-Es tu sûr que c'est sans danger de te rendre la bas ?

Arthur, assis sur son lit, une jambe repliée sur sa poitrine, se rongeait les sangs.

-Je ne dirai pas que ce voyage sera absent de tout dangers mais... ce n'est pas comme si j'étais sans ressource pour me défendre...

Pour illustrer son propos, Merlin finit d'empaqueter son sac à la seule aide de ses yeux. Et tandis que sa gourde en pense de chèvre venait se loger dans son balluchon de cuir, il s'approcha d'Arthur, s'accroupissant devant lui, une main sur son genoux, les yeux plongés dans son regard.

-Je ne serais absent qu'une journée messire ...Je partirai très tôt demain matin et reviendrai avant la nuit. Je vous le promets.

-Tu as plutôt intérêt. Rappelle-toi que sans toi je meurs de faim...

-Mhhm .. Ne vous en faites pas pour ça monseigneur, je vous ai préparé un tel festin pour ce soir que vous en resterait repus des jours durant...

Arthur regarda sur son visage prendre place cet air taquin qui lui allait si bien et malgré son inquiétude, il ne pût qu'en sourire.

-Que de promesses...

-Je les tiens toujours, altesse.

-Tu as plutôt intérêt. Mais au ton sec qu'il avait utilisé, Merlin savait pertinemment qu'il n'était plus question de luxure, mais de sa promesse de revenir. L'inquiétude pour sa personne dans les yeux de son roi, c'était quelque chose qu'il avait vu souvent. Et pourtant sa poitrine le lançait à chaque fois. Il se sentait autant touché par ses sollicitudes que coupable du souci qu'il lui imposait. Comme le silence s'éternisait, Arthur crût bon de rajouter.

-Je n'ai aucune confiance en ces druides.

-Ils sont les seuls qui pourrait traduire la formule qu'il nous faut...

-Je ne comprends pas ... Pourquoi as-tu besoin de la traduire ? Tu ne peux pas tout simplement la réciter ?

-Si je ne pense pas chaque mot que je prononce ça ne fonctionnera pas ...

-Alors pourquoi tu n'en invente pas une nouvelle ? Tu es assez doué pour ça non ? Tu as bien créer de nouveaux sorts pour moi .

-Ce sort là est autrement plus complexe ... Quand on donne une malédiction à quelqu'un, elle est censée être scellée. Elle ne devrait pas pouvoir bouger d'hôte, même si ce n'est qu'en partie. Seule une magie très puissante peux aller à l'encontre de tels édictats. Et la magie des druides est la plus ancienne que nous connaissons. Elle à fait ses preuves à de nombreuses reprises.

-Je n'aime pas ce sortilège... Pourquoi tu devrais prendre mon mal ? Il doit y avoir un autre moyen ...

-Il n'y en a pas ... Arthur ... Vous me faites confiance n'est ce pas ?

Arthur avait la gorge bizarrement encombré.

-Je... Je déteste le fait de te mettre en danger de la sorte.

Arthur avait planté ses yeux dans les siens et, ils étaient sans appel.

Merlin baissa la tête, histoire de reprendre un peu courage. Lorsqu'il la releva, son regard était bien plus brumeux qu'il n'aurait voulu.

-Notre vie toute entière n'a été faite que de danger. Je m'en sortirai. Et mieux vaut mille fois moi plutôt que vous...

Arthur le dévisagea.

-Je déteste quand tu dis ça. Concéda t-il, apparemment convaincu. - Mais je refuse que tu y ailles seul.

-Vous ne pouvez m'accompagner... Ce serait trop d'efforts que de repousser tous les hommes que nous croiserons sur notre chemin.

-ça je le sais. Je ne pensais pas à moi.

-Et à qui donc ?

-Prends Gauvain.

Merlin ne répondit rien pendant un moment. Bien trop abasourdi par cette proposition. Il se leva et fit quelques pas jusqu'à s'adosser contre le mur face au lit.

-Je n'irai pas seul avec Gauvain... Pas... depuis ses récentes... Ardeurs. C'est hors de question.

-Pourquoi ? Crains- tu de ne pas pouvoir éternellement repousser ses avances ? Questionna Arthur, un poil amer.

-C'est cela oui. Je crains de ne pas pouvoir le repousser à force. Du moins pas sans l'envoyer valser trois mètres plus loin sous le coup de l'exaspération !

En réalité, Merlin savait que Gwaine ne serait pas très empressé après lui puisqu'il le soupçonnait d'avoir une aventure avec Arthur. Et si Gauvain était un coureur de jupon nottoir, il restait un gentleman malgré tout. Il respectait plus que tout les engagements, mêmes informels, qui liaient une personne à une autre. Mais tout cela, il n'allait certainement pas en faire part à Arthur. Il ne voulait pas le mettre mal à l'aise et il savait que, s'il apprenait qu'on soupçonnait quoi que ce soit de la relation qu'ils entretenaient, il serait mortifié par la honte.

-Alors dis à Perceval de vous accompagner. Ils font une bonne équipe ensemble.

-Mais que dois-je leur dire ?

-Ils font partie de mes plus proches amis Merlin... J'aurais tellement aimé pouvoir dire " la vérité" mais ...

-Mais j'inventerai un mensonge crédible...

-Dis simplement que cela à un rapport avec ma guérison.

-Je serais capable d'y aller seul vous savez.

Arthur eut un faible sourire.

-Mais peut être veux-je juste me débarrasser de tous mes hommes les plus casses pieds en une seule et unique fois ?

Merlin se rapprocha d'Arthur et embrassa son front.

-Pour ce faire, il aurait fallu m'envoyer occire un dragon... Pas aller à la rencontre d'une peuplade pacifique ...

-Je suis sûr que tu es capable d'occire un dragon ...

-D'occire non mais... J'aurais bien des choses à vous raconter sur les dragons et moi ...

-Une chose sur toi que j'ignore encore ?

Merlin ne pût que se mordre la lèvre de culpabilité et commencer son récit. Et à côté de lui, Arthur buvait chacune de ses paroles.

Ils restèrent longtemps à parler de leurs passés, de leurs enfances. Du manque cruel d'un de leurs parents dans leurs éducations. Du mal que ça avait causé, de ce qui en était encore visible aujourd'hui. Et puis d'autres sujets, parfois durs, parfois plus légers. Avant que la fin du souper ne sonne, Merlin alla prévenir messire Gauvain et Perceval de leur mission du lendemain. Ils acceptèrent tous deux l'ordre avec honneur. Officiellement, Merlin allait chercher une plante pour l'elixir de guérison de Gaius. Mais cette plante ne poussait qu'à un certain endroit qui se trouvait être la terre ancestrale du peuple druide. Et c'est pour cette raison, et pour le protégé de tous dangers que l'on peut rencontrer en chemin, brigands, saxons, mauvaises chutes, Morgane... Qu'ils avaient été affectés à sa protection. Ils ne posèrent pas plus de questions que cela. L'ordre était de toute façon sans appel et ils n'avaient, ni l'un ni l'autre, de quoi se méfier de Merlin. Pourtant celui- ci culpabilisait un peu de leur mentir comme ça. Mais, après tout, il leurs mentait en permanence et ce, depuis toujours. Une fois de plus, son âme et sa conscience y surviveraient sans doute.

Lorsqu'il remonta dans la chambre du roi, il crût que son cœur avait définitivement cessé de battre. Et cela, même si rien d'inhabituel n'était sous ses yeux. Seulement Arthur qui venait de passer sa chemise au-dessus de sa tête pour l'ôter. Le tissu était toujours enroulé sur ses poignets. Son torse nu. En entendant le bruit de la porte, il s'était tourné vers cette dernière et lorsqu'il l'avait aperçu, un inexplicable sourire impatient avait illuminé son visage. C'était magnifique.

-Tout est bon pour demain ?

-Oui.

Arthur fronça les sourcils. Il était plutôt rare que Merin se montre aussi peu bavard, aussi immobile et aussi calme en ordre général.

- -Tu ... Tu vas bien ? Pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ?

- -Je vous aime.

Même si Arthur savait pour les sentiments de Merlin, même s'ils en avaient déjà parlé ensemble, jamais; au grand jamais, il n'aurait crû que Merlin aurait eu l'audace de le lui avouer de manière aussi directe. Lui, n'en aurait jamais le courage. Il n'était pas prêt. C'était mille fois trop pour lui. Il ne savait même plus comment respirer. Il se détestait. Il se détestait par avance du mal qu'il allait faire à Merlin à cause de son manque de courage. Lui. Manquer de courage. Quelle ironie. S'il avait fallu se battre seul contre une armée, il aurait été à la charge. Et pour ce qui était de formuler deux petits mots, il en était bien incapable. "Moi aussi". Rien que d'imaginer les prononcer toute son âme tremblait.

-Je sais. Je suis désolé.

Il vit le visage de Merlin se tordre en une grimace de souffrance pure. Et son corps frêle se laisser tomber, assis par terre le dos plaqué contre la porte. Les yeux dans le vide. Morne. Tandis que sa mâchoire tremblait sous les sanglots qu'il parvenait difficilement à contenir. Arthur se précipita à genoux en face de lui, comme s' il avait été physiquement blessé, l'inquiétude dans son regard. Il prit son visage en coupelle, le forçant à le regarder. Mais à cet instant, Merlin ne pouvait s'y résoudre. Il avait les yeux rivés sur le côté. Les lèvres pincées.

-Merlin... Je tiens énormément à toi ...

Mais apparemment ce n'était pas la chose à dire, car il sentit tout son corps être secoué de spasmes. Et ses yeux menacèrent de déborder.

-Je ... Arthur avait l'impression qu'un poignard était logé au creux de sa poitrine. Et sans vraiment s'en apercevoir, il était dans le même état que Merlin, le corps tendu, à bout de nerfs, aux bords des larmes. - Je ne sais pas ... C'est.. Je veux pas ... Je dois épouser Guenièvre dans quelques semaines ! Je dois le faire... Il faut une reine comme elle. Je dois ... Mais si je pense à toi je ... J'aurai jamais le courage d'accomplir ce devoir... Je veux pas y penser, c'est trop dur. Ce que je ressens pour toi Merlin c'est... Jamais... Pour personne...

Sa voix se brisa sur un sanglot. Jamais il n'aurait pensé avouer tout ça un jour. Et pourtant l'avoir dit faisait que Merlin le regardait à nouveau dans les yeux. Et ses lèvres. Et à une lenteur infinie, il le vit se pencher sur lui. Poser ses mains sur les siennes, elles même, encadrant son visage. Et après quelques respirations parmi les plus lourdes de leurs vies, il l'embrassa enfin.