Chapitre 33
Estonie
6 janvier 1990
Lorsqu'Altaïr quitta enfin l'infirmerie six jours après son admission, il sentit parfaitement tous les regards le suivre alors qu'il traversait le réfectoire. Il s'installa à une table vide dans un coin de la grande pièce, sachant parfaitement que depuis que Juhan ne lui parlait plus, ses amis ne l'accueilleraient plus à leur tablée.
L'Anglais fut surpris de voir Danil quitter le rouquin et transporter son plateau jusqu'à s'asseoir face à Altaïr. Il le détailla un long moment, visiblement inquiet pour lui. Altaïr se tenait droit, le dos crispé alors que chaque respiration tiraillait ses plaies sur sa poitrine. Il n'utilisait que sa main droite pour se nourrir alors que des bandages apparaissaient par moment sous son pull gris.
Altaïr n'aurait pas pensé que Danil soit le premier à s'inquiéter pour lui. L'Estonien n'aimait pas les loups-garous à cause de son passé avec son oncle. Mais Danil semblait réellement se soucier de son état. Il devait savoir, plus que quiconque, à quel point les plaies infligées par le loup était douloureuse et pouvaient être mortel pour le lycanthrope. Son oncle n'avait pas survécu à sa dernière transformation et avait profondément marqué Sõerd.
« Ça va ? »
Altaïr hocha de la tête, massant distraitement son torse là où quatre longues balafres déchiraient sa peau.
« Est-ce que ça ira pour les travaux, avec ton bras ?
- Je vais voyager de groupe en groupe cette semaine pour ne suivre que des cours. Peut-être la semaine prochaine aussi, en fonction de ma cicatrisation.
- Bien. » approuva Danil, soulagé que son ami puisse se reposer un peu plus longtemps.
Les deux garçons mangèrent quelques minutes en silence. Danil se proposant gentiment pour aller chercher du rab au lycanthrope afin de lui éviter de trop bouger. Son souffle s'était fait erratique lorsqu'Altaïr avait fait mine de se lever. Visiblement, l'infirmier aurait dû le garder quelques jours de plus.
« Je suis désolé pour Juhan. Je ne penserai pas que ça irait aussi loin. » s'excusa Danil en se rasseyant.
« Non, tu avais raison. J'ai été stupide de me comporter comme ça avec lui.
- Est-ce que tu es certain que cette situation te va ? » osa timidement demander l'Estonien. « J'ai parfois l'impression que tu ne le regardes pas que comme un ami. »
Altaïr brisa le contact visuel pour trifouiller distraitement son omelette. Il ne savait pas quelle réponse donner à Sõerd. Quelques semaines plus tôt, la réponse aurait été évidente. Juhan n'était qu'un ami, il aimait Venus. Mais maintenant, il n'était plus sûr de rien.
Oui, il aimait toujours Venus, mais moins fort qu'avant et d'une façon différente. Altaïr était toujours fasciné par l'Anglaise et ses dons étranges. Il ressentait toujours un petit tiraillement dans sa poitrine en songeant que plus jamais, il n'aurait l'occasion de gagner son cœur. Mais ce n'était plus aussi douloureux qu'auparavant d'y penser.
D'un autre côté, il y avait Juhan. Juhan qu'il avait appris à connaître et apprécié au fil des mois. Il était la personne dont il était le plus proche, hormis Remus. Parfois, Altaïr se sentait plus à l'aise avec lui qu'avec Pollux, Thomas ou même Venus. Juhan était important pour lui, il lui manquait profondément. Mais le lycanthrope ignorait si ce manque venait de la fin de leur amitié ou si c'était plus profond, plus intime. Altaïr ne savait plus quoi penser et ça lui torturait l'esprit.
« Est-ce que c'est possible d'aimer deux personnes en même temps ? » souffla-t-il après un long moment.
Danil dut se pencher en avant pour entendre son murmure, mais il l'avait parfaitement compris. Ses yeux s'écarquillèrent, comprenant que ses doutes vis-à-vis du comportement étrange d'Altaïr n'était pas complètement infondé.
« Juhan avait raison, ça a été le coup de foudre au premier regard avec Venus. Je ne sais pas si je pourrai l'oublier complètement un jour et je resterai toujours proche d'elle, même si nous ne serons jamais plus que des amis. Mais avec Juhan, c'est différent.
- Il n'est pas une roue de secours. » fit Danil d'un ton brusque, clairement réprobateur.
« Je sais, ce n'est pas ce que j'essaye de dire.
- Alors explique moi. » proposa l'Estonien plus doucement.
Altaïr rassembla ses pensées, c'était très différent de penser à ses sentiments et de mettre des mots dessus. Ce n'était pas un exercice facile pour lui.
« Avec Juhan, on a appris à se connaître. Je ne sais même pas comment on a fini par si bien s'entendre, c'est venu progressivement. J'ai parfois l'impression que si on avait continué comme on le faisait, on aurait fini par sortir ensemble, pas juste rester des sex-friend.
- Parce que ça aurait été la suite logique ?
- Parce qu'il m'a fait l'apprécier, l'aimer. » avoua Altaïr.
Danil le fixa un long moment, s'assurant que l'Anglais ne mentait pas. Il finit par hocher la tête d'un air satisfait.
« Je suis désolé de t'avoir dit d'arrêter tout ça. Je pensais que tu profitais de lui.
- Non, j'avais besoin de ce déclic. Je ne m'en serai peut-être jamais rendu compte autrement ou alors dans bien plus longtemps. » rassura Altaïr. « Je ne voulais pas le blesser.
- Je le comprends maintenant. Réfléchis-y encore un peu et cette fois-ci, soit certain que tu pourras apporter à Juhan ce dont il a besoin si tu veux retenter quelque chose avec lui. »
Altaïr hocha la tête, il était du même avis que Danil. Il avait assez blessé leur ami pour ne pas vouloir merder une nouvelle fois.
Lorsqu'ils eurent fini de manger, l'Estonien l'aida à débarrasser son plateau et le raccompagne jusqu'à leur cellule. Derrière eux, ils pouvaient sentir le regard de Juhan leur transpercer le dos. Il était clair que le roux était très curieux à propos de leur conversation. Danil et Altaïr ne se parlait pas souvent sans qu'il ne soit présent et la dernière fois que ça avait eu lieu, Altaïr avait mis un terme à leur relation. Juhan finit par soupirer et repris sa conversation avec ses amis. Ce n'était plus son problème, Altaïr n'était plus son ami.
XXXXXXX
Estonie
13 janvier 1991
Altaïr ruminait ses pensées alors qu'il sortait des douches. Bien que Juhan ait fait la paix avec son loup, son ami refusait toujours de lui parler. L'Anglais soupira en songeant qu'au moins, le roux ne lui lançait plus des regards noirs à longueur de journée. Désormais, Juhan se contentait de l'ignorer et de faire comme s'il n'existait pas.
Il traversait les couloirs avec morosité, ne faisant même plus attention aux gardes postés dans les couloirs et qui surveillaient leurs déplacements. À son arrivée, Altaïr avait eu du mal à être ainsi surveillé et épié chaque minute de sa journée. Mais avec le temps, il s'y était fait, comme pour tous les changements qu'impliquaient de vivre en prison.
Et puis, il passa devant une cellule d'où s'échappait des bruits suspects. Altaïr n'y fit pas attention aux premiers abords. C'était un comme une sorte de code parmi les détenus. Si quelqu'un avait envie de se faire un petit plaisir solitaire, le plus souvent, ou de partager un moment intime avec un codétenu, alors il accrochait un drap à sa porte pour privé toute personne de voir le spectacle. Les adolescents partageant cette cellule allaient alors en promenade, allait aux douches ou rejoignaient une autre cellule si c'était pendant leur temps libre après le dîner.
Ce n'était pas très intime, mais c'était mieux que rien. Altaïr avait rougit la première fois que Juhan avait étendu son drap. Mais avec le temps, cette habitude aussi était devenu banale pour lui. Les gardes faisaient comme s'ils ne voyaient rien, leur accordant ce droit que pourtant, ils ne possédaient pas.
Comme à son habitude, Altaïr pressa le pas en passant devant la cellule. Il n'avait aucune envie d'entendre deux gars s'envoyer en l'air alors que sa propre vie sexuelle se résumait au néant le plus total. Depuis sa dernière transformation, ses avant-bras le faisaient atrocement souffrir et coupait toute envie. Il avait essayé la veille de se soulager dans les douches, mais l'expérience n'avait fait que le frustrer davantage.
Puis, il sentit une odeur, une odeur qu'il connaissait bien. Juhan était derrière ce drap et putain, ça faisait si mal à Altaïr. C'est lui qui devrait partager ce moment avec le roux, pas un de ses amis quelconques. Il savait que Juhan ne s'était pas mis en couple avec qui que se soit depuis leur « rupture ». Danil lui l'avait dit. L'Estonien se contentait de coucher à droite et à gauche, lorsqu'un autre garçon lui faisait des avances.
A bout de nerfs, Altaïr ne réfléchit même pas avant d'agir. Il revint sur ses pas, passa le drap et grimaça en voyant Juhan de dos, s'enfonçant dans un adolescent de sa classe, à quatre pattes devant lui. Le roux n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il se passait. Il eut juste l'occasion de remonter son pantalon sur ses hanches alors qu'Altaïr le tirait en arrière par le bras.
L'Anglais le tira jusqu'à leurs propres cellules. Juhan était bien trop perplexe pour réagir lorsque son colocataire accrocha précipitamment son drap au-dessus de leur porte. Et avant même qu'il ne comprenne ce qu'il se passait, Altaïr l'embrassait avec rage, ça n'avait rien du premier baiser qu'il s'était tant de fois permis d'imaginer. Le lycanthrope était exigeant et le serait contre lui, l'empêchant de fuir.
« Tu es à moi. » grogna Altaïr lorsqu'il mit fin au baiser.
Juhan aurait pu pleurer de joie en entendant son ton possessif et jaloux. Il avait tant espéré qu'un jour, Altaïr le regarde ainsi. Mais il ne pouvait plus supporter cette situation. Il ne voulait pas redevenir juste l'ami pratique et conciliant de l'Anglais. Juhan n'y arriverait plus. Alors il repoussa Altaïr, poussant sur ses épaules de ses paumes.
« Je ne veux plus de ça, Altaïr. Il va falloir t'y faire. » gronda-t-il durement.
Juhan faillit craquer en voyant la mine déconfite de l'Anglais. Le regard d'Altaïr était si expressif à cet instant, c'était si rare de le voir aussi transparent. Il semblait vouloir lui dire tant de choses sans pourtant réussir à y parvenir.
« Je ne supporte plus de te voir avec quelqu'un d'autre que moi. Ça fait mal. » soupira Altaïr comme s'il ne comprenait pas lui-même ce qui lui arrivait.
« Est-ce que tu m'aimes ? » demanda Juhan, la voix emplie d'espoir.
« Je ne sais pas, peut-être. »
L'Estonien se recula d'un pas, il ne savait pas à quoi il s'était attendu. Altaïr s'empressa de poursuivre, il ne voulait pas que Juhan se méprenne.
« Je ne sais pas exactement ce que je ressens pour toi. Il m'a fallut cinq ans pour comprendre que j'avais des sentiments pour Venus. » Altaïr grimaça, ce n'était peut-être pas une bonne idée de parler de Lovegood. « Alors j'ai du mal à comprendre ce qu'il m'arrive. Mais tu manques horriblement.
- Le sexe te manque, c'est normal. Ça manque à tout le monde.
- Non ! » protesta vivement Altaïr. « C'est toi qui me manques. Pas le fait d'avoir un ami, pas le sexe en général. C'est toi. Et je regrette de ne pas pouvoir t'embrasser ou te prendre dans mes bras quand j'en ai envie. J'ai l'impression de mourir à chaque fois que Danil me dit que tu as couché avec quelqu'un, je ne supporte plus de sentir l'odeur d'autres personnes sur toi.
- Tu es jaloux ?
- Oui, terriblement jaloux. »
Juhan lui sourit, étrangement fier de lui-même. Habituellement, il ne supportait pas lorsque ses anciens petits-amis lui piquaient des crises de jalousie. Juhan n'aimait pas le manque de confiance dans une relation. Mais ici, tout était différent. Altaïr et lui n'était pas en couple, il avait le droit d'aller voir ailleurs et savoir que ça avait blessé le lycanthrope, ça lui faisait étrangement plaisir. Le roux se sentait horrible de ressentir ça, mais il était heureux de savoir qu'il avait de l'importance pour Altaïr.
« Je t'apprécie, plus que juste un ami. Je ne sais pas si je suis amoureux. Mais je veux vraiment essayer de créer quelque chose avec toi. » supplia Altaïr.
Le sourire de Juhan barrait son visage. Il se rapprocha d'Altaïr et enroula ses bras autour de sa nuque, posant ses lèvres sur les siennes. Ce baiser était ce qu'aurait dû être leur premier baiser. Il était doux et emplis de sentiments. Comme pour lors de leur première relation, Juhan comprit que son partenaire n'avait aucune expérience dans le domaine. Il prit les devant, guidant Altaïr dans le baiser, lui apprenant toutes les techniques qu'il avait apprises au fil de ses relations.
C'était magique. Juhan avait imaginé cette scène des centaines de fois et jamais, il n'avait osé espérer pour la réaliser. Les mains d'Altaïr se glissèrent sous son pull et parcourait son corps presque avec frénésie. Juhan soupira de plaisir, les étreintes du lycanthrope n'était en rien comparable à celles des autres garçons qu'il avait connus.
A bout de souffle, Juhan posa son front contre celui de l'Anglais, un sourire aux lèvres.
« Si j'avais su qu'il suffisait de coucher avec quelqu'un d'autre pour te faire réagir, je l'aurai fait bien plus tôt. » plaisanta-t-il.
Juhan apprécia sentir les bras d'Altaïr se resserrer autour de lui, dans un geste terriblement possessif.
« Ne le fais plus jamais.
- Promis. » murmura-t-il contre les lèvres d'Altaïr alors que ce dernier commençait déjà à le déshabiller.
« Est-ce que tu essayes de marquer ton territoire ? » s'amusa Juhan alors qu'il était étendu sur son lit.
Altaïr parcourait son corps de baiser brûlant, léchant chaque parcelle de peau dont Juhan savait que son coup d'un soir y avait posé ses mains.
« Tu as son odeur. » grogna le loup-garou, ne cessant pas pour autant son manège.
Juhan se laissa faire. Il avait conscience que le lycanthrope ne pourrait pleinement se détendre si une odeur autre que la leur était présente sur lui. Une fois, Altaïr n'avait même pas réussi à bander parce que le roux avait porté le pull de Danil toute une journée. Il avait eu froid en cours et le soir, Altaïr n'avait pas réussi à obstruer l'odeur de l'autre Estonien qui le recouvrait.
Le rouquin haleta de plaisir lorsque son amant commença à masser et lécher son sexe. Il fourra ses doigts dans la tignasse d'Altaïr le poussant à continuer. Son sexe avait été dans le cul dans autre et le lycanthrope se fit un malin plaisir d'effacer l'odeur inconnue.
« Je te veux en moi. Je veux que tu me baises comme tu l'as fait avec lui. »
Juhan se redressa sur ses coudes, plongeant son regard dans celui d'Altaïr qui avait cessé de le sucer. Il était surpris par sa demande. Juhan était toujours celui qui se faisait pénétrer et aucun d'eux deux n'avaient jamais pensé à inverser les rôles.
« Je ne veux pas te baiser. » Altaïr grogna. « Je veux te faire l'amour. Je t'aime. »
Bien qu'il ne reçût aucune réponse, Juhan se sentit plus libre que jamais. C'était la première fois qu'il le disait à voix haute à ça lui fit un bien fou.
« Alors fais-moi l'amour. » ordonna Altaïr, amusant son amant.
Juhan inversa leurs positions. Il s'alarma en voyant les bandages au poignet d'Altaïr se tinter lentement de carmin. Ils avaient rouvert ses blessures et Juhan ne doutait pas que s'il continuait, celles à son torse ne tarderait pas à subir le même sort. Il était prêt à tout arrêter, il ne voulait pas blesser son amant. Mais Altaïr voyait les choses autrement et le retint lorsqu'il fit mine de vouloir se relever.
« Continue, je t'en supplie. »
Altaïr avait affreusement besoin de lui, de le sentir contre sa peau et de savoir qu'il était pardonné pour son comportement. Juhan sembla le comprendre et l'embrassa doucement. Cette nuit-là, il prit soin de lui répondit à chacune des demandes de son désormais petit-ami. Jamais le sexe n'avait été aussi doux entre eux. Et alors qu'il le préparait, puis le pénétrait et finalement s'allongeait épuisé à ses côtés, jamais Juhan et Altaïr ne cessèrent de s'embrasser. Les lèvres finissaient toujours par se retrouver dans un besoin primitif. Ils voulaient s'assurer que tout ceci n'était pas qu'un rêve, que cette réconciliation était bien réelle.
A plusieurs reprises dans la nuit, Juhan se réveilla en sursaut. Il craignait que tout ceci ne soit qu'un rêve. Mais à chaque fois, Altaïr était bien là, allongé à ses côtés. Souvent, ce dernier était réveillé par ses gestes, il se contentait de le serrer dans ses bras ou d'embrasser sa tempe, parfois ses lèvres. Puis, Juhan se rendormait, soulagé.
Il n'en revenait toujours pas. Altaïr Black était son petit-ami.
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Angleterre
15 janvier 1991
Pollux lisait avec contentement le journal. Ce n'était qu'un début et il faudrait des mois pour que toutes ses propositions voient le jour. Mais c'était officiel, une nouvelle prison allait être construite en Angleterre, au Nord de Londres. Un centre pénitencier où les détenus seraient traités en humain, recevant une aide psychologique et sociale et non subissant la torture des Détraqueurs. C'était un grand pas pour la société anglaise.
Pollux était surpris de voir la nouvelle si bien accueillie. La décision avait été pris la veille et déjà, la nouvelle faisait la une des journaux. Certes, il existait quelques détracteurs et il faudrait du temps pour que le peuple accepte pleinement cette réforme. Mais Dumbledore l'avait ouvertement soutenu lors d'une interview et plusieurs membres de son cercle privé avait voté pour cette réforme. C'était rassurant pour les sorciers et sorcières de ce pays, bien que cette proposition de loi ait été déposée par une famille dite sombre.
Bientôt, Pollux savait que d'autres lois allant dans ce sens seraient votées. Le Magenmagot n'avait pas encore débattu du droit aux visites ou relations épistolaires avec les prisonniers. Le sujet des prisons pour mineur était encore loin d'être à l'ordre du jour et pourtant, Pollux était confiant en l'avenir.
Il devait écrire à Altaïr. Il était certain que l'adolescent serait intéressé par le sujet. Sa mère était après tout enfermé à Azkaban. Bien qu'étant Mangemorte, elle n'était pas concernée par la réforme, mais Pollux ne doutait pas que d'ici quelques mois ou années, Lucius Malefoy et ses amis feraient appliqués ces lois aux anciens partisans de Voldemort. Altaïr était suffisamment intelligent pour le comprendre.
Pollux était terriblement de bonne humeur, il devait partager la nouvelle avec Lupin. L'homme le voyait travailler sur ce dossier depuis des semaines et serait heureux de savoir que son travail avait porté ses fruits. Oui, cette journée était définitivement merveilleuse.
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Estonie
26 janvier 1991
La mise en couple de Juhan Poliakoff et Altaïr Black avait rapidement fait le tour de la prison. Tout le monde avait vu leur amitié éclater en décembre et les commérages avaient rapidement appris à tout le monde que c'était parce que l'Anglais ne retournait pas les sentiments de Juhan. Alors les voir agir du jour au lendemain comme si ne rien était avait été un choc pour tout le monde.
Deux jours plus tard, un camarade de classe du roux les avait vu s'embrasser dans un coin discret de la cour et il ne fallut que quelques heures pour que tout le monde soit au courant. Altaïr songeait qu'ici, tout le monde devait terriblement s'ennuyer pour tant s'intéresser à sa vie amoureuse. A Durmstrang, personne ne faisait réellement attention à lui, c'était étrange d'être si populaire soudainement. Mais ce n'était pas très étonnant. Juhan avait tant d'amis de toutes périodes d'âge que rapidement, tout le monde savait qui était son colocataire de cellule, puis son meilleur ami, son amant et enfin, son petit-ami.
Altaïr savait que quelques garçons continuaient d'approcher le roux, parce que Juhan se plaignait de ses « gros lourds qui ne veulent pas lui lâcher la grappe ». Mais c'était la première fois qu'il assistait au spectacle.
L'Anglais avait dû rapidement se rendre à l'infirmerie à son réveil. Le médecin de la prison voulait s'assurer que ses plaies seraient correctement refermées pour la pleine lune qui n'aurait lieu que trois jours plus tard. Altaïr avait reçu un sacré sermon lorsqu'après sa première nuit avec Juhan, il avait dû rejoindre l'infirmerie au petit matin, du sang tâchant ses bandages et ses plaies le tiraillant affreusement. L'infirmier avait été terriblement effrayant.
Lorsqu'il put enfin quitter l'infirmerie après l'exactement minutieux du médecin, le petit-déjeuner était déjà servi et Altaïr se pressa de rejoindre le réfectoire. Il s'approcha de sa table habituelle et fronça des sourcils en voyant un blond terriblement proche de Juhan, chuchotant à son oreille.
Altaïr avait confiance en Juhan et le regard noir du roux en disait long sur ce qu'il pensait de son interlocuteur. Il se sentit flatter de savoir que l'Estonien n'était intéressé par personne d'autre que lui-même désormais. Pourtant Altaïr sentit la rage monter en lui à l'idée que quelqu'un veuille le toucher et le lui prendre.
Le lycanthrope arriva dos aux deux adolescents, il ne vit pas Danil froncer des sourcils en le voyant s'approcher avec une mine aussi grave. Altaïr ne voyait que la main qui s'était glissé sur la chaise de Juhan et qui bientôt, caresserait sa cuisse. Le blond ne semblait pas comprendre les non que le roux articulât pourtant clairement.
Altaïr se fit un plaisir d'attraper la main baladeuse et de la tordre en la sortant de sous la table. De sa main libre, il plaqua le dos de Juhan contre son ventre, sa paume pressant contre son thorax. Le blond glapit de douleur, se tournant vers lui en tirant sur sa main, mais Altaïr ne le lâcha pas.
« Ne le touche plus jamais. » Le grognement qui s'échappa de sa gorge fit taire les conversations avoisinantes.
C'était étrange d'entendre un tel son provenir d'un humain. Mais Black était un loup-garou et la magie pouvait faire bien des choses. Alors non, ce n'était pas si surprenant de l'entendre grogner, de voir ses iris rougeoyer et ses ongles se planter profondément dans la peau du blond.
Juhan eut un petit rire, il aimait sentir la possessivité d'Altaïr dans ses gestes. Il quitta sa chaise et lui prit la main. Le roux déposa un baiser sur sa joue pour le détendre et le tira un peu plus loin.
« Viens Altaïr, on va manger à une autre table. »
Le lycanthrope sembla hésiter à lâcher sa prise sur le blond, mais finit par abdiquer et suivit son amant, sa main se refermant sur la sienne.
« Tu ne vas pas pouvoir faire peur comme ça à tous mes prétendants, j'ai tellement de charme. » rit Juhan.
« Je n'aime pas ça. Je veux être le seul à voir à quel point tu es beau. »
Juhan rougit, appréciant le compliment. Pendant le reste du petit-déjeuner, Altaïr ne cessa de poser sa main sur celle du roux, sur sa cuisse ou son dos. Il marquait son territoire comme un animal pourrait le faire. Bien que sa possessivité était terriblement mignonne aux yeux de Juhan, cela allait devenir problématique si ça continuait ainsi.
« Tu sais que je t'aime ? Je n'irai jamais voir ailleurs. »
Altaïr le fixa quelques secondes avant de lentement hocher la tête. Il le savait, il faisait confiance à Juhan. Mais c'était aux autres, à ceux avec qui il avait déjà couché et qui voulait continuer cette routine, que le lycanthrope ne faisait pas confiance.
Juhan soupira, mettant le comportement surprotecteur de son petit-ami sur le dos de la pleine lune qui arrivait à grand pas. L'Estonien était stressé, il espérait qu'elle ne se déroulerait pas comme la précédente. Il ne voulait plus voir Altaïr être blessé aussi gravement qu'il l'avait été la dernière fois.
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Estonie
29 janvier 1990
Juhan observa avec angoisse un garde chercher Altaïr dans la cour. Les journées étaient courtes en Estonie à cette période de l'année. Bien que sa transformation ne débuterait pas dès le coucher du soleil, Altaïr devait tout de même rejoindre sa cellule à seulement dix-sept heures, il faisait déjà sombre depuis plus de deux heures.
Pour éviter que les détenus de soient davantage que nécessaire en contact avec le loup-garou. La période libre des personnes occupant ce couloir avait été prolongé jusqu'à l'heure du dîner. Puis leurs cellules seraient fermées dès que ce dernier prendrait fin, laissant tout juste le temps aux adolescents de prendre leur douche.
Juhan ne retrouva donc le lycanthrope qu'après vingt heures. Il courut presque jusqu'à sa cellule, craignant de voir le loup-garou en train de s'auto-mutiler. Mais à la place, il découvrit le gros loup noir patiemment allongé au sol, observant les détenus passer devant sa cellule en longeant le mur d'en face.
La lueur d'intelligence brillant dans le regard du loup lui fit comprendre que pour l'instant, c'était Altaïr qui était au contrôle. Juhan s'approcha de lui et passa prudemment ses doigts à travers les barreaux. Dans des gestes sans aucune agressivité, le loup se leva et s'approcha de lui, fourrant de lui-même sa tête duveteuse contre sa main.
Juhan sourit, appréciant le contact et le privilège que lui octroyait Altaïr. Le loup finit par se reculer de quelques pas. Le rouquin comprit au balancement de sa tête que la bête essayait de reprendre le dessus.
« C'est bon Altaïr, laisse-le sortir. »
Le loup plongea son regard inquiet dans celui de l'humain. Mais Juhan était certain que le loup-garou serait calme cette nuit, il avait après tout laissé le temps à Altaïr de le voir avant de se manifester. Le lycanthrope rassurer face au calme du sorcier et laissa finalement la bête prendre le contrôle de leur corps.
Juhan capta immédiatement le moment où le loup reprit le dessus, sa posture se faisant bien moins raide et sa queue frétillant joyeusement derrière lui. Il jappa joyeusement en sautant presque pour que la main tendue vers lui puisse lui gratouiller l'arrière des oreilles.
« Tiens loup-loup, j'ai plein de viande pour toi. » s'amusa Juhan en déposant par terre la serviette qu'il avait rempli de petits bouts de steak au réfectoire. « Il faudrait te trouver un nom, je ne vais pas t'appeler loup-loup pour toujours. » songea-t-il à voix haute.
« Liba ? » Le loup émit un grognement, ne relevant même pas le museau.
Visiblement Altaïr écoutait la conversation et n'aimait pas se prénom qui faisait bien trop fille à son gout. Pourtant, Juhan aimait bien son idée. Après tout, Liba était le diminutif de libahunt, loup-garou en estonien.
« Must, Puna, Tume… » énuméra Juhan au fil de ses idées. « Arm, nan ça veut dire bras en anglais, Kuu, Peni. »
(NDT : en français : Noir, rouge (pour ses yeux), sombre, cicatrices, lune, toutou.)
Le loup redressa vivement la tête, quittant son repas. Il frétillait joyeusement la queue alors qu'il secouait fortement la tête de droite à gauche. Face à ce comportement étrange, Juhan conclu qu'Altaïr protestait fortement alors que le loup lui, semblait beaucoup aimé ce surnom.
« Peni ! » appela joyeusement Juhan et le loup jappa. « Ouai, ça te va très bien. C'est qui le bon toutou ? » gazouilla-t-il en le grattant.
Altaïr sembla complètement disparaître de l'esprit du loup, trop vexé pour continuer à supporter les enfantillages de Juhan. Ce dernier fut rapidement poussé dans sa cellule par un garde, c'était l'heure du couvre-feu. Mais cela n'empêcha pas l'adolescent de jouer avec le loup une bonne partie de la nuit.
Parfois, il lui lançait la petite balle rouge, d'autrefois il utilisait ses réserves de bonbons pour lui apprendre quelques tours. Juhan ne pensait pas que ce genre de nourriture soient très saines pour un loup, mais il supposa que puisqu'Altaïr reprendrait bientôt forme humaine, ce n'était pas un souci. Ce n'était pas évident d'éduquer le loup à cette distance, mais Juhan était très contente que ce dernier comprenne « assis » et « couché ». Les loups-garous étaient définitivement bien plus faciles à dresser qu'un chien.
Il s'endormit que plusieurs heures plus tard, complètement épuisé. Juhan était heureux que sa réconciliation avec Altaïr impacte aussi positivement le loup.
« Bonne nuit Peni. »
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Estonie
30 janvier 1991 (le lendemain matin)
« Sérieusement Juhan ? Peni ? Tu n'as rien trouvé de mieux que de m'appeler toutou à la place de loup-loup ? J'en préférerai presque ton ancien surnom ridicule. »
Juhan rit en s'approchant de son petit-ami bougon. Il susurra ensuite son oreille :
« Mais ce nom te va si bien, ton pénis est magique après tout. » sourit-il coquinement en massant son sexe à travers son caleçon.
Ce matin là, Altaïr loupa les cours pour la première fois de sa vie le petit-déjeuner, trop occupé à faire payer à son amant son insolence. Les gardes ne remarquèrent même pas leur absence avant l'heure du déjeuner.
