Le serveur Discord POTTERFICTIONS avait, au mois de juin, organisé un ASPICs (Ateliers Scripturaux Promouvant l'Imagination et la Créativité) pour le mois des fiertés.
J'ai écrit un petit texte que j'avais publié sur AO3 mais je me suis rendue compte que je n'avais jamais fait ma publication ici...
Je vous laisse découvrir mes thèmes imposés pour l'écriture de ce texte :
Personnage : Blaise Zabini
Lettre : A (aromantique)
Couleur : Rouge
Cliché(s) : 1- Votre communauté met en danger les hétérosexuels
2- C'est de la propagande LGBT !
Merci à tous pour votre lecture, en espérant que cette histoire vous plaise !
L'ALCADS
Blaise Zabini, quarante ans, séduisant et… célibataire !
Vous avez bien lu, mesdames ! D'après une source proche de Monsieur Zabini, ce dernier serait toujours célibataire. Nous le trouvons pourtant toujours en charmante compagnie, peu importe les évènements auxquels il assiste, mais manifestement aucune femme ne lui donne envie d'une relation stable et durable. Aucune femme n'a réussi à passer la corde au cou de cet homme plus que charmant.
Récemment, nous avons pu le voir au bras de Ginny Weasley (ex Potter) lors de l'anniversaire de Drago Malefoy – voir article en page trois – ou encore en tête à tête avec une femme fortement séduisante dans un restaurant moldu la semaine passée – son identité n'a malheureusement pu être démasquée.
Blaise Zabini se dit, depuis des années, « aromantique » et donc, selon ses propres mots, ilne ressentirait pas d'attirance romantique pour ses vis-à-vis… Nous savons toutes que ce n'est qu'un prétexte, évidemment, et qu'il n'a juste pas encore rencontré LA bonne personne !
Je continue à enquêter pour vous, chères lectrices, et ne manquerai pas de vous tenir informées de toute avancée dans cette affaire.
Prenez soin de vous.
L. Brown
Blaise reposa la coupure de journal sur la table de son salon. L'article était accompagné d'un petit mot d'une admiratrice griffonné sur un parchemin imbibé de parfum. Il n'avait même pas pris la peine de le lire avant de le brûler. Ce genre de torchon était de plus en plus fréquent. Il ne savait pas trop s'il devait être flatté de toujours attirer l'attention après tant d'années ou au contraire, se sentir épié et mis à nu par la société.
En réalité, la question ne se posait pas. Il essayait juste de se convaincre que ça pouvait être positif, que, même s'il vivait et travaillait du côté moldu depuis des années, le monde sorcier connaissait encore son nom. Mais faire la une de la presse sorcière parce que les gens voulaient savoir s'il allait finir la corde au cou ou célibataire endurci ne pouvait clairement pas être une bonne chose.
Un regard sur l'horloge de son salon lui indiqua qu'il allait finir par être en retard à l'anniversaire de Lexie, sa filleule. Après de longues démarches administratives, il avait pu faire raccorder sa cheminée au réseau de cheminette anglais, si bien que, quelques secondes plus tard, Blaise se retrouva dans le salon de Drago qui courait après Lexie pour essayer de la coiffer.
— Parrain Blaise ! s'écria la petite fille en lui sautant dessus.
– Salut mon ange, répondit Blaise en la prenant dans ses bras.
– Je t'en supplie, ne la lâche pas tant que je ne lui ai pas mis cet élastique dans les cheveux, supplia Drago, manifestement exténué de courir après sa fille.
Une fois Lexie coiffée, Blaise la laissa repartir jouer avec son frère et sa sœur et en profita pour s'installer sur le canapé avec Drago.
– Alors, ta princesse t'en fait voir de toutes les couleurs ? rit Blaise.
– Ne m'en parle pas ! Hermione a beau me dire que Tia et Aiden étaient pareils au même âge, je n'y crois pas une seule seconde !
– Elle n'a que cinq ans et c'est votre petite dernière, son frère et sa sœur sont à Poudlard toute l'année, elle le sait et elle en profite. Je t'ai toujours dit qu'après une Serdaigle et un Gryffondor, tu aurais ta petite Serpentard.
Un silence confortable s'installa entre les deux hommes jusqu'à ce qu'Hermione et Ginny, la marraine de Lexie, sortent de la cuisine, suivies par les plateaux contenant les verres et quelques amuse-bouches. Les quatre adultes laissèrent les enfants jouer à l'étage le temps de prendre tranquillement l'apéritif, les cadeaux n'étant distribués que lors du dessert. Ils sauraient bien se montrer si la faim se faisait ressentir.
– Tu as vu l'article de Lavande ? demanda Ginny au bout de quelques minutes.
– Le torchon qui est paru ce matin ? répondit Blaise d'un ton un peu sec. Oui, je l'ai vu. On me l'a envoyé avec un petit mot doux. Enfin, doux ou pas, je ne le saurai jamais ! Je l'ai brûlé…
Un sourire étira les lèvres de Drago, qui reconnaissait bien son ami à travers ce simple geste, alors qu'Hermione posait une main compatissante sur son genou.
– Tu sais bien que Lavande ne fait que dans la presse à scandales depuis qu'elle a été virée de la Gazette, tenta-t-elle de le rassurer. Elle essaie juste d'attirer les lecteurs. Ne fais pas attention à ce qu'elle raconte, ça n'a aucun intérêt…
– Je sais bien, mais ce qui m'énerve le plus, c'est tout son laïus sur le fait que, je cite, je « n'ai pas rencontré LA bonne personne ». Dans chaque article, écrit par Lavande ou non, c'est la même chose… Ça n'a rien à voir avec ça, je rencontre plein de monde, j'ai des parties de jambes en l'air géniales, mais je ne ressens rien de plus. Point.
– Nous le savons très bien, reprit Ginny doucement, mais malheureusement la plupart du monde sorcier n'est pas si ouvert et n'arrive pas à admettre tout cela… Regarde ! Il y a deux mois, pendant la soirée du Ministère, on me demandait encore si « j'avais fini par choisir de quel côté me ranger » alors que je ne choisirai jamais… Un homme, une femme, je m'en fiche. Je tombe amoureuse d'une personne, c'est pourtant simple. Mais non, ils ne peuvent pas convenir que je peux aimer peu importe le genre, alors, c'est triste, mais ça ne m'étonne pas qu'ils n'arrivent pas non plus à te comprendre…
Une lueur s'alluma dans le regard de Blaise. Ginny, tout comme lui, n'était pas acceptée par la société sorcière. C'était d'ailleurs la raison qui avait poussé Blaise vers le monde moldu : même s'il restait du travail, la société moldue était quand même en avance sur les sorciers sur ces sujets-là. Par exemple, les couples homosexuels avaient encore tendance à être jugés du côté sorcier alors qu'ils pouvaient se marier côté moldu depuis des années. Les jugements persistaient malgré tout du côté moldu, mais la société évoluait et semblait de plus en plus les accepter.
Blaise aimait penser que si la société sorcière était mieux informée, elle serait peut-être plus apte à les inclure. Il devait tout faire pour essayer. Il ne voulait plus vivre dans un monde où les gens le regardaient de travers parce qu'ils ne le comprenaient pas. Il ne voulait pas que sa filleule grandisse dans ce genre de monde. Il voulait qu'elle se sente libre d'être qui elle voulait. D'aimer qui elle voulait. Ou de ne pas aimer. Ou bien d'aimer plusieurs personnes. Peu importe, mais elle devait être libre et ne pas se sentir jugée.
Ces pensées tournèrent en continu dans sa tête durant tout le repas. Il avait à peine réussi à se concentrer sur les conversations autour de lui.
– Je vais donner une interview, annonça-t-il de but en blanc alors qu'Hermione coupait le gâteau d'anniversaire. La plupart du temps, les personnes ne nous comprennent pas car elles manquent de renseignements, mais si elles sont informées, elles seront plus à même de nous accepter tels que nous sommes. Nous ne serons plus un sujet d'enquête, un truc intriguant, nous serons juste nous.
Le reste de la journée se passa parfaitement bien. Les discussions tournaient autour de la scolarité des enfants, de la carrière des adultes présents ou de l'idée de Blaise. Il était bien décidé à faire jouer les quelques relations qui lui restaient pour faire cet article. Il pensait même proposer au journal de laisser les lecteurs envoyer des questions afin qu'il y réponde lors d'une interview qui serait retranscrite dans celui-ci.
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Cela faisait deux mois que Blaise avait eu l'idée de l'interview. Il avait contacté tous les journaux sorciers anglais et, de prime abord, n'avait reçu que des refus. Il avait d'ailleurs commencé à perdre espoir que le monde change lorsqu'il avait reçu un hibou de la Gazette du Sorcier lui demandant si l'idée de l'interview était toujours d'actualité et s'il était toujours disponible pour travailler avec eux. Il avait ensuite longuement échangé avec Padma Patil, nouvellement en charge de la rubrique « société » de la Gazette, afin de voir comment présenter la situation aux lecteurs – s'il fallait ou non limiter les questions à l'aromantisme ou s'ils pouvaient poser des questions sur l'orientation sexuelle de manière générale – et, enfin, sur la façon dont allait se dérouler l'entretien.
Baise se tenait devant la porte d'entrée de la Gazette, vêtu d'une chemise rouge à manches courtes – sa préférée – et d'un jean noir. Le tout formait un ensemble à la fois simple et élégant et permettait à Blaise de se sentir à l'aise et confiant. Il pénétra dans les locaux et, après une rapide vérification de son identité à l'accueil, se dirigea vers la salle de réunion que Padma avait réservée pour l'occasion.
– Bonjour Blaise, le salua Padma. Entre, fais comme chez toi.
Blaise la salua rapidement avant de pénétrer dans la salle, intrigué par ce qu'il voyait. Son interview devait paraître dans le journal du lendemain, retranscrite sur papier, alors que dans la salle se tenait des micros, une grande table pleine de boutons et des sorciers que Blaise n'avait jamais rencontrés.
Padma dut sentir son trouble car elle se rapprocha de lui afin de lui donner quelques explications.
– Alors nous y voilà. Nous avons pensé que, pour toucher plus de monde et les jeunes en particulier, on pourrait diffuser en temps réel notre entretien sur la toute nouvelle radio de la Gazette ! Nous avons conscience que, malheureusement, de plus en plus de jeunes personnes trouvent les journaux papier démodés, même chez les sorciers. Alors nous nous sommes dit qu'une diffusion de ce type pourrait toucher un plus large public.
Blaise resta silencieux quelque temps. Il avait eu l'idée de l'interview et s'était préparé à parler de sa vie et à la voir étalée dans le journal. Il avait accepté le fait de se confier à une personne ; là, ça changeait la donne : des centaines de personnes allaient pouvoir l'écouter en direct. Il avait peur, c'était indéniable. Peur de mal se faire comprendre. Peur de ne pas trouver les mots qu'il fallait. Peur d'être jugé, une fois de plus. Mais c'est justement ce qui l'avait poussé à être là aujourd'hui : informer pour éviter les jugements hâtifs.
– J'aurais dû t'en parler avant, s'excusa Padma devant le silence de Blaise, mais nous avons eu l'idée hier soir et ce n'était plus une heure convenable pour te contacter… Si jamais tu es contre, nous pouvons tout arrêter et nous contenter de l'article papier initialement prévu. Ou même tout annuler si tu as changé d'avis…
– Non, ne changeons rien à ce que vous avez prévu. Finalement, ça va me permettre de toucher un public encore plus important et c'est exactement ce que je voulais.
– Padma, on va pouvoir y aller, tout est prêt, annonça un jeune homme à la journaliste.
– Tu es prêt ? demanda Padma à Blaise qui acquiesça d'un signe de tête. Donc, nous allons chacun nous installer dans un des sièges. Nous allons faire une première partie un peu générale et après nous répondrons aux questions des lecteurs. C'est clair pour toi ?
– Tout est bon. On peut y aller, assura Blaise, sa confiance retrouvée.
Ils s'installèrent tous les deux dans les fauteuils se faisant face, une urne remplie de papiers pliés ente eux.
– Allez, c'est parti ! annonça Padma.
Le silence se fit dans la salle. On aurait pu entendre un Vif d'or voler.
– Bonjour à tous, sorciers et sorcières, merci d'être présents avec nous pour cette émission spéciale en compagnie de monsieur Blaise Zabini !
– Bonjour, répondit Blaise à la suite du regard insistant d'une femme qui avait l'air d'être en charge de la radio.
– Aujourd'hui, nous allons parler d'aromantisme et, de manière un peu plus large, d'orientation sexuelle. Blaise, vous vous définissez en tant que personne aromantique. Pouvez-vous expliquer à nos auditeurs ce que cela signifie exactement ?
– Tout à fait Padma, et d'ailleurs merci à toutes et tous de nous écouter aujourd'hui, reprit Blaise. L'aromantisme signifie que je n'ai pas d'attirance romantique. Pour personne, que ce soit homme ou femme. Pour être plus précis, je vais pouvoir passer de très bons moments avec quelqu'un, peu importe son genre, mais je n'en tomberai jamais amoureux. Les papillons dans le ventre, le fait de penser jour et nuit à cette personne, tout ça, je ne connais pas. Je vais pouvoir trouver une femme très jolie et charmante, passer une super nuit avec elle, peut-être même la revoir, mais il n'y aura jamais rien de plus.
– Excusez-moi cette question, j'imagine que vous ne l'avez que trop entendue, mais êtes vous sûr que ça ne sera jamais le cas ? Que ce n'est pas juste une histoire de rencontre, de timing ?
– Rassurez-vous, je me suis moi-même posé la question plusieurs fois. Mais non. Maintenant, je peux vous dire que ce n'est pas uniquement une passade. Je n'ai jamais ressenti le besoin d'être en couple pour me sentir exister. Je n'ai jamais compris mes amis qui perdent la notion du temps quand ils sont avec leur partenaire. Pour moi, tout cela est une perte de temps. En revanche, je comprends et respecte les personnes qui ont besoin de ça dans leur vie. La plupart de mes proches sont mariés et ont des enfants et je suis très heureux pour eux.
– Donc, au final, vous ne ressentez pas de sentiments amoureux, mais toutes les autres émotions vous sont familières ?
– Je ne ressens pas de sentiments amoureux au sens traditionnel du terme, mais rassurez-vous, j'éprouve quand même de nombreux sentiments. Je pourrais même vivre avec quelqu'un à la manière d'un couple dit traditionnel. Mais ça serait plus une relation amicale et purement sexuelle qu'une relation amoureuse un peu plus habituelle.
– Vous voulez donc dire que votre aromantisme ne vous empêche pas d'avoir des relations sexuelles ?
– Exactement ! L'aromantisme ne doit pas être confondu avec l'asexualité. Ce sont deux orientations différentes. Une personne assexuelle, contrairement à une personne aromantique, ne ressent pas – ou très peu – d'attirance sexuelle pour quelqu'un d'autre. Malgré tout, une personne aromantique peut également être assexuelle.
– Il y a donc, si l'on vous écoute, de nombreuses orientations possibles ?
– Evidemment ! D'ailleurs, rien que le fait d'être en couple est une orientation sexuelle. Hétérosexuel ou homosexuel, ce sont des orientations sexuelles aux mêmes titres que les autres. Nous constatons aussi, car elles osent de plus en plus le montrer et en parler, qu'il y a de plus en plus de personnes qui se considèrent comme bisexuelles – c'est-à-dire des personnes qui pourront éprouver des sentiments pour les deux genres – ou pansexuelles. Aujourd'hui, une de mes amies peut être en couple avec un homme et dans quelques temps être avec une femme.
– Nous entendons également de plus en plus parler de personnes qui ne sont pas nées avec le bon genre, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
– L'identité de genre est liée à la perception intime d'une personne. Cela peut correspondre, ou non, au genre qui lui a été attribué à la naissance. On commence, dans le monde sorcier, à entendre parler de transidentité, c'est-à-dire que l'identité de genre d'une personne ne va pas être en accord avec le sexe qu'elle a reçu à la naissance. Je ne dis pas que c'est un sujet facile à aborder, malheureusement ça ne l'est pas toujours, mais il faut oser parler de tout cela, d'autant plus si ça vous rend malheureux et que ça vous isole de vos proches.
– La transidentité est-elle la seule identité de genre que nous pouvons rencontrer ?
– Non, bien évidemment. Nous pouvons également croiser de plus en plus de personnes non-binaires ou intersexes. La non-binarité se dit de quelqu'un qui ne se reconnaît pas dans le genre qui lui a été attribué à la naissance mais qui ne se reconnaît pas totalement dans l'autre genre non plus. Par exemple, prenons une palette de couleur. Si on associe le bleu au masculin et le rose au féminin, alors une personne non-binaire se situera entre ces deux couleurs, à n'importe quel endroit de la gamme.
– Merci beaucoup, Blaise, pour ces nombreuses informations ponctuées d'exemples et d'illustrations. Je vous propose maintenant de passer aux questions de nos lecteurs, envoyées par hibou. Nous les avons toutes placées dans l'urne qui se tient entre nous deux. Vous pourrez, chers auditeurs, trouver une photo de cette urne et de son installation dans l'illustration de l'article de l'édition de demain. L'urne a été enchantée pour me distribuer un papier lorsque j'y appose ma baguette.
Padma vint placer sa baguette au contact de l'urne et un papier en ressortit immédiatement.
– Alors, reprit Padma une fois le bulletin déplié, cette première question nous vient de Kyle qui nous écrit : « Bonjour, j'ai trente ans et je ne suis jamais resté en couple très longtemps. Est-ce que, moi aussi, je suis aromantique ? »
– Avant tout, je souhaite remercier toutes les personnes qui ont envoyé leurs questions à la Gazette. Cela nous permet de rendre cet entretien un peu moins strict et de réellement cibler vos questions et vos attentes.
Blaise laissa planer un petit silence, le temps de se recentrer sur la question posée.
– Pour répondre en toute honnêteté à ta question Kyle, je ne sais pas. Je ne suis pas à ta place et ne peux donc pas te donner de réponse franche. Il se peut que tu sois aromantique, en effet. Ou alors, comme me l'a dit beaucoup de monde, il se peut que tu n'aies pas encore rencontré la bonne personne. Si tu n'as jamais été amoureux, si tu n'as jamais rêvé du « grand amour », si tu n'es pas à l'aise devant des personnes qui se montrent de l'affection ou si tu aimes ton célibat et que ton bonheur ne dépend pas de la personne que tu fréquentes, alors peut-être que oui, tu es aromantique. Je t'ai donné quelques pistes de réflexion, prends le temps de faire le point avec tes désirs et tes ressentis et la réponse viendra à toi.
– Merci Blaise. Pour la prochaine question, nous avons un message de Gabriel où je peux lire : « Votre communauté met en danger les hétérosexuels ».
Le visage de Padma avait blêmi au fur et à mesure de sa lecture. Elle ne s'attendait clairement pas à un tel message. Ils n'avaient pas voulu trier les papiers avant l'entretien, estimant qu'ils n'avaient pas le droit de juger de la pertinence d'une question. Ils auraient peut-être dû…
Blaise, quant à lui, resta de marbre. Il avait déjà tellement entendu ce genre de commentaire… Ce n'était jamais facile évidemment, mais il avait appris avec le temps que ça ne servait à rien d'apporter une réponse trop brutale. Au contraire, cela braquait plutôt les personnes en face. Il prit une dernière inspiration et apporta une réponse, le plus calmement possible.
– Je suis désolé Gabriel, mais je ne suis pas d'accord avec toi. Je ne pense pas que notre « communauté », comme tu dis, vienne mettre en danger les hétérosexuels. Déjà, si dans ta phrase tu parles des personnes aromantiques, sache que finalement nous ne sommes que très peu nombreuses. Selon des études statistiques, nous ne serions même pas un pourcent de la population mondiale. Si tu parles plutôt de toutes les personnes qui ne sont pas hétérosexuelles, sache que là non plus, je ne suis pas d'accord avec toi. Tout d'abord, nous sommes dans une société et à une époque où nous prônons le respect de tous et toutes, et donc les termes que tu emploies comme quoi les hétérosexuels sont « en danger » est un peu fort. Chacun et chacune doit se sentir libre d'aimer qui il souhaite, sans jugement et sans crainte. Ensuite, je pense sincèrement qu'il y a toujours eu des personnes « différentes » des normes, mais qu'elles n'ont jamais osé se montrer. Il y a toujours eu des personnes qui sont restées seules car elles ne trouvaient pas « l'âme sœur », mais elles ne la cherchaient peut-être pas au bon endroit, auprès des bonnes personnes, tout simplement. Et enfin, si ton « danger » se rapporte aux générations à venir, sache qu'il y aura toujours énormément de couples qui auront des enfants et que ces enfants auront à leur tour des enfants. Rassure-toi, le fait d'être homosexuel, aromantique, non-binaire ou autre, ne met pas en danger la survie de l'humanité.
Blaise bouillonnait à l'intérieur, il avait beau essayé de rester calme, ce n'était jamais facile. la vie aux côtés des Serpentard lui avait au moins appris à garder un calme de façade et à sauver les apparences.
– Nous allons donc passer à la prochaine question, qui nous vient de Juliet et qui nous demande : « Avez-vous entendu parler des associations d'aides aux personnes LGBT dans le monde moldu et qu'en pensez-vous ? »
– Je trouve que c'est une très bonne idée, que ça permet à des personnes de se sentir moins seules, de se sentir comprises. Les actions mises en place peuvent permettre de nombreuses améliorations pour les conditions de vie des personnes LGBTQIA et tendent à faire diminuer l'homophobie et autres au fils des années. Pour nos amis sorciers qui ne sont pas très au fait de la culture moldue, le sigle LGBT de base regroupait les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres. Il a été étendu au sigle LGBTQIA pour inclure les personnes queer, qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle, intersexes ou asexuelles. Le vient vraiment permettre d'englober toutes les personnes qui, au final, ne se retrouvent pas totalement dans les premières lettres.
– Avant de passer à la prochaine question, je vais juste en ajouter une personnelle, reprit Padma. Existe-t-il ce genre de mouvement ou d'association du côté sorcier ?
– Pas à ma connaissance. En tout cas pas pour le moment, répondit Blaise, pensif.
N'importe qui, dans la salle, aurait pu voir le cerveau de Blaise tourner à plein régime. En effet, ce genre d'association n'existait pas du côté sorcier, c'était aussi une des raisons qui l'avaient poussé vers le Londres moldu il y a des années… Maintenant qu'il était en accord avec lui-même, il fallait qu'il aide les autres.
– Vous ne pouvez pas le voir à travers la radio, mais je peux vous affirmer que ma dernière question n'a pas laissé Blaise indifférent. Peut-être aurons-nous bientôt une nouvelle association du côté sorcier. Bref, excusez-moi, je m'égare.
Padma capta le regard de Blaise afin d'être sûre que ce dernier était prêt à reprendre le cours de l'interview.
– Le prochain bulletin tiré au sort est celui de Mike. Il nous écrit : « J'aime les garçons et ça a toujours été le cas. Comment en parler avec ma famille ? J'ai peur qu'ils ne me comprennent pas… »
– Merci beaucoup Mike pour ta question, répondit Blaise au bout de quelques secondes. La réponse que je vais te donner est valable pour toi, comme pour toutes les personnes qui nous écoutent et qui se sentent différentes. Je pense que le bon moment pour en parler, c'est quand tu te sentiras prêt. Après, tu te demandes comment en parler avec ta famille, mais tu peux déjà commencer par te confier à quelqu'un d'autre, un ami proche, un voisin, un collègue de travail ou même une vague connaissance. Il n'y a pas de règles, tu fais comme tu le sens. Je ne vais pas te dire que ça sera facile à chaque fois. Mais dis-toi bien que si la personne à qui tu en parles tient à toi, alors elle sera heureuse que tu aies enfin trouvé ta place. On craint souvent de parler et de montrer nos différences, mais bien souvent ces peurs sont infondées et nous empêchent de vivre. La vie est trop courte pour s'empêcher d'être la personne que l'on est à cause du regard des autres.
– Nous allons répondre à une dernière question afin de clore cet entretien. Le dernier message nous vient d'Emmy, qui écrit : « Je suis née-Moldue et maintenant, on voit des trucs LGBT partout… Maintenant même dans le monde sorcier. C'est une véritable propagande ! Ça vous sert à quoi ?! Laissez-nous tranquilles, à la fin ! »
Padma regarda Blaise, manifestement choquée. Elle fit un signe vers l'urne qui avait l'air de dire qu'ils pouvaient tirer un autre bulletin. Blaise refusa et décida de répondre à Emmy.
– Alors, tout d'abord, je vais me permettre un petit point vocabulaire. La propagande signifie que je vais chercher, par tous les moyens dont je dispose, à te faire adopter mon point de vue et à ce qu'il soit le seul qui compte pour toi. Je pense que le terme n'est pas tout à fait adapté ici. Oui, je veux que tu comprennes que des personnes puissent être différentes et que tu les respectes. Mais non, je ne veux pas forcément que tu viennes militer pour le droit des personnes LGBT ou que tu te définisses en tant que personne LGBT juste pour me faire plaisir. Tu as ta vie, j'ai la mienne. Elles ont le droit d'être différentes. Néanmoins, ce n'est pas une raison pour juger, rabaisser ou insulter les personnes qui ne rentrent pas dans les cases. Heureusement que nous sommes tous différents, ça serait bien monotone sinon… Mais nous pouvons être différents tout en gardant du respect pour les personnes qui nous entourent. À travers cette interview, je voulais principalement que la population sorcière soit mieux informée afin, je l'espère, de réfléchir un peu plus avant de montrer du doigt deux hommes qui se tiennent par la main ou de juger une femme qui a les cheveux courts et porte des tenues dites « de garçon ». Parce qu'au fond d'elles, ces personnes vont peut-être mal et ne supportent plus la pression de la société. Car, bien souvent, c'est le manque de connaissance qui fait peur et qui fait que nous arrivons à avoir des comportements déplacés. Tu sais que, chaque jour, de nombreuses personnes sont agressées, physiquement ou verbalement, à cause de leur orientation ? En venant témoigner, en venant montrer qu'il n'y a pas de honte et que ça ne change pas qui nous sommes, j'espère pouvoir faire évoluer les mentalités et diminuer toute cette violence, physique ou morale.
– Nous y voilà, chers auditeurs, l'interview est terminée. Vous pourrez retrouver, dès demain dans notre journal, un article reprenant ce qui a été dit aujourd'hui. Je tiens à remercier Monsieur Blaise Zabini pour sa présence et pour toutes les informations qu'il nous a apportées. Je vous souhaite, à tous et toutes, une agréable fin de journée et vous dit à bientôt pour de nouvelles actualités.
– On est hors diffusion ! s'exclama une voix féminine. Merci à toutes et tous pour cette émission.
La salle s'agita de nouveau. Des sorciers quittaient les lieux, sûrement pour retourner à leurs bureaux, d'autres arrivaient et prenaient place pour une autre émission. Certains venaient régler quelques détails sur la table d'enregistrement, enlever l'urne ou même changer la disposition des sièges.
– Alors, comment as-tu trouvé cette expérience ? demanda Padma.
– C'était très intéressant, je dois le reconnaître, répondit Blaise. J'espère que ce que j'ai dit permettra à quelques personnes de se sentir soutenues, moins seules. C'est souvent le plus dur quand on se rend compte que l'on sort des cases. Évidemment certains sont encore réticents au changement, mais comme je l'ai dit, je pense que c'est parce qu'il n'y a pas assez de communication sur ce sujet. L'inconnu a toujours fait peur, c'est humain. J'espère qu'avec un peu plus de connaissances, les tensions que l'on peut ressentir diminueront. D'ailleurs, n'hésite pas à insister sur ce projet d'association. Je pense que c'est une bonne chose et je vais essayer de le mettre en place dès que possible. Merci à toi de m'avoir permis de parler de tout ça.
Padma et Blaise discutèrent encore quelques minutes avant que la journaliste ne soit rattrapée par la rédaction de son article. En sortant des locaux de la Gazette, Blaise se rendit directement au Ministère afin de se renseigner sur les modalités à suivre pour monter une association.
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En quelques mois, la vie de Blaise avait bien changé. Il avait monté son association, soutenu par Ginny qui en était devenue la vice-présidente. Une fois de plus, les réactions avaient été mitigées au départ, mais le soutien public d'Hermione, membre important du Département de la justice magique, et de Pansy, avocate réputée en Grande-Bretagne, lui avait permis d'assez vite se faire respecter.
L'Association de Lutte Contre les Agressions et les Discriminations des Sorciers, fêtait aujourd'hui son premier anniversaire. De nombreuses personnes étaient réunies dans les locaux, à Londres, pour écouter le discours de Blaise. Il revint sur la création de l'association, remercia les personnes s'étant jointes à lui dès le départ ou celles ayant rejoint la cause un peu plus tard. Il remercia sincèrement son équipe d'avocats qui prenaient sur leur temps libre pour aider les autres bénévolement. Il remercia les personnes qui permettaient au foyer de vivre, car oui, l'association avait pu ouvrir un foyer pour sorcières et sorciers. On y trouvait de jeunes personnes qui s'étaient senties rejetées par leurs familles à cause de leurs différences ou des sorciers qui n'osaient pas en parler à leur entourage et qui venaient chercher un peu de réconfort. Il remercia également Ginny, pour avoir monté un groupe de parole. Ils se réunissaient trois fois par semaine et un des psychomages bénévoles était toujours présent si quelqu'un en ressentait le besoin. Il annonça, enfin, l'ouverture prochaine de nouveaux locaux à Manchester. Ils allaient pouvoir être plus nombreux dans l'équipe et aider encore plus de sorciers.
Il réfléchissait déjà à faire changer les statuts de son association afin d'avoir des employés à temps plein, que ce soit pour les avocats ou les psychomages. Il voulait d'abord se renseigner avant d'en parler officiellement. Voir ce qui était faisable et sous quelles conditions.
En plus de l'équipe permettant le bon fonctionnement de l'ALCADS, de nombreux autres sorciers étaient présents. Des amis de Blaise et Ginny sans qui ils n'auraient pas eu la force mentale de mener leur projet jusqu'au bout. Des sorciers que l'association avaient pu aider et qui, aujourd'hui, assumaient de mieux en mieux qui ils étaient. Padma était présente également. Après tout, sans elle, rien de tout cela n'aurait pu exister. Elle avait permis à Blaise de s'exprimer et c'est lors de cette interview que lui était venue l'idée de l'association. Il ne l'avait jamais assez remercié pour ça, d'ailleurs.
En balayant la salle du regard, Blaise se sentait fier. Fier du chemin qu'il avait parcouru. Fier du chemin parcouru par son association. Fier du chemin parcouru par les sorciers qui étaient arrivés dans les locaux en tant que victimes et qui allaient mieux aujourd'hui.
Bien sûr, Blaise savait que rien n'était vraiment gagné, que c'était un combat sur le long terme. Mais il espérait vraiment que les choses allaient changer. Elles étaient déjà en train de changer. Néanmoins, il ne fallait rien lâcher. Jamais.
Et Blaise était bien décidé à se battre jusqu'au bout.
Le passage en italique, l'allégorie sur la non-binarité, n'est pas de moi. Je l'ai emprunté à Lyra Verin
(rassurez-vous, elle est au courant) et vous pouvez la retrouver dans son premier roman "Friends to
lovers to… more ?" sorti en ebook le 7 juin 2023 ! N'hésitez pas à aller le découvrir si ce n'est pas déjà fait !
