Chapitre 21 : Opes ac dolor (1)
« Une malédiction ! Opes ac dolor, c'est la malédiction des Black. »
« C'est faux ! » s'écria Walburga Black, rouge de colère dans son portrait « La seule malédiction des Black, c'est d'avoir une descendance comme vous. Une descendance indigne d'une aussi Noble Maison ! »
« Ça vous va bien de dire ça, alors que c'est probablement de votre faute si la malédiction s'est réactivée ! » rétorqua Teddy Lupin sur un ton agacé
« Laisse tomber, Teddy. Même si c'est le cas, elle n'en savait rien. » répondit pour le calmer Scorpius Malefoy
« Il n'empêche que Teddy à raison, elle n'a pas le droit de nous parler comme ça ! » intervint Delphini Black en sortant exceptionnellement de sa réserve
J'observais la dynamique entre les trois … cousins. C'était étrange de songer à eux de cette façon-là étant donné les combats qui avaient opposer les générations précédentes, mais c'était bel et bien le cas, et ils semblaient se considérer comme tels. Je songeais à Lupin qui avait vu dans le rapprochement des six gamins une histoire de cousins. Il avait eu raison, à ceci près qu'il s'était trompé de famille, ce n'étaient pas les liens côté Weasley qui étaient à l'origine de la constitution de ce petit groupe, mais les liens côté Black. Une chose que ni lui ni moi n'aurions jamais pu imaginer ! A nouveau, je fus envahi par l'impression que le monde sorcier était sur le point de tourner la page d'un passé douloureux. Ce retour à la normale n'était-il pas en train se réaliser non seulement malgré l'existence de Delphini Black et le rappel du passé qu'elle représentait, mais aussi avec elle ? J'en étais le premier surpris.
Voilà qu'une fois de plus je restais là à cogiter au lieu de m'énerver comme j'aurais dû le faire étant donné toutes les bêtises que ces gamins avaient faites. Heureusement, Lupin était de mauvaise humeur pour deux. Ainsi, bondit-il quand Phineas Nigellus Black réagit à l'échange entre ses descendants en disant :
« Pourquoi dites-vous que ma chère Walburga pourrait être la cause de la réactivation de notre … problème familial ? Auriez-vous trouvé de nouvelles informations ? »
« De nouvelles informations ! » s'exclama le loup-garou sur un ton suspicieux « J'aimerais bien savoir comment vous en auriez trouvé ! »
Je décidais d'intervenir :
« Nous pourrions peut-être nous occuper ici du « quoi », c'est le plus urgent s'il s'avère que ces jeunes gens aient raison et qu'il y ait quelque chose à faire ici avant de retourner à Poudlard. »
Pour faire bonne mesure et préserver autant que possible si ma précieuse réputation de grand méchant, j'ajoutai d'un ton féroce :
« Quant au comment, nous en parlerons à l'école, dans le bureau de notre Directrice. »
Pendant que les gamins s'entreregardaient d'un air inquiet, je me tournai vers Phineas Nigellus Black :
« Notre ancien Directeur nous ferait-il l'honneur de nous raconter ce qu'il sait sur le « problème » de la Maison des Black ? »
Phineas Nigellus Black fit mine de n'avoir rien entendu. Probablement me faisait-il la tête à cause de mon emportement d'avant les vacances de Noël, la nuit où il avait laissé rentrer un intrus ayant l'apparence de Bott chez les serpentards, et parce que le lendemain j'avais exigé son remplacement par un autre ancien Directeur pour garder la porte de la Maison. Je n'avais plus qu'à m'excuser si je voulais qu'il me réponde. Je m'exécutai donc. Phineas Nigellus Black qui n'était pas d'un naturel très rancunier, eût vite fait de passer l'éponge. Il entreprit donc de nous renseigner en soupirant :
« Ce que je sais … pas grand-chose en fait, pas assez de choses peut-être. Mais mon père et mes oncles qui pensaient avoir neutralisé la malédiction, n'ont pas jugé nécessaire d'informer leurs descendants, afin de préserver la mémoire de celui qui en était la cause, mon grand-père Uranus Black. D'après ce que j'ai compris, Uranus Black aurait développé une passion maladive pour une chose qu'il aurait cherché à se procurer par des moyens magiques … »
« Quelle chose ? » l'interrompit Lupin
« De l'or ! » lui répondit son fils sans attendre que Phineas Nigellus Black dise quelque chose
« Quelle infamie ! » s'offusqua Walburga Black en fusillant du regard Teddy Lupin « Comment pouvez-vous prêter à mon ancêtre des préoccupations aussi viles, sale garnement que vous êtes ? »
« Notre ancêtre que ça vous plaise ou non ! » lui rappela Scorpius Malefoy
Phineas Nigellus Black intervint avant que la conversation entre les gamins et la mégère dans son portrait ne recommence à s'envenimer :
« Walburga, ma chère enfant, je crains bien que ces jeunes gens n'aient raison, car mon père et mes oncles surnommaient leur propre père « le Niffleur » quand ils croyaient qu'avec mes cousins nous ne les entendions pas… Quoi qu'il en soit, Uranus Black s'est procuré un objet magique lui permettant de satisfaire sa passion. Malheureusement, ce type de magie a toujours un revers comme vous le savez, car l'utilisation d'un tel objet s'accompagne toujours d'actes condamnables pour ne pas dire criminels. Ne me demandez pas lesquels, car je n'en sais pas plus. Ce que je sais en revanche, c'est qu'au fur à mesure qu'il l'utilisait Uranus Black a sombré dans la folie et qu'il a fini par se suicider. »
Il s'arrêta un instant pour reprendre son souffle. Dans la pièce, personne ne pipait mot. Même Walburga Black dans son portrait attendait la suite en silence.
« C'est après sa mort que mon père et ses frères ont retrouvé l'objet en question accompagné d'une lettre de leur propre père qui s'excusait auprès d'eux d'avoir déclenché en l'utilisant une malédiction qui s'étendrait à toute sa famille et qui était désignée par le nom d'Opes ac dolor, « la richesse et la souffrance ». Après avoir consulté de nombreux sorciers spécialistes, mon père et mes oncles ont compris qu'il était impossible pour eux de se débarrasser de cet objet sans risquer de graves conséquences, dont je ne connais pas le détail, pour l'ensemble des descendants d'Uranus Black. Il fallait donc que cet objet reste détenu par la famille, mais au risque de faire renaître chez l'un d'entre nous l'envie de l'utiliser. »
A nouveau, Phineas Nigellus Black fit une pause pour juger des réactions de son auditoire, mais comme nous étions toujours suspendus à son récit, il poursuivit :
« Heureusement, l'un des sorciers consultés a trouvé une solution pour neutraliser la malédiction en découvrant un moyen magique pour séparer l'objet en différents maillons, j'imagine qu'il s'agissait d'une chaîne initialement, et en expliquant à mon père et à mes oncles qu'il fallait répartir ces maillons entre eux et leurs enfants et que ceux-ci en fassent autant avec leur propres descendants pour que la malédiction ne se réactive jamais. Car ainsi, l'objet resterait bien détenu par les descendants d'Uranus Black sans que personne n'en dispose en entier. Il a semblé plus simple aux fils d'Uranus Black de présenter ces maillons à leurs enfants comme des porte-bonheur à transmettre de génération en génération chez les Black pour éviter les questions. C'est ce que je croirais moi-même si je n'avais pas surpris certaines conversations entre eux. Et voilà tout ce que je sais. »
Je me tournai vers les gamins :
« Pourquoi vous êtes-vous renseignés sur cette malédiction et que savez-vous de plus ? »
Les gamins s'entreregardèrent, Albus haussa les épaules et Scorpius Malefoy se lança :
« C'est à la suite des cambriolages qui ont eu lieu à l'école. Quand le cambrioleur s'est introduit dans notre dortoir la nuit sous la forme de Bott, avant de crier pour le faire fuir, Albus a pointé sa baguette sur lui entre les rideaux de son baldaquin pour essayer de lire dans son esprit ce qu'il cherchait. Albus a vu quelque chose, mais comme il n'a pas compris ce qu'il voyait, il a cru que sa Legilimencie n'avait pas marché, puisqu'il n'avait pu lancer au cambrioleur qu'un sort informulé. Quand il est revenu chez les serpentards, après avoir récupéré du Doloris, il a quand même dessiné ce qu'il avait cru voir dans l'esprit du cambrioleur. Delphini et moi nous avons tout de suite su de quoi il s'agissait, puisque nous en avions un chacun : un« porte-bonheur Black ». Dès que nous avons pu circuler à nouveau dans l'école, j'ai demandé à Rose de vérifier auprès de Teddy si lui aussi en avait un. Dès qu'on a appris que oui, on a compris que c'était la raison de tous ces cambriolages. »
Quand Scorpius s'arrêta, à part moi, tous les sorciers adultes vivant ou morts fixaient Albus qui pour sa part regardait obstinément dans le vide. Alors que ses amis de l'école semblaient juste admettre la spécificité de ses pouvoirs, les adultes mesuraient la difficulté d'une Legilimencie informulée. De mon côté, j'étais surtout agacé de n'avoir pas été informé et je ne manquai pas de le dire en pointant particulièrement mes trois serpents. Scorpius Malefoy insista pour prendre la faute sur lui :
« C'est moi qui ait insisté pour qu'Albus ne vous dise rien, Monsieur. C'est parce que ma grand-mère Narcissa m'a toujours dit que ce « porte-bonheur » était un grand secret et qu'il fallait toujours le garder sur moi mais ne jamais en parler sous aucun prétexte. »
Sentant peser sur lui le regard plein de reproches de son père, Teddy Lupin voulut se justifier à son tour :
« Ma grand-mère Andromeda dit la même chose, qu'il ne faut jamais en parler parce que c'est un secret. »
Inhabituellement calme dans son portrait, Walburga Black murmura :
« Mon père aussi nous répétait toujours ça. »
J'échangeai un regard agacé avec le loup-garou. Je pris cependant sur moi pour employer un ton mesuré pour inviter Scorpius Malefoy à poursuivre son récit. Celui-ci s'exécuta :
« A partir du moment où nous avons compris que tout ce qui nous arrivait été lié au fait que nous sommes des descendants des Black, nous avons cherché quelqu'un qui pourrait nous donner des informations. Albus a demandé à Salazar Serpentard de nous arranger un entretien avec Phineas Nigellus Black dans un endroit où nous ne serions pas dérangés. Salazar Serpentard a invité le Professeur Black à le rejoindre dans son portrait et le Professeur Black nous a raconté la même chose que ce qu'il a dit tout à l'heure. »
« Le portrait de Salazar Serpentard qui est dans les cachots interdits, c'est bien celui dont vous parlez. » grinça Lupin
Les gamins regardèrent leurs pieds sans répondre à la remarque.
« Et après, vous avez fait quoi ? » demandai-je pour les inviter à continuer
« Eh bien, nous avons … trouvé un livre … » se lança Rose Granger-Weasley voyant que personne ne se précipitait pour prendre la parole.
« Trouvé un livre ! » l'interrompit Lupin dans un grondement
Décidément, soit c'était l'approche de la pleine lune qui le rendait irascible, soit c'était moi qui avait fini par déteindre sur lui, mais il était vraiment d'une humeur exécrable. J'intervins à nouveau :
« Il me semble que nous avions convenu de traiter cet aspect plus tard, Professeur Lupin. Poursuivez Miss Granger-Weasley ! »
« Nous avons trouvé un livre qui traite de cette malédiction, Opes ac dolor, » reprit la fille de notre vénérée Ministre de la Magie d'une toute petite voix « mais il est très compliqué à lire, parce qu'il est écrit en runes. »
« Ce qui ne vous a toujours pas convaincus de vous adresser à des personnes de confiance, comme vos directeurs de maison, par exemple, pour obtenir de l'aide. » remarquai-je
Les gamins secouèrent la tête pour indiquer que non.
« Et du coup, qu'avez-vous fait ? » soupirai-je
Rose Granger-Weasley poursuivit :
« On a utilisé des dictionnaires et les quelques connaissances de Victoire qui a suivi le cours de runes l'an dernier même si elle a arrêté l'option cette année et de Delphini qui a étudié les runes à Durmstrang »
Delphini Black sortit à nouveau de sa réserve habituelle pour remarquer :
« J'aurais mieux fait de continuer les runes au lieu de faire de la Divination avec le Professeur Dreamteam qui est juste horrible avec moi ! »
Face à cette affirmation, Lupin prit l'air dubitatif, pendant que je fronçai les sourcils. Comme je le craignais Albus vola immédiatement au secours la fille aux cheveux bleus, en revanche l'argument me surprit :
« C'est vrai ! Même mon frère est venu m'en parler ! »
En revanche, je ne m'étais pas attendu à entendre le louveteau soutenir lui aussi sa cousine :
« Je confirme ! Dreamteam est un taré. Tous les ans, il s'en prend à quelqu'un. L'an dernier s'était moi son souffre-douleur. Il a passé l'année entière à essayer de dresser toute la classe contre moi. »
« QUOI ! » brailla Lupin « Et c'est maintenant que j'apprends ça ! Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? »
Teddy Lupin se mordit les lèvres, conscient d'en avoir dit plus qu'il ne voulait.
« C'est compliqué d'être le fils de son directeur de Maison. » expliqua-t-il finalement « Je ne voulais pas avoir l'air d'en profiter pour être défendu contre Dreamteam. »
« D'en profiter, mais qu'est-ce que tu racontes ? » s'émut Lupin « Si ce que tu dis est vrai, tu ne crois pas que j'aurais tiré cette situation au clair avec le Professeur Dreamteam pour n'importe lequel de mes lions ? »
C'est maintenant qu'il devait regretter le loup-garou que nous n'ayons pas profité de l'occasion de l'autre jour pour balancer ce crétin de Dreamteam par la fenêtre ! Quoi qu'il en soit, Lupin ferait ce qu'il veut de son côté, mais il n'était pas question que je laisse cet illuminé s'en prendre à l'un de mes serpents que ce soit Delphini Black ou un autre. Ce n'était cependant ni le lieu ni l'heure de s'occuper de ça.
« Il serait peut-être temps d'en revenir à ce qui vous a conduit ici. » lâchai-je « Qu'avez-vous appris grâce à ce livre en runes sur la malédiction des Black ? »
