Chapitre 15

Armencia était allongée sur son lit mais n'arrivait pas à trouver le sommeil. Elle ouvrit brusquement les yeux lorsqu'elle entendit des coups contre la fenêtre. Avec appréhension, elle se redressa lentement, tous ses sens en alerte. Une voix enfantine, qu'elle reconnut, se fit alors entendre et elle se détendit :

« Armencia ? Je te vois bouger, laisse-moi entrer. »

La susnommée se leva et ouvrit sa fenêtre, laissant entrer un blond furtif.

« Sabo. Que fais-tu là ?
- Je voulais voir comment tu allais après… tout ça.
- Bien. Ma mère n'a pas cru à notre histoire mais mon père a coupé court et a simplement dit qu'il fallait remercier le ciel que je sois rentrée saine et sauve… et de ton côté ?
- Je viens étonnamment de remonter dans leur estime après avoir sauvé une demoiselle en détresse dont le père possède des terres et un très bon titre de noblesse. Qui l'aurait cru ? »

Armencia pouffa à ces mots ce qui fit sourire Sabo.

« Ils veulent bien y croire tant que ça leur permet de se faire bien voir. C'est le plus important, conclut Sabo.
- Ça ne doit pas être simple tous les jours pour toi.
- Pour toi non plus. »

La jeune fille se contenta de hausser les épaules avant de regarder la joue anormalement gonflée du blond.

« … Désolée pour le coup de poing.
- Je l'ai mérité… Désolé aussi pour le coup… et la course… et le garde… et la robe…
- Oh, tu sais. Cette couleur ne m'allait pas, de toute manière. De plus, la tendance du moment est le bleu hématome, répondit-elle en montrant fièrement les siens.
- Pffff. Tu es étrange toi, ricana Sabo.
- Pas plus que toi. Viens t'asseoir. Je vais quand même voir ce que je peux faire pour ta joue de hamster. »

Sabo obéit et en profita pour regarder la chambre. Armencia, quant à elle, put récupérer de la glace dans un sac qu'elle posa sans ménagement sur la joue du blessé.

« Ah ! C'est froid !
- Pense à te faire soigner directement la prochaine fois. Là, dans tous les cas, ça ne va pas être beau à voir les prochains jours mais si on peut minimiser les dégâts…
- Rabat-joie. »

La discussion continua sur le même ton pendant une bonne partie de la nuit avant que Sabo ne se décide à quitter la chambre. Toutefois, avant de partir, ce fut cette fois Armencia qui le retint.

« Sabo… Tu reviendras ? »

Et Sabo lui répondit avec un immense sourire :

« Si tu le veux bien. »


En journée, Sabo et Armencia se voyaient souvent dès que leurs emplois du temps concordaient afin de faire des sorties, comme tout jeune noble de leur âge. Auprès de Sabo, Armencia découvrait enfin la joie de juste être heureuse sans se soucier de rien, pendant un instant certes, mais un instant fort passionnant. Sabo, quant à lui, apprenait une façon de se comporter auprès de ses parents lui permettant de faire ce qu'il voulait tout en ne pouvant rien se faire reprocher. Il excellait dans tous les cours qui lui était assigné, avait une étiquette irréprochable et, en échange, ses parents ne pouvaient refuser ses sorties presque quotidiennes et quasiment toujours accompagnée de la Ronan.

Chelly s'était complètement lassé du blond. Il avait dû trouver autre chose à faire de plus intéressant.

Une routine s'était donc installée : quelques jours servant à faire bonne impression, et quelques nuits servant à faire le mur jusqu'hors de la ville pour aller s'amuser.

Des coups contre la fenêtre, fenêtre qui s'ouvrait presque aussitôt sur un blond au grand sourire.

Ledit blond tendait la main à Armencia qui la prenait sans hésiter.

« Où va-t-on aujourd'hui ? »

Suivie de nombreuses aventures ne se ressemblant jamais pour la jeune fille. Une fois raccompagnée chez elle, les phrases :
« Tu reviendras ?
- Si tu le veux bien. » revenaient sans cesse, étant devenu pour eux à la fois une salutation et une promesse.

En journée, c'était Sabo qui commençait, le soir, c'était Armencia, telle était leur routine. Cependant, un soir, Sabo vint, l'air sombre.

« Sabo ? Tout va bien ?
- … Mes parents veulent me marier…
- … Quoi ? A qui ?
- Je ne sais pas. Certainement une princesse ou un truc comme ça. Je ne peux plus continuer. Il faut que je parte. Je suis désolé. »

Armencia regarda le blond un instant et le prit dans ses bras, étreinte que lui rendit aussitôt Sabo.

« Tu t'en sortiras ? demanda la brune
- Oui… C'est plutôt pour toi que je m'en fais… Comment survivras-tu sans moi ? »

La jeune fille rit doucement à cette phrase et caressa son dos.

« Hm… Je me débrouillerai. J'ai toujours été très forte pour me débrouiller.
- … Je reviendrai quand j'aurai assez de pouvoir pour t'emmener loin avec moi.
- Tu ressembles à un prince charmant quand tu dis ça.
- J'espère bien.
- Ce n'était pas un compliment. »

Les deux rigolèrent légèrement puis, ils se reculèrent et Armencia souffla doucement :

« Tu reviendras ?
- … Si tu le veux bien. »

Et, sans un mot de plus, Sabo disparut dans l'obscurité de la nuit.


« Que c'est dommage. Ton fiancé est porté disparu depuis cinq jours maintenant, scanda la duchesse.
- … Mon fiancé ?
- Eh bien. Sabo. Je n'en avais pas très envie quand ses parents ont commencé à m'en parler mais avec ton physique et ton caractère, tu n'aurais jamais trouvé un meilleur parti… mais, visiblement, même lui n'a pas voulu de toi.
- … Père est au courant de ce que vous comptiez faire ?
- Il n'a pas à l'être. Ce sont des affaires internes et les affaires internes sont gérées par moi. »

Armencia étouffait. Elle n'attendit pas plus pour quitter la salle sous le regard désapprobateur de sa mère.

Sabo avait dû partir en catastrophe par sa faute. Si son père avait été mis au courant, rien de tout cela ne se serait produit.


La suite est déjà connue.

Armencia continua de grandir, les semaines filèrent puis, un beau jour, ce ne fut pas un prince charmant mais un soldat qui fit irruption dans le manoir des Ronan.

Après cela, Armencia ne revit qu'une seule fois le Sabo de dix ans, au Mont Corvo, alors qu'elle accompagnait Garp voir ''le rejeton de son rejeton et ses frères, les autres rejetons''.


« Armencia ?
- Sabo ?
- Oh. Vous vous connaissez ?
- Oui. C'était ma plus proche amie en ville.
- Oui… était… »

Un froid s'installa alors qu'Armencia partit plus loin.

Assise sur un rocher, elle ne tarda pas à entendre des bruits de pas avant qu'un blond ne s'installe à ses côtés.

« … Ça fait longtemps.
- Hm…
- … Je vois que tu n'as pas eu besoin d'un prince charmant. Tu t'es sauvée toute seule de cet endroit. »

La jeune femme tourna la tête dans sa direction mais détourna bien vite le regard.

« J'imagine que tu n'es pas au courant… Pas étonnant en même temps si tu as passé ton temps dans les montagnes.
- De quoi… ?
- C'était moi qui étais censée être ta fiancée. Tu es parti par ma faute… et après que tu sois parti, tout s'est enchaîné si vite. J'ai été emmenée par Garp, j'ai rencontré beaucoup de personnes… mais le duc Ronan est mort.
- Quoi ?
- Un incendie au manoir. Le jour où je suis partie. Tout le monde me dit que j'ai été chanceuse mais je me dis que si j'avais demandé au duc de venir avec moi, il serait peut-être encore présent actuellement. »

Avant qu'elle ne se rende compte, Armencia se retrouva dans une étreinte, étreinte qu'elle rendit. Elle s'accrocha au haut de son ami.

« Je suis désolé de ne pas avoir été présent quand tu en avais besoin… Et, si j'avais su que c'était à toi que mes parents voulaient me marier, je ne serais pas parti aussi précipitamment.
- Tu voulais être libre. C'est ton droit…
- Je peux l'être tout en te permettant de te sentir à ta place.
- Arrête de faire le prince charmant. Nous ne sommes pas dans un conte de fée.
- Peut-être. Mais comme dans tout conte de fée, je vais revenir et ce sera une fin heureuse. »

Armencia se permit un sourire et se redressa.

« … Je te rappelle que c'est moi qui partirai. Je retournerai avec Garp à Marineford.
- Ce n'est pas faux. Tu reviendras alors ?
- Si tu le veux bien. »

Elle retourna ensuite auprès des autres, se présenta de manière plus formelle et passa quelques jours avec le monstrueux trio et leur plus monstrueux entraineur, bien décidé à ce qu'ils deviennent soldats. Armencia avait été heureuse de voir que Sabo se permettait d'être plus insouciant avec eux… même s'il restait celui qui surveillait qu'aucun ne fasse quelque chose d'assez irresponsable pour y perdre la vie. Ce fut donc après ces quelques jours qu'elle repartit le cœur plus léger, sachant que Sabo était bien entouré, qu'elle avait d'autres membres de sa famille fort sympathique à ajouter dans son arbre généalogique et que des brigands des montagnes n'étaient pas forcément mauvais.

Ce fut cependant la dernière fois qu'elle vit toutes ces personnes, n'osant plus y mettre les pieds depuis la mort présumée du blond.