Valeur et vigueur,

Bon, je n'ai rien à dire (pour une fois) à part merci à Sarah MAES, Jiwalumy, Roux500 et Fleur d'Ange pour vos reviews !

Récap des chapitres précédents

- Narcissa a proposé à Ginny et à sa famille de quitter le pays définitivement (chap. 62)
- Sous la pression de Draco, Narcissa a obtenu une Grâce Ministérielle pour Ginny, permettant ainsi sa reconnaissance comme sorcière de Sang-Pur. (chap. 63)
- Draco est allé voir Bill pour le convaincre de laisser Ginny en Angleterre. (chap. 63)
- Lupin a failli perdre la vie après l'attaque soudaine de Sans-Visages au campement de la Révolte du Yorkshire. (chap. 61)
- Tonks a donné naissance à Teddy (chap. 62)
- Après avoir stalké Tracey Davis (la petite amie de Luna) pendant des semaines, Isaac l'a violemment agressée avant de s'enfuir, la laissant pour morte. Son corps n'a jamais été retrouvé. (chap. 31)

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Bonne lecture !

LXIV. Ombres au Tableau

L'estomac de Ginny était tellement serré qu'elle avait l'impression qu'elle allait s'effondrer d'un moment à l'autre. Chaque battement de son cœur semblait résonner dans ses tempes, lourd et douloureux. Le soleil de cet été particulièrement caniculaire semblait s'acharner sur elle, sa chaleur oppressante amplifiant sa sensation d'étouffement. Cela la rendait encore plus faible qu'elle n'était déjà.

Elle n'avait pas fermé l'œil depuis des jours, attendant le jour fatidique qui se rapprochait dangereusement. Le temps semblait s'être accéléré, emportant avec lui tout espoir de répit. Les dix jours suivant sa rencontre avec Narcissa Malfoy à l'Augurey Magistral étaient passés en un éclair. La proposition de cette dernière avait chamboulé son monde tandis qu'elle lui présentait un choix inimaginable qui scellerait son destin à jamais. Elle avait eu l'impression que le sol se dérobait sous ses pieds, la laissant en chute libre, incapable de s'accrocher à quoi que ce soit de stable.

Si on lui avait dit, un an plus tôt, qu'une telle possibilité s'offrirait à elle, Ginny n'aurait jamais pensé une seule seconde que cela la mettrait dans un tel état d'angoisse. Pourtant, aujourd'hui, la réalité lui pesait sur le cœur, lourde et insupportable, comme une pierre au fond d'un lac sombre. L'espoir d'un avenir plus lumineux avait été remplacé par la douleur déchirante de séparations imminentes.

Ginny poursuivit son avancée, se frayant un chemin parmi la foule de voyageurs qui se pressaient le long du port. Certains échangeaient des rires légers et d'autres montraient des traits crispés par l'appréhension du départ imminent.

« Nous y sommes ! » entendit Ginny, non loin d'elle.

La voix mélodieuse de Fleur s'éleva au-dessus du brouhaha. Malgré l'agitation dans le port, Ginny repéra sa belle-sœur à quelques pas devant elle, tenant Dominique serrée contre elle. Elle s'arrêta et Ginny fit de même. Elle leva la tête et ses yeux se posèrent sur un somptueux paquebot qui trônait majestueusement à quai. Le navire était imposant avec sa coque d'un blanc immaculé, rehaussée de glyphes dorés qui étincelaient sous le soleil. Les multiples ponts du navire arboraient des rangées de hublots, laissant entrevoir des cabines somptueuses. L'accès principal du bateau, délimité par une élégante rampe en bois lustré et des cordages robustes, était gardé par des membres d'équipage en uniformes raffinés, accueillant avec courtoisie les nouveaux arrivants.

Les voyages à l'étranger étaient des événements rarissimes. En général, seuls des émissaires du régime, qu'ils soient diplomates, artistes ou sportifs, étaient amenés à se déplacer pour des missions ou des événements spécifiques. Lors de ses retours, le paquebot ramenait parfois avec lui des groupes d'immigrants venant d'autres nations purifiées. D'ailleurs, c'était à bord de ce même navire que Fleur était arrivée en Angleterre, il y avait de cela presque dix ans, pour effectuer un échange scolaire à l'occasion de sa dernière année d'étude académique.

À mesure qu'ils longeaient le vaste port pour rejoindre l'embarcation, Ginny avait senti une anxiété croissante la submerger. Elle avait toutefois fait de son mieux pour dissimuler sa tension, resserrant sa prise sur la petite main de Victoire, glissée dans la sienne.

Les jours qui venaient de s'écouler avaient donné l'impression d'un rêve éthéré et accablant dont elle était prisonnière. La conscience aiguë qu'aucun choix ne la préserverait de la douleur l'oppressait. Et ce qui était plus insoutenable encore, c'était de savoir que ce choix, quel qu'il soit, blesserait également quelqu'un d'autre.

Deux jours plus tôt, après un silence lourd et pesant, Ginny avait finalement rassemblé tout son courage pour faire face à Draco. Dès qu'elle avait croisé son regard, une culpabilité écrasante l'avait envahie. Elle avait perçu le même tourment dans les yeux de Draco, blessé par son absence des derniers jours. Habituellement stoïque, le visage de Draco avait cette fois laissé transparaître une palette d'émotions intenses. La gorge nouée, elle avait tenté de lui expliquer les raisons de son retrait. Elle avait eu le besoin vital d'être seule pour y voir clair et pour prendre la bonne décision sans subir d'influence extérieure. Draco l'avait écoutée, silencieux, pendant que Ginny s'épanchait, le visage ruisselant de larmes.

« Tu es sûre que c'est ce que tu veux ? » lui avait demandé Draco une fois son discours terminé.

« Tu es sûre que c'est ce que tu veux ? » demanda une autre voix, la sortant de sa rêverie.

Ginny tourna la tête et croisa les yeux bleus de son frère aîné qui la scrutaient attentivement à la recherche de la moindre trace de doute sur son visage. Elle tenta de sourire, ravalant tant bien que mal les larmes qu'elle essayait désespérément de retenir. Elle hocha simplement la tête.

« Oui, j'en suis certaine. » confirma-t-elle, la voix voilée par l'émotion.

Les yeux de Bill glissèrent sur la coque brillante du navire, s'attardant sur les voiles gonflées par le vent et les travailleurs affairés sur le pont.

« Je n'arrive pas à croire que nous sommes sur le point de partir. Tout cela me parait irréel. » avoua-t-il. « Quel avenir nous attend ? »

Face au silence de sa sœur, Bill l'observa, le regard empli de gravité.

« Tu réalises ce que tu abandonnes ? » demanda-t-il.

Immédiatement, la voix de Draco fit écho dans son esprit, prononçant ces mêmes mots d'une voix blanche.

« Tu réalises ce que tu abandonnes ? » lui avait demandé Draco, la regardant avec stupéfaction, comme s'il n'y croyait pas réellement.

« J'en ai conscience, Bill. » répondit-elle, prenant une profonde inspiration pour retrouver contenance.

« J'aurais aimé que les choses soient différentes. » admit Bill, les yeux baissés. « Tout cela est si injuste. Je suis désolé, Ginny. »

Désemparée, elle leva les yeux vers lui, l'interrogeant du regard.

« Je regrette d'avoir agi avec toi comme je l'ai fait. J'étais tellement aveuglé par mes propres démons que je n'ai pas voulu voir la vérité en face. J'ai essayé de te priver de tant d'expérience, persuadé d'agir pour ton bien, alors qu'en réalité, c'était pour apaiser mes propres peurs. » admit-il.

« Bill… » commença Ginny d'une voix remplie d'émotion.

« Mais il est temps... » poursuivit-il. « De te laisser vivre ta vie, de faire tes propres choix, de commettre tes propres erreurs. D'aimer qui tu souhaites. »

Ginny essuyait les larmes qui coulaient doucement sur son visage, bouleversée par ces paroles tant attendues. Combien de temps avait-elle attendu pour entendre cela de sa part ?

« Je ne vais pas prétendre que je ne suis pas terrifié. » reprit Bill d'une voix solennelle. « Et je sais que dès que je monterai à bord de ce bateau, une partie de moi aura des regrets. Mais ce que je veux n'a plus d'importance. Tu es une femme désormais, bien plus courageuse que je ne l'ai jamais été, et tu me l'as prouvé. »

Elle lui adressa un regard empli de reconnaissance.

« Il a intérêt à t'offrir la vie que tu mérites. Sinon, il n'y aura aucun océan, aucune loi, aucune autorité qui pourra me retenir. Et une fois notre famille retrouvée, je reviendrai en force, avec du renfort. » lui assura Bill, d'un air déterminé. « Et il le regrettera amèrement. »

Sa remarque arracha un sourire à Ginny.

« Je n'en doute pas une seule seconde. » murmura-t-elle, luttant contre l'émotion.

Elle se jeta dans les bras de son frère et l'étreignit avec ferveur. Elle se sentait déchirée, prise entre le marteau et l'enclume, écartelée entre deux mondes qui, soudainement, ne semblaient plus pouvoir coexister. Elle souhaitait que tout cela ne soit qu'un rêve, qu'elle puisse se réveiller et retrouver la vie telle qu'elle la connaissait. Bill la serra plus fort à son tour.

« Vous allez tellement me manquer. » sanglota Ginny contre lui.

Elle se rappela la nécessité de rester discrète et de ne pas éveiller les soupçons quant à la finalité de leur voyage. Officiellement, il s'agissait d'une simple visite à la famille de Fleur en France purifiée. Cependant, grâce à l'intervention de Narcissa Malfoy, ils ne reviendraient pas. Contenir sa peine était néanmoins un défi difficile. Elle sentit des larmes couler sur son front et comprit que ce n'étaient pas les siennes, mais celles de son frère. Lorsqu'ils se détachèrent l'un de l'autre, leurs yeux étaient humides, reflet de la douleur de séparation imminente.

« Il est temps, mon amour. » lança la voix douce de Fleur, non loin d'eux.

Ginny s'écarta, essuyant ses yeux d'un revers de manche. Elle croisa le regard de sa belle-sœur dont les yeux étaient également rougis. Elles avaient pleuré toute la nuit. Fleur se rua vers Ginny pour l'étreindre à son tour.

« Promets-moi d'être heureuse. » insista-t-elle.

« Je ferai de mon mieux. » promit Ginny.

Fleur, contrairement à Bill, comprenait parfaitement le choix de Ginny. Elle-même avait pris une décision similaire en choisissant de tout abandonner pour Bill, bien des années auparavant.

« Nous trouverons un moyen d'avoir de tes nouvelles et de t'en donner. » lui assura Fleur d'une voix déterminée.

Ginny acquiesça, puis se pencha pour embrasser doucement le front de sa nièce Dominique qui reposait dans un couffin lévitant. Elle était si jeune et n'aurait sûrement aucun souvenir d'elle, songea Ginny avec tristesse. Puis, elle tourna son attention vers Victoire, dont l'expression était empreinte de confusion. Le voyage avait été évoqué à Victoire, mais sa finalité définitive n'avait pas été divulguée. Pour des raisons de sécurité, la vérité lui serait révélée plus tard. Victoire était jeune et ils ne voulaient pas prendre le risque qu'elle laisse échapper l'information à ses camarades de classe. Les larmes de Ginny reprirent tandis qu'elle se penchait vers sa nièce.

« Tante Ginny, pourquoi es-tu si triste ? Nous reviendrons bientôt. » lui assura Victoire, cherchant à la consoler.

Ginny l'étreignit longuement, posant un baiser au-dessus de sa tête. Sa gorge se noua, rendant chaque parole plus difficile à prononcer.

« Promets-moi de ne jamais m'oublier. Et reste toujours la personne brillante et généreuse que tu es. » murmura Ginny.

Un peu désemparée, Victoire hocha timidement de la tête. Elle tendit à Ginny une peluche.

« Tiens. Il te consolera quand tu seras triste. » expliqua Victoire.

« Monsieur Poilu ? Non, je ne peux pas le garder, ma chérie. Et s'il se perdait ? » dit Ginny. « Et tu en as besoin pour dormir. »

« Je suis grande, maintenant. » assura fièrement Victoire. « Il sera en sécurité avec toi. Et puis il a le mal de mer, de toute façon. »

Elle fit cette confidence d'un ton complice, arrachant un sourire à Ginny. La sirène du paquebot résonna bruyamment, prévenant du départ imminent.

Pourquoi est-ce si dur, songea Ginny, le cœur lourd.

« Nous devons y aller, Bill. » prévint Fleur.

Bill semblait figé, comme s'il hésitait à franchir ce pas décisif.

« Bill. » pressa Ginny, cherchant à le sortir de sa torpeur.

Un rapide coup d'œil aux membres de l'équipage qui commençaient à s'impatienter lui rappela l'importance de la discrétion. Ils étaient désormais les derniers voyageurs sur le quai. Elle craignait qu'ils attirent trop l'attention et provoquent les suspicions.

Leurs adieux avaient été faits à la Chaumière aux Coquillages pour éviter ce cas de figure précis. Cependant, la réalité s'avérait plus compliquée. Bill, après un dernier regard poignant vers sa sœur, prit la main de Victoire. Suivi de près par Fleur et Dominique, il se dirigea vers le paquebot. Ginny les observa s'éloigner, présenter leurs tickets, puis monter à bord. Victoire lui adressa un dernier signe de la main, auquel Ginny répondit, le cœur serré.

Lorsqu'ils disparurent enfin derrière les lourdes portes du paquebot, Ginny sentit une douleur vive et profonde lui transpercer le cœur, comme si un poids écrasant l'avait soudainement comprimé. Son souffle s'était fait court, et chaque battement semblait plus douloureux que le précédent. Chaque seconde paraissait une éternité alors qu'elle demeurait figée sur le quai, les yeux fixés sur l'énorme navire qui s'éloignait lentement. Le paquebot, par sa majesté, restait visible à l'horizon, semblant narguer sa petite silhouette solitaire sur le quai.

La dure réalité la frappa de plein fouet, tel un coup de vent glacial. Sa famille était partie pour ne plus jamais revenir. Un tumulte d'émotion, allant de la tristesse à l'angoisse, la submergea. Ses bras pendaient lourdement, comme s'ils avaient perdu toute leur vigueur, et un flot incessant de larmes venait brouiller sa vue. Elle avait l'impression qu'une poigne glacée enserrait son cœur, tentant de l'écraser, le réduisant en miette sans cérémonie. Quelques employés du port lui jetèrent des regards intrigués. Lorsqu'un vieil homme au visage buriné s'approcha d'elle, et lui demanda si elle avait manqué le départ, Ginny se contenta de secouer la tête, incapable de prononcer le moindre mot.

Elle se tourna brusquement pour s'éloigner du port. Ses jambes semblaient se mouvoir par pur automatisme, comme si elles suivaient une ancienne mémoire musculaire plutôt que sa volonté. Elle se sentait hors de son propre corps, guidée par des fils invisibles qui lui dictaient chaque pas. Après ce qui lui sembla être une éternité, elle aperçut la silhouette majestueuse d'une diligence familière. La veille, avant qu'elle ne se rende à la Chaumière aux Coquillages pour partager ses derniers instants avec sa famille, Draco avait pris sa main, la serrant doucement.

« Prends tout le temps qu'il te faut. Je serai là quand tu reviendras. » avait-il assuré.

À son approche, un Mangemort lui ouvrit la porte et Ginny pénétra à l'intérieur. Elle croisa les yeux perçants de Draco, empreints d'une préoccupation sincère. Elle pouvait presque sentir la tension qui émanait de lui, comme s'il avait craint, jusqu'à la dernière seconde, qu'elle fléchisse sous le poids de ses adieux. Ginny s'effondra à ses côtés, débordante de chagrin, le cœur en miettes. Et lorsque Draco l'attira contre son torse, elle explosa en pleurs, se laissant envelopper par sa chaleur, libérant toute la peine qu'elle avait retenue sur le quai.

« Tu es sûre que c'est ce que tu veux ? Tu réalises ce que tu abandonnes ? » avait demandé Draco.

Sa voix avait trahi une note de soulagement lorsqu'elle lui avait révélé son intention de rester à ses côtés. Draco savait parfaitement ce qu'un tel choix représentait pour Ginny. Il comprenait l'attachement profond qu'elle avait pour sa famille et mesurait l'immensité du sacrifice qu'elle faisait pour lui.

« Si tu restes, je doute de pouvoir te laisser partir un jour. » lui avait-il murmuré, ses yeux plongés dans les siens.

« Je ne veux rien d'autre. Je ne veux personne d'autre. » avait-elle répondu, s'abandonnant à ses lèvres, trouvant du réconfort dans son étreinte.

Cela avait été la décision la plus difficile de sa vie. Cependant, une chose lui était apparue évidente : aussi difficile que puisse être la vie sans sa famille, la pensée de vivre sans Draco, elle, était asphyxiante. Renoncer à lui était tout simplement inenvisageable. Peut-être que certains trouveraient son choix insensé, mais elle n'en avait cure. Elle voulait vivre pleinement, sans remords et donner à leur histoire d'amour la chance qu'elle méritait.

Ce genre d'amour qu'on ne vivait qu'une seule fois dans une vie.

Ginny ne regrettait pas son choix. Elle espérait simplement avoir fait le bon.

/

« Vous appelez ça une proposition ? » interrogea Narcissa en se tournant vers l'homme en face d'elle, sa voix froide tranchant l'air comme une lame,

L'homme en question cligna des yeux, manifestement pris au dépourvu. Il lança des regards anxieux aux autres collaborateurs présents, cherchant du soutien. Tous les autres, autour de la table, baissèrent les yeux. Il reporta son attention vers Narcissa.

« Que… Que voulez-vous dire ? » réussit-il à articuler, sa voix tremblant légèrement.

« Votre "proposition", si l'on peut même lui donner ce nom, est d'une nullité abyssale. Est-ce plus simple ou faut-il vous le traduire en Gobelbabil ? » demanda Narcissa, chaque mot chargé de dédain.

« Je… Je vous demande pardon Mrs Malfoy, enfin, madame la gouverneure. » bégaya le consultant, trébuchant sur ses mots.

Depuis la dernière réunion avec le Coven Sacré et face aux critiques acerbes de Cressida Warrington sur sa proposition pour les Gobelins, Narcissa avait mis la pression sur son équipe pour perfectionner leur projet initial. Même si elle avait réussi à réduire au silence Warrington, Narcissa devait admettre que certaines de ses remarques étaient fondées et que la proposition élaborée par Machinations Malforescentes n'était pas sans faille. Elle voulait s'assurer que lors de sa prochaine présentation, elle aurait anticipé toutes les critiques éventuelles qui pourraient découler. Ainsi, elle avait rassemblé une équipe d'élite composée de ses meilleurs consultants et experts pour peaufiner la proposition en un temps record. L'échéance était serrée, mais elle était déterminée à ne faire aucun compromis.

C'était déjà la quatrième personne qu'elle écoutait depuis le début de la réunion et tout ce qu'elle avait entendu ne l'avait pas impressionnée. Elle ne s'était pas retenue de partager son mécontentement, négligeant même son tact habituel.

« Même un doxy sous l'effet d'un sort de confusion pourrait élaborer une proposition plus cohérente. » avait-elle commenté d'un ton glacial après avoir écouté la première consultante.

« Votre plan de gestion des risques est tellement rudimentaire qu'un élève de première année à Poudlard pourrait le concevoir. » avait-elle martelé au second expert avec un mépris profond. « Vous évoquez des mesures immédiates comme si elles étaient d'une originalité sans précédent. Où sont vos stratégies à long terme pour rétablir la confiance et la coopération avec les Gobelins ? Ou est-il au-dessus de vos capacités intellectuelles de penser plus loin que votre nez ? »

« Quant à vous... » avait-elle commencé, fixant le troisième intervenant avec un regard perçant. « Vous avez réussi à parler tout ce temps pour ne rien dire. Stratégies d'engagement significatives ? Un terme élégant pour masquer votre incapacité à produire une seule idée concrète. Comment comptez-vous dialoguer avec les Gobelins, exactement ? Allez-vous leur offrir des biscuits et du thé en espérant que tout s'arrange ? »

Quant au quatrième, elle ne lui avait laissé que soixante secondes pour s'exprimer avant de l'interrompre. Sans dire un mot, son regard perçant avait suffi à le faire comprendre qu'il n'était pas à la hauteur. L'homme avait regagné sa place, le teint écarlate, visiblement ébranlé par la réprimande silencieuse.

Narcissa referma le fascicule d'un geste agacé avant de se relever, observant la tablée avec contrariété.

« Permettez-moi de vous rappeler une chose très simple. » commença-t-elle, son ton glacial. « Vous êtes payés des sommes exorbitantes pour être les meilleurs dans vos domaines respectifs. Si vous ne pouvez pas fournir des solutions à la hauteur de vos salaires, je me verrai dans l'obligation de trouver d'autres consultants qui le pourront. Votre jargon sophistiqué et votre rhétorique enjolivée n'ont aucune valeur ici. Vous vous cachez derrière des grands mots pour masquer le vide de vos propositions. Comment envisagez-vous d'établir un dialogue constructif avec les Gobelins ? En utilisant des mots compliqués qu'ils ne comprendront pas ? Vu le coût de vos prestations, j'attends de vous des solutions concrètes, pas des dissertations creuses. »

Sa colère était palpable. Si elle en avait eu le pouvoir, elle les aurait tous congédiés sur place. Elle conclut qu'il était temps d'opérer un grand ménage. C'était là le piège du style de recrutement instauré par Lucius. Des individus aux CV brillants, doués pour parler pour ne rien dire. Des courtisans qui le flattaient sans cesse. Il avait construit autour de lui un cercle de sous-fifres qui le confortaient constamment, évitant de contredire ses idées, aussi loufoques et médiocres qu'elles soient.

À l'époque, elle n'avait pas eu la latitude pour initier de réels changements au sein de l'entreprise. Mais les temps avaient changé, et elle avait l'intention de remettre de l'ordre. Face à la conjoncture économique défavorable qui s'annonçait, elle ne pouvait pas se permettre de piloter un navire peuplé d'incompétents. L'atmosphère était désormais tendue, chaque membre de l'équipe redoutant de devoir s'avancer et présenter son travail face à la critique acerbe de Narcissa.

« Vous avez 48 heures. Et si vous êtes incapable de le faire, ne prenez pas la peine de revenir dans mes bureaux. » déclara-t-elle d'un ton hautain avant de s'éclipser, laissant derrière elle une assemblée nerveuse et désemparée.

Tandis qu'elle rejoignait son bureau, fulminante, Narcissa entendit des pas précipités derrière elle. Elle poussa la porte de son bureau avec emportement et rejoignit son siège avant de s'y laisser choir, frustrée. Allegra, qui l'avait suivi, entra juste après et ferma la porte doucement derrière elle.

« Une bande d'incapables. » continua à fulminer Narcissa.

À ce rythme, elle continuerait à recevoir les remarques cinglantes de Warrington et elle ne supportait pas cette perspective.

« Madame la gouverneure… » tenta Allegra, cherchant ses mots.

Narcissa l'ignora, trop occupée par sa frustration, continuant à maugréer des paroles.

« Cissy. » interrompit Allegra d'une voix plus ferme.

L'appellation informelle sortit momentanément Narcissa de sa rage. Elle leva les yeux, décontenancée par cette familiarité dans un moment aussi tendu. Allegra la fixait, une expression grave sur le visage.

« Si je peux me permettre... » commença-t-elle. « Je comprends ta colère, et elle est justifiée. Mais tu ne dois pas laisser Cressida Warrington t'inciter à agir ainsi. Elle cherche à te déstabiliser, à te faire réagir impulsivement, à te pousser à faire des erreurs. Et en te comportant de la sorte, tu lui offres ce qu'elle veut sur un plateau d'argent. »

Elle s'avança vers le bureau de Narcissa et s'y appuya, gardant le contact visuel.

« Cissy, tu es une femme exceptionnelle. Une véritable force de la nature. Tu as repris cette compagnie dans un état déplorable et tu es sur la bonne voie pour lui rendre toute sa vigueur. Tu es largement à la hauteur pour gérer cette crise. Mais tu dois le faire à ta manière et ne pas te laisser affecter par les provocations de Warrington… »

D'un geste affectueux, Allegra recouvrit la main de Narcissa avec la sienne, signifiant son soutien inébranlable.

« Je te connais, Cissy. Ta force réside dans ton calme, ta réflexion et ta stratégie. Ne laisse pas les provocations de Warrington t'ébranler. Montre-lui, montre-leur à tous, que tu es la femme exceptionnelle que je connais et que j'aime. » assura Allegra.

Elle marqua une pause.

« Les consultants ont beaucoup travaillé ces dernières semaines, sans répit. En agissant ainsi, tu risques de te mettre des gens sur le dos et ce n'est pas le moment de t'attirer des ennemis supplémentaires. » rappela Allegra avec gravité.

Allegra serra la main de Narcissa, comme pour l'apaiser.

« Tu dois les diriger avec fermeté, oui, mais aussi avec sagesse et discernement. Fixe-leur des objectifs précis, montre-leur clairement tes attentes. Inspire-les, encourage-les à se surpasser. C'est ainsi que tu obtiendras le meilleur d'eux, pas en les écrasant sous la pression. » assura-t-elle.

Les mots d'Allegra eurent un effet apaisant sur elle. Elle avait raison. Narcissa avait toujours été maîtresse d'elle-même, ne laissant jamais ses émotions ou frustrations influencer ses décisions, à l'inverse de Lucius.

« Tu as raison. » admit Narcissa.

Elle faisait face à énormément d'obstacles et c'était pour cette raison qu'elle s'était emportée de la sorte. Certaines choses sur lesquelles elle pensait avoir le contrôle lui avaient récemment échappé.

« Programme une réunion pour demain avec la même équipe. Je leur présenterai des excuses. » dit finalement Narcissa, retrouvant une once de pondération.

Allegra hocha la tête, visiblement soulagée.

« Je préparerai une stratégie de communication pour toi. Avec tout ce qui se passe actuellement, il est naturel que tu te sentes sous pression. Et compte tenu des problèmes de santé de Lucius, la situation est d'autant plus tendue pour toi. » commença à justifier Allegra d'un ton entendu. « Ils comprendront. Je veillerai à cela. »

Narcissa hocha la tête.

« Que ferais-je sans toi ? » murmura-t-elle, pressant doucement la main d'Allegra.

Allegra lui adressa un sourire chaleureux.

« Je serai toujours là, à tes côtés, quoiqu'il arrive, mon amour. » lui assura Allegra avec sincérité. « Alors tu n'as pas besoin de te poser cette question. »

Elle se pencha légèrement vers Narcissa, effleurant délicatement ses lèvres des siennes, tout en replaçant une mèche de sa chevelure dorée derrière son oreille. Bien que les prétextes soulevés par Allegra ne soient pas faux et qu'ils seraient sans doute suffisants pour justifier l'éclat soudain de Narcissa face à ses employés, ils n'étaient pas la raison principale de la contrariété de Narcissa. Elle peinait encore à accepter l'opposition frontale de son fils lors de leur dernière confrontation.

« Les récentes 'coïncidences' autour de père, l'entreprise, ton nouveau rôle... Tu penses vraiment que je n'ai pas remarqué les fils que tu tires dans l'ombre ? » avait-il accusé d'un ton glacial.

« Mère, rappelle-toi que tu jouis de cette position car j'ai choisi de ne pas encore revendiquer la mienne. As-tu oublié qui est le véritable héritier de cette famille, ou aimes-tu simplement me le rappeler sans cesse pour ton propre plaisir ? »

Elle avait été prise au dépourvu par son attitude. Évidemment, Narcissa n'avait pas été assez stupide au point de penser que Draco n'aurait aucune suspicion face à la situation avec Lucius. Après tout, elle était bien placée pour connaître sa façon de penser. Elle lui avait tout appris. Pourtant, elle avait naïvement espéré que son statut maternel serait suffisant et primerait. Il arrivait toutefois jour dans la vie d'un homme, où l'amour d'une femme prenait le dessus sur l'amour de sa mère, aussi puissant soit-il. Elle n'aurait jamais imaginé qu'il puisse se retourner contre elle pour une vulgaire traîtresse à son sang. Elle n'avait pas anticipé à quel point Ginny Weasley pourrait être une menace.

« Mère, tu m'as tout enseigné. Tu ne devrais pas être surprise que je puisse déchiffrer tes stratagèmes. » avait affirmé Draco.

« Si tu veux que je continue à rester à ma place et à faire ce que tu attends de moi, comme nous l'avons prévu, il serait sage de ta part de ne pas dépasser les limites. » avait-il clamé, ses menaces à peine voilées. « Trouve une solution. Je ne veux pas qu'elle parte. »

Face à cette pression, Narcissa avait cédé, acceptant une défaite temporaire. Elle ne pouvait se permettre d'aliéner son fils. Pas en ce moment. Surtout quand son emprise sur l'entreprise était encore précaire et remise en question par leur entourage, risquant de lui glisser entre les doigts. Avec autant de crises à affronter et d'incendies à éteindre, elle avait besoin de tout le soutien possible — y compris celui de Draco. Ainsi, elle avait accepté sa requête.

« Je m'arrangerai pour qu'elle reste. Je suis certaine de pouvoir trouver un moyen pour faire pencher la balance. » avait-elle assuré.

Ginny était trop dissipée et excessivement émotionnelle, ce qui la rendait vulnérable aux yeux de Narcissa. Après lui avoir menti sur le sort de ses proches disparus, Narcissa avait décidé d'organiser le départ des derniers membres de sa famille. Son principal objectif était d'éliminer toute source de distraction et tout risque potentiel. D'abord, pour que Ginny Weasley se consacre pleinement à sa mission sans être perturbée.

Au-delà de ça, elle avait voulu éviter toute menace. Qui savait ce que Ginny pourrait confier à ses proches concernant ses liens étroits avec les Malfoy ? Narcissa ne voulait pas courir le risque que des individus de rang inférieur aient des informations compromettantes sur son propre clan. Il suffirait que quelqu'un découvre leurs connexions et utilise les Weasley pour nuire aux Malfoy. C'est ce que Narcissa aurait fait si les situations avaient été inversées.

Le souhait de Narcissa était de voir Ginny isolée. Entièrement à la disposition du clan Malfoy. Qu'elle ne puisse trouver du soutien qu'auprès d'eux. Et qu'elle demeure entièrement dévouée à Narcissa dans le but d'espionner Warrington et d'en découvrir les secrets.

Narcissa n'avait jamais pensé une seule seconde que Ginny Weasley envisagerait sérieusement de partir. C'est avec cette assurance qu'elle avait partagé la nouvelle à Ginny, puis à Draco. Au début, une part d'elle avait même trouvé un certain amusement à voir la préoccupation dans les yeux de Ginny et de son fils. Elle l'avait cependant rapidement regretté.

La réaction vive de son fils l'avait prise de court, à l'instar de la panique sous-jacente qu'avait paru provoqué chez lui l'annonce de Narcissa. Elle avait rarement observé Draco dans un tel état. En agissant ainsi, elle n'avait pas pris en compte les angoisses profondes de ce dernier. Il était clair que Draco nourrissait ses propres insécurités dans cette relation, sinon il n'aurait jamais affiché une telle agitation à l'idée que Ginny envisage vraiment de quitter le pays avec sa famille. Pour Narcissa, il était évident que Ginny Weasley était éperdument amoureuse de son fils et qu'elle ne le quitterait pas. Il lui semblait inconcevable que Draco lui-même n'en ait pas conscience. Les hommes pouvaient être si aveugles et obtus quand il s'agissait de ces choses.

Narcissa s'était donc trouvée contrainte de promettre à Draco qu'elle obtiendrait une garantie pour que Ginny reste en Angleterre. C'était ainsi que lui était venue l'idée de la Grâce Ministérielle. Grâce à ses nombreuses connexions au sein du D.U.P.E et du Coven sacré, elle avait réussi à l'obtenir. Cela l'avait toutefois frustrée. En dépit de leur marché, Narcissa n'avait jamais réellement prévu d'obtenir un pardon officiel pour la jeune femme. Du moins pas de sitôt. Elle aurait préféré garder cette récompense sous le coude, peut-être pendant des années, s'assurant de maximiser tout ce que la jeune femme pourrait lui offrir, tout en exploitant ses sentiments pour Draco pour la forcer agir selon ses besoins. De plus, la position sociale inférieure de Ginny les avait jusque-là contraints à la discrétion. Le nouveau statut de la jeune femme changeait la donne. Bien que le passé controversé de Ginny resterait toujours un obstacle pour que sa relationavec un héritier du Coven soit acceptée par l'élite, il ne serait plus assez contestable pour la manipuler. Pour Narcissa, cette évolution était problématique : elle ne pouvait plus exercer autant de pression sur la jeune femme. Narcissa savait qu'elle était la seule responsable de cette méprise. C'était sa propre outrecuidance qui avait fait échouer son plan.

Elle ne voulait pas s'apitoyer éternellement sur ce fiasco. Elle n'était pas du genre à fuir ses erreurs et veillait toujours à en tirer des leçons. Sa seule consolation dans cette situation était qu'en octroyant la grâce à Ginny Weasley, Narcissa avait au moins apaisé l'animosité de son fils. Elle se questionnait sur le sérieux des menaces qu'il avait émises à son encontre. Draco avait prétendu avoir ignorer ses machinations avec Lucius, par loyauté. Mais s'il sentait qu'elle outrepassait ses droits, il ne la laisserait pas agir comme elle l'entendait. Il était bel et bien son fils, et cela la remplissait autant de fierté que de rage.

Narcissa ne pouvait toutefois pas permettre à son fils de la menacer de la sorte. Même si elle avait feint d'accepter la défaite, une tempête d'indignation avait fait rage en elle. Contrairement à lui, elle n'avait jamais eu le luxe d'uniquement se reposer à l'ombre du prestige de leur nom ou de se prélasser dans la perspective d'un héritage assuré. Depuis sa plus tendre enfance, elle avait appris à manœuvrer dans les méandres de la politique familiale et sociétale avec une finesse redoutable. C'était la loterie du genre : les femmes, même au sommet de la hiérarchie, devaient constamment prouver leur valeur.

Le sexe faible.

Draco ne pourrait jamais appréhender totalement son combat. Comment le pourrait-il ? À l'instar de Lucius et Abraxas, il était né avec le bon sexe, celui qui ne serait jamais questionné par leurs avait enduré tant de choses pour arriver à sa position actuelle. Elle avait bravé les tempêtes, pris des risques incalculables et orchestré des complots subtils tout en maintenant un masque d'apparence irréprochable. Le tout, toujours dans la quête de protéger leur lignée, de cimenter leur héritage. Cependant, elle ne nourrissait aucune illusion : elle ne s'attendait pas à ce que son fils, ou n'importe quel homme, puisse pleinement saisir la profondeur et la complexité de ses sacrifices.

Narcissa avait cependant bien compris la leçon. Elle opterait désormais pour une approche plus discrète, cherchant une nouvelle façon de s'assurer que Ginny Weasley, malgré son statut de sang récemment élevé et ses nouveaux privilèges, resterait incontestablement sous son emprise. Narcissa leva les yeux vers Allegra, perdant sa mine coléreuse au profit d'une expression calculatrice.

« Contacte Oscar Sleezer. Dis-lui que j'ai besoin de le voir de toute urgence. » lança-t-elle d'une voix calme.

Allegra acquiesça, un sourire en coin, visiblement ravie de voir la Narcissa qu'elle appréciait tant : maîtresse d'elle-même et de ses émotions et toujours déterminée à atteindre ses objectifs. Narcissa fit courir machinalement ses doigts sur le bord de son bureau, réfléchissant à sa prochaine stratégie.

Quelques heures plus tard, à l'abri des regards, Sleezer la retrouva au Grand Café de Linder, un lieu prestigieux où Narcissa organisait parfois des rendez-vous d'affaires. Comme à l'accoutumée, ils s'installèrent dans la section privée réservée à la direction de Machinations Malforescentes. Sleezer, malgré son emploi du temps chargé, trouvait toujours le temps pour les urgences des Malfoy. Ces derniers le rémunéraient grassement pour qu'il reste constamment à leur disposition.

« Vous avez toujours des contacts en France, n'est-ce pas ? » demanda Narcissa avec intérêt.

Il acquiesça. Sleezer avait un réseau vaste et efficace. Il parvenait toujours, par des moyens plus ou moins conventionnels, à mener à bien ses missions, même les plus ardues. C'était cette adaptabilité et ce talent qui le rendaient si précieux aux yeux des Malfoy.

« J'ai besoin de garder un œil proche sur la famille de Ginevra Weasley. » indiqua Narcissa.

« Ceux qui viennent de partir en France ? » demanda Sleezer.

Narcissa confirma d'un signe de tête. Si elle ne pouvait plus manœuvrer Draco à sa guise, elle s'en prendrait à son talon d'Achille : Ginny Weasley. Elle entendait la tenir sous sa coupe, s'assurant qu'elle agirait exactement selon ses directives. Elle avait déjà identifié les vulnérabilités de la jeune femme et comptait bien les exploiter pour la garder sous son emprise.

/

Tonks observait son fils avec tendresse, une lueur d'affection profonde brillant dans ses yeux. Le bébé gazouillait, curieux du monde qui l'entourait, et à chaque son, à chaque mouvement, faisait fondre Tonks davantage. Elle s'interrogeait parfois : comment une personne aussi imparfaite qu'elle avait pu donner naissance à un être aussi parfait. Lorsque Teddy posait son regard sur elle, son monde s'illuminait, et chaque jour, elle tombait un peu plus amoureuse de lui.

Tout comme elle, Teddy était Métamorphomage. Ils s'en étaient rendu compte quelques jours plus tôt quand, à la suite à un éternuement, ses cheveux avaient viré au bleu. Les parents de Tonks lui avaient raconté que ses propres pouvoirs s'étaient manifestés bien plus tard, vers ses trois ans. Elle était apparue devant son père avec un nez en trompette, provoquant un éclat de rire chez Andromeda devant l'air confus de sa fille.

L'absence de sa mère pesait à Tonks. Elle avait toujours été ce que Tonks n'était pas. Une femme forte et déterminée, qui savait ce qu'elle voulait et qui se donnait les moyens de l'obtenir. Elle aurait souhaité que sa mère soit à ses côtés pour l'aider à naviguer dans les eaux inexplorées de la maternité. Tout au long de sa vie, Tonks avait eu tendance à s'appuyer sur les autres, souvent hésitante face à ses propres choix, doutant toujours de prendre les bonnes décisions.

Même si la naissance de Teddy était un rayon de bonheur dans sa vie, être mère s'avérait plus complexe qu'elle ne l'avait imaginé. Elle avait l'impression de tâtonner, effrayée à l'idée de commettre des erreurs. Et cette peur persistante que quelque chose puisse arriver à Teddy était presque paralysante. Elle n'avait jamais connu une telle angoisse. La responsabilité d'un être aussi vulnérable la submergeait par moments.

Personne ne lui avait jamais vraiment parlé de l'après. Son corps semblait avoir été la victime d'une bataille furieuse. Elle avait la sensation qu'un rouleau compresseur lui était passé dessus, la laissant meurtrie et épuisée. Elle ressentait des douleurs à des endroits qu'elle n'aurait jamais imaginés. La fatigue qui engourdissait chaque muscle, chaque articulation, était à peine atténuée par les rares moments de sommeil. Tout semblait désormais centré autour des besoins de son fils, et de son propre corps qui semblait se rebeller contre elle. Elle se demandait par moments si elle serait à nouveau elle-même, ou si cette version fragile et vulnérable d'elle-même était la nouvelle norme.

Elle avait la chance d'être bien entourée. Comme le proverbe disait, il fallait tout un village pour élever un enfant. Cette maxime n'avait jamais semblé aussi pertinente. La voyant épuisée et stressée, les membres de la faction se succédaient, lui apportant de l'aide sous diverses formes. Ils lui enseignaient comment accomplir certaines tâches, lui prodiguaient des conseils - parfois non sollicités -, lui apportaient de la nourriture ou surveillaient Teddy pendant qu'elle se reposait. Au départ, il lui avait été difficile d'accepter cette aide, ainsi que l'idée de se séparer de Teddy, même brièvement. Mais un jour, elle s'était assoupie en le nourrissant, et il avait failli chuter. Heureusement, la chaise à bascule volante, confectionnée par Ionas Wilkes, avait commencé à se balancer énergiquement, la réveillant juste à temps. Elle ignorait si c'était la chaise qui avait réagi instinctivement ou le fruit du hasard, mais elle avait silencieusement remercié Ionas. Après cet incident et la culpabilité qui en avait découlé, Tonks avait accepté plus volontiers l'aide des autres, consciente qu'elle avait besoin de repos. Dans ces moments, elle était soulagée de savoir que son fils serait entouré d'une telle communauté bienveillante.

Même son cousin éloigné, Sirius, avait mis la main à la pâte. C'était lui qui avait arraché le premier sourire de Teddy, un exploit dont il se vantait régulièrement. Lorsqu'elle voyait le regard rêveur de Sirius posé sur Teddy, elle se demandait s'il songeait à la paternité. Le regard anxieux de Marlène en direction de Sirius confirmait que Tonks n'était pas la seule à avoir cette idée. Elle savait que Marlène ne voulait pas d'enfants. Sirius n'avait jamais manifesté un désir particulier pour la paternité, semblant s'accommoder du choix de Marlène. Mais Tonks se demandait s'il était vraiment réfractaire à l'idée.

Tonks passa une main sur les quelques cheveux épars de la tête de Teddy. Ils semblaient changer de couleur presque aussi souvent que les siens, et elle ne pouvait s'empêcher de sourire à cette manifestation précoce du talent métamorphique de son fils. C'était comme s'il communiquait silencieusement avec elle à travers ces teintes variées. Elle avait remarqué que chaque fois que Teddy avait besoin de quelque chose, la couleur de ses cheveux semblait l'indiquer. L'orange, par exemple, était devenu le signal infaillible d'une couche à changer. Elle s'était souvent surprise à rire avec Remus lorsqu'ils voyaient cette teinte éclatante apparaître sur la tête de leur fils. Le rouge indiquait qu'il avait faim. Le jaune pâle, en revanche, apparaissait quand Teddy ne pouvait plus lutter contre le sommeil. Ses paupières devenaient lourdes, ses bâillements plus fréquents, et ses cheveux prenaient cette teinte douce qui rappelait les rayons du soleil déclinant. C'était leur signe pour le bercer doucement, jusqu'à ce qu'il s'endorme paisiblement.

Le vert était la couleur que Tonks chérissait le plus. Chaque fois que Teddy arborait cette nuance, il avait simplement besoin de la chaleur et du confort des bras de ses parents. C'était une invitation à le cajoler. C'était pour elle un rappel touchant que, malgré tous les talents métamorphiques du monde, il était toujours leur petit bébé, en quête de l'amour et de la sécurité que seuls ses parents pouvaient lui offrir.

Ces changements de couleur étaient devenus une boussole précieuse, guidant son instinct maternel et l'aidant à répondre aux besoins de Teddy avec une synchronicité précieuse. Et à chaque fois, elle ne pouvait s'empêcher de se dire avec émerveillement à quel point la nature était bien faite, permettant à un petit être d'exprimer ses besoins de manière si unique et magique.

Plus tard dans la soirée, elle reçut la visite de Marlène McKinnon.

« Jones viendra te voir, demain. » l'informa cette dernière.

« Jones… Hestia Jones ? » s'enquit Tonks, un peu surprise. « Pour quelle raison ? »

« Pour s'assurer que tout va bien avec Teddy. » répondit Marlène.

« Oh. Je pensais que tu t'en chargerais. » fit remarquer Tonks en fronçant les sourcils.

Marlène esquissa un sourire un peu forcé.

« Oh tu sais… Je ne suis pas vraiment Médicomage, contrairement à elle. » commenta Marlène en haussant les épaules.

« Peut-être que tu n'as pas le titre, mais tout le monde te considère comme telle ici. La moitié de cette base est encore vivante grâce à toi, Leni. » rappela Tonks.

Marlène lui adressa un sourire reconnaissant, et son visage s'éclaira.

« Merci, Tonks. Tu m'excuseras, mais je dois filer. J'ai une nuit chargée qui m'attend. » annonça Marlène avec un soupir à fendre l'âme.

« Tu es en mission ? » demanda Tonks, curieuse.

« Si on peut appeler ça comme ça. A vrai dire, je vais m'assurer d'épuiser Sirius, cette nuit. Il ne pourra pas penser à une autre. Il n'aura même plus d'énergie pour une autre. » admit-elle avec un sourire un peu gêné, passant une main dans ses cheveux blonds, ses joues désormais rougies.

Tonks ouvrit la bouche, abasourdie par cette confession.

« De un — je n'arrive pas à croire que tu es sérieuse. D'où te vient une idée aussi farfelue ? De deux — merci pour cette vision d'horreur que tu viens de planter dans mon esprit. Je n'avais vraiment pas besoin de cette visualisation de Sirius ! » ajouta Tonks en faisant mine de vomir.

« Figure-toi que j'ai entendu parler de cette technique à la radio. Dans la chronique de cette Pansy... Paddington, Paterson ou que sais-je... » avoua Marlène avec un rire autodénigrant. « Quoi qu'il en soit, je n'ai rien à perdre à essayer. »

« Donne-moi le nom de cette émission. Qui sait, je pourrais être tentée d'essayer quelques astuces avec Remus. » dit Tonks, d'un ton faussement sérieux.

« Tonks, combien de fois devrais-je te le répéter ? Pas de relations intimes pour toi pendant au moins huit semaines ! » gronda sévèrement Marlène en lui faisant de grands yeux.

« Mais Teddy me supplie d'avoir une petite sœur. Comment puis-je refuser cela à cette petite bouille adorable ? » dit Tonks en faisant la moue et arrachant un rire à Marlène.

Bien que la conversation ait pris une tournure plus légère, Tonks se rendit compte que Marlène ne savait peut-être pas tout sur les aventures amoureuses de Sirius au sein des différents groupes de la Résistance à travers les années. Ou alors, elle en avait connaissance mais avait choisi de l'ignorer. Tonks n'irait pas jusqu'à lui poser la question. Il était clair que c'était surtout la relation passée de Sirius avec Hestia Jones qui la mettait mal à l'aise, et non les aventures éphémères qu'il avait pu avoir avec d'autres femmes au fil des ans. Sa relation avec Hestia avait été - selon les standards de Sirius — relativement sérieuse. Peut-être était-ce pour cela que Marlène se sentait davantage en compétition avec elle. Hestia Jones avait toujours été courtoise avec Marlène, n'affichant aucune animosité envers elle lorsque Sirius avait commencé à la fréquenter officiellement.

Le matin suivant, lorsqu'elle émergea du sommeil, Remus était déjà parti. Ses nuits étaient aussi agitées que celles de Tonks. Grâce à son ouïe aiguisée, il percevait le moindre bruit de Teddy, se précipitant à son berceau au moindre son, même si le bébé ne faisait que parfois gazouiller dans son sommeil.

Tonks savait que Remus était aussi anxieux qu'elle à l'idée de la parentalité. Il l'était simplement pour des raisons différentes. Remus craignait que des aspects de cette condition qu'il détestait tant aient pu affecter leur fils. Bien que la lycanthropie ne soit pas héréditaire, ils ne connaissaient pas en détail tous les aboutissants de cette maladie, en grande partie à cause de la censure du régime. Très peu de spécialistes avaient pu étudier cette affliction. Dans sa jeunesse, Remus n'avait eu que peu d'informations sur sa condition. Sa mère avait toujours évité le sujet, ayant toujours accompagné en silence son époux dans ses efforts pour aider leur fils. C'était même Remus lui seul qui s'était arrangé pour se restreindre physiquement lors de ses transformations, après la mort de son père. Sa connaissance sur le sujet venait principalement d'alliés au sein de la Résistance, tels que Rogue. C'était d'ailleurs ce dernier qui avait introduit la potion Tue-Loup dans la vie de Remus. Cette potion, bien qu'elle ne prévienne pas la transformation, en atténuait les symptômes, lui permettant de rester conscient et inoffensif sous sa forme de loup. Cela avait grandement amélioré les périodes de pleine lune. Mais le fardeau de sa malédiction pesait toujours lourdement sur ses épaules, influençant chaque décision qu'il prenait. C'était la raison pour laquelle il avait hésité à poursuivre sa relation avec Tonks, craignant de ne pas pouvoir lui offrir un futur serein. La grossesse de cette dernière avait ravivé sa peur la plus profonde - transmettre à quelqu'un d'autre un aspect de sa condition.

Tonks souhaitait qu'il puisse se pardonner lui-même. De temps à autre, elle le voyait observer leur fils avec cette ombre d'inquiétude dans les yeux, comme s'il redoutait l'inconnu. Bien que Remus ait toujours fait preuve de patience et de compréhension envers les autres, il semblait incapable de s'offrir la même bienveillance qu'il prodiguait si généreusement autour de lui.

Entre le tumulte du quotidien et son nouveau rôle de père, il semblait encore plus éreinté, à l'instar de Tonks. Mais ce n'était pas tant son apparence physique qui trahissait cette fatigue. Depuis leur rencontre, il arborait constamment des cernes prononcés. Sa récente transformation et l'attaque avaient cependant laissé des traces tant sur sa santé physique que mentale. Tonks était persuadée que le fait d'avoir frôlé la mort, risquant de ne jamais voir son fils, avait profondément affecté Remus. Au grand soulagement de Tonks, il lui avait assuré qu'il serait plus prudent lors des prochaines batailles, s'engageant à ne participer à aucune opération de terrain pour un certain temps.

Le FLOP, quant à lui, traversait une période de réorganisation. La dernière faction, la Révolte du Yorkshire, avait finalement rejoint leurs rangs. La nouvelle coalition devait donc élaborer leurs futures stratégies. Tonks avait observé de nombreux membres de la Révolte se rendre à leur base. En retour, l'Ordre du Phénix avait dépêché plusieurs de ses membres au campement dirigé par Sturgis Podmore. C'était une manière de renforcer les liens et la confiance entre les deux groupes.

Le constructomage qui avait brillamment aménagé les campements de la Révolte avait même commencé à faire des propositions à l'Ordre pour améliorer sa base et la rendre moins sensible aux attaques. Cet expert se spécialisait dans la conception et l'aménagement de structures et d'espaces magiques. Utilisant un mélange unique de compétences en architecture traditionnelle et en sortilèges complexes, le constructomage façonnait, non seulement l'apparence physique des bâtiments mais aussi leurs propriétés magiques intrinsèques. Ses œuvres allaient de maisons qui se redimensionnaient selon les besoins de leurs occupants, à des bâtiments qui défiaient la gravité, ou même des villages entiers cachés aux yeux des ennemis grâce à des sortilèges de dissimulation. Un bon constructomage tenait compte de l'harmonie entre la magie, la nature, et les besoins de ceux qui utiliseraient l'espace. C'était de cette manière que les Goules Insoumises, l'ancienne faction de Tonks, avaient réussi à implanter leur base dans une ancienne usine à potions désaffectée en la plaçant sous terre. Contre toute attente, malgré des réticences initiales, les suggestions et le savoir-faire du constructomage avaient été bien accueillies par Sirius et les autres. Remus avait été heureux de voir la nouvelle coopération s'instaurer entre les deux groupes.

En fin de matinée, Hestia Jones fit son apparition, accompagnée d'une jeune femme inconnue de Tonks. Elle lança un sourire chaleureux dans sa direction. La dernière rencontre entre les deux femmes remontait à l'annonce de la grossesse de Tonks. À l'époque, cette dernière avait supplié Sirius de l'autoriser à rejoindre l'Ordre du Phénix pour se rapprocher de Remus. Sans la prévenir, Sirius avait organisé un arrêt au campement mobile de La Ruée Hostile pour qu'Hestia puisse l'examiner.

Même s'ils n'étaient pas des combattants, la Ruée Hostile était composée de spécialistes aux compétences indispensables : guérisseurs, potionnistes, dresseurs de créatures magiques, et désenvoûteurs. Des talents essentiels en temps de guerre et fortement sollicités par le Phénix.

Hestia dirigeait son groupe d'une manière ferme et résolue. La dévotion que ses membres lui témoignaient avait toujours éveillé une admiration secrète chez Tonks. Elle aurait aimé posséder la force tranquille d'Hestia et son aptitude à persuader les autres avec des arguments rationnels. Elle aurait voulu démontrer une telle capacité de meneuse lorsqu'elle dirigeait les Goules Insoumises. Mais cette expérience s'était soldée par un échec cuisant, lui faisant comprendre qu'elle n'était peut-être pas faite pour guider les autres. Tandis qu'elles se dirigeaient vers la cabane servant d'infirmerie, Tonks aperçut Marlène au loin, les observant. Sirius, lui, n'était nulle part en vue. Tonks fut surprise de voir Remus arriver quelques instants plus tard. Elle leva un sourcil déconcerté, l'interrogeant du regard.

« Pourquoi es-tu si surprise de me voir ici ? Je souhaite m'assurer que toi et Teddy allez bien. » dit-il.

Hestia examina d'abord Teddy. Tous furent rassurés d'apprendre qu'il était en parfaite santé et qu'il se développait normalement. Une vague de soulagement submergea Tonks.

« Il est en avance pour son âge. » révéla Hestia avec un sourire. « Les Métamorphomages ne montrent généralement pas leurs dons avant trois ou quatre ans. » informa-t-elle.

Elle entreprit ensuite d'examiner Tonks, exécutant un examen physique approfondi.

« Tout semble bien cicatriser. Cependant, tu présentes quelques carences. Je vais te prescrire quelques potions rien de grave, c'est assez courant. » dit Hestia d'un ton rassurant en voyant la mine inquiète de Tonks. « Elles t'aideront à retrouver la forme. »

« Merci, Hestia. Dis-moi, tu n'es pas venue jusqu'ici juste pour nous examiner, n'est-ce pas ? » demanda Tonks.

« J'ai été convoquée pour une discussion avec votre conseil avec deux de mes meilleurs désenvouteurs. Et Remus a pensé que ce serait bien de profiter de ma présence pour vous examiner. » dit-elle. « Et comme j'avais très envie de rencontrer Teddy, j'ai évidemment accepté. »

Elle consulta brièvement sa montre.

« D'ailleurs, il est temps pour la réunion. C'était bon de te voir, Tonks. Encore félicitations. » dit Hestia.

Elle se tourna vers la jeune femme qui l'avait accompagnée.

« Peux-tu finir l'examen ? » demanda-t-elle.

La jeune femme hocha timidement la tête.

« Je vais également assister à la réunion. » indiqua Remus à l'intention de Tonks. « Ça ira ? »

Cette dernière hocha la tête, lui confirmant qu'elle n'aurait aucun problème à faire le reste de l'examen sans lui. Remus et Hestia quittèrent la pièce, laissant Tonks en compagnie de l'inconnue. C'était une jeune femme noire aux cheveux arrangés en deux grosses tresses plaquées qui s'enroulaient gracieusement depuis son front jusqu'à sa nuque. Autour de son cou, elle portait un foulard en soie, aux teintes vibrantes de bleu et d'or, formant un motif élaboré de spirales entrelacées qui donnait une touche d'originalité sophistiquée à son allure. La manière dont l'accessoire était croisé autour de sa nuque témoignait d'un soin méticuleux. Elle était adorable, songea Tonks.

Alors qu'elle se penchait pour attraper quelque chose dans son sac, le foulard qu'elle portait autour de sa nuque glissa, exposant une cicatrice sur sa peau. La cicatrice semblait être le vestige d'une incision brutale et profonde, évoquant involontairement à l'esprit de Tonks la blessure qu'aurait pu infliger un objet ou un sort particulièrement tranchant. La jeune femme s'empressa de repositionner son foulard avec une gêne évidente pour la couvrir.

« Ne vous cachez pas. Tout le monde a des blessures, ici. Certaines sont juste plus visibles que d'autres. » indiqua doucement Tonks.

La jeune femme hocha la tête, un peu déstabilisée par cette remarque. Elle esquissa un sourire triste.

« Je vais réaliser un bilan psychologique. » indiqua-t-elle avant de prendre place aux côtés de Tonks.

« Un bilan psychologique ? » répéta Tonks, déconcerté. « Que vous a dit Remus exactement ? »

« Oh, rien du tout, je vous assure. » s'empressa de dire la jeune femme. « C'est un examen de routine. Du moins cela devrait l'être. On évalue simplement si vous présentez des signes de dépression post-partum. »

« Oh, d'accord. » répondit Tonks, toujours un peu mal à l'aise.

« Comment vous sentez-vous, ces derniers temps ? Avez-vous remarqué des changements dans votre humeur ou dans votre sommeil ? » demanda la Guérisseuse.

Tonks, prise de court par le caractère direct de la question, marqua une pause avant de répondre.

« Eh bien, j'ai parfois du mal à dormir, mais je suppose que c'est normal avec un nouveau-né. Quant à mon humeur… Je ne sais pas vraiment. Elle fluctue beaucoup. Parfois, je déborde de bonheur, et d'autres fois, je me sens complètement submergée. C'est typique, n'est-ce pas ? »

La jeune femme hocha la tête.

« Avez-vous des moments où vous vous sentez triste ou déprimée ? Ou des moments où vous avez du mal à vous sentir connectée à Teddy ou à Remus ? »

Tonks fronça les sourcils, réfléchissant sérieusement à la question.

« Eh bien, il y a des moments où je me sens dépassée, c'est certain. Et il m'arrive de me sentir un peu... distante. Mais je pensais que c'était juste le manque de sommeil et le stress de m'occuper de Teddy. C'est... Ce n'est pas normal ? »

La jeune femme lui offrit un sourire rassurant.

« Ne vous inquiétez pas, Tonks, il n'y a pas de réponse 'normale'. Chaque femme vit différemment son post-partum. Il est courant de ressentir ces émotions. C'est la raison pour laquelle ce genre de bilans est si important. Ils nous aident à repérer les signes d'une éventuelle dépression et à vous aider si besoin. Je vais encore vous poser quelques questions, si cela ne vous dérange pas. Avez-vous des pensées récurrentes qui vous perturbent ou vous effraient ? » continua la Guérisseuse.

L'entretien se poursuivit avec un éventail de questions très ciblées qui rendit Tonks un peu nerveuse, mais elle s'efforça de répondre avec le plus de franchise possible. Si quelque chose n'allait pas bien, elle voulait le savoir. Elle n'était pas du genre à feindre ou à dissimuler ses émotions. Elle portait son cœur sur sa manche, ce qui la poussait à toujours se montrer transparente.

« Vous avez mentionné vous sentir souvent fatiguée, ce qui est parfaitement normal avec un nourrisson. Est-ce que Teddy interrompt souvent votre sommeil ou avez-vous du mal à trouver le sommeil même quand il dort ? » interrogea la Guérisseuse.

Tonks lâcha un petit rire nerveux à la question.

« Oh non, dès que j'ai l'occasion, je m'endors comme une mandragore. C'est juste que Teddy se réveille souvent, donc moi aussi. » expliqua-t-elle.

La jeune femme sourit, semblant satisfaite de cette réponse.

« C'est une excellente nouvelle. Et comment vous sentez-vous en ce qui concerne votre rôle de mère ? Vous sentez-vous à l'aise avec Teddy ? Êtes-vous inquiète ou anxieuse à l'idée de le gérer toute seule ? »

Tonks prit un moment pour peser ses mots.

« Je ne suis pas vraiment inquiète, je suppose. J'étais habituée à être avec les enfants avant ça, donc je connaissais bien leur brouhaha. Ils ont toujours trouvé ma maladresse hilarante. Et puis, Remus est un pilier pour moi, tout comme les autres d'ailleurs. Je suppose que j'ai juste peur de faire une erreur et de faire du mal à Teddy sans le vouloir. C'est normal, non ? »

La Guérisseuse acquiesça.

« Absolument. Il est tout à fait normal de ressentir cela en tant que nouvelle maman. Vous vous adaptez à une nouvelle vie et à un nouveau rôle. Ce n'est pas toujours facile et les inquiétudes font partie du processus. Vous faites du bon travail, Tonks. Juste le fait que vous soyez préoccupée par votre capacité à être une bonne mère montre à quel point vous tenez à Teddy. » assura la jeune femme.

Après quelques questions supplémentaires, l'évaluation de Tonks se termina sur une note rassurante. Elle était fatiguée, certes, mais elle ne montrait aucun signe de dépression post-partum. La Guérisseuse lui recommanda de continuer à prendre soin d'elle-même et de ne pas hésiter à demander de l'aide si elle en ressentait le besoin. Tonks put souffler, soulagée de constater que ses émotions, bien que parfois accablantes, étaient normales et attendues.

« N'oubliez pas, Tonks, prendre soin de vous-même est aussi important que prendre soin de Teddy. Vous êtes une maman, mais vous êtes aussi une femme avec ses propres besoins. N'hésitez jamais à solliciter de l'aide. » conseilla la femme.

Tonks hocha la tête, montrant qu'elle avait bien saisi le message. Pendant que la jeune Guérisseuse remballait ses affaires, une question traversa l'esprit de Tonks.

« Vous êtes Médicomage, vous aussi ? Vous semblez bien jeune. » fit remarquer Tonks. « Je ne me souviens pas vous avoir déjà vue chez la Ruée. »

Elle ne lui aurait pas donné plus de vingt-cinq ans.

« J'ai rejoint l'équipe il y a peu. J'étais interne à Sainte Mangouste avant d'être ici. » expliqua-t-elle. « Je m'étais orientée vers la Psychomagie. Malheureusement, je n'ai pas pu terminer mon internat. Maintenant, j'aide la Ruée. Hestia et les autres m'enseignent énormément de choses. »

« Hestia est une meneuse hors pair. Vous êtes entre de bonnes mains. » affirma Tonks.

La jeune femme esquissa un grand sourire.

« Comment êtes-vous arrivée parmi nous ? » demanda Tonks, curieuse.

« J'ai eu beaucoup de chance. J'étais dans un état critique quand ils m'ont trouvée. Si j'avais été découverte quelques minutes plus tard, j'aurais probablement été morte. » se contenta de dire la femme avec un sourire triste, un voile sombre passant dans ses yeux, comme si elle se remémorait un souvenir traumatisant.

Tonks percevait une histoire lourde derrière ces mots, mais elle choisit de ne pas insister. En tant que cheffe chez les Goules Insoumises, elle avait toujours été celle qui offrait une épaule réconfortante aux membres. Elle avait l'habitude de respecter la discrétion des autres, consciente que chacun livrait une bataille intérieure avec ses propres démons.

Nombreux étaient ceux qui avaient rejoint la résistance en raison d'un passé douloureux et traumatisant. Si certains éprouvaient le besoin d'en parler, d'autres préféraient garder leur silence. Elle s'était toujours jurée de ne jamais forcer quelqu'un à se confier avant qu'il ne se sente prêt à le faire.

« Vous ne vous en souvenez sans doute pas, mais nous nous sommes déjà croisées. » révéla-t-elle la jeune femme.

Tonks arqua un sourcil.

« Vraiment ? »

« Il y a quelques mois, lors de votre passage au camp de la Ruée Hostile, j'étais dans l'une des caravanes d'infirmerie. Vous étiez venue consulter une autre guérisseuse, Eve, concernant votre grossesse. Ce jour-là, j'étais allongée sur un lit, en convalescence. » révéla-t-elle.

Tonks ne s'en souvenait absolument pas. À l'époque, elle avait été trop absorbée par ses propres préoccupations pour se soucier d'autre chose. La nouvelle de sa grossesse l'avait bouleversée. Sa confrontation imminente avec Remus avait occupé tout son esprit, la rendant peu attentive à ce qui se passait autour d'elle.

« Je n'ai pas oublié votre voix. Vous parliez déjà à votre bébé. » expliqua la Guérisseuse avec un sourire. « J'ai... J'ai trouvé ça tellement touchant. J'ai perdu ma mère, il y a longtemps. »

« Je suis vraiment désolée. » murmura Tonks.

« Ne vous en faites pas. » dit la jeune femme avant de saisir son sac, prêt à partir « Ça a été un plaisir de vous rencontrer. Portez-vous bien. »

« Attendez, vous ne m'avez pas donné votre nom. » s'exclama Tonks alors que la femme se dirigeait vers la sortie.

La jeune femme s'arrêta, se retournant pour adresser un sourire chaleureux à Tonks.

« Tracey. Tracey Davis. » se présenta-t-elle avant de s'éclipser.


Omg.

Qui l'aurait cru ? Tracey Davis est toujours en vie. Incroyable.

Je suis une auteure qui tue mes personnages et je ne les ressuscite jamais. Néanmoins, cette fois-ci, j'ai joué la carte "Elle est morte, mais pas vraiment". Et c'est notre petite Tracey Davis qui en bénéficie ! C'est Luna qui va être contente.

Répétez après moi : finalement, Fearless n'est pas complètement sadique.

Cela étant dit, vous êtes prévenus - je n'utiliserai ce joker qu'une unique fois dans cette histoire. Et c'est désormais déjà fait. Toutes les prochaines morts de cette histoire seront actées et définitives. Mouahahaha.

En relisant ma phrase précédente, je m'aperçois que je suis vraiment sadique lol. Chassez le naturel, il revient au galop.

Ginny a finalement pris la décision de rester avec Draco (surprise, surprise) mais les machinations de Narcissa ne présagent rien de bon. Elle risque de se retrouver dans ses griffes, certes bien manucurées, mais acérées.

J'espère que ce chapitre vous a plu, j'attends vos retours !

À très vite !

Fearless