CHAPITRE I:
Plongée dans un livre, Bella ne leva pas les yeux lorsque le carillon de la boutique teinta, annonçant l'entrée d'un nouveau client. La joue appuyée contre son poing fermé, elle grommela un « bonjour » de convenance et continua sa lecture sans autre formule de politesse. Il était bientôt midi et la boutique était étrangement vide. Seule quincaillerie à des kilomètres à la ronde, il n 'était pas rare que le tout venant se presse dans les rayonnages. Composée de seulement quatre grandes allées, elles-mêmes séparées par de longs étalages, un comptoir de caisse vers le fond et une petite réserve dissimulée derrière, elle contenait tout le nécessaire. C'était d'ailleurs un endroit incontournable de la ville pour tout bricoleur – du dimanche comme passionné. Mais beaucoup moins pour Bella, qui était un véritable danger pour elle-même ou qui que ce soit si elle tenait le moindre marteau.
Le gérant, Olivier Harrisson, était un homme d'une cinquantaine d'années aux cheveux poivre et sel et à la carrure de bucheron. Une parfaite caricature, en somme. Il l'avait engagée plus pour faire plaisir à son ami, Charlie Swan, que pour ses compétences. En effet, le chef de la police était venu le voir quelques mois plus tôt, le suppliant presque de prendre sa fille à l'essai car il ne pouvait plus supporter de la voir errer dans la maison comme une âme en peine. De bonne grâce, Olivier avait accepté et était loin de l'avoir regretté ; Bella était une employée modèle. Aucune erreur de caisse, une ponctualité à toute épreuve et une maladresse qui la rendait touchante auprès de tous. Il avait donc prolongé son contrat après quelques jours et lui donnait de plus en plus de responsabilité. Au fil du temps, elle avait fini par apprendre et retenir tous les rudiments du métier et avait gravi les échelons. À présent, il n'était pas rare qu'elle soit seule pour gérer la boutique.
Au bout de quelques minutes, après s'être aperçut que le ou la cliente ne s'était toujours pas dirigé vers la caisse, la jeune femme leva les yeux de son livre, scannant le magasin à sa recherche. Ne voyant personne elle soupira et corna le haut de la page qu'elle était en train de lire pour ne pas la perdre. Elle s'apprêtait à regarder les caméras afin de s'assurer que le potentiel client n'était pas parti lorsqu'un bruit sourd la fit sursauter.
- Salut, lança une voix dans son dos.
Une main sur le cœur, elle se tourna en tentant de reprendre son souffle. Un homme se tenait derrière le comptoir, un sourire amusé au coin des lèvres.
- Bonjour, souffla-t-elle en essayant de masquer son embarras. Je peux vous aider ?
Le garçon arqua un sourcil, sans se défaire de son sourire, et la fixa pendant quelques interminables secondes. Sa carrure lui sembla familière et elle se demanda s'il s'agissait d'un client habitué qu'elle n'aurait pas reconnu. Elle l'observa en retour, les sourcils froncés montrant son désarroi. Il était grand – très grand, même, à tel point qu'elle avait levé la tête pour le regarder dans les yeux – ses cheveux noirs ondulés entourant son visage, avec une légère barbe de trois jours qui rendait sa mâchoire encore plus carrée. Sa peau halée faisait ressortir son regard noir, intense et insondable, rendu légèrement plus doux par son sourire amusé, toujours collé aux lèvres.
- Paul, finit-il par lâcher. Je viens de la part de Jake.
La connexion ne se fit pas immédiatement, et Bella cligna des yeux à plusieurs reprises, perplexe.
- Il m'a dit que tu terminais à midi.
Toujours aussi perdue, la jeune femme fronça un peu plus les sourcils avant de faire le rapprochement. Paul Lahote. Un des jeunes de la réserve. Un des partisans de Sam. L'un d'entre eux. Elle ne l'avait pas revu depuis au moins trois ou quatre mois, lorsqu'elle l'avait giflé dans le jardin des Black, folle de rage et d'inquiétude pour son meilleur ami.
Ses yeux s'écarquillèrent au fur et à mesure que les souvenirs l'envahissaient. Le jeune homme paru satisfait que le lien se fasse enfin tandis que le rouge lui montait aux joues et qu'elle bafouillait, gênée de ne pas l'avoir reconnu.
- Oh. Salut, murmura-t-elle.
Il continuait de l'observer, ses yeux noirs fixés sur elle comme un animal sur sa proie. Son sourire malicieux était le seul indicateur montrant qu'il n'était pas hostile, aucune autre émotion ne se dégageant de lui. Il était stoïque, droit, un roc inébranlable de muscles. Un contraste étonnant face à la jeune femme qui paraissait au bord de l'évanouissement.
Elle n'avait pas eu l'occasion de recroiser Paul depuis cet après-midi si particulier, et cela ne l'avait pas vraiment étonnée. Il lui semblait avoir entendu dire qu'il disparaissait souvent au grès de ses envies, étant un peu le rebelle de la bande. Elle se souvint qu'il était parti quelques semaines à Port Angeles pour « affaires », sans prévenir, et que son père lui avait avoué qu'il s'était, en fait, fait arrêté pour trafic de drogues.
- Ça va ? Demanda-t-il au bout d'un moment, les bras toujours croisés sur son torse, attendant qu'elle fasse quelque chose.
Il pencha la tête sur le côté, un pli se formant à la rencontre de ses sourcils. Il ne savait pas s'il devait être inquiet du mutisme de la jeune femme ou si c'était un comportement normal chez elle.
- O-o-oui, oui, dit-elle en secouant la tête pour remettre ses idées en place.
Le rose de ses joues s'accentuant d'avantage, elle baissa les yeux, gênée. Elle avait l'impression que son estomac était devenu une pierre d'une centaine de kilos, et son cœur s'était mis à battre imperceptiblement plus fort. Ce n'était pas comme si c'était la première fois qu'elle le voyait, ni même qu'elle lui parlait. Pourtant quelque chose paraissait changé, comme s'il avait pris 5 ans en quelques mois. Son blouson semblait presque trop petit pour lui, compressant ses biceps alors que ses bras étaient croisés sur sa poitrine, ses épaules carrées tirant sur le cuir noir. Bella aventura son regard sur son visage, détaillant d'abord ses traits fins mais marqués, puis se risqua sur ses lèvres, fines et fermées, bien qu'étirée en un rictus moqueur. Ses yeux remontèrent finalement vers les siens, noirs et profonds, insaisissables.
En fait, c'était la première fois qu'elle le regardait vraiment, et elle le trouvait étonnement beau. Voir même sexy. Ce qui était loin d'être habituel pour une fille qui venait à peine de se remettre d'une abominable rupture.
Qu'est-ce qui ne va pas chez toi, se fustigea-t-elle mentalement en décrochant finalement son regard de lui. Elle rougit encore plus à ces pensées et se retourna pour aller dans la réserve, essayant vainement de masquer son embarras en allant récupérer ses affaires. Elle attrapa son sac sur l'un des porte manteau, et s'avança vers le bureau de son patron.
- J'y vais Olivier, je ferme derrière moi ou tu prends le relais ? Demanda-t-elle en glissant la tête par la porte.
- C'est bon Bella, merci. Passe un bon week-end ! Lança-t-il sans la regarder.
- Appelles moi si tu as besoin, okay ? Je ne suis pas loin, et de toutes façons...
Il la coupa en agitant la main d'un air faussement exaspéré, à la fois amusé et touché qu'elle pense qu'il ne pouvait pas se débrouiller sans elle. Dans un sourire, elle tourna les talons et retourna à l'avant de la boutique. Le jeune homme n'avait pas bougé d'un millimètre.
On dirait la statue d'un dieu grec.
Encore une fois surprise d'elle-même, Bella passa une main fébrile dans ses cheveux en se raclant la gorge.
- On ferait mieux d'y aller, j'ai promis à Jacob et Billy que je faisais à manger, dit-elle pour briser le lourd silence en s'avançant vers la sortie.
- Je sais.
Sa voix était calme, légèrement rauque, rassurante. Il n'ajouta rien de plus, se contentant de la suivre jusqu'au parking. Là, garée en plein milieu comme si les lieux lui appartenait, se trouvait une Mustang noire et blanche rutilante. Il s'avança vers le bolide sans un mot, sortant les clefs de la poche arrière de son jean. Figée à quelques pas du magasin, Bella avait les yeux écarquillés de surprise.
- Rien à voir avec ta camionnette, hein ? Dit-il dans un sourire, fier comme un paon, tout en déverrouillant la portière conducteur.
Ça, c'est clair, pensa-t-elle en ouvrant le côté passager.
Elle s'installa à l'avant et ses yeux papillonnèrent sur l'habitacle, découvrant cet intérieur incroyablement propre et soigné. Sans lui prêter plus d'attention, Paul inséra les clefs dans le contact et fit rugir le moteur. Bella sursauta, étouffant un petit cri de surprise, et se tourna vers lui pour lui frapper l'épaule alors qu'un sourire malicieux se dessinait sur ses lèvres. Il renifla pour dissimuler un rire, elle était si prévisible que c'en était attendrissant.
Il enclencha la marche arrière, passant son bras autour de son dossier pour être plus à l'aise, et se pencha vers l'arrière pour reculer, le menton tendu vers elle. De son côté, Bella observait les muscles de son cou se raidir, dévoilant une pomme d'Adam proéminente, qui montait et descendait calmement lorsque le jeune homme avalait sa salive. Il était si grand que son torse n'avait presque pas bougé, seul les plis de son t-shirt indiquait une faible torsion. Ses yeux étaient fixés sur la route, concentrés, comme s'il s'agissait d'une manœuvre des plus complexes. Une fois celle-ci terminée, il s'arrêta et posa son regard sur elle.
- Je peux t'aider ? Demanda-t-il d'une voix basse, presque suave.
Subjuguée par l'homme assis derrière le volant, elle ne s'était pas aperçut qu'elle s'était penchée vers lui, comme attirée par un aimant. Envoutée, ses lèvres s'étaient entre-ouvertes et son visage était si près du sien qu'elle pouvait sentir son souffle sur sa peau. Une sensation de picotement lui envahit le bout des doigts et elle rassembla toute sa force, pour fermer le poing et s'obliger à ne pas le toucher. Paul avait plongé ses yeux dans les siens, naviguant sur son visage comme s'il cherchait quelque chose. Elle ne dit rien et avala sa salive péniblement. Sa bouche était sèche, elle peinait à prendre sa respiration. Dans un rire étouffé, il se recula pour se réinstaller face au volant, passa la première, et prit la route nonchalamment.
Bon sang !
Son cœur s'était mis à tambouriner dans sa poitrine et elle cligna des yeux pour reprendre ses esprits. Qu'est-ce qui lui arrivait ? Elle s'essuya les mains sur son jean nerveusement, tout en se dandinant sur son siège, affreusement mal à l'aise. Elle n'avait plus été aussi proche d'un homme depuis des mois – Jacob et le reste de la meute étant les exceptions à la règle – et découvrait avec stupéfaction qu'elle était capable de ressentir de l'attirance pour quelqu'un d'autre qu'Edward.
Sans réellement lutter contre elles, Bella laissa libre court à ses émotions, heureuse de pouvoir ressentir à nouveau. Bien que les sombres mois qu'elle avait passé à pleurer son premier amour soient loin derrière elle, elle s'étonnait toujours lorsqu'elle se laissait submergée par ses sentiments. Elle ne voulait plus refouler quoi que ce soit, de peur de retomber de nouveau dans cette catatonie paralysante qui lui avait volée quatre mois de sa vie.
- Hm... Et euh... Du coup... C'est toi qui vient me chercher parce que... Hm...
Elle passa une main nerveuse dans ses cheveux, les coinçant derrière ses oreilles, ne sachant pas comment terminer sa phrase. Elle tentait de faire la conversation pour briser le silence assourdissant qui s'était abattu dans la voiture, même si Paul ne semblait pas s'en préoccuper. Une main négligemment posée sur le levier de vitesse, il s'amusa de son embarras et ricana intérieurement.
- Jacob n'avait pas terminé les réparations sur ta caisse quand je suis passé, il ne voulait pas prendre du retard alors il m'a demandé de venir te récupérer, dit-il en haussant les épaules. J'avais rien de mieux à faire alors j'ai accepté.
Il marqua une pause, son sourire narquois s'agrandissant de plus en plus.
- Je pensais pas que ça serait si... intéressant, ajouta-t-il sans quitter la route des yeux.
Sans vraiment comprendre son sous-entendu, Bella croisa les bras sur sa poitrine et garda le silence pendant quelques minutes à la recherche d'un sujet de conversation.
- C'est quoi comme marque ? Finit-elle par demander.
- Une Shelby 500 de 1967. Une Eleanor.
Il marqua une nouvelle fois une pause, l'observant du coin de l'oeil avec étonnement. S'y connaissait-elle en bagnole ou était-ce juste de la politesse ? Bella hocha la tête d'un air entendu et se pencha en avant, ses doigts caressant le tableau de bord.
- C'était la voiture de mon père, ajouta-t-il. Le seul et unique objet de valeur qui est vraiment à moi. J'y tiens beaucoup.
Surprise par cette confession inattendue, elle fut touchée et sourit doucement en se réinstallant.
- Ça se sent, dit-elle. Elle est impressionnante.
Il n'ajouta rien, souriant toujours malicieusement alors qu'il s'engageait sur le chemin de terre menant chez les Black.
La petite maison en bois se tenait là, entourée par les bois, comme si elle avait poussée d'elle-même durant la nuit. Ses murs étaient usés par le temps, la mousse ayant recouvert par endroit sa peinture rouge si particulière. Le jardin était jonché de diverses carcasses de voiture et autre moteur en tout genre, fruit de la passion dévorante de Jacob pour la mécanique. A quelques pas de là, comme un prolongement du chaos qui régnait dans leur cour, se trouvait une grange immense, convertie en un garage depuis quelques années par le garçon.
- Et voilà madame Cullen, vous êtes arrivée à destination, lâcha Paul en coupant le moteur.
Il retira les clefs du contact et s'appuya lourdement contre son dossier, s'apprêtant à sortir de la voiture.
- Madame Cullen ? S'étouffa Bella. T'es sérieux ?
Paul s'interrompit, un pied déjà hors du véhicule et une main toujours posée sur la poignée. Il tendit son menton vers elle d'un air de défi alors que la jeune femme le fusillait du regard. Complètement choquée par le comportement volontairement provocateur et insolent du jeune homme, elle attrapa son sac d'un mouvement sec, sortant de l'habitacle.
- T'es vraiment un gros con.
Ses lèvres avaient articulé chacun des mots et sa voix appuyé chaque syllabe, histoire d'être certaine qu'il ait parfaitement compris qu'elle ne rigolait plus. Folle de rage, elle se retourna et claqua la portière avec force, l'échos métallique de la taule tordue résonnant autour d'eux dans un bruit sourd.
Oh... merde !
Elle s'arrêta net. Sa respiration se coinçant dans sa gorge, figée au milieu du chemin tel un lapin pris entre les phares d'une voiture. Elle n'osait pas se retourner pour constater les dégâts, se doutant qu'un bruit pareil ne pouvait être que de mauvaise augure. Elle dégluti avec difficulté et mis ses doigts sur sa bouche pour masquer une grimace. Redoutant le moment où les foudres de Paul allait s'abattre sur elle, elle fit un pas vers la grange. Peut-être qu'il ne dirait rien, se rendrait compte qu'il était allé trop loin et se contenterait juste de ne plus lui parler pendant quelques temps. Après tout, ce n'était pas comme si elle avait volontairement démoli sa portière. C'était un accident.
Le grondement sourd qui retenti derrière elle lui indiqua le contraire. Sans un bruit, et en moins d'une fraction de seconde, il se trouvait devant elle. Ses lèvres étaient retroussées sur ses dents dans un sourire carnassier et ses prunelles si noires que n'importe qui pouvait sentir la menace animale qui se dégageait de lui. Mais Bella soutint son regard, la colère ayant inondé ses veines.
Aucun d'eux ne bougea pendant ce qui parut une éternité, se défiant mutuellement. Paul n'avait pas cessé de gronder et des brefs spasmes lui parcouraient le corps par moment. Il voulait donner une bonne leçon à cette impertinente, lui montrer qui était le plus fort mais surtout qui était le plus dangereux. Son visage était pratiquement collé au sien, leur nez se touchant presque, mais la jeune femme ne semblait pas du même avis que lui.
- Je n'ai pas peur de toi, déclara-t-elle sans sourciller.
Décontenancé par ce petit bout de femme qui, à peine quelques minutes plus tôt semblait sur le point de s'évanouir à sa vu, Paul eu un mouvement de recul. Ses lèvres se refermèrent et les traits de son visage reprirent une apparence normale alors qu'il la dévisageait. C'était un sentiment si étrange et nouveau pour lui qu'il ne savait comment réagir.
- Hey, ça va les gars ?
Depuis combien de temps Jacob les observait-ils ? Les jaugeant tour à tour sans tout à fait comprendre ce qu'il était en train de se passer, il s'essuya les mains pleines d'une substance non identifiée sur un vieux chiffon.
- Elle a bousillé ma caisse, fulmina Paul sans quitter Bella des yeux.
- Il m'a insulté, répondit-elle sur le même ton sans baisser son regard.
Levant les yeux au ciel, Jacob soupira et leva les mains dans un signe d'apaisement.
- D'accord.. Je vois. Bon, c'est pas la fin du monde, dit-il en posant une main rassurante sur l'épaule de chacun d'entre eux. Et personne ne va arracher la tête de personne okay ?
Il resserra son emprise sur l'épaule de Paul, comme pour appuyer ses propos et se tourna vers Bella.
- Donc maintenant on se calme et on va manger. Je meurs de faim !
Bonjour bonsoir,
Vous venez de découvrir mon premier chapitre, et j'espère qu'il vous a plu. Je découvre encore les rudiments du site et j'avoue que je galère un peu par moment, donc n'hésitez pas à me signaler les fautes (de frappe et/ou de grammaire) qui seraient passées à la trappe. Je prends aussi toutes les critiques avec un grand plaisir !
L'action n'est pas très présente et il ne se passe pas grand chose pour l'instant, mais c'est volontaire. Je ne voulais pas que les chapitres soient trop longs, donc n'hésitez pas à me donner votre avis. J'espère que les personnages me guideront vers un peu plus de rebondissements par la suite.
A bientôt !
Calista
