CHAPITRE V (part. 2) :

Interdite, elle se figea. Paul scannait son regard à la recherche du moindre indice sur son état, mais n'y vit que du vide. En effet, toute pensée rationnelle avait quitté l'esprit de la jeune femme. Je me suis imprégné de toi, Bella. La phrase tournait en boucle dans son esprit, encore et encore, à tel point qu'elle finit par ne plus la comprendre. Son cœur tambourinait si fort dans ses tempes qu'elle n'entendait plus, sa bouche était sèche, ses yeux exorbités et ses mains moites.

- Je t'en prie, dis quelque chose, supplia Paul en se penchant vers elle.

Sa voix avait brisé le silence qui s'était abattu autour d'eux, et ramena Bella au présent. Ses prunelles se posèrent sur lui, tout d'abord pleines de questions, puis finalement, elle éclata de rire. Il eu un mouvement de recul, surpris. Au moins, elle ne pleurait pas et n'avait pas essayé de le frapper. Je me suis imprégné de toi, Bella. Elle devait avoir perdu l'esprit. C'était ça, elle était devenue folle. Ou peut-être avait-elle été transportée dans un univers parallèle ?

Son monde venait de vaciller. L'équilibre fragile grâce auquel elle avait survécu aux mois précédents avait tout bonnement explosé, répandant des petits débris de bonheur un peu partout. Elle qui, ce midi même, s'étonnait de tomber sous le charme de Paul, réalisait à présent que ça n'avait rien de naturel. Elle n'était même pas certaine de s'être remise de son histoire avec un vampire, qu'un loup-garou lui avouait qu'il était lié à elle par un pseudo lien magique. C'était donc ça sa vie ? Etre ballottée de monstres en monstres ? Y'a de quoi rire, quand même.

D'une main, Bella se tenait les côtes, de l'autre, elle se cachait la bouche pour étouffer son fou rire. Quand Paul constata qu'elle ne s'était pas arrêté au bout de plusieurs longues minutes, et que des larmes roulaient sur ses joues, il comprit finalement qu'elle était en pleine crise de nerfs.

- Merde, gronda-t-il en se levant.

Il fit le tour de la table sous les regards perplexes et curieux des clients, attrapa l'un de ses bras pour l'enrouler autour de ses épaules et glissa une main derrière ses genoux. A bout de souffle et de force, Bella ne résista pas et le laissa la porter à l'extérieur. Toute la téquila qu'elle avait bu précédemment remua dans son estomac quand il la souleva et elle eu un haut le cœur. Elle ne boirait plus jamais d'alcool. Je me suis imprégné de toi, Bella. Tout bien réfléchi, elle n'en avait peut-être pas eu assez.

Dehors, il s'était mis à pleuvoir et tous les fumeurs avaient disparus, au plus grand soulagement de Paul. Personne n'avait besoin de voir ça. L'air glacial de la nuit eut l'effet d'une claque sur la joue de la jeune fille, et elle poussa un soupire de bien être en rejetant la tête en arrière, gouttant la pluie.

Ils restèrent ainsi un certain temps : Paul la tenant fermement contre lui en attendant qu'elle se calme et Bella, les cheveux pendus dans le vide, les yeux fermés, appréciant la sensation de froid qui soulageait son envie de vomir omniprésente. Grâce à la chaleur surnaturelle du garçon et malgré sa musculature imposante, elle était dans une position confortable.

Quand elle eu repris ses esprits, que les battements frénétiques de son cœur se furent calmés et que sa respiration était redevenue correcte, elle le repoussa doucement et essaya de poser un pied au sol. A contre cœur, il l'aida à se mettre debout et patienta jusqu'à ce qu'il soit certain qu'elle n'allait pas s'effondrer. Ensuite, Paul recula et laissa une distance de sécurité entre eux, de peur qu'une fois en pleine possession de ses esprits, elle ne se jette sur lui pour lui arracher la tête.

Bella chancela et passa une main sur son visage, puis dans ses cheveux, essayant de retirer toute la pluie et les larmes qui s'y étaient accumulés. Elle leva la tête vers le ciel, priant pour que l'alcool l'ai faite délirer et qu'elle ai tout imaginé. Je me suis imprégné de toi, Bella. Apparemment pas.

La pluie continuait de tomber, mais aucun d'eux ne semblait s'en préoccuper. Face à elle, Paul l'observait, les bras croisés sur la poitrine. Ils se jaugèrent quelques minutes de plus, dans un silence que seul l'orage osait rompre. Quand il eu décidé que ça ne valait pas le coup qu'elle se fasse des nœuds au cerveau, encore moins sous l'emprise de l'alcool, Paul soupira.

- T'es trempée, constata-t-il.

- Toi aussi, répondit-elle.

- Tu as froid.

- Un peu.

Elle ne s'était pas aperçut qu'elle tremblait, à présent loin du corps brûlant du garçon. Il retira son blouson d'un geste et le lui tendit. Bella eu un mouvement de recul, toujours sur la défensive, et Paul insista en l'agitant sous son nez.

- Enfile ça, je te ramène.

Elle accepta d'un hochement de tête et il se retourna pour s'engouffrer dans la camionnette, sans vérifier qu'elle le suivait. Quand la portière passager claqua, il démarra en trombe et se dirigea vers la résidence des Swan.

Le trajet fut de nouveau silencieux, les deux jeunes gens trop absorbés par leurs pensées pour oser faire la conversation. Bella commençait à avoir mal à la tête et ne rêvait que d'une chose : se réveiller de se cauchemar. Elle ne se souvenait plus exactement de ce que lui avait dit Jacob au sujet de l'imprégnation – leur discussion à propos d'Emily et Sam semblant appartenir à une autre époque. Dans un soupire, Bella s'appuya un peu plus contre la fenêtre, essayant de rester le plus loin possible de l'homme qui conduisait, comme s'il était contagieux. Elle se promit de régler ce soucis demain, n'étant absolument pas en état de le faire maintenant.

Paul, lui, était soulagé. Maintenant que ce secret n'existait plus, il se sentait plus léger. Certes, la réaction de Bella n'avait pas été celle qu'il espérait – même s'il n'espérait pas grand chose, en fin de compte – mais au moins il pourrait peut-être aller de l'avant et faire sa vie sans elle. Jetant un regard à la dérobée à la jeune femme collée à contre la vitre, emmitouflée dans son blouson trop grand pour elle, Paul soupira. Son estomac se serra à l'idée de la perdre et il pinça les lèvres. Il n'avait ni l'envie, ni la force de s'éloigner d'elle. Fait chier.

La camionnette émit un dernier vrombissement avant de s'arrêter devant une maison complètement éteinte. Charlie n'était pas présent malgré l'heure tardive, ce qui n'eut pas l'air de perturber Bella qui retira le blouson avant de s'extirper de l'habitacle à une vitesse étonnement rapide. Elle se dirigea vers l'entrée sans un au revoir, la lumière à détection du porche s'allumant quand elle fut près de la porte.

Paul sorti à son tour, s'apprêtant à lui crier qu'il voulait juste qu'elle fasse partie de sa vie, que lui-même ne comprenait rien à ces trucs mystiques et qu'il était désolé, quand une odeur nauséabonde lui sauta à la gorge. Mal habile en temps normal, mais encore plus une fois ivre, Bella fit tomber ses clefs et pesta contre elle même. Quand elle se redressa, Paul, à présent entre elle et la porte, reniflait comme un chien pisteur.

Il lui arracha le trousseau des mains et l'empoigna par le bras pour la faire reculer. Elle essaya de se dégager, glissant sur une flaque et manquant de s'écraser par terre, et se débâti encore plus vigoureusement quand il l'eu remit sur pied. Toute trace d'humanité avait quitté ses traits, il était à présent possédé par une émotion qu'elle ne lui avait jamais vu. Il l'entraina vers la voiture, hermétique à tout bruit extérieur.

- Mais qu'est-ce que tu fais ? Lâche moi ! Hurla-t-elle. Paul, tu me fais mal, arrête !

Elle planta ses ongles dans son bras, le griffant pour qu'il desserre son emprise autour d'elle, sans grand succès. Lorsqu'il plongea ses yeux dans les siens, Bella se tétanisa. Injectés de sang, devenus deux billes noires sans traces d'humanité, il était terrifiant.

- Ils sont venus ici, dit-il d'une voix si basse qu'elle ne l'entendit presque pas. Les sangsues sont venues chez toi.

Une vague d'espoir monta dans la gorge de Bella qui, toujours en essayant de se dégager de la poigne de fer de son tortionnaire, regarda sa maison avec une joie non dissimulée. Ils étaient peut-être venus la chercher en fin de compte. Un mugissement s'échappa de Paul lorsqu'il plaqua ses maigres épaules contre la camionnette, l'obligeant à le regarder.

- Non, putain mais tu ne comprends pas ? S'énerva-t-il. Il n'était pas seul, la nouvelle était avec lui. Bella, merde enfin ! Il ne boit plus de sang animal, mais bien du sang humain. Il tue des gens et sa copine aussi.

Paul la secouait à présent. Il était devenu complètement fou et elle ne l'avait jamais vu comme ça. Bella cligna des yeux à plusieurs reprises, abasourdie par une telle réaction.

- Si tu entre dans cette maison je... Je ne pourrais pas te protéger.

Sa voix se brisa et il la relâcha en reculant, réalisant qu'il était allé trop loin. Les épaules de Bella s'affaissèrent et elle baissa les yeux. Elle fixa ses pieds, son visage trempé par la pluie et les larmes qu'elle n'avait pas pu retenir. Son impulsivité incontrôlable avait pour mérite de lui avoir fait prendre conscience de l'actualité des choses : Edward ne l'aimait plus, il se nourrissait d'humain et il avait un nouvel animal de compagnie. Elle eut un haut le cœur, ravala la bile qui lui brûlait la gorge et soupira.

Paul s'appuya contre la camionnette d'une main, soufflant tout l'air contenu dans ses poumons pour se calmer. A côté, Bella sanglotait silencieusement, bercée par le bruit de la pluie contre la voiture. Lorsqu'il se tourna vers elle pour essayer d'essuyer ses larmes, elle eu un mouvement de recul.

- Je... Je ne voulais pas. Excuse moi.

Paul soupira et passa une main dans ses cheveux, voulant se les arracher tant il se détestait de lui avoir fait peur.

- Je ne voulais pas te blesser, souffla-t-il. J'ai juste besoin que tu... comprennes.

Il n'était pas certain que son dernier mot soit le bon, mais c'était tout ce qui lui était venu. Face à lui, toujours appuyée contre sa camionnette, Bella l'observait avec les lèvres pincées. Elle avait enroulé ses bras autour de sa poitrine, à la fois car la pluie n'avait pas cessé et qu'elle commençait à avoir froid, mais surtout car elle avait l'impression que sinon elle allait s'effondrer. Ses pleurs s'étaient arrêtés mais elle eu l'impression qu'à présent, c'était Paul qui allait craquer.

Il n'était peut-être pas l'homme des cavernes, idiot et sans cœur, qu'elle croyait. Certes, sa réaction avait été violente et excessive, mais qui ne l'aurait pas été en de pareilles circonstances ? Elle même avait été témoin d'actes bien plus féroces, dont les intentions étaient moins louables que les siennes. Au moins, il voulait la protéger.

Lorsqu'il tendit de nouveau la main vers elle, elle ne bougea pas ; à la fois résignée et épuisée, elle n'avait plus envie de lutter.

- Je suis désolé Bella, souffla-t-il en coinçant une mèche de ses cheveux derrière son oreille.

Elle ouvrit la bouche pour lui indiquer que ce n'était pas grave – bien que ce soit le cas – mais la referma immédiatement. C'était la deuxième fois qu'il l'appelait par son prénom et non par un surnom volontairement débile ou blessant. La jeune femme releva ses prunelles chocolats vers ses yeux sombres et vit qu'ils étaient humides. Toute trace de folie meurtrière l'avait quitté.

Paul garda sa main sur la joue de Bella quelques secondes, essuyant les traces de larmes de son pouce. Il était à présent plein de remord et ne savait comment se faire pardonner. Elle balbutia quelques mots en haussant une épaule. Elle ne savait pas quoi dire, ni quoi faire. Paul esquissa un maigre sourire face à cette réaction timide.

- Il est tard, tu es bourrée et trempée. Tu pourrais aller chez Jacob, mais je n'ai pas envie que Billy te voit dans cet état, et je crois que toi non plus ?

Il jaugea la jeune femme qui acquiesça silencieusement.

- Viens chez moi ce soir, je te ramènerai demain matin avant que Charlie ne revienne.

Le cœur de Bella loupa un battement. Elle voulu protester mais quelque chose au fond d'elle l'en empêcha ; une intuition. Elle accepta d'un battement de cils, et le sourire de Paul s'élargit. Il fit le tour de la camionnette pour lui ouvrir la portière passager, et elle s'installa sans oser le regarder. Lorsqu'il eu démarré, fait une marche arrière et qu'un silence pensant s'était abattu dans l'habitacle, elle prit enfin la parole.

- Donc c'est ça, ta technique de drague ? Renifla-t-elle sans quitter la route des yeux. Tu saoules les filles à la téquila, tu leur annonces qu'elles sont ton âme sœur à cause de je-ne-sais-quel-truc-vaudou et ensuite tu les ramènes chez toi ?

Paul s'étouffa avec sa salive, décontenancé par le soudain franc-parlé de la jeune femme. Il fronça les sourcils et tourna la tête vers elle pour la dévisager.

- T'es complètement taré, j'espère que tu le sais, continua-t-elle sans le regarder.

Il étouffa un rire. Avait-elle toujours été aussi caustique ou était-il en train de déteindre sur elle ?

- Dixit la demoiselle qui accepte d'aller chez un mutant qu'elle connait à peine, railla-t-il avec un sourire en coin.

Il lui fit un clin d'oeil et Bella étouffa un rire en tournant la tête vers la vitre. Au moins, ils étaient conscient tout le deux que la situation n'avait rien de normal. C'était mieux que rien.


Hello, hello

Suite et fin du chapitre V, qu'en avez vous pensé ?

N'hésitez pas à être généreux en reviews : les stats sont en panne depuis presque une semaine! Les auteurs n'ont donc plus aucun moyen de savoir si leur fiction est lue, excepté si nos gentils lecteurs nous en informent avec un petit commentaire. ;)

A bientôt

Calista