10. Gardes du Corps

Il avait l'apparence d'une star de cinéma. Ses cheveux étaient noirs de jais, ses dents étaient impossiblement droites et invraisemblablement blanches, et sa mâchoire carrée était bleuie d'une barbe à peine rasée.

Alors que je regardais ses traits bien trop parfaits, ma vision de lui changea. Son apparence ne changea pas, mais je vis au-delà, et je découvris quelqu'un d'autre. Était-ce de la perspicacité, de la prémonition ou rétrospectif ? Je n'en avais aucune idée, mais cela n'importait pas. Peu importe ce dont il s'agissait, cela me permit de voir par-delà le physique. Le sourire étincelant était un rictus trop large et la noirceur brumeuse au fond de ses yeux me fit frémir.

"Bonjour les enfants ?" dit-il calmement. "Mon nom est Raymond Patterson, je suis ici pour vous aider."

"Aider ?" Henry semblait autant craindre l'homme que moi. "On n'a pas besoin d'aide, M'sieur. Le papa de James a appelé ses gens et ils l'ont emmenée loin d'ici. On l'a attrapée. Nous tous ! On l'a fait tous ensemble." Les mots de mon frère étaient emplis de son incrédulité lorsqu'il poursuivit.

"Ouais." James fit un pas en avant pour se placer juste à côté de mon frère. Il ajouta sa voix à celle de Henry. "Aider comment ?" demanda-t-il. "Les Aurors vont la remettre dans la prison."

Alors que la brume de méfiance s'épaississait en un brouillard de peur, je regardais autour de moi et remarquais que je n'étais pas la seule inquiète tout le monde ressentait la même chose. Nos anxiétés combinées enflaient au point où nous resserrions physiquement nos rangs. Alors que nous nous regroupions, James et Henry se placèrent en avant.

"Ces deux-là sont des Moldus, James," expliqua l'homme à travers son sourire qui restait figé même lorsqu'il parlait. Il indiqua du doigt Henry et moi. "Tu sais ce qui doit être fait."

"Vous êtes un Oublietteur." Al était horrifié. Lui et Hugo firent immédiatement un pas en avant, s'interposant entre l'homme et Henry.

L'homme hocha la tête. J'étais fascinée par le fait qu'il puisse garder son sourire aux lèvres malgré le fait qu'il ne s'étendait pas du tout à ses yeux. La noirceur glacée que je voyais dans ces sphères impossiblement bleues m'infectait. Je tremblais alors que mon sang commençait à geler.

"C'est nos copains !" dit Rosie. "Ils ne diront rien à personne." Elle se plaça devant moi.

"Et de toute façon Annie est pas vraiment une M…" protesta Lily en s'avançant à côté de Rosie. L'homme sortit un bâton et l'agita. Lily sembla s'étouffer. "Hmng !" Même lorsqu'elle enfonça deux doigts dans sa bouche, elle fut incapable de libérer sa langue entortillée. Sa tentative pour protester resta un gargouillement incompréhensible.

"Je suis vraiment désolé, jeune fille." Le sourire s'évanouit enfin et nous savions tous qu'il mentait. Il n'était en rien désolé. James cria et se précipita vers l'homme nous suivîmes tous. Nous ne fûmes pas assez rapide. Il agita son bâton vers nous.

Lorsqu'il le fit, un harmonium commença à mugir. Son bruit emplit mes rêves. Je ressentis une brusque traction derrière mon estomac alors que j'étais compressée et que je voltigeais à travers l'espace. Arrachée à Drakeshaugh, j'ouvris mes yeux emplis de sommeil et me découvrit de retour dans ma chambre de Sheffield.

Je fixais le plafond blanc et lisse, et essayais de donner du sens à ce dont je pouvais me souvenir de ce dernier, et plus délirant, de mes rêves avant qu'il ne s'évanouisse. J'avais certainement été profondément endormie, la raideur de mes membres était témoin du fait que je n'avais pas bougé depuis longtemps. Mais la rencontre dans le Bois de Drakeshaugh semblait être plus un souvenir qu'un rêve. C'était impossible, mais je commençais à m'inquiéter. Mes rêves devenaient de plus en plus déments.

Étirant mes membres et arquant mon dos, je glissais hors du lit. Depuis ma ballade à Mam Tor, j'avais porté la Griffe de la Pierre de Sang continuellement, ne la retirant que lorsque je nageais. Elle était confortablement chaude contre la sueur froide entre mes seins. Le rêve s'effaçait, mais il y avait de nouveau ce mot : Moldu. Il semblait si familier, mais que signifiait-il ? Je pouvais demander à James, à condition que le souvenir ne s'estompe pas. Il avait utilisé ce mot quand nous nous étions retrouvés pour la première fois : 'juste une Moldue quelconque', m'avait-il appelée.

Mon téléphone jouait toujours la chanson que j'avais réglée comme sonnerie de réveil. Je l'avais changé des semaines plus tôt, la nuit après ma première virée sur Tigre. Me mettant un peu de déodorant, je la chantonnais à mi-voix.

"Une pour la peine, deux pour la joie, trois pour une fille et quatre pour un garçon, cinq pour de l'argent, six pour de l'or, sept pour un secret, tu à jamais. Diable, diable, je te défie…"

Réalisant que j'avais laissé jouer la chanson bien assez longtemps et que mon chant augmentait en volume au point où cela dérangerait probablement Vicki, je fis glisser mon doigt sur l'écran. Le silence se fit, mais je le rompis immédiatement. "Sept pour un secret, tu à jamais," chuchotais-je pour moi-même tout en ouvrant doucement la porte de ma chambre elle grinça bruyamment.

Avançant sur le seuil, je réalisais que mes tentatives inefficaces pour rester discrète avaient été inutiles. La porte de la chambre de Vicki était ouverte, tout comme ses rideaux. Le palier usuellement sombre était inondé de la lumière du petit matin. Quand j'entrais dans la cuisine, elle mangeait son porridge. Ma colocataire était habillée et elle semblait m'attendre.

"Salut," dit-elle. "Tu en veux ?" Elle leva le contenant en plastique où nous gardions nos flocons d'avoine pour le porridge.

"Oui, s'il te plaît. Je vais me faire un pot de thé Breakfast écossais…" Je m'arrêtais et lui lançais un regard interrogateur.

"Hmmm." Elle avait la bouche pleine de porridge, elle hocha donc la tête.

"Je pensais que tu n'avais pas de cours ce matin," dis-je, allumant la bouilloire et m'activant avec la théière.

"Je n'en ai pas," admit Vicki en versant l'avoine et du lait dans mon bol, le remuant et le plaçant dans le micro-ondes. "Mais je pensais que je pouvais t'accompagner sur le chemin. Je dois aller à la bibliothèque."

"Ta décision de venir avec moi n'aurait pas quelque chose à voir avec Simon – avec ce que je t'ai raconté hier soir – n'est-ce pas ?" demandais-je.

Vicki secoua fermement la tête, mais elle était bien plus facile à déchiffrer que l'homme dont j'avais rêvé – l'Oublietteur Patterson. Mettant de côté le fait que j'avais donné à l'homme de mon rêve un nom et que je pouvais toujours m'en souvenir, je regardais fixement ma colocataire. Malgré la vigueur avec laquelle elle secouait la tête, son expression m'indiqua qu'elle n'était pas honnête. Elle avait l'intention de s'assurer que je ne sois pas harcelée par Simon sur le chemin des cours. Quand je levais cyniquement un sourcil, elle sut que je savais.

"Tu t'exhibes encore," dit-elle dans une tentative désespérée de me distraire.

Remontant la bretelle de mon débardeur sur mon épaule et tirant mon boxer logé dans la raie de mes fesses, je décidais que je n'irais pas contre sa volonté. Quand je lui avais raconté – la veille au soir – l'incident avec Simon et ses amis, il avait été évident que mon récit l'avait inquiété. Elle avait ignoré mes tentatives de détourner la discussion vers Rosie et m'avait soigneusement interrogé sur Simon. Maintenant, elle essayait de me protéger. Je décidais d'accepter son aide.

"Je ne te crois pas, mais merci." Je lui souris avec gratitude.

"Avec plaisir," dit-elle en souriant en retour.

Afin de préparer le thé, je dus déplacer l'étendoir à linge il était couvert de trucs de Vicki. L'élément le plus haut était un T-Shirt coloré de George le singe curieux, et son étiquette 'âge 13-14 ans' pendait. J'étouffais un sourire et me concentrais sur la préparation du thé. Vicki achetait la plus grande partie de ses vêtements au rayon enfant, tout comme la majorité de ses chaussures.

C'était ma protectrice ! Vicki ne faisait pas plus de quarante-cinq kilos toute mouillée et n'aurait pas parue menaçante même si elle enfilait un costume de ninja et prenait des poses de guerrière de manga. Malgré tout, si Simon préparait quelque chose, sa présence à mes côtés suffirait. Un témoin est toujours une meilleure option qu'un guerrier. Me sentant plus heureuse, je m'immergeais dans ma routine de préparation du thé. Pendant que je versais l'eau dans la théière, j'eus une idée. Laissant le thé infuser, j'attrapais mon téléphone.

"Mémo," dis-je.

"Merci de dicter le mémo," répondit mon téléphone.

"Vendredi matin, interroger James sur les Moldus." Je m'interrompis. "Et sur l'Oublietteur Patterson."

"Je n'ai pas compris votre demande," me dit patiemment mon téléphone. "Avez-vous dit 'mordus' et 'Olivier Patterson' ? Si oui…"

"Oh, la ferme," lui dis-je. Abandonnant, j'ouvris l'application de pense-bête à la place.

"Qu'est-ce que c'était que ça ?" me demanda Vicki quand je terminais de taper la note sur mon téléphone.

"Je ne suis pas sûre," dis-je, ne voulant pas parler à Vicki de mes rêves. "Je pense que ça a probablement quelque chose à voir avec un truc qui s'est passé quand j'étais petite. Tu sais comment c'est, quand on n'arrive pas complètement à se souvenir de quelque chose ? J'ai pensé à demander à James quand je le verrai."

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Vingt minutes plus tard, nous étions sur le chemin de l'université. Tout en marchant, je baissais les yeux sur mon amie, souris pour moi-même et résistais à l'impulsion de l'étreindre. Elle ne remarqua pas mon amusement, parce qu'elle ne me regardait pas.

Vicki avait noué ses longs cheveux noirs en deux tresses maladroites, qui virevoltaient sur ses épaules avec les rotations de sa tête. Ses yeux brun sombre observaient tous les alentours. Elle examinant chaque rue adjacente, ruelle ou recoin, clairement certaine qu'elle repérerait Simon tapi quelque part dans les ombres.

Nous avions marché en silence depuis un certain temps quand elle posa finalement la question à nouveau. Elle l'avait posé trois fois la veille au soir, je savais donc qu'elle n'était pas convaincue que ma réponse était candide. C'était une question qui me taraudait autant qu'elle.

"Tu n'as vraiment aucune idée de ce qu'il mijote, de ce qu'il essaye de faire ?"

"Non," lui assurais-je. "Sérieusement, Vicki, je n'en ai aucune idée. Il pourrait ne rien préparer du tout. Peut-être que c'était une simple coïncidence."

"Ha !" Le grognement de surprise étonnamment grave de Vicki balaya fermement cette possibilité. "Mais Pete se tenait devant le Bâtiment de l'Union quand vous êtes parties, et Rosie t'a raccompagnée à la maison ?"

"Ouais," admis-je. "Enfin, presque jusqu'à la maison, en fait. Elle est venue jusqu'au bout de la rue avant de tourner pour monter vers l'Hallamshire. Mais Pete ne nous a pas suivi."

"Vers l'hôpital ?" demanda anxieusement Vicki. "C'est dans une direction complètement opposée. Rosie devait être vraiment inquiète pour toi."

Je ris, secouais la tête et essayais de la rassurer. "Pas le Royal Hallamshire, Vicki, le Hallamshire Arms, le bar en haut de la colline," lui assurais-je. "Rosie ne vit pas dans un logement étudiant, elle a une maison quelque part de ce côté." Je fis un geste dans la direction générale du quartier de Crookes. "Elle a marché avec moi parce que c'était sur le chemin de chez elle. C'est bon de savoir que tu t'inquiètes, mais je pense que tu en fais un peu trop."

Vicki haussa les épaules, se mura dans le silence et redoubla de vigilance. Elle ne me laissa même pas entrer seule dans le bâtiment de la faculté de droit, insistant pour m'accompagner jusqu'à la porte même de ma salle de classe. Ce n'était pas nécessaire, il n'y avait aucun signe de Simon.

"Il ne suit pas ce cours ?" demanda Vicki.

"Si, mais il n'aime pas les cours tôt le matin. Il a l'habitude de sécher les cours du matin et je lui envoyais mes notes de cours." J'essayais de masquer la jubilation dans ma voix. "Il va avoir des problèmes, parce que ça n'arrivera pas ce semestre."

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Quand je quittais mon premier cours, fondations du droit international, Simon et Matt étaient dehors, attendant. Il n'y avait qu'eux deux, mais à la seconde où ils me virent, ils s'avancèrent avec détermination. J'essayais de me préparer à la rencontre quand ils s'arrêtèrent.

"Salut beauté," lança obséquieusement Brad, apparaissant de nulle part à ma hauteur. "Qu'est-ce qu'une charmante fille comme toi fait dans un tel endroit ?"

"C'est la faculté de droit, où voudrais-tu que je sois ? Quelle est ton excuse ?" demandais-je. M'interrompant, je me tournais pour regarder directement Simon et Matt et élevais la voix. "Est-ce que tu m'espionnes… Brad ?"

Alors que j'hésitais, et juste avant que je ne prononce mon dernier mot, Simon et Matt avaient tourné les talons et fui.

"Eh bien voilà ce que j'appelle un comportement suspect," observa Brad en fixant mon ex battant rapidement en retraite. "Finement joué, Anna. Tu es une fichue sournoise."

"Moi ?" Je haussais les épaules et regardait avec curiosité le visage de Brad. "Je commence à penser que je n'arrive pas à la cheville de super-sournoise Vicki ! Je parie que c'est elle qui t'a dit de venir, mais comment diable est-ce que tu m'as trouvé ?"

"Je suis un génie, tu ne savais pas ?" souris Brad. "L'appel de Vicki était parfaitement exact ! Simon l'obséquieux prépare quelque chose ! Une idée de quoi ?"

"Comment diable m'as-tu trouvé ?" demandais-je à nouveau.

"Ton emploi du temps est sur ton frigo. Vicki l'a photographié, nous l'a envoyé à tous, accompagné d'un message. Elle a demandé si on pouvait garder un œil sur toi entre tes cours." Il passa un bras autour de mes épaules et me serra. "Pour être honnête, je pensais que c'était une blague, mais Corrine était inquiète. Elle a insisté pour que je débarque ici, parce que je suis le seul avec une heure libre maintenant. Elle est au sommet de la Tour des Arts à faire Dieu seul sait quoi. Elle m'a fait promettre ! C'est une bonne chose que j'aie été là. Je lui dirais ce qu'il vient juste de se passer." Il sortit son téléphone.

"Rien ne s'est passé," dis-je. Simon et Matt t'ont vu et ils ont déguerpi."

"Ce n'est pas rien," dit Brad. "Je ne sais pas ce que c'est, mais il se passe absolument quelque chose et tu le sais, alors arrête de dire des âneries. Viens, ton cours suivant est loi et justice criminelle avancée et c'est à l'étage du dessus, c'est bien ça ?" Il me guida vers l'escalier.

"Ouais, mais…"

"Pas de mais, grosse mémère," dit-il en me suivant dans l'escalier, tapotant furieusement l'écran de son téléphone.

"Tu es un crétin sexiste à te moquer du physique," lui dis-je joyeusement. Il m'ignora.

"Je ne suis pas vraiment grosse, n'est-ce pas ?" demandais-je de ma meilleure voix de petite fille inquiète. Il rit.

"C'est vraiment bon de te retrouver, Anna ! Alex et George te retrouveront quand ton cours se terminera. Ils vont t'emmener déjeuner et t'escorteront à ton cours magistral de l'après-midi."

"Je suis pas une enfant," dis-je.

"Je n'ai jamais dit que tu l'étais ! Mais comme tu l'as toujours répété à Alex, prendre toutes les précautions possibles est la chose raisonnable à faire. Alex et George se sont portés volontaires. Corrine se sent mal de ne pas être ici maintenant et elle était prête à venir aussi, mais ils ont insisté pour que ce ne soit qu'eux deux. Ils veulent te parler," dit Brad. "Corrine est prête à tout pour savoir ce qu'ils ont à raconter. Elle pense qu'Alex et lui couchent ensemble !" Il fit tourner son index à côté de sa tempe. "Mais même George n'est pas aussi stupide. Tu y es !"

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"Désolé pour l'aut' fois, j'aurais pas dû essayer de tripoter James. J'ai détesté cette foutue moto."

Les mots d'Alex arrivèrent précipitamment, mais son ton était neutre et elle ne croisa pas mon regard. Je la fixais avec étonnement, puis regardais George. Il leva les yeux au ciel.

"N'en attends pas plus," dit-il avec son habituel sourire jovial. "Elle est vraiment désolée."

"Tu laisses George parler pour toi maintenant ?" demandais-je à Alex. Elle haussa les épaules.

"Bon alors, où est ton trou du cul d'ex ?" demanda George, serrant les poings et faisant craquer ses jointures.

"Tu es protégée de lui, maintenant, Anna. George est presque aussi costaud que Vicki, tu sais," dit Alex d'un ton pince-sans-rire.

Je ris, tout comme George. "Il n'est pas là," dis-je à George. "Il ne suit pas le cours de loi et justice criminelle avancée, il n'en a pas besoin. Il veut travailler en loi des affaires après son diplôme, parce que c'est là qu'il y a vraiment de l'argent. Donc je suis en sécurité. Il n'y a pas besoin que vous soyez là."

Ils m'escortaient de part et d'autre en descendant les escaliers. Personne ne pouvait nous croiser, mais ce n'était pas réellement un problème puisqu'il était presque treize heures et tout le monde se dirigeait dans la même direction – dehors. Il n'y avait aucun signe de Simon, mais je ne m'étais pas réellement attendue à le croiser.

"Il ne prend pas l'option ? Je suis surprise que tu le fasses alors !" lâcha acerbement Alex.

"Il a essayé de me persuader de choisir le droit contractuel à la place, mais mon choix était déjà arrêté sur le droit criminel avant même d'arriver à l'université. Je me suis inscrite en droit criminel avant même de l'avoir rencontré," admis-je. Tout en parlant, je commençais à m'interroger sur ses motivations le ver de la suspicion commença à parcourir mes souvenirs.

"Déjeuner à l'Union ?" demanda George.

"Pourquoi pas ?" dis-je. "Brad dit que Corrine pense que vous deux avez quelque chose à me dire. Il pense qu'elle pense que vous êtes amûûreux !"

"Et Vicki pense que Simon te poursuit." Alex ramena ouvertement la discussion sur moi. "C'est la seule raison de notre présence ici. Qu'est-ce que tu crois ?"

"Vous savez qu'elle m'a accompagné jusqu'ici ce matin ?" demandais-je. Ils hochèrent la tête.

"C'était le plan", admit George, lançant un regard en coin à Alex tout en parlant. Elle me regardait fixement, inconsciente de son attention. "Il y a eu des messages dans tous les sens jusqu'à minuit hier soir. Tu sais comment Vicki était quand on était à C7 ! Vous vous souvenez de son planning pour le ménage et la cuisine ? C'est une sacrée organisatrice."

"Ce putain de planning casse-couille codé par couleurs !" ajouta Alex. Il y avait du fiel dans sa voix, mais un sourire sur ses lèvres. "Ne te monte pas la tête, Anna, on se moque bien de toi. On est juste ici parce que Vicki a dit que c'était important."

"Je ne moque pas d'Anna !" protesta George, secouant la tête désespérément. "Et Alex non plus, en vérité ! Alors, qu'est-ce qui se passe ?"

"Vicki est largement plus inquiète de Simon que je ne le suis," leur assurais-je. "Vous auriez dû la voir ce matin, Vicki Power Ranger Jaune était prête à tout !" Je m'arrêtais pour prendre la pose. Mes amis commencèrent à rire, mais notre bonne humeur ne dura pas. Nous sortîmes sous un crachin morose.

"On dirait qu'elle avait raison d'être inquiète," observa George.

Il indiqua du menton l'abri à vélo de l'autre côté de la rue, ils étaient là. Simon, Matt et Pete se tenaient sous le plastique ondulé, s'abritant de la pluie. Je les regardais fixement. Quand ils nous virent, Simon murmura quelque chose et ils se tournèrent pour partir. Alex, cependant, leva la voix.

"Hé, est-ce que c'est pas ton ex-copain et ses potes ?" dit-elle fortement. "Est-ce que c'est vrai qu'il a la plus petite bite que tu aies jamais vu…" J'étais sur le point de protester, mais Alex me mit un coup de coude dans les côtes. "...George ?" conclut-elle, regardant au-delà de moi vers notre ami barbu.

Simon s'était arrêté en pleine foulée à sa pique sur 'bite', mais son mot final fut le coup fatal. En le voyant serrer les poings, je me souvins de toutes les remarques dédaigneuses qu'il avait faites à propos de Phil et réalisais que je devais ajouter homophobe à la liste toujours plus longue des tares de mon ex.

Comme moi, George regardait fixement Simon. Malgré tout, il pouffa de rire.

"Un jour, ta maudite langue va te causer des problèmes, Alex," lui dit-il.

"La plupart des mecs aiment ma langue," lui dit-elle. "Même toi ! Je suis certaine que tu fantasmes sur ce que je pourrais te faire avec, Georgie."

"Putain !" dis-je. Simon disparut sous la pluie. "Vraiment ? Enfin, Alex, tu ne t'es pas comportée comme ça depuis…"

Je m'interrompis et la regardais. Elle baissa la tête je fis face à George à la place. Quand il hocha la tête, je sus que mon souvenir de notre éloignement avec Alex en première année était la clef. Les pièces du puzzle se mettaient enfin en place.

"Elle ne veut pas de 'je te l'avais dit' de qui que ce soi," dit fermement George. Nous nous arrêtâmes au bord du trottoir et je regardais fixement mes amis.

"Pas de bol, Alex," dis-je sèchement alors que nous traversions la rue. "Est-ce que c'est la chlamydia, encore, ou autre chose ?"

"Pareil," grommela-t-elle.

"Une fois c'est de la malchance, deux fois c'est de l'inconscience ! Pourquoi est-ce que tu n'es jamais foutue d'écouter ? Quel est le putain de problème à utiliser des capotes ? La pilule est bien en soi – à condition d'avoir un copain fidèle – mais…"

Alors que je lui faisais la morale, je réussis à me distraire toute seule de mon sermon. "Putain," dis-je alors que mon propre conseil me heurtait de plein fouet. "Je me demande si je devrais me faire tester."

"Tu te sens bien ?" demanda Alex.

Je hochais la tête.

"Alors tu l'es probablement," me rassura-t-elle. "Mais je te donnerai le numéro de la clinique de l'université si tu veux être certaine."

"Merci," marmonnais-je. Subitement, je fus submergée par l'inquiétude et me sentis plus mal que je ne l'avais été depuis des semaines.

"Le côté positif," dit Alex, "c'est que tu es une monogame acharnée. Si tu l'as, c'est que Simon te l'a refilé. Je n'ai aucune idée de qui je le tiens. J'ai dû le dire à cinq types différents."

"En quoi c'est positif ?" demandais-je d'un ton acerbe.

"Tu peux prévenir toutes les filles à qui il parle," dit-elle, lançant un regard sombre à George.

"C'est comme ça que je l'ai su," dit George. "J'ai croisé Alex là-haut." Il fit un geste en direction du bâtiment de l'Union. "On a déjeuné et plaisanté, comme on le fait souvent, tu vois ? Après son départ, ce type que je n'avais jamais vu est venu me voir et me l'a dit. Il n'était pas très poli envers elle." Son regard m'indiqua combien il tempérait les paroles réelles de l'homme. "C'est pour ça qu'on est parti ensemble l'autre jour, après ce tour carrément affreux en moto. Je voulais dire à Alex que je savais pourquoi elle se comportait autant comme une connasse."

Alex rit et étreignit George. "Tu sais ce qu'a fait cette petite star au type ?"

Je secouais la tête.

"Je lui ai dit que j'étais son frère," dit George. "Vous auriez dû voir sa tête ! Je n'avais jamais autant embarrassé quelqu'un de toute ma vie."

Malgré moi, je ris.

"Pourquoi tu as besoin de nous, de toute façon ? Où est monsieur-moto ? Est-ce que ce ne serait pas à lui de s'occuper de toi ? Pourquoi est-ce qu'il t'a abandonné à ton heure de plus grand besoin ?" Alors qu'il ouvrait la porte du réfectoire pour nous, George me bombarda de questions.

"Il est parti à Poudlard, pour faire des recherches pour un article qu'il écrit," lui dis-je. "Je le verrai à la piscine demain matin."

"Parti où ?" demanda George.

"Poudlard ?" interrogea Alex. "Où diable c'est, ça ?"

"C'est son ancienne école," leur dis-je. "C'est quelque part en Écosse. Je n'ai aucune idée de où." Tout en parlant, je me demandais comment je le savais. Je pouvais sentir le souvenir s'estomper, je sortis donc mon téléphone, ouvris le pense-bête et ajoutais le mot Poudlard à la liste.

"Qu'est-ce que c'était que tout ça ?" demanda George.

"Je suis pas sûre," admis-je. "Je le découvrirai quand je verrai James demain."

"Est-ce qu'on devrait s'inquiéter pour toi et James ?" me demanda Alex. "Il disparaît jute quand tu as besoin de lui et, franchement, t'imaginer assise sur cette foutue moto me terrifie !"

"T'imaginer choper une deuxième MST en deux ans me terrifie !" rétorquais-je.

"C'est là qu'on a besoin d'une des leçons de Vicki sur les probabilités. 'Tout ce qu'on fait dans la vie comporte un risque, on doit juste être capable de le mesurer'," interrompit George.

"Au nom du ciel, non !" protesta Alex.

"Il n'y a rien à craindre à propos de 'moi et James' !" leur dis-je. "Je mettrais ma vie entre ses mains."

"Tant mieux, parce que quand tu es à l'arrière de cet engin, c'est exactement ce que tu fais !" dit George.

"Tu mettrais ta vie entre ses mains !" dit pensivement Alex. "Tu lui plais et il te plait, et vous baisez pas. Pourquoi donc ?"

"Peut-être que je suis inquiète que Simon m'ait laissé un petit quelque chose," suggérais-je. Cela ne fonctionna pas.

"Tu n'avais même pas pensé à ça," dit Alex. "Tu essaies de détourner la conversation, Anna. Est-ce que c'était ton choix ou le sien ?"

Je ne répondis pas.

"Le sien !" annonça-t-elle.

"Tout n'est pas à propos du sexe, Alex," dis-je. "On a… Nous… La boîte… Les règles… La confiance, c'est… Toujours être honnête entre nous, quoi qu'il arrive."

"Là tu commences à m'inquiéter, Anna," s'exclama George. "De quoi diable est-ce que tu parles ?"

"C'est un secret," dis-je avec autant de certitude que je pouvais avoir. Je savais que j'avais raison, qu'il y avait clairement un secret, mais je ne pouvais pas m'en souvenir. Je leur dit ce que je savais, ce que je savais dans mes tripes être la vérité. "James et moi, on a beaucoup de passé en commun. C'est tout ce que vous avez besoin de savoir, d'accord ? Parlons d'autre chose."

Les yeux d'Alex brillèrent.

"Non, je ne vais pas parler de Simon," lui dis-je. "Et à propos de ton… plus récent problème, Alex ? George est au courant, je suis au courant, et tes partenaires actuels…"

"Anciens partenaires," interrompit Alex.

"Tes anciens partenaires savent," poursuivis-je. "Est-ce que je peux prévenir le reste de la bande, ou est-ce que tu veux le faire toi-même ?"

"Tu peux prévenir Vicki," dit-elle. "Je le dirais à Corrine." Je hochais la tête et ravalais ma réplique. Malgré son air bravache, j'avais toujours suspecté qu'Alex ne voudrait jamais recevoir de jugement critique de la part de Vicki.

"Et pour…"

"Le bientôt-docteur Phil a été le premier au courant," admit Alex. J'ai contrôlé les symptômes avec lui et j'ai reçu toute la leçon sur la santé sexuelle de sa part quand je l'ai fait. Je n'en veux pas d'autre. Parlons de George à la place. Il n'a toujours pas de copine, pas depuis qu'il a rompu avec Emily. Je pense que lui et Vicki iraient bien ensemble. Qu'est-ce que tu en penses ?"

George commença à protester, mais cela ne changea rien. Nous passâmes le déjeuner à le taquiner gentiment. Ensuite, ils m'accompagnèrent à mon cours magistral de l'après-midi. Il n'y avait aucun signe de Simon, mais ils étaient inquiets.

"Il n'y aura personne pour t'attendre quand tu finiras," dit George. "Nous serons en cours."

"Et Phil travaille, et Corrine aussi," ajouta Alex. "Oh, et Corrine a dit que je devais te dire qu'il y aurait peut-être une place de serveuse qui se libérera à son boulot."

"Et Vicki rencontre son tuteur pour discuter son projet de ce semestre," ajoutais-je.

"Et Brad pareil," me dit George. "Désolé, Anna. Je sècherai mes cours, si tu veux."

"Je m'en sortirai," les rassurais-je. "Brad a vu Simon traîner pas loin après mon premier cours et vous deux l'avez vu après le second. Si je disparais sans laisser de trace, je suis sûre que Vicki vous le fera savoir. Ça n'arrivera pas, mais si c'est le cas, vous saurez qui accuser du crime."

Ils semblaient soucieux.

"Sérieusement, tout ira bien pour moi," essayais-je à nouveau. "C'est une conférence optionnelle sur la Cour Européenne des Droits de l'Homme. D'une, c'est optionnel. De deux, c'est de la législation sur les droits humains." Je levais les doigts en comptant mes arguments. "Je peux garantir que Simon ne sera pas là. Il n'a probablement même pas enregistré que ça existait." Tout en parlant, je savais que j'avais raison. Je savais comment Simon travaillait et le ver de la suspicion avait fait son travail je savais ce que Simon voulait.

~~~oooOOOooo~~~

J'avais raison, évidemment. La salle de conférence était bondée, mais il n'y avait aucune trace de Simon. Malheureusement, dans ma tentative de rassurer mes amis, j'avais oublié Stu. Quand je quittais la salle deux heures plus tard, je le repérais rôdant derrière les distributeurs de boisson. Il était au téléphone et, lorsqu'il remarqua que je l'avais repéré, il raccrocha précipitamment. Gardant les yeux sur lui, je me rapprochais pour porter l'estocade. Il évalua ses options et estima qu'il devait rester pour me faire face.

"Ne dis rien, Stu," dis-je joyeusement. "Tu n'en as pas besoin."

"Oh, salut Anna. Tu étais à la conférence ? Je ne t'avais pas vue. Il y avait de bons arguments sur les besoins grandissants de…"

"Viens," ordonnais-je en le dépassant. "Ne traîne pas. Tu as reçu tes ordres. Simon veut que tu me gardes à l'œil jusqu'à ce qu'il arrive, c'est bien ça ?" Fixant son visage appréhensif, je vis que je ne me trompais pas et m'arrêtais. Tout en continuant mon flot de spéculations, je devais observer ses réactions. "Tu as un problème, hein ?"

"Un problème ?" demanda-t-il. Je pouvais voir qu'il commençait à paniquer.

"Simon veut que tu me ralentisses, que tu me retiennes ici. Mais le problème, c'est que tu ne me retiens pas, c'est moi qui te tiens !"

"Tu me tiens ?" Sa panique grandissait.

"Exactement." Je hochais la tête. "Tu peux me retenir ici jusqu'à ce qu'il arrive, mais si tu restes avec moi, je vais te poser tout un tas de questions gênantes. Comme…"

Je m'interrompis, le regardais dans les yeux et lui posais une question impossible.

"La fille avec qui je l'ai surpris… était-elle la première ?"

"Je… je… je sais pas," mentit-il.

"Hésitation !" Je bondis sur ma proie. "Ça signifie que tu sais. Et si tu sais et que tu n'es pas prêt à ma le dire, à protester comme quoi il n'est pas comme ça, ça ne peut que signifier qu'elle n'était pas la première. Qu'est-ce que tu penses que Simon va dire quand je lui dirais que tu me l'as dit ? Tu vas avoir tellement de problèmes, Stu. Salut."

Je passais devant lui. Il me suivit en protestant. "S'il te plaît Anna, ne fais pas ça."

"Ne fais pas quoi ?" demandais-je sans ralentir. "Ne pars pas ? Ne dis pas à Simon que tu m'as dit qu'il m'avait trompé avec plusieurs autres filles ?"

"Je n'ai pas dit ça !" Nous avions atteint la rue et il commençait à sembler désespéré, je m'arrêtais donc à nouveau.

"Non, tu ne l'as pas fait, pas exactement. Mais qui Simon va croire ?"

Stu était bouche bée.

"C'est une accusation terrible, tu sais," continuais-je d'un ton amical. J'étais lancée et je commençais à apprécier son malaise. "Ton 'ami' Simon a plus de chances de me croire moi que toi. Je suis mieux sans lui, Stu, et tu le serais aussi. Je peux partir, maintenant, et tu ne m'arrêterais pas. Tu ne pourrais pas m'arrêter ! Tu es dans de sales draps, tu sais. Ça n'importe pas vraiment que je reste et que je lui dise ce que tu viens de me dire, ou que je parte et que je te laisse comme un raté."

"Je ne t'ai rien dit !" protesta-t-il.

"Ça n'a pas d'importance," dis-je. Je commençais à avoir des remords pour lui, donc j'insistais sur mes arguments avant de vouloir faire marche arrière. "L'issue sera exactement la même pour toi. Tu auras des problèmes avec Simon, à moins que…"

"À moins que quoi ?" Il s'agrippa à la bouée que je lui avais lancé.

"À moins que tu ne me dises pourquoi vous me harcelez tous."

"Harceler ?" Stu prononça le mot si fortement que plusieurs passants ralentir pour voir ce qui se passait. "On ne… Je ne te harcèle pas, Anna. Simon veut te parler, c'est tout. Je ne sais pas pourquoi, promis !" Il avait l'air, et le ton, parfaitement convainquant.

"Tu sais, je pense que tu me dis la vérité," dis-je tristement. "Et c'est la chose la plus triste que j'aie entendue. Tu étais dans le cours, Stu. La défense 'Je ne faisais que suivre les ordres' n'est vraiment pas bonne."

Pendant un instant, il parut horrifié, puis le soulagement éclaira son visage. Je suivis son regard. Simon et Pete traversaient la rue. Ils n'étaient qu'à quelques mètres, mais je pouvais aussi entendre un grondement familier, et il devenait toujours plus audible.

"Salut Anna," sourit Simon en approchant. Il se tourna vers ses amis. "Est-ce que vous pouvez nous laisser une minute, s'il vous plait les gars ?"

"Je lui ai rien dit," dit Stu.

"Évidemment que tu ne lui as rien dit, Stu, parce que tu ne sais rien." Alors que ses amis s'éloignaient de nous, Simon m'offrit un sourire qui me rappela celui de l'Oublietteur Patterson. Je regardais fixement son visage manipulateur et sus ce qu'il voulait.

Je souris en retour. Le grondement derrière moi se changea en ronronnement, puis il y eut le silence. Simon regarda par-dessus mon épaule.

"Chié !" dit-il.

"Salut James." Le grondement de la Tiger m'était déjà familier, je n'eus donc pas à me retourner. Je levais la voix pour que tout le monde, y compris les amis de Simon, puisse m'entendre. "Rien à craindre, je suis parfaitement en sécurité ! Simon était sur le point de me demander, ou de m'implorer, ou de marchander pour que je le laisse rendre ma dissertation sur la législation fiscale des affaires comme étant le sien. C'est pour ça qu'il a proposé de le 'relire' pour moi pendant l'été." Le visage de Simon m'indiqua que la théorie que j'avais élaborée dans ma tête toute la journée était correcte. "Mais ça n'aurait pas d'importance s'il m'offrait un million de livres ou qu'il me laissait lui couper les testicules avec une scie à métaux rouillée, ma réponse serait toujours la même. Va te faire foutre, Simon !"

Mon ex était bouche bée et tremblait de fureur. Je l'avais rabaissé devant ses amis et cela, je le savais, était la pire chose que je puisse faire. L'honneur de Simon ne saurait être souillé. Mais, désormais, ses amis le regardaient avec étonnement. C'était suffisant pour moi. Je me retournais pour faire face à un James souriant. "Maintenant c'est ton tour, Jamie. Poudlard, Moldu, Oublietteur Patterson ! Explique-moi !" Son sourire disparut.