Eddie étudia ses nouveaux collègues qui évoluaient autour de lui.

Ils avaient eu deux appels légers et il s'était presque retrouvé à observer au lieu d'intervenir. Le capitaine était venu lui souhaiter la bienvenue mais Eddie avait l'impression qu'il se fichait bien de savoir s'il s'intégrerait ou non.

– Je sais, mon chat, lâcha son capitaine dans son téléphone. Mais je suis de garde jusqu'à demain matin.

Eddie fit de son mieux pour ne pas écouter mais on ne pouvait pas dire qu'il avait mieux à faire.

– Tu sais quoi ? poursuivit-il. Tu fais bien tes devoirs, tu es gentil ce soir avec ta grand-mère et je t'emmènerai voir ton père demain juste après l'école. Ça marche ?

Eddie fit semblant de boire son café, désormais froid, lorsque le regard de son capitaine s'attarda sur lui.

A l'armée, il était devenu très doué pour faire semblant de rien.

– Je ne sais pas, mon chat, poursuivit-il en s'éloignant. Mais ton père est un combattant. Il n'abandonnera pas sans se battre.

Eddie releva les yeux, juste à temps pour recevoir le regard noir de son capitaine, ce qui lui donna l'envie de se ratatiner sur place. Le capitaine s'enferma dans son bureau pour finir sa conversation téléphonique en aparté et Eddie soupira.

Il sortit son portable et récupéra le numéro de Buck dans son répertoire.

Eddie : Enfer ! tapa-t-il. Je tuerai pour un peu d'action.

Il posa son téléphone sur la table.

Il savait que Buck devait dormir et il ne voulait pas le déranger mais cette atmosphère pesante allait finir par avoir sa peau.

Contre toute attente, son téléphone vibra moins d'une minute après l'envoi de son message.

Buck : Rassure-moi, tu n'as pas dit ça à voix haute ?

Eddie : Non, pourquoi ? demanda-t-il désarçonné.

Buck : Parce que tu es dans une caserne et que certains mots ou expressions en sont banni.

Eddie fronça les sourcils.

Il n'était pas sûr de comprendre où son nouvel ami voulait en venir. En quoi dire qu'il s'ennuyait devait être interdit ? A part le faire passer pour un accro à l'adrénaline ou un chieur de première, il ne voyait vraiment pas le problème.

Eddie : Je suis désolé mais je ne comprends pas pourquoi.

Il attendit patiemment la réponse en regardant les trois petits points clignoter en bas de son écran.

Buck : La dernière fois que quelqu'un a prononcé le mot interdit, ça a été l'enfer sur Terre tout le long de la garde.

Eddie pouvait presque l'imaginer lui parler avec conviction. Il avait l'impression qu'il le connaissait depuis toujours. Parler avec lui était si facile et naturel.

Eddie eut soudain un doute.

Eddie : Ce quelqu'un ne serait pas toi ?

Buck : Je ne confirmerai rien au sujet de l'identité du coupable. Mais je dirai pour sa défense que les Dieux des urgences l'ont sorti de son contexte.

Les quoi ?

Est-ce qu'il se moquait de lui ? Était-ce vraiment une croyance de tous les urgentistes de l'état ou seulement la sienne propre ?

Eddie : « Les Dieux des urgences » ? Tu ne crois pas vraiment en l'existence d'une puissance supérieure, censée te faire vivre un enfer si tu prononces un mot particulier, rassure-moi ?

Buck : Si tu avais dû intervenir sur trente-sept urgences en une seule garde, toi aussi tu y croirais.

Eddie prit le temps de relire le message de Buck. Mais il n'y avait pas d'erreur sur sa lecture. Peut-être que Buck avait fait une erreur de frappe parce que ça lui paraissait vraiment beaucoup.

Eddie : Trente-sept ?

Buck : Ouais mec ! Un véritable enfer, pire que l'apocalypse. Alors crois-moi ne t'avise jamais de dire le mot interdit à voix haute. En plus, tu te mettrais tout le monde à dos.

Pour ce que ça me changerait, se dit-il. Ils me détestent déjà de toute façon.

Personne ne se préoccupait vraiment de sa présence. Il avait essayé de demander si quelqu'un avait besoin d'aide mais personne ne semblait prêt à partager un moment avec lui alors il avait simplement laissé tomber.

Eddie : Je t'avoue que je suis tenté, juste pour un peu d'action. Il y a vraiment une sale ambiance. Je pense sérieusement à demander mon transfert.

Buck : Je suis vraiment désolé qu'ils ne puissent pas dépasser leur chagrin pour te mettre à l'aise. Je t'assure que ce sont tous des gens super.

Eddie : Ouais, ton capitaine ne chercherait pas un autre pompier ? Je m'amuserai mieux avec toi.

Buck : Désolé, j'aimerais que ça soit possible mais l'équipe est complète. Donne-leur une chance Eddie, tu ne le regretteras pas.

Eddie : J'essaierai.

Et il le ferait vraiment mais il ne se laisserait pas démotiver.

Si sa place n'était pas à la 118 alors il trouverait une autre caserne plus accueillante. Et peut-être qu'il pourrait convaincre Buck de venir avec lui.

Il secoua la tête.

Ils se connaissaient à peine et Buck semblait aimer sa vie ici et son poste. Eddie s'emballait beaucoup après une conversation de deux minutes et trois sms échangés.

Buck lui plaisait et le problème était peut-être là.

Eddie savait depuis toujours qu'il était bi-sexuel mais jamais un homme ne l'avait attiré comme Buck. Jamais personne ne l'avait attiré comme ça. Il devait prendre garde à ne pas trop s'accrocher à lui. Si Buck ne cherchait qu'une amitié, il devrait reculer et ça serait plus facile s'il ne se dévoilait pas.

– J'en était sûre, lâcha une voix féminine en arrivant en haut de l'escalier.

Eddie releva les yeux vers elle et fronça les sourcils alors qu'elle secouait la tête avec un air déçu. C'était une afro-américaine avec des lunettes et elle portait un uniforme.

– Tu es Eddie Diaz ? Le nouveau ?

– Euh... ouais.

– Et ils t'ignorent depuis que tu es arrivé, c'est ça ?

– Je...

– Ne te fatigue pas à répondre. Quelle bande de crétins ! fulmina-t-elle. Je te présente toutes mes excuses au nom de la 118.

– Oh, je...

– Sincèrement, je suis désolée de cet accueil. J'avais un rendez vous chez le médecin avec mon fils et j'aurais dû savoir qu'ils feraient leurs têtes de cochons.

– Donc, ce n'est pas moi, ne put-il s'empêcher de demander.

– Non, le rassura-t-elle en venant le rejoindre.

Eddie acquiesça lorsqu'elle lui montra la chaise à ses côtés. Elle s'installa et lui tendit la main avec un sourire.

– Hen, se présenta-t-elle alors qu'il la lui serrait. Bienvenu parmi nous Eddie. Et ne te préoccupe pas de ces idiots.

– C'est bon Hen, ça va, je t'assure. J'ai rencontré un gars de l'équipe B qui m'a expliqué. Je suis désolé pour ton collègue.

– Merci. Il est comme mon petit frère et il me manque.

– Je comprends, tu sais. Ce n'est pas facile de perdre un frère alors si en plus son remplaçant se pointe la gueule enfariné...

– Son remplaçant ? Eddie, tu n'occupes pas son poste, le contredit-elle. Tu aurais dû être son équipier.

– Oh...

– Oui, c'est compliqué mais ton poste a été ouvert par Bobby dans le seul but de faire un binôme avec son fils.

– Attends le gars, c'est le fils du capitaine ?

– Oui.

Eddie comprenait mieux. Ce qu'il avait pris pour de l'arrogance était seulement de la douleur. Son capitaine devait vivre un véritable enfer.

– Si ce n'est pas indiscret, qu'est-ce qui s'est passé ?

– Il a été foudroyé, admit-elle. Il est dans le coma depuis quatre mois. Bobby a été anéanti et il fait face comme il peut. Il s'occupe de son petit-fils. Mais ce n'est pas une excuse pour te traiter comme ça et crois-moi je vais leur remettre les pendules à l'heure à tous.

– Ne te cause pas de problème pour moi...

– Oh, ne t'inquiète pas pour ça. Je ne suis pas du genre à me laisser intimider. Et en plus j'adore distribuer des coups de pieds aux fesses quand il le faut.