Depuis qu'elle avait intégré la deuxième division, Karin ne se souvenait pas de la dernière fois qu'elle avait eu une soirée de libre. Ainsi, lorsque l'occasion se présenta, elle décida de se balader dans les rues du Seireitei.
Cela ne faisait pas très longtemps qu'elle était arrivée à la Soul Society, trois mois tout au plus et à la suite d'un tragique accident dont elle ne voulait plus entendre parler. Ainsi, elle ne connaissait pas encore grand-chose de son nouveau monde. Bien sûr, son frère et ses amis l'avaient accompagné du mieux qu'ils pouvaient dans cette nouvelle vie mais un temps d'adaptation était tout de même nécessaire.
Après plus d'une heure de balade à contempler la ville de nuit, elle se rendit compte que ses pas l'avaient amené aux portes de la dixième division. Elle ne se fît pas l'offense de se demander pourquoi son inconscient l'y avait amené mais elle profita de l'occasion pour entrer.
A l'heure qu'il était, elle ne s'imaginait pas croiser grand monde mais elle était certaine qu'il serait là. Parce qu'il travaillait toujours jusqu'à des heures inimaginables.
Lorsqu'ils s'étaient rencontrés dans le monde réel et lors des quelques fois où ils avaient disputé des matchs de foot ensemble, elle était loin d'imaginer les nombreuses responsabilités qui lui étaient confiées. Le mot "capitaine" ne lui faisait d'ailleurs pas sens à ce moment-là. Aujourd'hui qu'elle avait intégré son monde, elle en mesurait toute la portée. Elle comprenait mieux pourquoi il avait du mal à libérer du temps pour venir la voir en ce temps et elle se félicita de ne jamais le lui avoir reproché parce qu'il était certain qu'aujourd'hui, elle aurait été remplie de culpabilité.
Même si Tôshiro se plaignait sans cesse de la tonne de travail qu'il avait, elle savait très bien qu'il était plus qu'heureux de ses responsabilités.
Ce n'était pas la première fois qu'elle venait à une heure aussi tardive lui rendre visite et elle était même heureuse de penser que ça allait devenir une habitude.
Une fois entrée, elle se dirigea jusqu'au bureau du jeune capitaine et ouvrit la porte derrière laquelle elle pensait le trouver. Mais cette fois, c'est une Matsumoto endormie, une bouteille d'alcool à la main, qu'elle surprit étalée de tout son long sur le canapé au fond de la pièce.
Karin entra sur la pointe des pieds et vit qu'une feuille traînait au sol. Quand elle la ramassa elle ne put s'empêcher d'y jeter un coup d'oeil en reconnaissant l'écriture de Tôshirô.
"Je reviens d'ici une heure, tu as intérêt d'avoir trié ces rapports par ordre d'importance et par catégorie".
En avisant le désordre dans la pièce, la jeune fille fut prise de pitié pour la lieutenante. De toute évidence, elle n'avait pas fini, si ce n'est commencé, et allait se prendre une soufflante dont elle se souviendrait. Appréciant énormément la jolie jeune femme, elle se décida à lui filer un petit coup de pouce.
Grâce à son organisation et à sa rapidité, cela ne lui prit pas plus d'une demi-heure. Quelques minutes après qu'elle eut fini et qu'elle ait prit place aux côtés de la lieutenante sur le canapé, du bruit se fit entendre derrière les portes.
Il arrivait.
Elle ne put empêcher les battements de son coeur de s'accélérer. Elle ressentait toujours cette joie et cette impatience à l'idée de le revoir et aujourd'hui ne faisait pas exception. Il n'était d'ailleurs pas faux de dire que ses sentiments s'amplifiaient tous les jours un peu plus.
Lorsque Tôshiro pénétra dans la pièce, c'était comme s'il était surpris de la voir. Les choses ne tendaient pas à être aussi habituelles qu'elle le pensait finalement.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- Tu veux que je m'en aille ?
- Je n'ai pas dit ça. Mais c'est ta première soirée tranquille depuis quelque temps, je pensais que tu en profiterais.
Elle sourit à ses paroles.
- Comment tu sais que j'ai ma soirée ?
- Il n'y a rien que je ne sache pas, lui répondit il d'un sourire énigmatique avant de jeter un coup d'oeil réprobateur à sa lieutenante qui ronflait.
- Ne sois pas trop dur avec elle.
Il lui répondit par un regard qui voulait dire "je vais me gêner" avant de crier le nom de Matsumoto.
Cette dernière se réveilla en sursaut.
- Oh capitaine, vous êtes déjà revenu ? Mais vous aviez dit une heure, je..
Elle s'arrêta de parler après avoir balayé la pièce du regard. De toute évidence, le fait qu'elle ne soit pas comme elle l'avait laissé en s'endormant la faisait remettre beaucoup de choses en question. A commencer par la quantité d'alcool qu'elle avait ingéré. Karin l'imagina en train de compter le nombre de verre qu'elle avait pris et qui pouvait être responsable de son trou de mémoire. Comment pouvait elle avoir oublié qu'elle avait effectué son travail ? La jeune Kurosaki réprima un rire à cette pensée avant de venir à son secours :
- Rangiku tu ferais peut-être mieux de rentrer te coucher tu ne crois pas ?
- Euh oui c'est peut-être une bonne idée. Bonne nuit et ne faites rien de bizarre tous les deux !
Les deux concernés, gênés, hurlèrent le prénom de la rousse mais c'était trop tard, elle avait complètement disparu.
- J'espère que tu regrettes d'avoir fait son boulot à sa place. Dit Tôshiro d'une voix mi-embarrassée, mi-moqueuse.
- Qu'est-ce qui te fait dire que c'est moi ? Répondit la jeune fille d'un air perplexe.
- De un, Matsumoto ne fait jamais son travail, de deux, s'il lui arrivait de le faire, elle ne ferait pas plus que ce qui est demandé.
Karin répondit un "tsss" agacée par sa perspicacité pendant que Tôshiro s'installait derrière son bureau. Il se décala légèrement, comme il commençait maintenant à en prendre l'habitude, afin qu'elle puisse s'y attabler aussi et elle descendit du canapé pour le rejoindre.
Elle lui demanda ensuite si elle pouvait l'aider.
- Tu m'as déjà pas mal aidé. Tu devrais rentrer et en profiter pour te reposer.
- C'est la deuxième fois que tu sous-entends ne pas vouloir de ma compagnie. Je vais finir par me vexer le taquina-t-elle.
- Je voulais t'empêcher de passer une soirée ennuyante mais puisque tu cherches la guerre.
Il transféra de son côté une pile de document alors qu'une veine apparaissait sur son front.
- Oh non, pas des réclamations. T'es dur là !
Elle ponctua sa phrase d'une fausse moue boudeuse.
Alors qu'ils travaillaient tous les deux côtes à côtes, Karin tomba sur une lettre qui la laissa perplexe, pour ne pas dire soucieuse.
En effet, elle n'était pas sûre d'apprécier le petit coeur qu'elle voyait sur le bord de l'enveloppe.
- Tiens. Une lettre pour toi.
Elle n'avait pas pu empêcher son ton d'être un peu sec.
- Elle dit quoi ?
Il n'avait pas relevé la tête pour lui répondre.
- Je ne sais pas. Je ne l'ai pas ouverte.
- Ouvre là.
- Elle a l'air privée.
Il jeta un oeil sur l'enveloppe et le destinataire avant de reporter son attention sur ses documents.
- Tu peux la lire.
Elle n'allait pas se faire prier davantage.
"Shiro-chan, regarde ce que tu m'obliges à faire. Je suis obligée de t'adresser une lettre de réclamation pour avoir ton attention. Tu travailles vraiment trop ! Est-ce que ça te dirait que l'on passe un moment ensemble demain soir ? Signé, Hinamori".
Karin sentit son coeur louper un battement.
- Si ce n'est pas un rendez-vous, je ne sais pas ce que c'est.
- Elle fait tout le temps ça.
La plus petite des Kurosaki fut prise d'une furieuse envie de déchirer la lettre.
- C'est qui ?
- Comment ça c'est qui ?
- C'est ta petite amie ? Le mot lui arracha la langue.
Il leva la tête de ses papiers et la détailla quelques secondes avant de répondre.
- Une amie d'enfance.
Karin détourna le regard et le posa sur ses feuilles avant de répondre un "ah, d'accord". Elle dissimula aussi bien qu'elle le put sa contrariété et son petit palpitant qu'elle sentait se briser en mille morceaux.
Elle lui tendit ensuite la feuille alors que ses yeux étaient toujours occupés à observer quelque chose à son extrême opposé.
- Tiens, si tu veux lui répondre.
- Je suis occupé, est-ce que tu peux le faire ?
Est-ce qu'il était vraiment en train de lui demander de répondre à son rencard ? Elle sentait comme une envie de lui tordre le cou. Pourtant, elle ramenait déjà le papier vers elle avant de lui demander ce qu'elle devait écrire.
- Que je ne peux pas.
Le soulagement qui s'immisça en elle ne fut pour autant pas aussi réconfortant qu'elle l'aurait aimé.
- Je ne mets rien d'autre ?
- Si tu as une bonne une excuse, je t'en prie.
Elle lui répondit du tac au tac.
- J'en fais mon affaire, pas de problème.
Après avoir fini de rédiger le refus, elle se leva, un sourire satisfait collé au visage.
- Bon, je vais aller me coucher.
Il releva les yeux vers elle lorsqu'elle lui tendit à nouveau la lettre et leur regard se croisa l'espace d'une seconde avant qu'elle ne se détourne et lui balance un bonne nuit en sortant précipitamment.
Tôshiro l'observa quitter la pièce avec hâte avant de parcourir des yeux, la réponse qu'elle avait écrite.
" Je ne peux pas, la fille à côté de moi ne me le pardonnerait pas."
Un sourire ravi prit possession de son visage.
Il ne lui fallut qu'une seconde en shumpo pour la rattraper, la bloquer contre un des murs du couloir et l'embrasser avec passion.
Lorsqu'ils se séparèrent pour reprendre leur souffle quelques secondes plus tard, le détenteur de Hyōrinmaru en profita pour lui glisser à l'oreille :
- J'ai peut-être, accidentellement, oublié de préciser que cette amie d'enfance était ma soeur.
