Un fin rayon de lumière perçait à travers les rideaux de la salle de danse, amenant l'aube orangée de New York. Rachel soupira dans son sommeil, percevant au loin le son d'une sirène à travers le calme de ce début de journée. La chaleur du soleil glissa sur la peau de son visage et elle se retourna pour rechercher un peu de pénombre, préférant rester dans cette bulle de bien être, sous les draps chauds et sur les oreillers moelleux. Elle tendit son bras sur la gauche et soudain ses yeux s'ouvrirent rapidement, la place à ses côtés était vide et le silence régnait autour d'elle. Elle se redressa sur le matelas, avec une curieuse sensation au creux de l'estomac, pas une angoisse à proprement parler, plutôt un léger doute sur ce qu'elle aurait du croire concernant l'absence de Paul. Rapidement la psychologue attrapa ses affaires de danse et se rhabilla avant de se lever pour s'emparer de son portable sur le meuble mais son geste s'arrêta à mi-chemin, à côté de son mobile se trouvait un morceau de papier sur lequel était dessiné un petit bonhomme qui souriait et qui clignait de l'oeil. Un sourire étira les lèvres de Rachel alors qu'elle retournait délicatement la feuille : Je nous ramène le petit déjeuner ! L'appréhension qu'elle avait ressenti pendant quelques secondes fut dissipé par le souvenir de la nuit passée. Un frisson parcourus son corps en repensant à la douceur dont il avait fait preuve à son égard, tous ses gestes et ses paroles avaient éclipsé ce qu'elle avait vécu auparavant avec Riley. Avait-il fait preuve de tendresse parce que c'était elle ou agissait-il de cette manière là avec chacune de ses conquêtes ? Cette question passa de manière fulgurante dans son esprit et la jeune femme secoua la tête pour la chasser rapidement, elle ne devait pas laisser un vulgaire sentiment de comparaison brouiller ces instants si parfaits avec Paul. Pour éviter d'y penser elle enclencha la musique et décida d'attendre son retour en s'entraînant un peu.
Comme la veille, une musique classique s'échappa des enceintes et Rachel laissa ses pas l'entraîner dans une chorégraphie compliquée mais qu'elle semblait maîtriser à la perfection. L'arabesque de ses bras, les pointes piquées de ses pieds étaient parfaitement coordonnés, il n'y avait pas d'hésitation dans ses sauts, ses tours et demi-tours n'était absolument pas chancelant, son port de tête était droit, son sourire sincère et quand elle enchaîna une diagonale tournée avant de s'arrêter net sans tituber pour marquer la fin de son exercice, son corps s'ajusta pile avec la fin de la musique. De l'autre côté de la pièce, dans l'ombre de l'entrée, Paul esquissa un sourire.
Dans la lumière débutante du jour, il la trouvait encore plus belle que la veille. Tout avait était si simple cette nuit, comme si d'une certaine manière la découvrir était quelque chose qu'il avait attendu toute sa vie. Il avait aimé cette teinte rosée qui avait coloré ses joues, il avait aimé entendre ses soupirs qui contrastaient avec cette façon si séduisante qu'elle avait eu de mordre sa lèvre pour tenter de retenir tout ce qu'elle pouvait ressentir. Son corps était doux, chaud, ses baisers étaient forts et tendres, il avait frissonné en sentant ses doigts se perdre dans ses cheveux, il avait perdu pratiquement pied en constant à quel point elle était agréable et avec quelle force elle pouvait le retenir contre elle. Aucune fille avec laquelle il avait couché jusqu'à maintenant ne l'avait touché à ce point là.. En se réveillant quelques heures auparavant, il l'avait observé, longtemps, calant sa respiration sur la sienne, apprenant les traits de son visage afin de prolonger la douceur de cette nuit le plus longtemps possible.
Le changement de musique le ramena à la réalité et il redressa la tête en fronçant les sourcils quand il entendit la voix des Pussycat Dolls. Rachel détacha ses cheveux en secouant la tête et retira son pull bleu réajustant son débardeur. Le ballet n'était visiblement pas la seule danse qu'elle connaissait et qu'elle maîtrisait. Ses pas rythmés et précis laissèrent place à un déhanché beaucoup plus provocateur, le mouvement de ses bras se fit plus fluide et son port de tête plus souple faisant swinguer ses longs cheveux. Le cœur de Paul s'emballa fortement et une décharge électrique parcouru sa peau jusqu'à lui tordre le ventre d'envie.
Lorsque la musique s'arrêta il prit un temps pour retrouver ses esprits puis il frappa contre le chambranle de l'entrée. Rachel sursauta et se retourna pour lui faire face, il leva le sachet qu'il tenait dans ses mains et esquissa un sourire.
« - Café et beignets ?
La jeune psychologue se mordit la lèvre inférieure en rougissant, légèrement honteuse de s'être fait prendre à danser sur autre chose que du classique.
- Ca fait longtemps que tu es là ?
L'inspecteur rigola en se penchant en avant pour déposer une baiser dans le creux de son cou.
- Un petit moment oui.
Rachel serra les paupières gémissant de frustration faisant rire un peu plus son compagnon. Celui-ci se rapprocha doucement et glissa ses mains sur sa taille.
- Bonjour.
- Bonjour.
Il captura doucement ses lèvres et le cœur de la jeune femme s'emballa avant que des frissons ne remonte le long de sa colonne vertébrale quand il colla son corps au sien intensifiant leur baiser. Elle passa ses bras autour de son cou et il la souleva pour la déposer doucement sur la table derrière elle, s'installant entre ses jambes tout en basculant son nez derrière son oreille afin de respirer à plein poumons son délicieux parfum. Les mains de Rachel se perdirent sous son pull, faisant tomber sa veste au passage, amorçant un échange tout aussi sensuel bien que plus intense.
Quelques minutes plus tard, la jeune femme ramenait les deux gobelets de cafés qu'elle venait de réchauffer dans la pièce d'à côté.
« - On a de la chance, je n'étais plus sûr que le micro-onde était encore en état de marche.
Paul lui tendit un beignet avant de s'approcher d'elle pour l'enlacer tendrement en l'embrassant derrière l'oreille.
- Ca va ?
Elle tourna légèrement la tête et esquissa un sourire.
- Oui et toi ?
- Très bien...Mais je dois retourner au poste.
- J'ai des rendez-vous toute la journée de toute façon...Merci pour le petit déjeuner.
- De rien...tu dînes toujours avec moi ?
- Oui quand tu veux...Tiens-moi au courant. »
Il hocha la tête, en se disant qu'il aurait volontiers ignoré son boulot aujourd'hui afin de rester avec elle. A contre-coeur il s'en alla après quelques minutes alors que Rachel calait un sourire sur ses lèvres qui ne la quitterait pas de la journée.
… … … … …
Pendant une bonne partie de la matinée, la psychologue dirigea une réunion avec des policiers qui avaient été pris dans une fusillade, choqué par cet événement, elle les aida à décortiquer les faits ainsi que leurs angoisses pour appréhender au mieux la suite de leur travail. Vers midi Claire frappa à sa porte pour lui apporter son déjeuner.
« - Je n'ai rien commander.
La cousine de Paul rigola.
- Toi non mais il y a quelqu'un au sixième étage qui t'aime bien apparemment.
Rachel se pencha pour regarder ce que contenait le sachet. Il y avait un sandwich qui provenait du meilleur restaurant de la ville ainsi qu'une rose rouge attachée à un petit mot : Bon appétit, Paul. Elle esquissa un sourire lorsqu'elle aperçut le petit dessin en forme de clin d'oeil. Claire repartie vers son bureau en soupirant.
- Ca y est, je suis jalouse! »
En tout début d'après-midi, la jeune femme descendit au rez-de-chaussé s'acheter un café et elle tomba nez à nez avec Jenny qui s'engouffrait en courant dans le hall.
« - Tiens salut...
- Oh Rachel, bonjour, comment tu vas ?
- Bien et toi.
- C'est la course comme toujours, Joe a oublié ses clés ce matin, je viens de finir ma garde...Est-ce que Letty t'a parlé d'une soirée ciné ?
- Oui mais au départ c'était surtout une soirée entre filles et strip-teaseurs, il y a un nouveau spectacle en ville.
Jenny écarquilla les yeux.
- Pourquoi on parle de ciné alors ?
- Parce qu'on s'est finalement dit qu'un resto et un ciné ça pouvait être sympa aussi.
- Oh ce que tu peux être coincée.
Rachel rigola.
- Ce n'est que partie remise rassures-toi.
Jenny l'observa quelques secondes alors que son amie récupérait son gobelet dans la machine.
- Je te trouve radieuse.
- Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?
- Ca marche avec Paul ?
- Ah non...changes de sujet.
Les joues de la psychologue s'empourprèrent légèrement et Jenny haussa les sourcils.
- T'as couché avec lui ? Racontes...C'était quand ? C'était bien ?
- Je ne vais rien te dire du tout.
- Oh allez s'il te plaît, j'ai besoin d'un peu de potin dans ma vie de maman si sérieuse et organisée...Racontes !
Rachel se mordit légèrement la lèvre, hésitante. Cette nuit avait été si parfaite, qu'elle aurait voulu la garder pour elle seule. La laisser dans cette bulle de douceur et de tendresse qu'ils avaient su créer ensembles. Mais devant l'insistance de son amie elle accepta de se livrer un peu.
- Oui c'était bien.
Sans trop en révéler tout de même.
- Quoi c'est tout ?
Elle éclata de rire en apercevant la moue boudeuse de Jenny.
- C'était génial, il a été vraiment parfait. Il a même été cherché le petit déjeuner ce matin.
- Ben c'est cool, tu devrais être contente.
La jeune femme reporta son attention sur son café alors que les portes de l'ascenseur s'ouvraient pour qu'elles puissent y monter.
- Ouais je ne sais pas...Il y a un truc qui me travaille depuis ce matin.
- C'est quoi ?
- Sûrement rien d'important mais...j'aurais voulu savoir si...s'il faisait preuve de la même attention avec ses autres conquêtes.
Jenny pinça les lèvres en réfléchissant.
- Il ne prend jamais de petit déjeuner avec les filles qu'il ramène chez lui, il n'exhibe pas ses liaisons, un cinéma de temps en temps, un dîner mais pas de sortie officielle enfin à part Mindy à l'anniversaire de Julian. En général ça n'a rien de romantique mais peut-être qu'avec toi c'est différent aujourd'hui. Il a l'air assez accro. Je le connais depuis plus de dix ans maintenant et je sais comment il fonctionne et sa manière d'être quand tu es là, sa manière de parler, de te regarder, ça laisse assez peu d'interrogation sur ce qu'il semble ressentir pour toi.
- J'ai vécu six ans avec Riley, c'était une rencontre et une ensuite une découverte mutuelle, c'était facile, ça façon de me toucher, de m'embrasser...je savais reconnaître tout ça et je savais que c'était uniquement pour moi et que c'était sincère. Je n'avais pas besoin de me poser mille et unes questions sur ce que signifiait sa façon d'être en ma présence et...aujourd'hui je ne sais pas quoi penser de Paul et de cette liste. Tu trouves ça bête ?
- Non...Je pense que...si j'étais à ta place je m'interrogerais de la même manière. Ce mec a eu une cargaison de nanas et il ne les a jamais présenté à qui que ce soit...si Mindy était là, elle te dirait certainement que Paul ne s'embarrasse pas avec les détails, même s'il conserve un certain respect pour les femmes, elle te dirait qu'il ne fait pas dans le sentimentalisme, il ne s'attarde pas sur des mots ou sur des gestes, ce n'est pas ce qu'il recherche, en fait c'est juste pour...
Jenny soupira en grimaçant.
- Satisfaire un besoin, ne pas se prendre la tête, ne prendre aucune responsabilité...pour oublier un quotidien trop dur je crois.
Rachel joua nerveusement avec ses doigts. Paul était un électron libre, il ne voulait pas se surcharger avec des obligations de couple parce que ses sentiments avaient été trop souvent écorchés par la vie. La jeune femme sentit son ventre se contracter et son cœur s'accélérer en s'imaginant que tout ce qu'elle avait pu ressentir cette nuit et ce matin, ne serait peut-être qu'éphémère maintenant qu'elle avait fini dans ses bras.
- Mais peut-être que ça sera différent cette fois.
Pendant quelques secondes les souvenirs de Rachel l'assaillir en repensant aux mots tendres qu'il avait prononcé, à cette façon si délicate qu'il avait eu de la toucher, cette manière d'être attentif à son plaisir, ses baisers. Elle repensa à ce moment où il la tenait dans ses bras, lorsqu'elle avait senti son souffle chaud dans le creux de son cou et que ses doigts jouaient délicatement avec les siens, s'entremêlant les uns aux autres comme pour se lier vraiment à elle. Elle secoua la tête pour revenir à la réalité et regarda son amie.
- On verra bien. »
… … … …
« - Quelqu'un a besoin d'un trousseau de clés ?
Joe se leva de sa chaise et se précipita vers sa femme avant de l'embrasser en rigolant.
- Je te remercies.
- T'as de la chance d'avoir une femme gentille, compréhensive et qui t'aime...parce qu'il y a des jours où j'ai envie de te tuer.
Charlie éclata de rire en s'approcha du couple.
- Les joies du mariage.
Paul arriva au même moment et haussa les sourcils en voyant la mère de son filleul.
- Oh c'est dommage et moi qui le voyait déjà squatter le perron de la maison une bonne partie de la nuit.
Il fouilla dans la poche de son jean pour attraper son porte-feuille avant de tendre un billet de dix dollars à Elliot puis il s'approcha de Jenny et l'embrassa sur la joue.
- T'as changé la serrure au moins ?
- Je lui laisse une chance de se rattraper.
- Houu...bon je descend voir Rogers pour l'autopsie du cadavre qu'on a retrouvé ce matin.
- Moi je vais y aller, il faut que je passe chercher Julian.
Elle s'approcha de son mari et l'embrassa tendrement.
- Je t'aime.
- Moi aussi.
Un clin d'oeil plus tard, elle prit l'ascenseur accompagné de Paul.
- Julian est toujours partant pour le cirque samedi ?
- Il n'arrête pas d'en parler en tout cas...t'aurais pas pû attendre la dernière minute pour lui dire.
- Il ne t'aurais pas saoulé dans ce cas.
- Ah oui génial.
Les portes de la cabine s'ouvrirent et les deux jeunes gens se retrouvèrent dans le hall.
- Alors ?
L'inspecteur tourna la tête vers elle en haussant les sourcils.
- Alors quoi ?
- Ca marche avec Rachel ?
Paul rigola.
- Non tu ne t'engages pas sur ce terrain.
- Pourquoi ?
- Parce que ça te regarde pas.
- C'est dingue elle a dit la même chose !
Le jeune homme esquissa un sourire. Leur relation n'appartenait qu'à eux et même s'il ne savait pas trop comment gérer les choses, il avait la certitude que le meilleur moyen d'être tranquille était de ne rien révéler.
- Elle a l'air épanoui et toi...moins torturé.
- N'importe quoi.
La jeune femme se hissa sur la pointe des pieds et l'embrassa sur la joue.
- Je trouve ça cool même si mon opinion ne compte pas.
- Bonne journée Jenny. »
Elle rigola et tourna les talons sans un mot de plus.
… … … …
« - Je trouve que c'est une excellente idée Austin.
- Vous croyez ?
- Le fait de quitter votre grande maison pour un appartement, va vous permettre de prendre un nouveau départ, vous pourrez vous approprier les lieux et faire vos propres choix sans être obliger de vous retourner sans arrêt sur votre passé. Vos souvenirs resteront les mêmes mais ils deviendront moins douloureux avec le temps.
- On a vécu presque 20 ans dans cette maison, nos enfant ont grandi là-bas.
- Il est évident que ce changement sera difficile mais soyez fier de ce que vous entreprenez, vous faites beaucoup de progrès, vous avancez...Qu'en pense vos enfants d'ailleurs ?
- Oh vous savez ils sont grands maintenant, ils ont leur propre vie et en plus tous les trois, nous n'avons jamais été proche, je passais mon temps à boire et à crier, je crois que j'ai loupé beaucoup de choses.
- Il n'est pas trop tard pour vous rattraper, déjeunez avec eux, présentez-leur votre nouvelle habitation...faites-les entrer dans votre nouvelle vie, montrez-leur que malgré vos erreurs, aujourd'hui vous vous prenez en main, montrez-leur vos efforts.
Austin secoua les tête et Rachel regarda sa montre.
- On en reparle vendredi ? Amenez-moi les photos de votre appartement si vous voulez.
- D'accord merci.
L'officier Malarko quitta le bureau et Claire s'approcha de la psychologue en lui tendant un morceau de papier.
- Il faudrait que tu contactes l'université de Columbia pour le tutorat d'une thèse et ça c'est de Paul, il attend ton appel.
- Merci.
Rachel lui tendit une liasse de documents.
- Ce sont les comptes rendus d'aujourd'hui et avant de partir tu pourrais me sortir le planning de la semaine prochaine s'il te plait.
- Je te fais ça.
- Laisses- le sur le bureau et file d'ici avant que je ne t'exploite davantage.
- Aucun problème, bonne soirée.
- A toi aussi. »
La cousine de Paul referma la porte derrière elle et imprima les documents demandés avant de s'en aller.
Claire vivait à quelques rues du commissariat dans un petit appartement, trouvé grâce à son cousin. Paul avait toujours pris soin d'elle, la considérant un peu comme sa petite sœur. La mère de la jeune femme avait rencontré son père un peu par hasard dans un bar, âgé seulement de 20 ans, l'homme était l'archétype du rebelle délinquant et Francesca qui avait alors 35 ans était volage et sans attache. Quelques verres accompagnés de battements de cils bien dosés avaient précipité la tante de Paul dans le bras de Diego Guttierez et neuf mois plus tard Claire avait pointé le bout de son nez. Diego avait tout fait pour être un père modèle sans pour autant renoncer à ses démons ni former un couple idéal avec Francesca. Elle ne voulait pas être en couple mais elle avait laissé la place nécessaire à Diego dans la vie de sa fille. Il lui avait donné tout ce dont elle avait besoin dans la mesure de ses maigres possibilités et l'insécurité dans laquelle il baignait. Braquage et trafics en tout genre, voilà ce que contenait son casier judiciaire, plusieurs arrestations et condamnations le poursuivaient et un matin de printemps alors que Claire était au lycée, Francesca avait reçu un appel lui annonçant la mort de Diego dans une fusillade. La jeune adolescente avait ressenti un certaine tristesse malgré les relations distantes et conflictuelles qu'elle entretenait avec son père. Cependant elle s'y était largement préparée, sachant très bien qu'un jour, les activités de Diego pouvaient lui coûter la vie.
Claire avait pansé sa blessure tant bien que mal et après avoir obtenu son diplôme, ne sachant pas très bien dans quoi s'orienter, elle avait échoué dans un fast-food jusqu'à ce que Charlie ne vienne lui proposer un poste de secrétaire au sein du département de la police. Elle s'épanouissait dans son travail mais à côté de ça, elle ressentait un certain manque dans sa vie surtout en voyant la relation de Paul et Rachel qui évoluait doucement mais de manière très intense. Au lycée, elle était sortie avec deux ou trois garçons mais cela n'avait dépassé le stade du simple flirt. Elle n'avait pas encore rencontré la personne qui ferait réellement chavirer son cœur.
Elle entra dans son appartement ce soir là et décida de noyer son amertume dans un énorme pot de crème glacé au chocolat tout en pianotant sur un site de rencontre, en tout curiosité.
A l'autre bout du quartier, Rachel terminait de prendre des notes sur un dossier tout en composant le numéro du portable de Paul. Celui-ci décrocha rapidement.
« - Cardoza ?
- Salut c'est Rachel.
- Oh salut...Tu peux patienter 30 secondes ?
- Oui bien sûr.
Elle l'entendit murmurer quelques mots à une tierce personne avant de reprendre leur conversation.
- C'est bon, désolé je suis toujours avec le légiste.
- Tout va bien ?
- C'est un peu n'importe quoi aujourd'hui, je me retrouve avec un cadavre qui fait des siennes...Enfin bref, je voulais savoir si tu étais toujours d'accord pour qu'on se voit ce soir ?
- Oui bien sûr mais si tu es occupé, on peut remettre ça à plus tard.
- J'ai envie de te voir mais je risque d'avoir pas mal de retard du coup qu'est-ce que tu penses de transformer ce dîner en casse-croûte improvisé ?
- C'est une bonne idée oui.
- Tu peux patienter à l'appart si tu veux.
Rachel écarquilla les yeux alors que les battements de son cœur s'emballaient.
- Euh je...
- Si j'arrive à me débrouiller je serais rentrer d'ici deux ou trois et sinon on se fera un petit déjeuner.
Emue par sa demande, la psychologue esquissa un sourire.
- Tu sais qu'il n'y aucune obligation à ce qu'on voit ce soir.
- Je sais oui mais cette journée est en train de me rendre dingue et j'ai envie d'être avec toi.
Instinctivement le jeune homme soupira en fermant les yeux, sa journée de travail n'en finissait pas et alors que le médecin légiste bataillait avec les conclusions à apporter à une autopsie, Paul n'avait qu'une seule idée, retrouver Rachel pour profiter d'une bulle de tranquillité afin d'alléger la pression qui lui courbait le dos.
- Très bien, je veux bien passer chez toi, envois-moi un message quand tu auras terminé, je nous préparerais un petit truc à manger.
- Le frigo est plein.
Ils rigolèrent un instant se souvenant de cette même réplique le jour précédent l'accident de Rachel dans la boulangerie. Puis la jeune femme entendit quelqu'un prononcer le nom de Paul derrière lui.
- Faut que je te laisse...tu pourrais prendre note pour moi, la prochaine fois c'est Elliot qu'on enverra à la morgue !
- Je vais le stipuler en gras dans ton dossier.
- Merci, à plus tard.
- Je t'embrasse.
Au moment même où elle prononça cette phrase, Rachel grimaça de peur d'avoir été trop loin. Mais à l'autre bout du fil Paul esquissa un sourire.
- Oui...moi aussi. »
Il raccrocha et la jeune femme soupira dans un léger sourire.
…
Quelques minutes plus tard, elle pénétra dans le grand hall de l'immeuble du West Side en desserrant la ceinture de son manteau. Le gardien qui la reconnut immédiatement, la salua poliement en l'accompagnant jusqu'à l'ascenseur où il inséra la clé dans l'interstice du tableau de commande. Arrivée au 125e étage la jeune femme longea le luxueux couloir en tremblant légèrement, la dernière fois qu'elle s'était retrouvée entre ces murs, rien en c'était passé comme prévu. Discrètement, elle alluma la lampe du salon, créant une aura douce et chaleureuse avant de se diriger vers l'immense baie vitrée qui donnait sur la ville plongée dans l'obscurité. Bien qu'hésitante sur l'idée qu'elle se faisait de son prochain face à face avec Paul, elle était contente d'être là, elle aussi avait envie de le voir et d'être avec lui. Un sourire éclaira son visage puis elle s'installa sur le canapé en s'emparant d'un gros livre qu'elle avait amené avec elle, la plongeant immédiatement dans l'univers sombre et rude d'un cirque et d'un éléphant.
… … … …
« - Ok alors après plus de cinq heures d'une autopsie aux avis contradictoires, Rogers confirme qu'il s'agit d'un inconnu d'environ 40 ans tué par une balle de calibre 38 avec un seul point d'impact derrière l'oreille gauche à bout portant, aucun signe distinctif qui permettrait de l'identifier, les empreintes dentaires ne sont pas encore revenues et ...il était déjà mort lorsqu'on a mis le feu à son corps et je te jure Elliot que le prochain macchabée méconnaissable qu'on trouvera ça sera pour ta pomme.
Le collègue de Paul rigola avant de secouer la tête.
- Arrêtes de râler...regarde quelqu'un t'a déposé un lot de consolation.
L'inspecteur Cardoza se retourna vers son bureau où trônait une petite boîte brune qu'il ouvrit avec suspicion, à l'intérieur se trouvait une mini pâtisserie et un gobelet de café chaud. Elliot s'approcha discrètement et lui tendit une petite enveloppe.
- Elle a déposé ça aussi.
« Pour patienter jusqu'à un vrai repas. Bon appétit Rachel. »
Paul esquissa un sourire.
- Je passe mon tour pour la prochaine autopsie si tu veux, ça vaut le coup apparemment.
- Fermes-là tu veux ! »
