Stranger Things se passant dans les années 80 et Harry Potter dans les années 90, j'ai donc vieilli de 10 ans la plupart des persos d'Harry Potter pour des raisons de cohérence chronologique.

Chapitre 1 : Le Douzième sujet

Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1972, un craquement sonore retentit à Privet Drive. Un homme apparut au milieu de la pénombre, transportant un paquet. Tout, de sa robe imprimée d'étoiles à sa longue barbe blanche et jusqu'à son nom même, indiquait qu'Albus Dumbledore, était un individu hautement indésirable dans ce quartier sans histoires.

Le vieil homme marcha en silence jusqu'à la maison portant le numéro 4 puis repartit comme il était arrivé.

À quelques dizaines de mètres de là, un homme d'une soixantaine d'années regardait la scène depuis l'intérieur de sa maison. Il était sur le point d'aller se coucher lorsque son attention avait été attirée par l'apparition soudaine d'une silhouette. Il s'était alors approché de la fenêtre et avait vu ladite silhouette déposer un paquet qui, de loin, lui avait semblé bouger devant une habitation.

L'homme se prénommait Martin Brenner et était un scientifique qui, officiellement, dirigeait une étude visant à démontrer les effets de certaines substances sur le cerveau humain. En réalité, les études qu'il menait avaient pour objectif de créer des enfants dotés de capacités… particulières.

C'était la raison de sa présence en Angleterre. Si, jusque là, il s'était contenté d'étudier des enfants nés avec ces capacités, il s'était toujours demandé s'il était possible de doter de pouvoirs un enfant né sans. Depuis plusieurs mois, il était donc à la recherche d'un enfant qui remplirait les critères qu'il s'était fixé. À savoir âgé de moins d'un an et sans attaches ou famille pour signaler sa disparition et le rechercher.

Il s'était donné jusqu'au 2 novembre. Il s'était promis d'aller chercher ailleurs s'il n'avait rien trouvé à cette date, mais il semblerait que la chance soit de son côté. Le scientifique patienta quelques secondes, le temps de s'assurer qu'il n'y avait plus personne. Puis il sortit dans la nuit.

Brenner parcourut en silence la courte distance qui le séparait de sa destination. Une fois arrivé, l'homme se pencha pour ramasser le paquet qu'il avait vu être déposé. En voyant que ce dernier contenait un bébé. Il fut aux anges. Le petit n'avait pas l'air d'avoir plus de quelques mois, ce qui lui convenait parfaitement. Sans douceur, le scientifique prit le bébé dans ses bras sans prêter attention à la lettre qui tomba de la couverture.

Lorsqu'il fut arrivé chez lui, il reposa le bambin et commença à rassembler ses affaires. Il appela ensuite l'aéroport le plus proche et prit deux billets pour les États-Unis, sous un faux nom afin de brouiller les pistes.

Heureusement pour lui, il y avait des places sur un vol prévu pour le lendemain matin à sept heures. À trois heures du matin, il monta en voiture et prit la direction de l'aéroport.

Le bébé ne se réveilla pas une seule fois, même lorsqu'ils furent dans l'avion.

Quelques heures plus tard, les deux passagers descendirent. Le scientifique appela le laboratoire de Hawkins pour leur demander d'envoyer quelqu'un les chercher, lui et l'enfant.

Brenner sortit ensuite de l'aéroport. Il n'eut pas à attendre longtemps avant de voir une voiture noire s'arrêter devant lui.Il monta dedans, avec le bébé toujours dans ses bras.

Le véhicule démarra en trombe et roula durant une trentaine de minutes avant de se garer sur un parking en béton, juste devant ce qui serait la maison du petit Harry pour les années a venir.

Il s'agissait d'un bâtiment de grande taille, de forme rectangulaire. Les murs extérieurs étaient d'un blanc terne. Un grillage entourait toute l'enceinte et, régulièrement, des panneaux avertissaient d'éventuels visiteurs que la clôture était électrifiée. Il était également spécifié que l'endroit était une zone militaire interdite au public et que tout intrus s'exposait à des poursuites judiciaires ainsi qu'à une peine de prison à vie.

Le Dr Brenner descendit en vitesse avec le petit dans les bras et confia le bambin à une infirmière dès qu'il eut franchit l'entrée du laboratoire. Il s'adressa à la femme d'une voix sèche :

— Vous savez ce qu'il vous reste à faire !

Celle-ci répondit :

— Oui monsieur.

Elle partit ensuite d'un pas pressé en portant le petit garçon.

Le plus âgé murmura, tandis que son visage s'ornait d'un sourire inquiétant :

– Bienvenue à la maison, numéro 12.

OoooO

Angleterre, quelques heures plus tard

Au matin du 1er novembre 1972, Petunia Evans, épouse Dursley, ramassa une lettre au milieu de la livraison de lait du matin. Son premier réflexe fut de crier pour appeler son mari :

– Vernon !

Ce dernier rappliqua aussitôt. En voyant son air perplexe, il lui demanda :

– Qu'est-ce qu'il y a, Tunie ?

La jeune femme lui tendit la lettre en disant :

– Je l'ai trouvée sur le perron ce matin.

– Tu l'as lue ? lui demanda-t-il.

Sa femme secoua négativement la tête. Vernon l'encouragea à ouvrir l'enveloppe puis se mit derrière elle pour lire par-dessus son épaule.

Le courrier, qui n'était pas signé mais dont l'écriture sembla familière à la jeune mère, parlait d'un bébé qui serait le neveu de celle-ci et dont les parents auraient été assassinés par un individu malveillant.

Le couple n'eut besoin que d'un seul échange de regards pour se précipiter sur leur perron. Ils ne savaient pas encore ce qu'ils allaient faire de cet enfant. Néanmoins, ils étaient sûrs qu'il ne fallait pas qu'il reste dehors, surtout par les températures qu'il faisait en ce moment la nuit.

Sauf qu'ils ne trouvèrent rien. Il n'y avait pas la moindre trace du bébé mentionné dans la lettre. Ils regardèrent partout mais durent se rendre à l'évidence : quoi qu'il se soit passé dans la nuit, l'enfant n'était plus là.

Quelques dizaines de mètres plus loin, Arabella Figgs assista à la scène. Son premier réflexe fut de prévenir Dumbledore. Le vieux sorcier lui avait demandé de l'avertir si elle constatait quoique ce soit d'étrange. Hors ce qu'elle venait de voir l'était incontestablement. Elle avait vu le directeur de Poudlard déposer le fils Potter devant la maison des Dursley la veille au soir.

OoooO

Albus Dumbledore était levé depuis quelques heures lorsqu'il reçut un mot de la part de Mrs Figgs qui l'inquiéta particulièrement :

« Il y à un problème à Privet Drive. Venez tout de suite.

A. Figgs. »

Le vieux sorcier sortit de l'enceinte de l'école aussi rapidement que le lui permirent ses jambes âgées puis transplana au domicile de la cracmol. Celle-ci fit un bond en attendant le bruit dans son dos et le fustigea pour son arrivée surprise.

Il s'excusa. Elle lui reporta alors la scène à laquelle elle avait assistée. Le professeur l'en remercia et prit la direction du numéro 4.

Dumbledore sonna puis attendit que l'on vienne lui ouvrir. La femme qui se présenta à la porte au bout de quelques instants eut un mouvement de recul en le reconnaissant. Il prit la parole :

– Bonjour, Petunia. Puis-je entrer ?

– Pourquoi ? Que nous voulez-vous ? demanda-t-elle, méfiante.

– Simplement comprendre ce qu'il s'est passé.

À contrecœur, la femme se décala pour le laisser entrer. Le vieil homme la suivit jusqu'au salon, où Vernon se trouvait déjà.

Le sorcier expliqua alors au couple qu'il avait déposé le petit Harry devant leur porte dans la nuit. Après l'avoir engueulé sur l'irresponsabilité d'un tel geste à cette période de l'année, Petunia lui raconta que le petit garçon n'était plus là lorsqu'ils avaient ouvert la porte le matin même et qu'ils n'avaient trouvé que la lettre.

Le directeur de Poudlard discuta encore quelques minutes avec le couple pour avoir autant d'informations que possible avant de quitter la maison en se promettant de tout faire pour retrouver le petit Harry.

Quoi qu'il ait pu arriver au bambin, il s'en sentait responsable : c'était lui qui avait prit la décision de le laisser chez son oncle et sa tante, sans tenir compte des protestations de Minerva. S'il ne l'avait pas prise, Harry n'aurait pas disparu.

Dumbledore retourna chez Mrs Figgs et lui fit un résumé de son entrevue avec les Dursley. Lorsqu'il lui demanda si elle avait vu quelque chose d'étrange récemment, la femme répondit par la négative, dans un premier temps.

Puis, au bout de quelques minutes, elle se rappela qu'un homme d'une soixantaine d'années avait emménagé dans le quartier quelques mois auparavant.

Le professeur Dumbledore changea sa robe en vêtements moldus puis le duo alla toquer à la porte de cet homme, un dénommé Brenner d'après Mrs Figgs. Son arrivée n'était pas passée inaperçue dans ce quartier où tout le monde se connaissait mais l'homme était resté très discret et n'avait jamais fait de vagues.

Lorsqu'ils arrivèrent devant la maison, en voyant celle-ci éteinte et en constatant l'absence de véhicule, Dumbledore eut un mauvais pressentiment. Mrs Figgs lui avait dit que Mr Brenner travaillait à domicile. L'homme aurait donc logiquement dû être chez lui. Pourtant, lorsqu'il tenta d'ouvrir la porte, le sorcier y parvint du premier coup.

Il poussa le battant et entra, Mrs Figgs sur les talons. La vieille femme alluma la lumière et ils se séparèrent pour faire le tour de la maison. Plus Dumbledore avançait dans sa visite, plus il était inquiet. Les armoires étaient vides mais les placards de la cuisine étaient pleins, comme si le propriétaire des lieux était parti précipitamment.

Ils firent le tour de la maison mais ne trouvèrent rien d'autre, que ce soit à l'intérieur où à l'extérieur. Les denrées alimentaires dans les placards étaient les seules indications que l'endroit avait été habité.

Dumbledore décida de garder pour lui la disparition de Harry et demanda aux Dursley et à Mrs Figgs de faire de même. La version officielle était qu'il avait mis le petit garçon en sécurité, dans un endroit dont il était le seul à connaître l'emplacement et où personne ne pourrait le trouver.

Le directeur de Poudlard savait que cette couverture volerait en éclat dans quelques années, quand Harry serait en âge d'entrer à Poudlard. Il espérait cependant retrouver sa trace bien avant.

Sachant que Harry avait probablement été enlevé par son voisin, il passa des semaines à visiter les aéroports afin de savoir si deux billets d'avion avaient été achetés par un dénommé Brenner durant la nuit du 31 octobre au 1er novembre mais n'obtint aucun résultat. Où plutôt, aucun de ceux achetés pour cette nuit-là ne l'étaient à ce nom.

Le fait de ne pas connaître la destination de sa cible ne l'aidait pas non plus. Il poursuivit toutefois ses recherches afin de retrouver la voiture de Brenner, dont Mrs Figgs lui avait fourni une description. Elle lui avait également décrit l'homme qu'ils cherchaient.

Mais sans autre indication, les recherches stagnèrent. Les mois passèrent, puis les années sans que Dumbledore ne parvienne à retrouver la trace du fugitif. Malgré tout, le directeur de Poudlard ne perdit jamais espoir. Le ministre lui demandait régulièrement des nouvelles de l'enfant et à chaque fois, le vieux sorcier éludait en répondant que le garçon était en sécurité.

En juillet 1982, la lettre d'admission destinée à Harry Potter revint intacte plusieurs fois et Dumbledore dut admettre auprès du ministre qu'il ne savait pas où était le jeune garçon. On lui ordonna de retrouver l'enfant au plus vite.

Les mois suivants, il reprit ses recherches mais ce furent ses retrouvailles avec le Dr Samuel Owens, un scientifique et ami de longue date, en octobre 1983, qui lui permirent de retrouver la trace du fils Potter. Le directeur de Poudlard revit le scientifique au cours d'une conférence à laquelle ils participaient tous les deux.

Après s'être salués, ils discutèrent un moment pour rattraper le temps perdu. Ce fut au cours de cette conservation que le Dr Owens apprit au vieux sorcier qu'à partir du mois suivant, il travaillerait au laboratoire de Hawkins, sous la direction d'un certain Brenner.

Le nom, qu'il n'avait pas entendu depuis plus de dix ans, parut familier à Dumbledore. Il se rappela aussitôt qu'il s'agissait du nom de l'homme que Mrs Figgs et lui-même avaient soupçonné d'être à l'origine de la disparition du petit Harry.

Le vieux sorcier y vit l'occasion de retrouver la trace du petit garçon et interrogea son ami à ce sujet. Dumbledore lui expliqua qu'il pensait que, onze ans plus tôt, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1972, le Dr Brenner avait enlevé un enfant à qui il tenait beaucoup et qu'il cherchait depuis à retrouver sa trace .

Samuel lui demanda alors ce qu'il pouvait faire pour l'aider. Dumbledore lui donna le nom de l'enfant ainsi que sa description physique : des cheveux noirs de jais qui partaient dans tous les sens et des yeux vert émeraude. Il précisa toutefois que, vu le nombre d'années écoulées depuis la dernière fois qu'il avait vu l'enfant, cette description n'était peut-être pas fiable à 100%.

Samuel fouilla dans sa mémoire. Il n'avait pas encore rencontré les enfants avec lesquels le Dr Brenner travaillait mais il avait en revanche eu accès à leurs dossiers. Il se rappela alors de l'un d'entre eux

Celui d'un enfant, un garçon, arrivé au laboratoire le premier novembre 1972. Il ne connaissait pas le nom de l'enfant - Brenner ne l'avait pas inscrit dans son dossier - mais sur la photo qu'il avait vu, le jeune garçon avait de grands yeux verts et la date de son arrivée au laboratoire coïncidait avec celle de la disparition du petit Harry.

Samuel rapporta tout cela à son ami, qui lui demanda s'il avait une photo récente de l'enfant. Le scientifique lui répondit que non mais lui promit de lui faire parvenir dès que possible une copie de celle présente dans le dossier de l'enfant.

Lorsqu'ils se séparèrent, quelques heures plus tard, en se promettant de rester en contact, Dumbledore était heureux d'avoir enfin une piste concernant Harry. Ils ignoraient encore tous deux que certains événements à venir allaient bouleverser leurs plans.

OoooO

Laboratoire national de Hawkins,

Onze ans plus tôt

Dès que le Dr Brenner eut fini sa phrase, l'infirmière partit en portant le petit garçon, qui dormait toujours. Elle commença par l'emmener dans une petite pièce composée uniquement d'une table sur laquelle reposait une tondeuse.

Elle brancha l'appareil et le passa dans les cheveux du bambin, qui se réveilla en hurlant, probablement dérangé par la sensation de tiraillement sur son crâne. Elle le lui rasa complètement tout en tentant de le rassurer. lElle lui assura que ce ne serait pas long.

Cela sembla fonctionner, puisqu'il finit par se calmer. Elle put voir les yeux du petit pour la première fois : ils étaient d'un vert éclatant. Elle le changea ensuite de salle pour troquer ses vêtements contre une blouse identique à celle que portaient les patients des hôpitaux.

La prochaine pièce dans laquelle elle le conduisit n'était équipée que d'un fauteuil et d'une machine semblable à celles que l'on trouvait dans les salons de tatouages. Le bambin se mit à hurler à pleins poumons à peine fut-elle entrée, comme s'il sentait que la prochaine étape ne serait pas agréable pour lui. Cette fois-ci, rien de ce qu'elle tenta ne parvint à l'apaiser et la jeune femme fut obligée d'endormir l'enfant.

Elle installa ensuite le petit garçon sur le fauteuil, beaucoup plus grand que lui. Elle alluma la machine puis prit l'aiguille qui y était rattachée. La jeune femme approcha ensuite l'appareil de l'intérieur de l'un des poignets du petit et y grava à l'encre noire un simple numéro : 012.

Cela ne lui plaisait pas de faire ce genre de choses, sachant à quel genre de vie étaient condamnés les enfants qui résidaient ici, mais elle n'avait pas le choix. Le Dr Brenner était exigeant, intransigeant et ne laissait pas de seconde chance. Désobéir à l'un de ses ordres équivalait à un renvoi immédiat. Elle en avait plusieurs fois été témoin.

Lorsqu'elle eut fini avec le bébé, elle le prit dans ses bras aussi délicatement que possible et le ramena auprès du Dr Brenner. Le scientifique lui arracha pratiquement le bambin des bras et partit avec lui.

Brenner emmena le bambin jusqu'à une salle aux allures de nurserie. Des caméras étaient placées au plafond, à chaque angle des murs. Il n'y avait qu'un seul autre enfant dans la pièce. Il s'agissait d'une fillette du même âge que le garçon. Elle avait le crâne rasé, tout comme lui, et des yeux bruns. Le numéro 011 était tatoué sur son poignet. Peut-être était-ce parce qu'ils avaient le même âge mais toujours est-il que le petit garçon se dirigea tout droit vers elle dès qu'il fut au sol. Au grand dam du Dr Brenner, qui préférait que ses cobayes ne tissent pas de liens les uns avec les autres.

Les deux enfants commencèrent à jouer ensemble, babillant dans un langage propre aux tout-petits et qu'eux seuls comprennaient.

Le scientifique, de son côté, avait une idée très définie des capacités qu'il voulait faire apparaître chez Douze. Il voulait que le sujet Douze soit capable de devenir invisible et de créer des champs de force. Il ne perdit donc pas de temps et commença à soumettre le petit garçon à des expériences dès les premiers jours suivant son arrivée au laboratoire.

Les semaines puis les mois qui suivirent cette première rencontre virent se confirmer l'amitié qui avait commencé à naître entre les deux petits et ils devinrent rapidement inséparables, au désespoir du Dr Brenner, qui voyait toutes ses tentatives pour les séparer échouer.

Six ans plus tard, en 1978, une femme s'introduisît dans le laboratoire avec une arme et exigea du Dr Brenner qu'il lui rende sa fille, Jane. Le vieux scientifique ne se laissa pas impressionner et la femme fut vite maîtrisée puis emmener dans une pièce où le Dr s'assura personnellement qu'elle ne viendrait plus fouiner dans ses affaires.

Les cris de la femme résonnèrent dans tout le bâtiment, jusqu'à ce qu'ils se taisent brutalement. Cette nuit-là, aucun des enfants ne parvint à s'endormir.

Le scientifique, déjà rendu furieux par cette introduction dans son domaine, explosa littéralement de rage en découvrant, le lendemain matin, que plusieurs sujets dont certains très prometteurs avaient profité du chaos ambiant pour s'enfuir. Cette journée-là fut pénible pour tous les résidents du bâtiment.

Après cet incident, une autre année s'écoula plus ou moins paisiblement. Jusqu'au 8 septembre 1979, date à laquelle une tragédie frappa le laboratoire.

Ce matin la, Douze et son amie se levèrent plus tard que d'habitude. Lorsqu'il vit les deux enfants arriver, le Dr Brenner intercepta le garçon :

– Douze !

L'enfant se retourna et répondit, tout en faisant signe à la jeune fille qui l'accompagnait de continuer sans lui :

– Oui, Papa ?

Le Dr Brenner lui expliqua :

– Aujourd'hui, exceptionnellement, on va aller t'entraîner dehors.

Le jeune garçon s'exclama, ravi :

– Génial !

Aucun d'eux ne pouvait se douter, à ce moment-là, que cette décision permettrait à l'enfant de rester en vie.

L'enfant suivit le scientifique à travers une infinité de couloirs blancs, tous identiques les uns aux autres. L'adulte le guida jusqu'à une porte qu'il ouvrit, et qui déboucha sur une petite clairière.

Le garçon, qui voyait l'extérieur pour la première fois depuis sept ans, promena son regard tout autour de lui. Les rayons du soleil qui réchauffaient sa peau, les bruits de la forêt, le chant des oiseaux : tout l'émerveillait. Le Dr Brenner dut le rappeler à l'ordre d'une voix ferme :

– Douze !

L'enfant revient aussitôt à la réalité et répondit :

– Pardon Papa ! Je me suis laissé distraire.

Le cobaye écouta attentivement les consignes que lui donna le vieil homme :

– Pour commencer, je veux que tu contre mes coups avec un champ de force.

Douze acquiesça puis se mit au travail. Durant l'heure qui suivit, il tenta de repousser Brenner du mieux possible en matérialisant une barrière autour de lui. Il prit quelques coups mais y arriva globalement assez bien.

Lorsqu'il estima en avoir vu assez, le Dr Brenner mît fin à l'exercice. Il laissa l'enfant se reposer et essuyer le sang qui avait coulé de son nez et de ses oreilles. Une demi-heure plus tard, Brenner allait donner la consigne suivante, lorsqu'il vit le sujet Douze se redresser d'un coup, un air inquiet sur le visage.

Le scientifique demanda :

– Que se passe-t-il, Douze ?

– Je… Je sais pas, j'ai un mauvais pressentiment. Je sens une présence malsaine.

Le Dr Brenner allait reprendre la parole lorsqu'une infirmière à l'air complètement paniquée se dirigea vers eux en courant et s'arrêta net, essoufflée. Le vieux scientifique lui intima de se calmer et de reprendre son souffle avant de lui demander ce qui la mettait dans cet état. Elle était clairement terrorisée. Elle répondit, une panique extrême pointant dans sa voix :

– Il… Il s'est passé quelque chose de très grave à l'intérieur…

Brenner tenta de l'interroger sur ce qu'il s'était passé, en vain. Elle était incapable d'en dire plus. Il partit à grands pas vers le laboratoire, Douze sur les talons. Le mauvais pressentiment mentionné par le garçon, couplé à la présence malsaine que celui-ci avait dit avoir ressenti, tout cela ne lui disait rien qui vaille.

Le garçon devait presque courir pour arriver à suivre le rythme imposé par Brenner. Ils prirent le même chemin qu'à l'allée, la différence étant ce sentiment d'urgence qui les tenaillait tous les deux .

Ils tournèrent au coin d'un nouveau couloir et se figèrent net devant le spectacle macabre qui s'offrait à eux. Des corps désarticulés. Du sang. Partout.

Alors que le Dr Brenner comprit que ce qu'il redoutait depuis des années avait fini par se produire, Douze se mit à craindre pour la vie de son amie.

Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant la salle arc-en-ciel. La porte était fermée mais l'énergie malsaine que Douze avait ressentie dans la forêt, et qui n'avait cessé d'augmenter à mesure qu'ils parcouraient les couloirs, y était plus forte que jamais. Elle disparu brusquement, aussi soudainement qu'elle était apparue.

Le Dr Brenner ouvrit la porte à la volée. Il se stoppa net à l'entrée de la pièce. Partout dans la salle, le même spectacle macabre s'offrait à eux . Dans le fond, devant le miroir, dos à eux, le sujet Onze se tenait debout, son visage couvert de sang se reflétant à travers le verre brisé.

Au bout de quelques secondes, la jeune fille perdit connaissance et s'écroula devant eux. Sans réfléchir, Douze se précipita pour rattraper son amie avant que son corps ne touche le sol.

Le garçon, complètement paniqué, tenta de la réveiller, en vain. Le Dr Brenner arriva derrière lui et l'écarta avec douceur. L'enfant vit le scientifique soulever le corps inerte de son amie avec une délicatesse à laquelle il ne les avait pas habitués puis l'emmener dans une autre pièce qui servait d'infirmerie.

Douze resta devant la porte, n'osant pas entrer, et attendit que le plus âgé ressorte. Il se mit à faire les cents pas en se triturant les doigts, mort d'inquiétude. Il eut l'impression que des heures s'étaient écoulées lorsqu'il vit revenir « Papa ». Le jeune garçon se dirigea aussitôt vers l'adulte et leva vers lui un regard où se mêlaient la crainte et l'espoir. Comme s'il anticipait sa question, le plus âgé lui expliqua :

– Elle est dans le coma. Elle a affronté un adversaire beaucoup trop puissant pour elle et cela a épuisé toutes ses forces.

L'enfant demanda d'une voix inquiète :

– Elle va se réveiller ?

– Je ne sais pas, Douze…

L'inquiétude qui perçait dans sa voix semblait sincère mais le garçon se demandait si elle l'était vraiment. Avec tout ce qu'ils subissaient depuis des années, il y avait de quoi se poser la question.

Deux années s'écoulèrent. Deux longues années durant lesquelles, jours après jours, le jeune garçon ne cessa d'espérer que son amie finirait par ouvrir les yeux.

Le jour où cela arriva, il n'était pas présent. Le Dr Brenner le fit prévenir et le jeune garçon se mit à courir. Il traversa le laboratoire aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Dans un dérapage plus ou moins contrôlé, l'enfant s'arrêta devant la chambre où était son amie. Il reprit son souffle et entra. La jeune fille sourit en le voyant.

Au cours des semaines qui suivirent, Douze put constater que son amie n'était plus la même. Ses pouvoirs étaient beaucoup plus puissants qu'avant, comme si cet affrontement avait débloqué leur plein potentiel, mais elle était également beaucoup plus renfermée. Il n'y avait que lorsqu'elle était avec lui qu'elle acceptait de parler. Le garçon avait cependant remarqué que le vocabulaire de la jeune fille était beaucoup plus limité qu'avant.

Comme ils n'étaient désormais plus que deux au laboratoire, ils avaient très peu de temps libre. Le Dr Brenner ne cessait de les solliciter.

Durant les deux années suivantes, le jeune garçon sentit peu à peu un sentiment de ras-le-bol s'installer en lui. Il en avait marre de toujours finir avec des bleus, des bosses et des plaies chaque fois qu'il échouait à utiliser ses pouvoirs - et donc à se protéger des attaques de « Papa » -. Marre de voir le vieux scientifique exploiter sa meilleure amie, sans rien pouvoir faire pour changer les choses. La seule fois où il avait trouvé le courage de lui demander d'arrêter, il avait été enfermé durant plusieurs heures dans sa « chambre ». Pour autant que le terme soit approprié pour désigner la minuscule pièce sans fenêtre, comportant seulement un lit en fer sans matelas, où il dormait.

Plus il y réfléchissait, plus la fuite lui paraissait être la seule option viable pour échapper à cet endroit qui, à ses yeux, ressemblait plus à une prison qu'autre chose.

Lorsqu'il se leva au matin du 1er novembre 1983, sa décision était prise. Ils allaient s'enfuir, Onze et lui. Car, pour le jeune garçon, il était hors de question de partir sans son amie.

Il ne put lui faire part de son projet que le lendemain, dans l'après-midi, mais lorsqu'il lui en parla, elle se montra très intéressée. La jeune fille lui avoua alors qu'elle aussi pensait à s'enfuir depuis quelque temps.

Ils se mirent d'accord pour passer à l'action dans quatre jours. Les deux enfants savaient qu'ils n'auraient droit qu'à une seule tentative. S'ils se faisaient prendre, c'était fichu.

Ce fut pourquoi ils passèrent les quatre jours suivants à préparer les moindres détails de leur évasion.

Ils mirent leur plan à exécution le 6 novembre, durant le dîner. Ils se débrouillèrent pour se faire enfermer dans leurs chambres puis Douze patienta.

À 19h précise, Douze vit la porte en métal de sa chambre se tordre puis sortir de ses gonds et aller percuter le mur d'en face. Le moment était venu. Le garçon marcha sur le panneau de métal et rejoignit son amie dans le couloir.

Des corps jonchaient le sol, la nuque brisée. Il comprit que sa complice avait dû se servir de ses pouvoirs pour accéder à la porte de sa chambre. Les deux enfants s'engagèrent dans le couloir, côte à côte, et commencèrent à marcher. Le garçon se rappelait du chemin qu'il avait emprunté le jour où il était allé s'entraîner à l'extérieur, un peu plus de quatre ans plus tôt, et en prit la direction, son amie sur les talons.

Quelques minutes plus tard, ils s'engagèrent dans une cage d'escalier. Au même moment, une alarme retentit. Douze jura dans sa barbe inexistante. Il espérait qu'ils auraient plus de temps avant que leur disparition soit découverte. Le duo échangea un regard paniqué puis se mit à courir aussi vite que leurs jambes le leur permettaient.

Ils dévalèrent les marches quatre à quatre et finirent par arriver devant une porte. Douze ne pouvait pas dire s'il s'agissait de celle par laquelle il était passé quelques années plus tôt car les portes du laboratoire étaient presque toutes identiques. Seules les chambres avaient un numéro correspondant à celui de l'enfant qui les occupaient .

Le garçon tenta de pousser la porte mais fut forcé de constater qu'elle était verrouillée. Il recula de quelques pas pour laisser faire son amie. La jeune fille fixa le panneau de métal du regard pendant quelques secondes puis un léger claquement se fit entendre, signe que la porte était déverrouillée. Ils l'ouvrirent ensemble.

Quelques secondes plus tard, Douze put sentir l'air frais sur son visage. Ils étaient dehors. Mais il savait qu'ils n'auraient réussi que lorsqu'ils auraient quitté l'enceinte du laboratoire. Les deux enfants entendirent la porte se refermer derrière eux et la fille du duo remit aussitôt le verrou en place, histoire de faire perdre du temps à leurs poursuivants.

Le garçon sentit la main de son amie se glisser dans la sienne. Ce fut main dans la main qu'ils se remirent en route, en quête d'un moyen de passer de l'autre côté du grillage qui entourait les lieux.

Au bout de quelques minutes, ils trouvèrent ce qui ressemblait fortement à un tuyau d'évacuation des eaux usées. Ils s'y engagèrent à contrecœur, le garçon en tête.

Il ne savait combien de temps ils passèrent à ramper dans le conduit mais Douze fut clairement soulagé lorsque ses mains se posèrent enfin sur autre chose que le bitume humide sur lequel ils progressaient jusque-là.

Le jeune garçon se contorsionna comme il pouvait afin de sortir du tuyau. Lorsqu'il y parvint, il se baissa pour aider son amie à en sortir à son tour.

Aucun des deux enfants ne remarqua qu'un petit morceau de la chemise d'hôpital de la jeune fille était resté accroché à l'extrémité du conduit.

Ils étaient trop occupés à savourer leur victoire. Ils avaient réussi. Ils étaient dehors. Ils étaient libres.