Stiles se douchait. Il était encore faible et Noah, qui n'avait pas assez bu pour sombrer dans l'ivresse, l'aidait à se décrasser. Un peu dans les vapes, l'hyperactif n'avait pas remarqué grand-chose, si ce n'est qu'il avait avoué à son paternel avoir l'impression qu'un rouleau compresseur lui avait écrasé tout le corps. Le reste, ce qui collait ou avait séché… Il n'y faisait pas trop attention. Tout ce qu'il sentait, c'était cette douleur pas trop forte, mais qui l'était suffisamment pour qu'il la remarque et qu'elle le dérange.
De son côté, Jackson changeait ses draps.
La confrontation avait été aussi pauvre en paroles qu'étrange. Stiles avait demandé à Jackson ce qu'il faisait là, et le kanima lui avait juste répondu que son père l'avait appelé. Stiles n'avait pas insisté, trop épuisé. La réponse de Jackson était un peu fausse, mais il n'avait rien trouvé d'autre. Parce que lui dire la raison de sa présence aurait signifié qu'il cessait de garder le secret sur certaines choses et pour être honnête, Jackson ne se voyait pas lui dire la vérité pour le moment. Dans un sens, il voulait l'épargner et pour le coup, l'amnésie due à la drogue l'arrangeait.
Car Jackson ne se voyait pas être celui qui lui annoncerait la nouvelle. Il ne voulait pas avoir à lui dire ces mots si destructeurs. Lui dire que son meilleur ami était sans doute la pire des pourritures qu'ils avaient rencontrée jusque-là.
Et que lui-même avait encore un peu de mal à croire à tout ça.
Il se pinça un instant l'arête du nez. Enlever les draps sales du lit faisait remuer ceux-ci et obligeait par conséquent chaque odeur à remonter. Et toutes, elles s'amplifiaient, ne faisant que mettre fin au doute bienheureux que Jackson aurait aimé conserver – même si ce n'était pas possible. Avec son inspection et la confirmation d'Isaac… Il savait que ça s'était passé. Un instant, il eut un vertige qui l'obligea à se poser un peu. Il avait beau ne pas porter l'hyperactif dans son cœur, imaginer que l'on ait pu abuser de lui de la sorte lui remuait l'estomac – et c'était encore pire en sachant que Scott était l'auteur de ce crime des plus abjects.
Ainsi, Jackson eut besoin d'un peu de temps avant de s'y remettre et sitôt qu'il eut terminé de mettre le lit à nu, il balança les draps dans le couloir – la panière de linge sale se trouvant dans la salle de bain. Noah récupèrerait ces tissus immondes une fois qu'il aurait terminé d'aider son fils à se laver, car il était hors de question que Stiles reste ainsi. Aussi sale, aussi souillé, avec l'odeur de Scott qui continuerait de l'embaumer tant qu'il ne serait pas propre. Isaac vint ensuite aider le kanima à mettre de nouveaux draps et ce, sans dire un mot. Aucun des deux jeunes hommes n'avait envie de parler. Leur humeur était sombre, identique. Chacun alternait entre choc, sidération et colère. Et ils avaient cette envie, commune, d'aller confronter l'alpha de ce pas pour exiger… Quoi, au final ? Des excuses – qu'il devait à Stiles – ne suffiraient pas. Pour ce qu'il lui avait vraisemblablement fait, il faudrait autre chose. Devait-il passer par un schéma de justice classique, ou par la juridiction des loups-garous ? Ni Jackson ni Isaac ne savaient comment les choses étaient censées se passer dans ce cas-là. Une chose était toutefois certaine : le confronter tout de suite était une mauvaise idée.
Et tous deux étaient suffisamment intelligents pour le savoir.
Ainsi, Jackson prit la parole alors qu'il enfilait maladroitement la taie sur l'oreiller :
- Je pense qu'il faut qu'on en parle… Juste à Hale, pour l'instant.
Isaac ne dit rien, attendit qu'il poursuive, qu'il développe sa pensée.
- En parler à la meute directement, je pense que ça créerait un bordel impossible à gérer et que certains pourraient ne pas nous croire. Parce que Scott est notre alpha et que tout le monde l'apprécie.
Eux compris. Au passé, toutefois. De son côté, Isaac hocha la tête. Même s'ils n'avaient pas l'habitude de s'entendre au sens propre du terme ou en tout cas, pas plus que nécessaire, il était d'accord avec lui sur ce point-là. Scott était… L'unificateur de la meute. On ne pouvait pas parler de « créateur », étant donné qu'il n'avait pas été le seul, dans cette histoire et que… Stiles avait participé grandement, à ce sujet. Scott restait son ciment, celui qui avait rallié tout le monde à sa cause et ça, personne ne pourrait l'oublier de sitôt. En révélant les agissements de Scott à leurs amis, Jackson et Isaac ne feraient rien de plus que tout briser… Et créer deux clans. Ceux qui resteraient fidèle à Scott et ne croiraient pas à cette histoire, et les autres. Car si l'alpha faisait cela depuis un moment – Jackson en était presque certain – et que personne n'avait rien remarqué… C'est qu'il devait fort bien se débrouiller. Déjà, comment avait-il réussi à droguer Stiles à son insu ? Là encore, la question se posait.
- Va pour Derek, soupira Isaac.
Même s'il avait déjà signifié son accord avec un hochement de tête, il avait besoin de l'énoncer à voix haute. Derek était, disons… Le plus sage de la meute, et pas parce qu'il avait quelques années de plus. On lui enviait son calme et cette façon qu'il avait de relativiser bon nombre de pépins, tandis qu'il en prenait un certain nombre d'autres au sérieux. Il savait faire la part des choses et ça, c'était très important : il aurait sans doute le recul nécessaire pour gérer cette histoire.
Bien plus que deux lycéens complètement perturbés par ce qu'ils venaient de découvrir.
Un moment plus tard, les draps du lit étaient complètement changés et les éléments souillés attendaient dans la machine à laver. Alors qu'Isaac et Jackson ne savaient que faire, c'est un Noah éreinté aussi bien physiquement que mentalement qui vint à leur rencontre. Pour les remercier. Pour… Leur dire qu'ils pouvaient rentrer chez eux, qu'à partir de maintenant… Il allait gérer. Mais ni son visage, ni son regard, ni son odeur ne détrompèrent les deux loups-garous.
- On va rester encore un peu, fit Isaac en esquissant un pâle sourire.
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Isaac était resté, oui. En fait, il avait été décidé qu'il passerait la nuit chez les Stilinski, au cas-où. Disons que Jackson n'arrivait pas à songer à l'idée tant il était perturbé mais qu'en contrepartie, il irait prévenir Derek lui-même. Isaac avait accepté, bien qu'il soit plus proche de l'ancien alpha que le kanima. Le jeune homme aux boucles d'or n'aurait pas trouvé les mots pour expliquer cette horreur à son mentor, il le savait. Jackson aussi. Alors, il avait décidé de prendre la responsabilité de cette histoire et d'annoncer la chose à Derek, dont il était certain qu'il les soutiendrait. Il ne pouvait pas en être autrement. Parce que le Big Bad Wolf, malgré son amour pour la solitude et les grognements, était un homme droit et juste qui, de par sa nature lupine, ne remettrait pas en doute les paroles de Jackson. Aucun loup-garou ne pouvait tromper un autre loup-garou lorsqu'il s'agissait de mensonge pur.
Mais même si Jackson gardait plus ou moins bien son sang-froid, il n''était pas des plus tranquilles quant à ce qu'il allait faire. Il avait roulé jusqu'au loft, oui, s'était garé, oui… Maintenant, il se devait de prendre son courage à deux mains. Il était d'avis que les choses seraient bien plus faciles à dire s'il prenait lui-même le temps de les digérer, mais… D'un autre côté, il ne pouvait pas se permettre d'attendre. Autrement, ce serait laisser la porte ouverte à Scott qui pourrait continuer d'agir impunément – il en était hors de question. C'était aussi pour cette raison qu'Isaac passerait cette nuit au domicile Stilinski. Au cas-où. Dans le bureau de Noah, que celui-ci avait agrémenté d'un matelas avec tout le nécessaire, histoire qu'il n'ait pas à se contenter du canapé.
Jackson poussa un souffle tremblant alors qu'il s'engouffrait dans la cabine d'ascenseur. L'odeur de Scott, ancrée dans ces draps qu'il avait changés, le hantait. Il avait l'impression qu'elle était là, tout autour de lui, qu'elle l'entourait. Qu'elle l'accompagnait. Qu'elle se devait de lui rappeler ce qu'il avait découvert… Et ne devait pas oublier.
Les portes s'ouvrirent sur l'étage qu'il visait et il s'engouffra dans le couloir jusqu'à toquer à la porte du loft, fermée mais pas verrouillée. Jackson, comme les autres loups de la meute, ne sonnait jamais : les oreilles de Derek ne méritaient pas de subir pareille torture sonore. Seul Stiles s'y amusait, parce qu'il adorait provoquer, jouer avec eux. Mais ce n'était jamais méchant, alors on lui pardonnait toujours. Après tout, on le vannait sans arrêt sur son humanité et ses faiblesses… C'était de bonne guerre.
Mais d'un coup, ces plaisanteries prenaient un tout autre sens aux yeux de Jackson, qui se rendait compte d'à quel point Stiles était vulnérable. Il se mordit la lèvre. Il fallait changer ça au plus vite.
C'est un visage surpris qui apparut face à lui, le visage étonné de celui qui avait toutefois rapidement décelé le fait que quelque chose n'allait pas.
Jackson étendit son ouïe et son odorat, ne décela aucune autre présence que celle de Derek au loft – et c'était tant mieux. Le kanima s'épargnait ainsi l'obligation de demander à un hypothétique gêneur de s'en aller. Ses épaules étaient bien assez lourdes comme cela, pas la peine qu'il s'ajoute un poids supplémentaire.
- Il faut que je te parle, finit-il par soupirer.
