Guest : Moi aussi, c'est quand Drago s'affirme que je le préfère ! Mais j'aime bien aussi lui en mettre plein la tête pour qu'il puisse se redresser plus fier encore !
Merci encore pour tes reviews
« Je n'y crois pas, Potter, est-ce que tu sais au moins pour quoi j'ai été condamné ?! »
Le vent froid de fin d'après-midi soufflait sur le quai. Le ferry était parti depuis suffisamment longtemps pour que les lumières puissantes de ses projecteurs de pont se soient même plus visibles dans la brume. Peut-être avait-il déjà transplané.
Drago et Potter étaient seuls sur l'embarcadère branlant depuis longtemps. Ils se disputaient tout de même à voix basse, de peur que leurs paroles puissent être surprises par d'autres.
« Tu ne l'as pas vraiment torturé, tu te moques de moi ?
– Tu n'as vraiment aucune idée de ce qu'il s'est passé à Poudlard pendant ta petite cavale de septième année ? »
Potter était agité : Il ne tenait pas en place, il avançait, reculait, serrait les poings, puis fourrait les mains dans ses poches avant de les sortir à nouveau, pour faire de grands gestes frustrés…
« Je savais qu'il avait été torturé par les Carrow, mais pas par toi !
– Et bien, surprise, Potter : Une nouvelle brigade inquisitoriale a été montée, j'en suis évidemment devenu le délégué, et notre travail consistait principalement à attraper les éléments perturbateurs dans le genre de Londubat pour les punir. Et on ne s'amusait pas à enlever de foutus points de maisons ! »
Potter se prit le crâne à deux mains. « Putain, me dis pas que tu as lancé des Doloris à Neville !
– Évidemment que j'ai lancé des Doloris à Londubat ! On était en guerre, Potter ! J'ai fait ce qu'on m'ordonnait !
– Mais du coup, t'avais pas vraiment le choix, pas vrai ? »
Les yeux de Potter étaient suppliants. Pourtant, Drago ne voulut pas lui mentir :
« On a toujours le choix. Certains d'entre nous ont désertés ou ont refusé. Pas moi. J'ai choisi d'obéir. »
Drago détourna le regard. La vue d'un Potter aussi dévasté était insupportable.
La première fois n'avait pas vraiment ressemblé à une séance de torture : Alecto Carrow avait présenté ça comme une espèce de cours bonus, et Drago avait été enthousiaste à l'idée d'apprendre un nouveau sortilège. Et puis Londubat et sa bande venaient de mettre une sacrée pagaille dans les vestiaires de l'équipe de Quidditch de Serpentard : Drago avait beau avoir été soigné, il avait encore l'impression de sentir les furoncles lui brûler le visage. Il avait lancé le premier Doloris avec rage, et la surprise de voir le sortilège fonctionner de manière aussi rapide, aussi facile, et aussi efficace l'avait galvanisé au point que les deux suivants avaient été murmurés presque avec amour.
La deuxième fois, il avait un devoir de potion à rendre, et ça avait davantage ressemblé à une corvée.
La troisième fois, c'était son tour d'apprendre à de jeunes condisciples à lancer le sortilège. Ça avait été affreux : Certains élèves étaient si peu doués que les sorts rebondissaient sur les murs et touchaient la mauvaise cible, ou remontait le long de la baguette pour frapper l'invocateur.
La quatrième fois, il s'était échappé en prétendant un mal de tête. Il avait quand-même eut le temps d'entendre les cris.
La cinquième fois, il n'avait pas réussi. Il venait de changer de Baguette. Elle n'agissait pas comme il le fallait.
Il avait été puni.
La sixième fois, il avait donc fait de son mieux, et ça avait été la pire de toutes. Quand il s'était rendu compte qu'il pleurait en lançant son sort, qu'il pleurait à l'unisson de sa victime, il avait d'abord fait sauter le lustre pour plonger la pièce dans le noir, puis il avait provoqué une explosion dans le couloir pour pouvoir accuser les membres de l'AD d'avoir créé une diversion. Avant de sortir en trombe à la poursuite de fuyards imaginaires, il avait lancé un Diffindo en direction de Londubat, en espérant que le sort coupe ses chaînes et qu'il puisse s'enfuir. Ou bien qu'il lui coupe la gorge et que les cris s'arrêtent.
« Tu sais que les parents de Neville ont perdu la raison à cause de ce sortilège, n'est-ce pas ? demanda Potter avec une voix brisée.
– A l'époque, je l'ignorais, indiqua Drago sans le regarder. Je ne l'ai appris qu'à mon procès. Et si tu veux savoir si ça aurait changé les choses que je le sache plus tôt, la réponse est non. J'ai fait ce qu'on attendait de moi. J'ai été loyal.
– Est-ce que tu regrettes, au moins ? »
Sans ces sortilèges impardonnables, Drago n'aurait jamais été enfermé à Azkaban.
L'avocat de Narcissa Black Malfoy l'avait présenté comme un pauvre adolescent manipulé par des puissances supérieures, comme une victime dans l'affaire. Heureusement, son père, qui était présent dans le box des témoins, lui avait adressé un hochement de tête éloquent, et Drago avait su qu'il fallait à nouveau clamer son allégeance au Seigneur des Ténèbres.
Drago n'était pas une victime. Drago avait fait un choix. On pouvait lui ôter sa baguette, son honneur, sa liberté, mais on ne pourrait pas lui enlevé qu'il avait fait un choix, qu'il était maître de son destin.
Avec ou sans ces sortilèges impardonnables, Drago aurait fini enfermé à Azkaban.
Regrettait-il d'avoir torturé Londubat et ses camarades ? Si l'on considérait que ce n'était pas cela qui l'avait conduit derrière les barreaux, alors la réponse était simple.
« Oui. C'était un enfant, comme nous. On aurait juste dû l'enfermer. Mais ne pas lui faire de mal. »
Le silence revint sur l'embarcadère.
Au moins… Au moins, Londubat s'en été sorti. Il avait surmonté tout cela. Il était en couple avec la Sorcière la plus merveilleuse que Drago connaisse, et ils allaient avoir un enfant. Un petit bébé aux cheveux blonds et aux yeux bleus, comme ses parents. Il, ou elle, allait être magnifique, à n'en pas douter. Et heureux. Avec de tels parents, l'enfant ne pourrait qu'être heureux et épanoui. Il faudrait envoyer un cadeau de naissance. Ou pas. Drago n'était pas un ami de la famille, et il n'en avait donc pas vraiment le droit. Il pourrait peut-être influencer le choix de Potter, en revanche. Ce serait un peu comme si le cadeau venait en parti de lui. Non, c'était une pensée égoïste. Laisser l'enfant tranquille.
« Est-ce que tu t'es excusé ? » demanda Potter au bout d'un moment.
Drago ne put s'empêcher de ricaner tant la suggestion était ridicule et insultante.
« Je veux que tu lui écrives, dès demain, pour t'excuser, ordonna Potter d'une voix sévère.
– Je ne ferais pas cela, Potter. Ce serait hypocrite.
– Ça n'a rien d'hypocrite si tu regrettes vraiment !
– Ça ne ferait que soulager ma conscience. Lui s'en ficherait bien ! Est-ce que tu dormirais mieux si mon père t'envoyait une lettre d'excuses ?! Même sincère ?! »
Cette fois, il regarda Potter. Celui-ci le fixa un moment, puis soupira et détourna les yeux à son tour.
« Ce serait humiliant, expliqua Drago à voix basse. C'est à lui de décider s'il veut recevoir des excuses de ma part. Pas à moi. Il se sentirait forcé d'accepter. S'il n'y arrive pas, il pourrait en souffrir. Encore. »
Potter soupira à nouveau. Les derniers rayons de soleil avaient disparu à l'horizon. La soirée tombait déjà et, sous ses latitudes, elle ne durait jamais longtemps. La nuit arrivait déjà, avec son air glacial et le bruit doucereux des créatures qui se réveillaient uniquement à cette heure-là. Quelques chauves-souris s'échappèrent d'un toit.
« Dis-moi ce que tu as fait d'autre, demanda Potter.
– Tu n'as vraiment pas lu mon dossier ?
– Non. Il y a trois ans, je m'en moquais complètement. On t'avait déjà sauvé la vie deux fois, et tu continuais à clamer que tu étais dans le camp des Mangemorts dès que ça pouvait t'arranger. Franchement, j'avais d'autres trucs à faire que de suivre chaque procès. Et quand je suis arrivé ici et qu'on a commencé à… se fréquenter… » Potter haussa nerveusement les épaules en se mordillant les lèvres. « J'en sais rien, je me suis dit que ça serait… inconvenant… de fouiller comme ça dans ton passé. Je voulais pouvoir te juger sur ton comportement présent. Pas sur ce que tu avais pu faire avant. »
Drago serra la cape autour de lui. La cape de satin gris qui ne réchauffait rien. Drago l'aimait bien. Elle n'avait jamais connu une lessive, et conservait donc l'odeur de Potter au niveau du col.
Il récita :
« Londubat, Abbot, les frères Crivey, et Macmillan chez les élèves. Et puis Rowle, Hibbon et Carrow chez les Mangemorts. Doloris et Diffindo. J'ai dénoncé Smith, Boot et Montague. Montague est mort par ma faute. Et Crabbe aussi.
– Crabbe n'est pas mort par ta faute. C'est son propre Feudeymon qui l'a tué.
– Crabbe m'a suivi dans la Salle sur Demande, précisa Drago en haussant les épaules. Sans moi, il serait encore vivant. »
Ou plus probablement, il aurait fini comme Gregory. Vincent avait probablement eu une mort moins douloureuse que celle de leur troisième acolyte. Peut-être que Drago aurait dû abandonner le corps inconscient de Gregory au Feudeymon. Il aurait disparu sans aucune souffrance, et Drago aurait pu prétendre devant son père qu'il était mort en héro.
« Et tu as pris cinq ans, c'est ça ? demanda doucement Potter.
– Plus huit mois, précisa Drago. A cause de mon mauvais comportement.
– D'accord. »
Drago commença à claquer des dents, et enfouit le bas de son visage dans le col parfumé où il prit une grande inspiration. Potter vint l'envelopper dans les plis de sa propre cape, et l'odeur se fit plus forte, la chaleur plus agréable, le vent piquant disparut.
Drago serait resté là des heures.
« Okay, je… marmonna Potter. Je suis un immonde connard. J'aurais jamais dû vous laisser juste à deux comme ça. Il faut que… Que j'arrête d'agir sans réfléchir, que je me renseigne plus sur les gens avant de prendre des décisions qui les concernent, et… »
Il laissa ses mots mourir… Drago enchaîna donc :
« J'aurais dû te questionner quand tu as dit son prénom. Je n'avais pas fait le rapprochement avec Londubat. Je n'ai pas pensé qu'un type comme lui pouvait devenir Auror. J'ai été idiot, moi aussi.
– Et… Quand tu te décideras à me donner les noms de ceux qui t'ont agressé, je… » Potter parlait difficilement, comme si chaque mot lui coûtait. Drago redressa la tête pour voir son expression, mais il faisait trop sombre pour distinguer quoi que ce soit. « Je tâcherai de me souvenir que cette histoire te concerne toi en priorité, et que… Je ne dois pas… me venger comme si c'était moi qui avais été touché. On… en discutera. »
·
Le weekend passa plus agréablement que le précédent.
A chaque fois que l'angoisse de voir Potter partir commençait à poindre, et Drago à agir comme un imbécile, Potter l'interrogeait sur la nourriture moldue à emporter qu'il lui fallait dénicher pour lui faire plaisir. Drago se rendait compte de son comportement avant que les choses ne dérapent, et il parvenait à se calmer.
Une seule fois, il hurla de plus belle : « Arrête ! Arrête de changer de sujet et d'éviter le problème !
– D'accord. Dis-moi quel est le problème, alors ? »
Drago parvint à le convaincre de ne pas partir chaque lundi. Chaque semaine, d'accord, mais pas chaque lundi. Le mardi parfois, pour ne pas avoir un emploi du temps trop régulier. Les détenus ne devaient pas pouvoir prévoir ses absences. Potter accepta.
Ils dormirent ensemble chaque nuit. Face-à-face. Ils dormirent mal. Dans son sommeil, Drago repoussait Potter à bout de bras et se tendait en arrière pour pouvoir respirer un air frais. Le matin, il était encore plus mortifié que Potter de ce comportement, et il se jetait sur ses lèvres pour les rassurer tous les deux.
Granger reçut l'horloge le dimanche. Drago était occupé à commander de nouveaux manuels de botanique, ainsi – une horreur – qu'un ouvrage recensant toutes les espèces et sous-espèces d'hippogriffes pour savoir lesquels seraient le mieux adapté à la vie sur l'île, quand les flammes turquoise jaillirent. La Née-Moldue appela Potter avec tant d'empressement que Drago crut qu'il y avait un problème. Il surgit au milieu du cours de Patronus en provoquant un remue-ménage parmi les élèves, et en ramena Potter qui ne montra aucun signe de panique mais se dépêcha d'obéir. Son fou-rire quand il réalisa qu'il n'y avait aucune urgence fit brûler de honte le visage de Drago. Rapidement toutefois, la gentille moquerie se dirigea vers la nouvelle propriétaire de l'engin, et ses réactions stupidement adorables :
« Oh par Merlin, ça fonctionne Harry ! Ron est dans le salon ! Ron est dans le salon !
– Ma chérie, je suis là, grinçait alors une voix peu lointaine. Tu n'as pas besoin de l'horloge pour le savoir puisque…
– Tais-toi, Ron ! Va dans le jardin, va dans le jardin ! Oh Harry ! Ça fonctionne ! Ron est dans le jardin ! »
Plus tôt, ce jour-là, Drago avait véritablement eu peur. C'était peut-être pour cela qu'il avait tant surréagi devant les exclamations de Granger :
Il prenait tranquillement son dessert sur le balcon avec les albatros. Il cherchait un nom pour l'un d'entre eux. Un individu particulièrement gracile, un peu plus élégant que ses congénères. L'exploit de Vif-Eclair ne s'était jamais reproduit, et aucun oiseau n'avait accepté d'être prénommé par le détenu. Il avait proposé des noms d'étoiles, de fleurs, de pierres précieuses et en était à réciter des noms de rois et de reines, d'empereurs, d'impératrices, de souverains… L'albatros l'ignorait sciemment.
Et puis d'un coup, tous les oiseaux en même temps avaient relevé la tête et fixé un point sur l'horizon. Ensuite, ils avaient claqué du bec et l'avaient chassé du balcon en lui frappant les jambes.
Puis ils s'étaient recouchés tranquillement.
Drago avait paniqué, mais il s'était calmé. Il n'y avait que six albatros sur le balcon. Six était un chiffre normal. Quand le Détraqueur rodait, ils étaient une douzaine en permanence. Et puis là, ils étaient silencieux. Quand le Détraqueur avait attaqué, ils avaient caqueté comme des malades.
En bref, ils avaient peut-être juste aperçu un animal vaguement menaçant mais ne représentant en réalité aucun danger pour un humain : Un aigle marin, un pétrel géant, un phoque…
Parler de cette brusque bouffée de crainte alors qu'il venait de se donner en spectacle avec Granger, et qu'il venait de passer deux jours à trembler à l'idée du départ de Potter aurait été ridicule, aussi garda-t-il le silence.
Même quand il nota que le soir venu, les albatros étaient désormais sept.
