Chapitre 22 : Opes ac dolor (2)
« Qu'avez-vous appris grâce à ce livre en runes sur la malédiction des Black ? »
Nouvelle consultation visuelle silencieuse entre les gamins à l'issue de laquelle la fille de notre Ministre de la Magie sembla avoir été désignée pour me répondre. J'en compris la raison en la voyant tirer de sa poche un morceau de parchemin qu'elle déplia avant d'expliquer :
« Le texte était vraiment très compliqué. D'après ce que nous avons compris, la première partie explique comment fonctionne l'objet. Il s'agissait effectivement d'une chaîne. Il fallait passer cette chaîne autour du cou d'une licorne, sa corne se transformait alors en or, mais cela tuait la licorne. »
Voilà pourquoi Albus avait évoqué les licornes quand nous avions parlé de malédiction. Je me reconcentrai sur Rose Granger-Weasley qui poursuivait son compte-rendu :
« La suite nous a fait perdre beaucoup de temps sans nous servir à rien. Elle explique la magie qui a été utilisée pour séparer les maillons de chaîne. C'est après que ça redevient intéressant. Si nous avons bien traduit, le texte explique qu'il faut que les maillons soient répartis entre le maximum de membres de la famille, le mieux étant que chaque personne n'en ait qu'un seul, pour éviter que la malédiction se réactive chez l'un ou l'autre des membres de la famille Black. Mais le plus grand risque pour que quelqu'un soit touché par la malédiction, c'est que certains maillons ne soient plus en possession de personne. Dans ce cas-là, ce n'est qu'une question de temps avant que la malédiction se réveille. C'est pour ça que nous sommes venus ici. Nous nous sommes dit que les parents de Sirius Black avaient forcément plusieurs maillons, puisqu'ils étaient des descendants d'Uranus Black tous les deux et que les maillons en question avaient pu rester ici sans personne pour les porter. »
« Et cette idée a suffi pour que vous vous précipitiez imprudemment ici un dimanche au petit matin ? » s'exclama Lupin
Rien qu'à voir la tête des gamins et malgré le manque de psychologie que me reprochait régulièrement McGonagall, je savais que la réponse à sa question était non. Teddy Lupin le confirma d'ailleurs :
« Non, il s'est passé autre chose hier. Nous sommes allées à Pré-au-Lard Victoire et moi. Sur le chemin du retour, c'est le trou noir. Ni Victoire, ni moi, nous ne nous souvenons de ce qui s'est passé. Ce qui est certain, c'est que quand je suis rentré à l'école, je n'avais plus mon maillon dans ma poche. D'après Albus, nous avons été soumis à un Imperium et … »
« D'après Albus, vous avez été soumis à un Imperium ! Tu te réfères à l'opinion d'un élève de deuxième année, au lieu de venir en parler à ton père qui est professeur de Défense contre les Forces du Mal. Et toujours sans venir m'en parler, pas plus qu'au professeur Rogue, vous foncez ici sans réfléchir tête baissée ! » brailla Lupin « Mais qu'est-ce qu'il y avait d'aussi urgent à venir vous mettre en danger ? »
Voyant que Teddy semblait perdre pied face à la colère de son père, Rose vint à sa rescousse :
« Nous voulions récupérer les maillons qui pouvaient être ici avant le descendant d'Uranus Black responsable de toutes ces agressions. »
Walburga Black que nous avions presque oubliée dans son portrait tant elle était inhabituellement calme sembla se ranimer à ces mots.
« Comment une sale peste de sang-mêlé dans votre genre ose-t-elle accusé l'un des membres de la très Noble Maison des Black d'être un agresseur. » hurla-t-elle
« Dites donc je vous interdis de parler sur ce ton à Rose ! » répliqua sèchement Scorpius Malefoy
Il n'était pas question de laisser la discussion tourner une fois de plus à l'engueulade familiale, d'autant plus que bien des points me paraissaient encore obscurs.
« Pourquoi dites-vous LE descendant des Black responsables de ces agressions. Quand nous sommes arrivés, vous faisiez face à trois agresseurs il me semble. Et comme ils étaient manifestement sous Polynectar il est impossible de vérifier qu'il s'agit bien de membres de la famille Black. » demandai-je
« Je ne comprends pas qu'ils aient été trois. Dans le texte sur la malédiction, il était bien spécifié qu'elle ne pouvait se réveiller que chez un seul membre de la famille. Ou alors, nous nous sommes trompés dans la traduction. » indiqua Rose Granger-Weasley en secouant la tête « Ce qui est certain, c'est que seul un descendant d'Uranus Black a pu volet son maillon à Teddy. Scorpius, tu peux montrer ton maillon au Professeur Rogue pour qu'il voit par lui-même. »
Scorpius Malefoy sortit son propre maillon de la poche de sa robe et me le tendit. Automatiquement, j'avançais la main … et je fus incapable de me saisir du petit objet. Ma main ne pouvait pas s'en approcher suffisamment pour s'en emparer.
« Par la barbe de Merlin ! » m'exclamai-je
Lupin s'avança à son tour et fit la même expérience. Puis, il sortit sa baguette pour lancer quelques sorts pour essayer s'emparer du maillon. Sans résultat naturellement. Quand il leva les yeux vers moi, je lus l'inquiétude dans son regard et je ne doutai pas qu'il ait lu la même chose dans le mien. Nous étions bien en face d'objets de magie noire, les gamins pourraient bien avoir raison à propos de la malédiction. Je ne pus retenir une réflexion à ce sujet :
« Si nous doutions encore qu'il s'agisse de magie noire … »
« Nous en sommes même certains grâce à un cadeau qu'Albus a reçu pour Noël. Son sac à malices a indiqué clairement que ce sont des objets de magie noire quand Scorpius, Delphini et Teddy ont fait le test en mettant chacun leur tour leur maillon dedans. » confirma la gryffondor
Voilà un cadeau dont je n'espérais pas qu'il soit aussi rapidement utile…
« Que disait la suite de votre édifiante lecture ? Que se passe-t-il quand la malédiction se réactive » demanda Lupin d'une voix altérée
« Nous n'avons pas eu le temps de finir la traduction. » admit le louveteau avant de rajouter devant l'air contrarié de son père « De toutes façons, il nous aurait été impossible de connaître la fin, car il manquait deux pages dans le livre. Les deux dernières pages concernant la malédiction Opes ac dolor justement. »
« Et avec tout ça, aucun de vous ne s'est dit que votre petite expédition pouvait être dangereuse ? » grogna le loup-garou
« Si ! Il y en a un qui se l'est dit. » remarquai-je me tournant vers Albus
« Alors c'est toi les as prévenus ? » s'interrogea Teddy Lupin en le fixant
« Oui, désolé. J'ai essayé de vous dire que j'étais inquiet, mais vous vous étiez déjà tous précipités dans la cheminée. Du coup, j'ai envoyé un Patronus à mon … au professeur Rogue avant de vous rejoindre. » indiqua Albus avant d'expliquer face à l'air circonspect de ses camarades « J'étais inquiet, parce que nous pouvions nous retrouver face à quelqu'un qui nous avait déjà envoyé des sortilèges impardonnables. Un Imperium à Victoire et toi. Un Doloris à moi. C'est pas facile de se défendre contre ces sorts-là. Le Charme du Bouclier ne suffit pas. »
« C'est bien la seule chose de raisonnable que vous ayez fait ces dernières semaines ! » grondai-je « Et à propos de cheminée, par laquelle êtes-vous passés ? Celles de vos salles communes respectives ne sont pas connectées au réseau des cheminées. »
Silence des gamins, jusqu'à ce que Teddy Lupin finisse par admettre :
« Par celle du bureau de mon père. Je savais qu'il était toujours dans le bureau du professeur McGonagall à ce moment-là. »
« Comment as-tu pu te permettre ? » brailla Lupin « Je t'assure que … »
Je levai une main pour l'interrompre. Il réglerait ça plus tard avec son rejeton. Pour le moment, il y avait une question plus urgente à régler avant de rentrer enfin à Poudlard. Je me tournai vers le portrait de Phineas Nigellus Black :
« Professeur Black, pourriez-vous convaincre Madame Walburga Black, votre descendante, de nous dire où sont les maillons dont elle et son mari ont dû hériter ? »
Phineas Nigellus Black relaya immédiatement ma demande.
Cependant, Walburga Black se fit beaucoup prier avant de nous livrer au compte-goutte quelques informations. Quand elle se décida enfin à parler, elle commença par se glorifier beaucoup du fait que sa famille ait bénéficié de quatre maillons, deux venus du côté de son mari, Orion Black, deux venus du sien. Ce qui leur avait permis d'en porter un chacun, un pour elle, un pour son mari et un pour chacun de ses fils. Mais quand Lupin eût le malheur de lui rappeler qu'il s'agissait, non pas de porte-bonheurs, comme elle l'avait cru toutes sa vie, mais des restes d'une malédiction, elle se réfugia dans un silence boudeur. Pour une fois où nous aurions appréciés qu'elle dise quelque chose, la voilà qui décidait de se taire !
Pas très faciles de savoir de quelles exactions menacer un portrait pour le faire parler. D'autant plus qu'il n'y ait sans doute pas d'exactions que Sirius Black n'ait exercées sur le portrait de sa mère, non pas pour la faire parler, mais au contraire pour essayer en vain de la faire taire, faute d'arriver à la décrocher. Je cherchais encore un sortilège capable de l'obliger nous révéler ce que nous avions besoin de savoir, et Lupin qui se reprochait sans doute sa mise au point, ne semblait pas beaucoup plus inspiré que moi, quand Scorpius Malefoy reprit la parole d'un ton provocateur :
« Ça devait drôlement vous agacer de savoir que votre fils Sirius avait avec lui l'un de vos précieux porte-bonheur Black, alors que c'était un traitre à son sang. Comme moi … »
« Jamais je n'aurais permis à cet indigne fils de porter cet objet ! Je l'ai obligé à me le rendre avant de quitter cette maison. » brailla la mégère en tombant à pieds joints dans le piège tendu par mon serpent
« Alors que votre fils Regulus qui était digne de la Très Noble Maison des Black, a porté son propre porte-bonheur jusqu'au bout et a disparu avec lui. » poursuivit Scorpius Malefoy prêchant le faux pour savoir le vrai
« Non ! » répondit Walburga Black inhabituellement émue « Le jour où il est parti pour ne jamais revenir mon fils Regulus avait laissé son propre maillon dans sa chambre. J'avais toujours pensé que c'était la raison pour laquelle il lui était arrivé malheur. »
« Après la mort de votre mari à la même époque que la disparition de votre fils Regulus, vous avez donc porté seule le poids des quatre maillons de votre famille. » murmura Scorpius Malefoy qui était passé au mode compatissant.
Pour toute réponse la mégère du portrait tira sur la chaîne qu'elle portait autour du cou pour faire apparaître les quatre maillons noirs qui y étaient suspendus.
Nous observions tous en silence le match que Scorpius Malefoy livrait à l'effrayante mère du sac à puces. Pourquoi lui répondait-elle ? Peut-être parce que quelles que soient les injures qu'elle lui avait adressées, il était le seul parmi nous à pouvoir revendiquer un sang pur. N'empêche que le meilleur ami d'Albus avait réussi à obtenir une information essentielle. A la fin de sa vie, Walburga Black était bel et bien en possession des quatre maillons dont Orion Black et elle avaient hérité.
Phineas Nigellus Black n'avait pas été pour rien le directeur de la Maison Serpentard. Il choisit d'exploiter l'émotion qui s'était exceptionnellement emparée de Walburga Black, en jouant la carte de la flatterie pour obtenir ce que les gamins étaient venus chercher :
« Ma chère Walburga, vous avez supporté une bien lourde charge en portant seule ces quatre maillons. Il est temps de transférer cette charge aux descendants vivants d'Uranus Black pour éviter que cette malédiction ne risque de détruire définitivement la Noble Maison des Black. »
« Quand vous parlez de descendants vivants, vous parlez de ceux-là ! » demanda Walburga Black sur un ton dégoûté en désignant d'un geste de la main Delphini Black, Teddy Lupin et Scorpius Malefoy
Teddy Lupin qui affichait un air outré, parut sur le point de protester, mais il en fut découragé par le coup de coude que Miss Black lui envoya dans les côtes.
« Nous ne choisissons pas malheureusement pas nos descendants ma chère enfant. » soupira notre ancien Directeur d'un air entendu
« Mais on peut les effacer d'un arbre généalogique dont ils sont indignes ! » répliqua sèchement la chère enfant depuis son portrait
« J'admire votre rigueur et votre force de caractère, ma chère Walburga. » affirma Phineas Nigellus Black « Mais au risque de vous choquer, j'avoue avoir plus de faiblesse envers ma propre descendance et je serais très peiné qu'il puisse arriver quelque chose de fâcheux à ces jeunes gens. »
Depuis son portrait, la virago contemplait les gamins avec une aversion évidente. Elle ne partageait certes pas sa faiblesse de son ancêtre pour cette descendance d'après elle parfaitement indigne à ses yeux de la Très Noble Maison des Black, mais elle hésitait à s'opposer franchement à Phineas Nigellus Black.
« Kreatur ! » appela-t-elle soudain d'un ton sec
Le vieil elfe apparut immédiatement dans un pop sonore.
« Ma Vénérée Maîtresse a fait l'honneur à Kreatur de le convoquer. » dit l'elfe en s'inclinant jusqu'à terre devant le tableau « Kreatur est triste de voir sa pauvre Maîtresse obligée de supporter une compagnie aussi indigne d'elle ! Et si ma pauvre Maîtresse voyait dans quel état ces garnements ont mis le salon de la demeure ancestrale des Black en se battant avec d'autres horribles garnements dans leur genre, elle en mourrait. »
« En voilà un qui ne m'avait pas manqué. » grinça le loup-garou à voix basse
A moi non plus, je l'avoue. Cet elfe. Cette maison. Cet elfe dans cette maison. C'était comme la réactivation d'un ancien cauchemar. Le retour vers ces terribles années où cette affreuse maison était le quartier général secret de l'Ordre du Phénix. J'avais hâte de sortir d'ici, hâte d'emmener Albus loin de cet endroit. Mais il n'était pas question de se laisser aller immédiatement à cette envie, alors que j'étais maintenant persuadé qu'à quelques détails près ces sacrés gamins étaient dans le vrai et qu'il ne fallait pas sortir d'ici sans avoir récupéré les maillons de Walburga et Orion Black.
Heureusement, celle qui se considérait encore comme la maitresse des lieux, semblait s'être laissée convaincre. Après avoir soulevé la chaîne qu'elle portait au cou et désigné de son autre main les quatre maillons qui se balançaient au bout, le portrait de Walburga Black ordonna à l'elfe :
« Kreatur, donne-les leurs ! »
« Leur donner les trésors de ma Maîtresse ? A ces garnements ? » s'alarma l'elfe effaré
Phineas Nigellus Black intervint sans laisser au portrait de son arrière-petite-fille le temps de répondre.
« Oui, il le faut. » affirma-t-il d'un ton solennel
Un peu perdu, l'elfe se tourna vers le portrait de Walburga Black qui acquiesça. Malgré les ordres qu'il avait reçus, Kreatur continuait à secouer la tête d'un air dépité en nous précédant dans les escaliers. Malgré les années, je connaissais encore par cœur la géographie de la maison, aussi je sus immédiatement que nous étions devant la chambre de Regulus Black quand l'elfe s'arrêta. La chambre de son frère disparu était la seule pièce de la maison que Sirius n'avait pas souhaité voir l'Ordre du Phénix investir, et donc la seule pièce de la maison à être restée dans son jus. Bien sûr la pièce avait été nettoyée comme les autres par les sorciers de l'Ordre des nombreux pièges magiques mis en place par Walburga Black. Mais, je me méfiais encore. Je commençais donc par procéder à une rapide inspection avec Lupin avant de laisser rentrer les gamins.
J'observais avec intérêt la réaction de ces derniers alors qu'ils contemplaient le décor mis en place par Regulus Black, ancien attrapeur de Serpentard. Malgré leur alliance récente, les gamins n'avaient pas fondamentalement changé. Teddy Lupin contemplait avec aversion le décor vert et argent aux couleurs des serpentards de la chambre, alors qu'Albus examinait avec dégout les photos et les posters de quidditch.
Pour ne surtout pas nous voir nous attarder dans le temple à la mémoire de « Maître Regulus » qu'était pour lui cette chambre, Kreatur nous montra directement la cachette des quatre maillons de pierre noire. Peu pressés de s'en saisir, les trois descendants des Black s'entreregardèrent. Finalement, Teddy Lupin proposa une répartition :
« Comme je me suis fait voler le mien, je propose d'en prendre deux. Delphini, Scorpius, si vous en prenez un de plus chacun, nous en aurons tous deux. »
Les deux concernés acceptèrent d'un simple signe de tête. Les quatre maillons récupérés, il ne nous fallut que quelques minutes pour nous retrouver tous devant la cheminée du salon dévasté par la bataille que les gamins avaient livrés à leurs adversaires.
« Nous rentrons à Poudlard par le bureau du Professeur McGonagall. Je suis certain que notre Directrice attend votre retour avec impatience. » déclara Lupin d'un ton sans réplique
