Bonjour à tous ! Toujours merci à vous de lire et suivre cette traduction.
Pour les anonymes : merci également et je promets que je publierai un peu plus rapidement quand je serai arrivée presque au bout de la traduction. Pour le moment, je joue avec 10 chapitres d'avance et ce n'est pas si confortable - car je sais que mes fins d'année sont toujours très chargées en perso et au boulot ;)
En tous les cas, je garde le rythme et vos encouragements me motivent ! Bonne semaine et à dimanche prochain.
Chapitre 18 : Plus de questions, plus de réponses
Severus observa Granger traverser la cuisine jusqu'à sa chaise. Un bruit de porcelaine brisé attira son regard vers le sol éraflé. Il fronça les sourcils légèrement, avant d'être frappé par ses souvenirs : il sentit ses joues rougir jusqu'à être brûlantes de honte. Mortifié par sa perte de contrôle, à la fois sur son comportement et sa magie, il pencha la tête en avant. Ses cheveux glissèrent vers l'avant et cachèrent son visage au regard particulièrement acéré de la jeune femme. C'était déjà assez mauvais qu'elle l'ait vu perdre le contrôle. Elle n'avait pas besoin de voir en plus sa mortification.
Il avait beau se moquer des Gryffondors et leur émotivité à fleur de peau, il était conscient de ses propres défauts et faiblesses. Son caractère l'avait conduit à perdre le contrôle de lui-même et c'était inexcusable. Il n'avait plus eu de poussée de magie accidentelle depuis que le Directeur lui avait annoncé l'embauche de Lupin au poste de professeur de Défense. Et encore, à l'époque, il avait réussi à se contenir jusqu'à ce qu'il soit rentré dans ses appartements.
D'avoir perdu le contrôle en de telles circonstances et devant elle était inexcusable. Avec ses interactions presque quotidiennes avec le Seigneur des Ténèbres, il ne pouvait se permettre le moindre écart, la moindre faiblesse. Sa vie, et plus que sa vie, reposaient sur sa capacité à se contenir et à garder des secrets.
Il sortit sa baguette et fit un large geste pour nettoyer le désordre. Peut-être qu'il était temps de demander à Albus quelle potion ou quel sort ce vieux manipulateur avait utilisé pour lui, pour lui permettre de dormir. Il était évident qu'il perdait pied.
Une douleur sourde palpitait derrière es yeux et il se résigna à embrasser la nouvelle responsabilité que la jeune fille avait laissée à ses pieds. Une part de lui se délectait de la confiance dont ses actions avaient témoigné. Elle était venue le voir avec ses inquiétudes. Pas Molly, pas le Directeur, pas même Lupin. Une autre partie de lui aurait préféré qu'elle aille voir l'un de ceux-là. Il résista à pousser un soupir mélodramatique. Avant de pouvoir se reposer, il devait discuter avec la fillette.
La jeune femme. Hermione Granger.
Il pouvait aussi bien commencer à la nommer par son prénom. Elle était, par son propre choix, liée à lui par les liens d'un mentor et son disciple. Faire référence à elle en la nommant « la fillette », comme si elle était l'un des nombreux idiots décérébrés avec lesquels il devait interagir quotidiennement, n'était pas lui rendre service.
Pour un instant, il se souvint de l'année où il était revenu à Poudlard. Il avait été au moins aussi avide de faire ses preuves auprès d'Albus. Il pouvait encore se souvenir du jour où le vieil homme l'avait appelé « Snape », au lieu de l'appeler plus formellement « monsieur Snape ».
Il regarda la jeune femme assise là, dans l'attente, en pyjama et les cheveux ébouriffés par le sommeil. Elle avait cependant les yeux ouverts, confiants, pleins d'espoir. Que Merlin lui vienne en aide.
Mais pour pouvoir s'occuper de Potter, avant que ça tourne mal et qu'ils finissent tous morts, il avait besoin de son aide et de sa confiance. C'était un pari calculé, bien sûr – une approche Serpentard : Albus l'aurait réprimandé de parler de relations humaines en termes de manœuvres tactiques. Offrir à la fille la courtoisie de la familiarité lui faciliterait la tâche sur le long terme.
Son chemin décidé, il prit la parole.
- Bien, Granger, je crois que vous étiez sur le point de tout me raconter ?
Il cacha son sourire moqueur en voyant ses yeux s'écarquiller légèrement à l'utilisation de son nom seul. Il était plutôt satisfait qu'elle reconnaisse l'importance de ce détail. Il ne se retint plus, cependant, quand elle comprit ce qu'il lui demandait : son regard avait changé et elle avait pâli. Il n'avait pas besoin de la Légilimencie pour reconnaitre les pensées qui la traversaient sur son visage expressif. Les Gryffondors, songea-t-il avec dérision.
- Calmez-vous, Granger. Je me fiche totalement de vos secrets et de vos fantasmes d'écolière. Vous pouvez restreindre vos réponses uniquement à ce qui concerne Potter.
L'expression éclair d'indignation, suivie du soulagement, qui traversèrent son visage confirmèrent ses suspicions. Les enfants sont toujours si sûrs que les autres sont intéressés par leurs petites vies et leurs petits secrets. Comme si une jeune femme de 17 ans pouvait avoir des secrets intéressants.
- Parlez-moi de Potter.
- Je…
Une série de coups sourds au plafond l'interrompirent. Ces bruits furent suivis par un cri hideux qui rappelait des ongles crissant sur un tableau : c'était forcément le portrait de Madame Black. Les premières pensées de Severus furent pleines d'humour noir.
Ne puis-je pas avoir un répit ? Le Destin me déteste-t-il tant que ça ?
Avant même que les bruits du plafond ne s'éteignent, il s'était levé.
- Les autres personnes dans la maison vont se lever. Et comme je préfèrerais ne pas souffrir de la fausse hospitalité de vos compatriotes, nous continuerons cette discussion à un moment plus opportun.
Granger s'était également mise debout, le regardant comme s'il possédait les réponses à toutes les questions du monde
Merlin. Ai-je déjà été si jeune et si confiant ?
Elle le faisait se sentir vieux et fatigué, ce qui provoqua son ton grincheux.
- Je suppose que vous êtes capable de garder vos soupçons pour vous jusqu'à notre prochaine rencontre ?
- Bien sûr, professeur.
Une fois de plus, il vit l'éclair d'indignation la traverser, mais elle resta excessivement polie et respectueuse. Il sourit presque : elle apprenait réellement. Quelques mois plus tôt, elle aurait été furieuse et écumante de rage à ses remarques et son attitude.
Alors qu'on entendait plus de mouvements et de bruits à l'étage, il lui adressa un signe de tête et la laissa dans la cuisine. Il attendrait Kingsley et Lupin dans le parloir. Peut-être que là-bas, il aurait plus de temps pour clarifier ses émotions toujours bouillonnantes, avant de retourner aux côtés du Seigneur des Ténèbres.
Bien qu'elle fut attentive, Hermione ne revit pas le professeur Snape de tout le reste de la journée. Plusieurs membres de l'Ordre étaient venus et repartis du petit parloir à l'entrée de la maison, et leur présence avait attiré l'attention de Ron et Harry. Les Oreilles à rallonge avaient été sollicitées à chaque fois, mais les sorts de Silence lancés sur la pièce la rendait imperméable. Hermione était certaine qu'ils avaient été lancés par le professeur Snape.
A l'heure du déjeuner, toujours pas de professeur. Elle réalisa qu'il était reparti depuis longtemps, probablement pour faire ce qu'il avait à faire pour Voldemort durant les longs mois d'été. Cette pensée la perturbait et elle resta pensive et silencieuse pour le reste de la journée.
Ne voulant pas infliger son humeur aux autres membres de la maison, elle se réfugia dans la bibliothèque, où elle avait trouvé un livre fascinant sur diverses propriétés des créatures magiques. Elle ne sortit pas, jusqu'à ce qu'elle entende un bruit de chute et des cris dans le couloir de l'entrée, annonçant la visite quotidienne de ce qui ne pouvait être que Tonks.
Hermione soupçonnait que ces visites étaient liées à un certain loup-garou, mais le fait de profiter de la nourriture maison de Mme Weasley était un plus auquel Tonks ne disait jamais non. Personne d'autre non plus, d'ailleurs.
Tonks était la factrice officielle de tous ceux qui étaient enfermés derrière les murs protecteurs du 12, square Grimmaurd. Elle venait les bras chargés de lettres, de colis, de sacs de nourriture pour madame Weasley et de plusieurs journaux, comme la Gazette du Sorcier, le Chicaneur, Sorcière hebdo et le Times londonien.
Monsieur Weasley profitait de la présence captive d'Hermione et Harry pour leur soutirer un maximum d'informations sur le journal moldu. Le Times permettait aussi de donner à tout le monde le point de vue des Moldus sur ce qui se passait et comment ils expliquaient les décès et les dommages causés par les attaques de plus en plus fréquentes des Mangemorts.
Un livre à la main, Hermione sauta de sa chaise et se dirigea vers le hall d'entrée, envoyant sa dignité et le décorum par la fenêtre dans cette course au courrier. Elle passa le coin de la bibliothèque en dérapant légèrement dans le couloir, alors que ses pieds en chaussettes glissaient sur le sol parfaitement poli par Molly Weasley.
A l'étage au-dessus, elle entendit le pas lourd des garçons, alors qu'ils chargeaient pour descendre les escaliers. Etant donné que la vieille bâtisse facilitait la circulation des bruits, il ne fallut pas longtemps pour que la peinture Mme Black se réveille de son sommeil.
- Sangs-de-Bourbe ! Traîtres à leur sang ! Sales bâtards qui profanez ma maison et déshonorez le nom des Black !
Deux secondes après que le portrait ait entamé son habituelle litanie d'insultes et de grossièreté, Molly Weasley ajouta sa propre voix à la cacophonie ambiante.
- Ronald Bilus Weasley ! Harry James Potter ! Je vous ai déjà dit de faire attention à ne pas réveiller cet horrible portrait !
Au milieu de tout ça, Tonks se tenait debout avec un air chagriné, un vase brisé à ses pieds et les bras chargés de colis, de lettres et de rouleaux de parchemin.
En voyant les garçons arriver sur les dernières marches de l'escalier, Hermione fit un effort pour accélérer un peu plus et profita de sa vitesse pour glisser sur les planches lisses du couloir, jusqu'à ce qu'elle soit face à face avec Tonks.
- C'est injuste ! cria Ron, quand Hermione le bloqua efficacement de son épaule, alors qu'il venait de sauter les dernières marches pour atterrir devant Tonks.
Dans l'agitation brouillonne pour récupérer les dernières informations, Hermione attrapa le premier journal en vue et sourit en voyant qu'il s'agissait de la Gazette du Sorcier. Quelques jours auparavant, elle s'était retrouvée avec le dernier numéro de Sorcière Hebdo et s'était fermement ennuyée, jusqu'à ce que monsieur Weasley termine la Gazette.
Elle laissa échapper un cri victorieux très peu féminin et s'éloigna prudemment, alors que tous les autres entouraient Tonks. Quelques minutes plus tard, le chaos se calma et chacun avait pu trouver son bonheur, à l'exception de Ron.
- Pourquoi est-ce que je termine toujours avec Sorcière Hebdo ? râla-t-il.
Le fait qu'il ne relâche pas le magazine dans son poing était juste un signe que tout le monde était affamé de nouvelles sur ce qui se passait en dehors de la maison Black, et ce même si la sorcière blonde de la couverture essayait de chasser les doigts profondément enfoncés dans sa photo.
- Le hasard du tirage, Ron, le consola Remus en lui donnant une tape sur l'épaule.
Ron regarda Hermione avec colère, même si tout le monde pouvait voir qu'elle était feinte.
- Ma chance aurait été meilleure si quelqu'un n'avait pas une épaule aussi pointue.
Hermione lui fit un sourire charmeur et battit des cils, ce qui fit rire Tonks. Harry laissa échapper un reniflement amusé.
Molly tapa des mains pour attirer l'attention de tout le monde et fit l'une des choses qu'elle faisait le mieux : pousser le groupe à bouger à nouveau.
- Tonks, peux-tu essayer de calmer ou rendre la vieille harpie silencieuse ? Remus, aurais-tu la gentillesse de m'aider à porter les courses dans la cuisine ? Ron, Hermione, Harry : le repas sera prêt dans une demi-heure, alors lisez maintenant.
Sur ce, chacun repartit à ses occupations, mais cette fois avec les courriers ou la lecture apportée par Tonks dans les mains.
Hermione retourna dans son fauteuil favori, près de la cheminée de la bibliothèque, puis ouvrit le journal d'un geste brusque. Le titre clignotait en grosses lettres grasses, alarmant. L'article était dominé par une photo d'une maison sorcière modeste, au-dessus de laquelle la Marque des Ténèbres flottait, comme un nuage de fumée grasse dans un ciel bleu immaculé.
UN EMPLOYE DU MINISTERE ASSASSINE PAR LES MANGEMORTS
La terreur a frappé au cœur du Ministère quand Bingley Glossop, sous-secrétaire au Secrétariat des Archives sorcières a été enlevé chez lui, hier après-midi. Madame Glossop, longtemps jardinière de plates rares, a été retrouvée morte dans la maison, partiellement digérée par ses célèbres Géraniums à crocs. Les Aurors qui ont enquêté sur place ont confirmé qu'elle était décédée avant d'être donnée en pâture à ses plantes.
On ne sait pas où se trouve monsieur Glossop, mais il est également considéré comme décédé à ce stade.
La raison de cette attaque par les Mangemorts de Vous-savez-qui est inconnue. Cependant, votre reporter a de sérieuses questions pour le Ministère : que fait-il pour protéger la population sorcière de Grande-Bretagne ? Quelle sorte de protection peut espérer le sorcier moyen, si même les officiels du Ministères sont pris pour cible ? Et enfin, comment cet enlèvement a-t-il pu avoir lieu en plein jour ? Où sont nos Aurors en ces temps de crise ?
La suite de cet article en page 6.
Glossop. C'était le nom de la personne dont le Directeur et le professeur Snape avaient parlé. Glossop, qui était probablement mort. Glossop, qui avait très certainement été un membre de l'Ordre – ou au moins un partisan du réseau d'information de l'Ordre, ces personnes qui leur passaient des informations de ci de là, pour les aider à prendre des décisions.
Qu'avaient-ils dit d'autre, ce soir-là ?
Hermione racla ses souvenirs : elle avait été plus focalisée sur Snape et sa propre angoisse de l'aborder, que sur la conversation. Qu'avait dit Snape ? Elle se mordit fortement la lèvre et fit son possible pour raviver le souvenir.
J'étais stressée, ennuyée, fatiguée… et le professeur Snape et Dumbledore sont sortis de la pièce… Le professeur Snape n'avait pas l'air heureux et il argumentait avec le Directeur à propos de…
Protection !
Elle se redressa brusquement dans son fauteuil, alors que le souvenir se rejouait dans son esprit. Ils parlaient de protection. Le professeur Snape avait dit que Glossop avait besoin de protection. Et le Directeur avait répondu qu'il n'avait pas assez de membres – membres de l'Ordre ou Aurors – pour offrir une protection à tous ceux qui étaient des cibles potentielles.
Un frisson glacé, du même genre que celui qu'elle avait ressenti avec le professeur Snape, courut le long de sa colonne vertébrale et lui donna la chair de poule. Le professeur avait dit que Glossop aurait eu besoin de protection. Au passé.
Ses yeux revinrent à l'article et elle vérifia la date des décès des Glossop, avec un sentiment de terreur. C'était le même jour que quand elle avait parlé avec Snape. Il avait été là. Peut-être qu'il avait même tué Glossop et sa femme. Des larmes lui montèrent aux yeux. Elle cligna avec fureur : elle ne voulait pas pleurer, mais plusieurs grosses larmes tombèrent sur le journal, toujours posé sur ses genoux.
Pleurait-elle pour les Glossop, deux victimes de plus de la folie de Voldemort, ou pleurait-elle pour le professeur Snape et ce qu'il avait fait ?
Elle frissonna une nouvelle fois. C'était le genre d'homme auquel elle s'était volontairement associée. Est-ce qu'elle voulait vraiment ça ? C'était vraiment l'homme à qui elle faisait confiance pour aider Harry ?
Elle regarda la Marque des Ténèbres, tellement visible sur la première page du journal. Snape était dangereux. Mortel même. Pourtant, elle se souvenait de la tristesse dans ses yeux, cette nuit-là : ce qu'avait dû faire Snape l'avait visiblement affecté.
Elle se leva et se frotta les bras, pour se réchauffer. Il était temps de réfléchir, de penser. Et elle percevait toute l'ironie de cette pensée.
Finalement, Hermione réaffirma sa décision de travailler avec le professeur Snape. Ce n'était pas comme si elle avait ignoré qu'il avait lancé des sorts Impardonnables. Elle le savait. Mais savoir et être confrontée à des preuves était différent et l'avait un peu secouée. Elle avait dû une fois de plus réévaluer l'image plutôt simple qu'elle avait de son professeur.
Plus elle en découvrait sur lui et plus elle était intéressée pour en découvrir plus. Il était sarcastique, rude et n'avait aucune patience avec son entourage, certes, mais ce n'était qu'une fine couche de sa personnalité. Il était aussi évident qu'il était un homme dur et dangereux. En fait, elle était à la fois fascinée et effrayée. Elle se demanda si le Directeur était capable d'apprécier réellement le fait que le professeur Snape se soumette à son commandement et ses ordres volontairement.
Une fois ou deux, elle se demanda même ce que ça ferait, d'être une personne à qui le professeur Snape donnait librement sa loyauté.
C'est ainsi que ses pensées continuèrent à tourner autour de Snape. Des pensées de plus en plus sombres, à mesure que les rapports de décès dans les mondes magique et moldu augmentaient, et d'autant plus sombres que Snape était constamment absent du square Grimmaurd.
Hermione tint sa résolution de garder la bouche fermée et les yeux et les oreilles ouverts. Elle avait découvert que c'était le meilleur moyen de déterminer ce que les autres membres de l'Ordre savaient de ce qui se passait dans le reste du monde. De temps en temps, elle entendait une bribe d'information qui mentionnait Snape, mais rien pour apaiser ses craintes.
Elle utilisait les Oreilles Extensibles avec les garçons, mais l'Ordre avait toujours le réflexe de se protéger de leurs tentatives d'espionnage lors de leurs réunions. Une fois, elle s'était assise avec Harry en haut des escaliers, pendant qu'une réunion de l'Ordre avait lieu dans la bibliothèque, mais ils n'avaient une fois de plus rien appris d'utile. Et Harry était resté silencieux et renfermé.
Elle avait découvert, par accident, qu'elle n'avait même pas besoin d'écouter les conversations des autres en cachette. Si elle restait assise dans son fauteuil, les yeux fixés sur un livre, les adultes de l'Ordre avaient tendance à parler librement devant elle, assurés qu'elle était tellement absorbée dans sa lecture, qu'elle était imperméable au monde extérieur.
Justement, elle était assise dans la bibliothèque lugubre, les pieds calés sous les fesses et un énorme livre moisi sur les genoux. Elle lutta pour retenir un sourire obséquieux - comme ceux que Malfoy pouvait lancer habituellement - alors qu'elle écoutait Tonks et Maugrey discuter des problèmes de sécurité grandissants au sein de l'Ordre.
En s'assurant de continuer à tourner les pages à intervalles réguliers, elle se demanda si c'était de cette manière que le professeur Snape récupérait une partie de ses informations. Il était facile de l'imaginer assis en silence, récoltant toute sorte d'informations.
Il pourrait être assis dans une sorte de bar miteux, avec un plafond bas, des ombres dans tous les coins et de la fumée épaisse flottant dans l'air. Les seules lumières viendraient des bougies sur les tables, luttant et perdant contre l'obscurité ambiante. Quelques clients douteux, la capuche relevée pour cacher leurs visages, seraient assis à ces tables tâchées par des siècles de saleté et de boissons renversées.
Le professeur porterait ses habits noirs habituels, mais il porterait ce manteau de voyage élégamment coupé qu'elle l'avait parfois vu porter en dehors de ses robes de professeur. Il aurait la tête nue, mais ses cheveux glisseraient sur ses joues pour cacher ses yeux du reste de la pièce.
Perdue dans son imagination, Hermione ferma les yeux pour mieux se concentrer sur les images qu'elle créait. Elle décida que sur la table, devant lui, la bougie éclairerait un livre épais – un vieux livre, mais pas trop rare, pour ne pas risquer de le salir avec la saleté du bar. Il aurait un verre de Whisky pur feu. Elle avait d'abord imaginé un verre de cristal épais, mais ce genre de bar aurait plutôt de simples verres ébréchés.
Il serait concentré sur son livre, ou du moins, c'est ce que tout le monde croirait. Ils bavarderaient ou murmureraient entre eux, se vantant de choses qu'ils devraient taire, racontant aux autres qu'ils n'avaient pas peur de cet homme qui lisait silencieusement contre le mur. Et pendant ce temps, le professeur les écouterait pour se souvenir de tout ce qu'ils disaient.
Puis, après un moment où il n'aurait rien fait d'autre de menaçant que lire, un client courageux – ou téméraire – et alcoolisé se lèverait de l'autre côté de la pièce, poussé par un courage liquide et les encouragements de ses acolytes. Il tituberait dans l'ombre jusqu'à son professeur, et Snape – les lèvres d'Hermione s'incurvèrent dans un léger sourire, les yeux toujours fermés – Snape ne prononcerait pas un mot.
Il lèverait simplement la tête et lui lancerait Le Regard. Celui qui poussait les Serdaigles à se plonger la tête dans leurs livres, qui faisait pleurer les Poufsouffle, trembler des Gryffondors courageux et celui que tous les Serpentards tentaient d'imiter, avec des résultats plus ou moins risibles.
Ensuite, viendrait le ricanement. Et…
- Hé, Hermione, tu es réveillée ?
Hermione ouvrit les yeux en sursautant, rattrapant par réflexe le livre qui commençait à glisser de ses genoux.
- Je ne voulais pas te faire peur, lui dit Tonks en souriant avec bonhommie.
Elle lui tendit une lettre avec un timbre moldu.
- Je voulais juste te donner ça. J'avais oublié que je l'avais mis dans ma poche de manteau, tout à l'heure, c'est pour ça que je ne te l'ai pas donné pendant la mêlée habituelle de remise du courrier. J'ai maintenant un grand respect pour les chouettes, dit-elle en secouant la tête, perplexe. Ils méritent bien toutes les friandises que leur petit cœur désire.
Hermione reconnut l'écriture soignée de sa mère et prit la lettre en murmurant un « merci ». Curieuse de savoir ce que sa mère avait à raconter, Hermione ouvrit immédiatement l'enveloppe et fit glisser la lettre dans la paume de sa main.
Ma très chère Hermione,
Je t'envoie cette lettre par l'intermédiaire des Weasley, dans l'espoir qu'elle te parvienne. Eux au moins ont une adresse postale. Tu sais, il est peut-être vraiment temps que tu investisses dans ta propre chouette. Je ne sais pas ce que nous pourrions raconter aux voisins, ou au curieux Mr Peterson en bas de la rue, mais ce serait tellement plus facile pour communiquer avec toi. D'autant plus qu'une fois ton diplôme en poche, j'imagine que tu passeras de plus en plus de temps dans le monde magique… Mais je digresse.
Ton père et moi allons bien. Nous avons prévu de nous rendre à une conférence de dentistes à Strasbourg, le mois prochain. Ton père a vraiment hâte d'y être.
Hermione sourit pendant sa lecture. Elle était heureuse – et un peu soulagée – que ses parents soient hors d'Angleterre pour un petit moment. Surtout avec Voldemort qui était de plus en plus violent. Elle n'avait jamais raconté à ses parents les aventures qu'elle avait vécues avec Harry et Ron ces dernières années. Et maintenant, après tant de temps et tant de secrets, elle ne savait plus comment leur expliquer la situation. Mais s'ils quittaient le pays quelques temps, ce serait une inquiétude de moins.
Elle devrait se souvenir de prévenir Tonks ou Maugrey de ne plus faire surveiller ses parents par les Aurors pour le moment. Au moins, ça libérerait des gens pour surveiller d'autres cibles potentielles. Une fois sa note mentale bien mémorisée, elle retourna à sa lecture.
Mais, ma chérie, ce n'est pas la raison pour laquelle je t'écris. Cette lettre concerne ton petit ami à larges oreilles. Je tairai son nom, puisque tu nous as laissé entendre qu'il pourrait avoir des ennuis pour ses… activités extra-scolaires, dirons-nous. Je sais que tu pensais qu'il retournerait à sa maison une fois que tu nous laisserais, mais ce n'est pas le cas. Et bien que j'apprécie avoir des scones aux framboises maison tous les matins, je n'ai vraiment pas envie qu'il ait des problèmes.
En fait, on a eu une agréable conversation l'autre soir.
Hermione laissa échapper un rire. L'image de sa mère et de Rink, assis pour une discussion autour d'un thé, l'amusait beaucoup.
Savais-tu que je peux faire appel à lui, comme toi, même si je suis Moldue ? Ton ami dit qu'il a juste à m'écouter activement. Je n'ai pas totalement compris ses explications, vu que je n'ai aucune idée de la manière dont on peut écouter activement quelqu'un à plusieurs kilomètres. Sans compter qu'il a tendance à digresser un peu. Il me rappelle un peu ton grand-oncle Dennis. Maintenant que j'y pense, Dennis avait aussi de très grandes oreilles et l'habitude – l'obsession même – de toujours tout nettoyer derrière ta grand-tante Dorothea.
Et maintenant, c'est moi qui digresse. Je voulais juste te tenir informée de la situation, au cas où ça poserait des problèmes.
Dis-moi que tout va bien pour toi. Il se passe des choses étranges et horribles en Angleterre, cette année. Je m'inquiète pour toi.
Maman.
Ouh... Je crois entendre quelques grognements de frustration à cause de l'interruption de leur conversation ^^ Je me trompe ? N'hésitez pas à laisser un mot en partant !
Et ne vous inquiétez pas, ce chapitre cadre l'ambiance, mais le prochain reprend l'action et il est beaucoup plus long ;) A la semaine prochaine
