à l'épreuve qui allait suivre.

Je pensai qu'ils allaient le sacrifier sous nos yeux, d'ailleurs, les gardes avaient déjà fait signe à Bérénice et Iseult de s'agenouiller au premier rang. Pourtant, lorsqu'une prêtresse vint placer la poignée d'une dague entre mes mains, j'eus un hoquet de stupeur.

- Que… Pourquoi ?

Avec un air paternaliste, Lucian Vasilescu vint poser une main sur mon épaule, me faisant à nouveau sursauter.

- Cet homme était l'un des vôtres. Prenez sa vie pour l'offrir au grand Cthulhu. Il bénira votre voyage.

Partagé entre l'horreur et l'effroi, je me mis à bégayer, incapable de formuler une phrase cohérente. Je n'avais jamais pris une vie et j'allais devoir mettre fin aux jours d'un de mes anciens employés. Ce n'était pas juste. C'était totalement fou. Impossible.

Je reculai d'un pas et trébuchai, mon esprit peinant à coordonner mes membres. Je me sentais impuissant et ma propre mort me sembla soudain imminente. Pris de panique face à l'inéluctable, mes doigts se refermèrent sur ma baguette, mais alors que j'allais la sortir face à tous ces fanatiques et sceller mon destin, le mouvement d'Iseult me libéra de ma terreur.

- Je vais le faire.

Elle s'était levée, poings serrés, mais loin d'être déterminée, son regard brûlait au contraire d'une folie furieuse. J'y voyais le désir de vivre, envers et contre tout. Le regard d'une personne poussée à bout, menée jusqu'aux limites de sa santé mentale, déshumanisée. Réduite à l'état d'animal, guidée par une intuition primitive.

Sidéré, je fus repoussé au premier rang, forcé de m'agenouiller tandis qu'elle se saisissait du coutelas et le soulevait au-dessus de notre camarade toujours immobile. Le seigneur Vasilescu arborait un sourire extatique.

- Bien, très bien. Mes amis, priez Cthulhu ! Une nouvelle âme va le rejoindre d'ici peu ! Une nouvelle âme pour alimenter son réveil !

- Dois-je prononcer des mots ?

- Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Répétez après moi ! Puis mettez fin à sa misérable vie.

Iseult répéta les mots avec une exactitude surprenante avant de plonger la dague en plein cœur. On aurait dit qu'elle aussi était possédée. Déconnectée de toute empathie.

À mes côtés, Bérénice poussa un gémissement étouffé, ses deux mains sur sa bouche pour tenter de réprimer ses larmes. Heureusement, les habitants avaient tous commencé à psalmodier leur incantation habituelle, et personne ne fit attention à elle.

Je sentais confusément mon cœur battre à toute allure et une sueur froide recouvrir mon corps, mais même si je l'avais voulu je ne pouvais pas faire le moindre geste. Mon instinct de survie me hurlait des ordres contraires, indécis entre la fuite et l'immobilité.

Soudain, ma peau se recouvrit de chair de poule, et je levai les yeux. C'est alors que je crus défaillir. La statue… la tête de la statue avait bougé, je l'aurais juré…

Je fondis en larmes, muet, sidéré par l'horreur et l'invraisemblance de la situation. Était-ce l'action d'un sorcier ? Il devait forcément y avoir une certaine magie à l'œuvre, pourtant je n'avais senti ni même entendu le moindre sortilège…

Tel que je me les étais imaginées plus tôt, les orbites oculaires de la statue étaient faites d'une pierre noire, tel un trou sans fond sur des abysses insondables. Il y avait quelque chose d'hypnotique à les contempler, et le bon sens me fit immédiatement baisser les yeux. J'ignorai quel pouvoir pouvait avoir ce culte, mais j'avais vu les comportements de plusieurs de mes camarades changer de manière trop radicale pour ne pas me méfier. D'abord les marchands Pierre et Maric qui avaient soudainement décidé de s'installer avant de disparaître, puis Serge qui avait cessé toute résistance et s'était finalement laissé tuer sans faire le moindre geste. J'avais entendu parler d'un sortilège de magie noire capable de faire perdre toute volonté à sa victime, cependant mon intuition me disait que c'était autre chose et ce n'était pas vraiment pour me rassurer.

J'étais né dans une famille de sorciers et je n'avais presque jamais été confronté à l'inexplicable. De ce fait, voir cette statue gigantesque se mettre à bouger ou mes camarades se voir privés de leur rationalité me terrifiait. Devant moi, Iseult était toujours debout, fixant le corps sans vie de Serge avec une sorte de fascination. Ses bras étaient tendus dans une raideur douloureuse et ses mains étaient toujours resserrées, comme collées au manche du couteau. Soudain, elle tourna les yeux vers moi et souleva le couteau, une lueur démente dans le regard.

- Des âmes pour Cthulhu !

À ses côtés, Lucian Vasilescu et sa prêtresse avaient levé les mains au ciel et l'appel fut repris par la centaine de fidèles derrière nous.

- Des âmes pour Cthulhu ! Des âmes pour Cthulhu !

Un frisson me saisit, et avant même que je n'eus pu faire le moindre geste, la pointe d'une lance transperça Bérénice à mes côtés.

Nous hurlâmes de concert, elle de douleur et moi d'effroi, cependant les habitants du village étaient déjà sur nous. J'aurais voulu saisir son poignet pour la faire transplaner avec moi, mais Iseult fendit l'air de sa lame, me forçant à esquiver sur le côté tandis que ma condisciple était happée par la horde. Une clameur cacophonique avait envahi le temple souterrain, m'assommant presque par son volume. Devant moi, mon interprète semblait avoir totalement succombé à la folie et tentait désespérément de m'éventrer, m'obligeant à reculer de plus en plus.

- I… INCENDIO !

Saisissant fermement ma baguette, je voulus faire apparaître une gerbe de flammes dans l'espoir de l'effrayer. Sous le coup de la panique cependant, ma magie s'emballa, créant un véritable cercle incandescent qui mit feu à la cape de plusieurs fanatiques et provoqua un mouvement de foule.

Comme au ralenti, je vis Bérénice être projetée en bas de l'estrade de pierre, sa tête heurtant le sol avec violence. Elle ne se releva pas. Ses yeux grands ouverts, immobiles, reflétaient la lueur des flammes comme mon propre crime. Je gémis, étouffé par la culpabilité. Mes mains étaient couvertes de sang. Par mes actions, j'avais causé la perte de chacun des hommes et des femmes entrés à mon service. Ceux qui avaient rebroussé chemin avaient-ils seulement survécu ?

Restait Iseult qui avait eu le temps de reculer, mais elle semblait plongée dans la folie et hurlait de frustration et de rage, tournant autour de mon cercle comme un animal pris en cage.

Mon feu magique brûlait à même le sol de pierre, générant des flammes d'un bon mètre de haut. Je pensais que mon enchantement avait suffisamment impressionné les roumains pour qu'ils me craignent, cependant le seigneur pointa son doigt vers moi.

- Il maîtrise la magie, offrir son âme à notre seigneur lui donnera sa puissance ! Tuez-le ! Tous ensembles !

D'un seul mouvement, la masse d'adorateurs se jeta en direction de mon cercle, et les premiers d'entre eux se tordirent bientôt de douleur alors que les flammes embrasaient leurs vêtements, diffusant une odeur répugnante. Mon sortilège n'était qu'un modeste cercle dissuasif, et bientôt les corps des premiers servirent de passage aux seconds, les hurlements de souffrance des mourants se mêlant aux beuglements frénétiques de ceux encore debout. J'avais beau les repousser par des sortilèges de désarmement, ils revenaient sans cesse, infatigables. J'étais cerné, acculé par des hommes et des femmes qui semblaient avoir abandonné toute humanité.

Pris de panique, je ne songeai désormais plus qu'à fuir. Je devais survivre. Toute ma magie, toutes mes connaissances étaient insuffisantes. Il fallait que je m'échappe de cette église de mort et de folie. Par n'importe quel moyen.

Tentant de reprendre mon souffle malgré la fumée noire qui émanait des corps calcinés, je repoussai une nouvelle fois les assaillants les plus proches avant de me concentrer pour me téléporter. Il fallait que je remonte à la surface. Il fallait que je disparaisse. Maintenant.

- Transplanage !

***/+/***

Voldemort avait suivi les aventures de Paul de Tudèle à travers l'esprit de son amant, et il en avait été fasciné. C'était comme si les souvenirs du sorcier avaient traversé les siècles pour se greffer directement sur ceux du libraire. Il ne parvenait à comprendre quel genre de magie était à l'œuvre mais il aurait bien le temps de disséquer l'ouvrage une fois le rituel en sa possession…

De fait, il avait passé les heures suivantes à vivre ce que vivait Harry, à peine conscient de son environnement, incapable de se détacher de ces scènes issues d'un lointain passé. Contrairement au Gryffondor, il avait gardé ses souvenirs et son esprit, cependant la curiosité était beaucoup trop forte. Il voulait voir ce qu'il voyait, comprendre ses émotions, s'approprier lui-aussi l'ambiance de ce mystérieux village pour enfin découvrir ce qui lui avait échappé jusqu'alors.

En tant que mage noir responsable de plusieurs centaines de meurtres et d'actes de barbarie, il n'était pas facilement impressionnable, pourtant il avait dû admettre que ce seigneur moldu avait le sens de la mise en scène.

Il avait en revanche jugé Paul de Tudèle d'une faiblesse aberrante, et s'était récriminé intérieurement de le voir s'aplatir devant ces moldus avec une telle docilité. S'il avait été à sa place, il aurait eu tôt fait de prendre possession du village par la force et aurait utilisé sa magie devant tout le monde pour éradiquer ce culte stupide.

De son point de vue, les émotions et les choix de l'auteur du grimoire étaient incompréhensibles, tout comme il ne comprenait pas non plus la terreur qui avait habité son amant lors de ses précédentes plongées dans le livre. Le village était dégénéré mais les moldus avaient si peu grâce à ses yeux qu'il ne voyait aucune différence avec le prêtre qui venait les évangéliser chaque semaine à l'orphelinat. Leurs pratiques étaient celles d'une époque où l'on torturait et brûlait vifs les personnes suspectées de sorcellerie et n'étaient pas pires que celles des inquisiteurs...

Lorsqu'il avait vu le comportement de l'interprète et du factotum changer du tout au tout, il avait été intrigué et essayé de comprendre quelle magie était à l'œuvre, puis lorsque le sorcier avait sorti sa baguette pour se défendre, il avait espéré qu'il laisse enfin libre cours à sa magie. Cependant, il avait à peine eu le temps de deviner la nature du sortilège utilisé qu'il avait été éjecté hors du souvenir avec la force d'un Repulso. Dans son bureau, un cercle de feu s'était alors matérialisé, et au milieu de celui-ci, Harry avait continué d'écrire avec la même frénésie, les yeux révulsés, comme si son esprit n'avait plus besoin de lire le texte pour s'y connecter.

- Par Salazar ! Harry !

D'un coup de baguette, il tenta d'attirer le grimoire jusqu'à lui pour mettre fin à la connexion mentale, cependant son sortilège n'eut aucun effet, augmentant son inquiétude de manière exponentielle.

D'un second sort, il voulut repousser le libraire pour l'éjecter hors du cercle de feu, mais rien n'y fit. Ni Harry ni le livre n'étaient accessibles, et les flammes avaient commencé à consumer le tapis, menaçant d'engloutir tout le bureau dans un incendie !

À défaut, il s'entoura d'un bouclier pour traverser le feu magique, mais une vague d'énergie le repoussa. Le Gryffondor était totalement possédé par l'esprit de Paul de Tudèle et il toussait, gémissait et hurlait ses sorts, prisonnier du souvenir relaté dans le grimoire.

Soudain, alors que Voldemort allait enfin mettre la main sur lui, il se volatilisa tout bonnement.

Sidéré, le mage noir prit quelques secondes pour comprendre ce qu'il venait de se passer. Harry Potter venait de transplaner il-ne-savait-où sans baguette et si heureusement le grimoire d'Eldritch était resté ici, il n'avait pas la moindre certitude que le libraire ait repris conscience.

Maîtrisant son angoisse, il commença par dissiper le cercle de feu avant de mettre le grimoire dans son coffre-fort. Il devait partir à la poursuite du Gryffondor, mais où chercher ? S'il avait transplané en étant possédé par l'esprit de Paul de Tudèle, son objectif aurait dû être le fameux village roumain, cependant il y avait peu de chances qu'il ait atterri au même endroit, car le transplanage entre les pays était impossible, d'autant plus à une telle distance.

C'était rassurant, quelque part, mais sur le papier, il était très difficile de parvenir à invoquer un cercle de flammes ou à transplaner sans baguette, et pourtant il venait de le faire sous ses yeux… Le seul point positif, c'était qu'aucun morceau de lui n'était resté sur place, ce qui signifiait qu'il ne s'était pas désartibulé…

Dehors, la nuit était tombée, et Harry n'avait aucun moyen de se défendre, sans compter qu'il était probablement en état de choc…

Il parcourut rapidement les dernières lignes écrites de sa main et commença à faire les cents pas. Si son amant avait retrouvé ses esprits au moment de transplaner, il avait probablement songé à un endroit où il se sentirait en sécurité, hors de danger...

En l'état, il n'aurait probablement aucun moyen de revenir, il ne servait donc à rien de l'attendre ici… Il allait vérifier son appartement et la maison de sa mère, cependant il devait bien admettre qu'il ne le connaissait pas assez pour deviner dans quels autres endroits il aurait pu vouloir se réfugier. Peut-être chez ses amis ? Heureusement, il avait leurs adresses grâce aux informations de Lucius…. Cela faisait trois jours qu'il le retenait prisonnier et s'il avait transplané chez eux, sans doute allait-il être compliqué de le récupérer.

D'ailleurs, outre la réaction de ses proches, il n'avait aucune certitude que Harry le veuille lui-même. S'il se montrait tendre et acceptait de coucher avec lui, le libraire était foncièrement opposé à ses valeurs morales, et s'il pouvait profiter d'une opportunité pour ne pas traduire la fin du grimoire, il était évident qu'il allait la saisir.

Sans attendre davantage, Voldemort se rendit d'abord dans l'appartement du libraire. Les lumières étaient toutes éteintes, et il n'eut pas besoin de chercher bien longtemps pour se rendre compte qu'il était vide…

Il survola ensuite Godric's Hollow jusqu'à la demeure de Lily Potter, mais une fois encore, il ne lui fut pas nécessaire de pénétrer dans la demeure pour deviner que Harry n'y était pas. Un Hominum Revelio lui confirma que la sorcière était seule chez elle, et il pouvait la voir depuis la fenêtre de sa cuisine…

Avec dépit, il transplana successivement chez ses trois amis, Hermione Granger, Luna Lovegood et Neville Londubat, mais étrangement aucun d'entre eux n'étaient présents malgré l'heure tardive. Sans doute devaient-ils mener une vie insouciante, sans se douter que le libraire était peut-être en danger de mort…

Si seulement il avait pu les interroger pour connaître les lieux où aurait pu se trouver Harry…

***/+/***

Harry ouvrit les yeux sur une plage caillouteuse coincée entre deux bouts de falaise.

L'instant d'avant il se trouvait dans la grotte, cerné par tous ces cultistes en robe jaune, et à présent voilà qu'il était seul, en pleine nature et sans baguette !

Il gémit et frissonna, tentant de trier ses pensées brouillonnes. Il avait besoin de séparer les souvenirs issus du grimoire et les siens propres, mais c'était une chose compliquée après des heures passées à vivre en tant que Paul de Tudèle.

Quelque part, il était soulagé d'être sorti, car le passage dans la grotte lui avait tout bonnement retourné l'estomac. Il pouvait presque encore sentir l'odeur de chair brûlée émanant des fanatiques qui s'étaient jetés sur son mur de flammes. Et les hurlements…

Au moins ici, tout était calme. Il y avait le bruit des vagues, du vent et des oiseaux marins, mais il semblait bien être le seul humain à au moins un kilomètre à la ronde.

Cette réalisation le fit brusquement se redresser. Il était seul, ce qui signifiait que Voldemort n'était pas avec lui ! La nuit était tombée et il n'avait aucun moyen de se défendre si jamais les créatures du livre décidaient de faire leur apparition…

Il se releva péniblement et entreprit de grimper le petit chemin de terre qui permettait d'accéder à la crique. Il ne pouvait pas rester ici. Mais d'ailleurs, où était ce "ici" ?

Paul de Tudèle avait voulu transplaner pour s'échapper de la caverne et il avait fait de même, mais alors que toutes ses pensées étaient concentrées vers son but, il avait été repoussé…

Concentré sur ses pieds pour ne pas trébucher malgré l'obscurité ambiante, il mit plusieurs minutes avant de comprendre la raison de son échec. Il avait essayé de transplaner en Roumanie… depuis le Royaume-Uni.

C'était presque du suicide, il avait eu une chance incroyable de ne pas se désartibuler en mille morceaux…

En haut du chemin, un panneau touristique indiquait "Boaties Bay - South Shields". Il soupira. Il ne semblait pas si loin d'une ville moldue, mais il n'avait pas d'argent sur lui et South Shields était à plusieurs centaines de kilomètres de Godric's Hollow…

Il maugréa. Si seulement il avait eu sa baguette sur lui, il aurait pu envoyer un Patronus à Voldemort…

Il fit quelques pas avant de lâcher un éclat de rire cynique. Il était complètement timbré. Dire qu'il envisageait encore d'appeler le mage noir, celui qui lui avait menti, l'avait séquestré, menacé sa famille et l'obligeait à traduire ce grimoire de l'Enfer…

Mais d'un autre côté, il le faisait se sentir en sécurité, exceptionnel, et faisait l'amour comme un dieu… Malgré sa cruauté, il ne pouvait s'empêcher de vouloir retrouver son étreinte, surtout après toutes les horreurs qu'il avait vu aujourd'hui dans le grimoire.

Voldemort… Son petit ami était le Seigneur des Ténèbres… Il soupira, l'imaginant faire les cent pas dans son bureau… Était-il inquiet pour lui ou parce qu'il était le traducteur du grimoire ?

Il avança encore de quelques mètres, mais s'arrêta immédiatement en voyant la brume qui recouvrait le plateau. Immédiatement, son angoisse grimpa en flèche. Que ce soit une manifestation de la magie du grimoire ou un simple effet naturel, il ne pouvait pas attendre le lever du jour. Outre l'éventualité d'une attaque par l'une des créatures déjà rencontrées, il y avait la possibilité bien plus élevée qu'il meure simplement de froid. Il n'avait qu'une simple tunique sorcière sur lui et il était en plein mois de janvier…

Il regarda autour de lui à la recherche d'un éventuel refuge… Devait-il courir jusqu'à la ville la plus proche pour se réchauffer ou bien tenter de se mettre à l'abri du vent et se cacher si un monstre venait à surgir ?

Scrutant son environnement malgré l'obscurité, il eut la déception de n'y trouver aucune tanière potentielle… Il s'apprêtait à reprendre sa route lorsqu'il eut une idée. Même s'il n'avait pas sa baguette sur lui, il existait une manière infaillible de se faire conduire auprès du mage noir… Il suffisait de briser le Tabou ! Pourquoi n'y avait-il pas songé plus tôt ?!

Il s'immobilisa et prit une grande inspiration.

- VOLDEMORT, VOLDEMORT, VOLDEMORT !


Fin du chapitre 12

Beetlejuice, Beetlejuice, Beetlejuice ! XD Halloween approche ! J'ai hâte de recevoir ma paye pour acheter plein de déco ! Le boulot se calme un peu, mais être prof principale est une charge mentale que je découvre. ^^ Ma classe est choupi et j'ai envie de faire plein d'expériences, malheureusement en ce moment ma cheville me fait toujours autant souffrir et m'épuise. J'ai appris finalement que j'avais un tendon partiellement arraché et un autre tordu. 😑 C'est bien ma veine ! Vivement que je sois rétablie pour gambader dans la forêt !
Sinon, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

Harry est un peu en mode « Jean-qui-rit-Jean-qui-pleure », moi-même j'ai un peu envie de le frapper parfois, mais le pauvre doit faire face à un sacré dilemme, et Voldemort en profite à fond. Il ne le forcera pas, ça non, mais s'il peut le pervertir par ses insinuations perfides, il ne se gênera pas. On arrive à la fin du grimoire d'Eldritch. Il ne reste plus qu'une partie avec le fameux rituel, mais tout ça aura lieu dans le chapitre 14. 😏 Débizous !