Chapitre 5

Je déambule dans le rayon à la recherche de quelques livres classiques mais en vrai, je n'y connais rien en livre. Ça se trouve, celui d'Edward n'était pas du tout un classique, je l'ai supposé en voyant l'état vieillot de son livre mais ici, tous les livres sont neufs.

« Je peux t'aider à trouver ce que tu veux ? Me propose Angéla.

Je lui souris.

« Ça serait cool, je suis perdue. Ce sont des classiques, ça, à ton avis ?

Elle me lance un regard questionneur et finit par me sourire.

« Non, ce sont des romans de sciences-fictions. Suis-moi.

Je la suis jusqu'à un rayon au fond du commerce, elle me présente l'étagère où se trouve tout plein de livres, comme dans le reste de la boutique.

« Voilà, c'est là dedans.

Angie me regarde choisir consciencieusement alors qu'elle tient dans ses mains deux livres qu'elle a choisis.

« Tu as fini ? Lui demandé-je.

« Oui, acquiesce-t-elle en hochant la tête.

Nous allons la caisse, j'aperçois Eric qui nous attend adossé contre le monstre rouge à l'extérieur de la librairie.

« Alors, fait le libraire en prenant les livres d'Angéla. "Candide" et "Faites ressurgir le bon en vous". Ça fera 17$98, mademoiselle.

Angie paye et me laisse la place.

« Donc, "Madame Bovary", "Orgueils et préjugés", "les liaisons dangereuses", "Crime et châtiment", 39$96, s'il vous plaît.

Je paye et remercie le libraire quand il me tend mon sac rempli de mes nouveaux livres.

« Curieux choix de livres, me fait remarquer Angie quand nous remontons dans le monstre.

« Ce sont... des classiques.

« Pourquoi les avoir choisi eux ?

Je hausse les épaules. Madame Bovary parce que c'est le livre qu'Edward est en train de lire, le reste, c'est juste les titres qui m'ont plu.

« Je ne les ai pas encore lu.

« Ni les autres, me dit-elle. Tu ne sais pas reconnaître les classiques des livres de S-F.

« Ce n'est pas mon style habituel mais je suis curieuse.

« Je ne sais pas si tu vas aimer ou détester Madame Bovary, sourit-elle.

« Pourquoi ?

« C'est une idéaliste acharnée qui finit par se rendre compte que sa vie n'est pas comme celle des romans d'amour qu'elle lit. Le personnage est tout l'opposé de toi mais la morale du livre va dans ton sens.

« J'aime bien détester le héros du livre, avoué-je.

Des films et des séries, en réalité mais je suis supposée aimer lire alors...

« C'est à ton tour, Angéla. J'ai aussi fait des recherches sur toi mais je dois avouer que... je n'ai rien trouvé. Tout ce que je sais, c'est que tu t'appelles Angéla Weber.

« Je ne suis pas sur les réseaux sociaux, admet-elle, alors ça ne m'étonne pas. J'ai 17 ans, je viens d'Angleterre, mon père est pasteur, ma mère l'aide à la maison comme à la paroisse.

Ça explique pourquoi Angie est une si gentille fille. Elle ne fait pas de blague, pas de bêtise, elle attend les retardataires... elle se fera manger toute crue au lycée. Eric pose des questions à Angéla pendant le trajet retour comme il l'a fait pour moi, à l'aller. Je dépose Eric chez lui en premier puis dépose Angie devant chez elle mais elle ne sort pas tout de suite de mon monstre.

« Tiens.

Elle me tend l'un des deux livres qu'elle a acheté. Je fronce les sourcils en regardant le titre écrit en jaune sur un fond bleu.

« Tu essayes de me faire passer un message, là ?

« Non, pas du tout, me sourit-elle. Je me disais qu'il pourrait te plaire, je l'ai choisi pour toi, pour te remercier de nous avoir emmenés avec toi.

« C'est pas la peine, vraiment, refusé-je en lui rendant le livre.

Mais elle repousse l'objet toujours dans ma main.

« J'insiste.

« Et bien merci, fallait pas.

Vraiment, fallait pas, pensé-je. Elle me sourit et sort après m'avoir souhaité une bonne soirée. Je glisse le livre dans le sachet avec les autres et rentre à la maison.

« Ah Bella, je me demandais où tu étais passée, me lance Charlie quand je rentre.

« Tu as envoyé tes collègues à mes trousses ? Lui demandé-je.

« Bien sûr que non, je me suis dit que tu traînais avec de nouveaux amis.

« Ouais, avec Angéla et Eric.

« Le petit Yorkie ?

« Ouais. Angéla, c'est une nouvelle aussi, ses parents l'ont inscrite aujourd'hui. On a été à Port Angeles ensemble.

Je pose mon sac de cours sur la table de la cuisine et ouvre la petite poche à l'avant.

« Pourquoi êtes-vous allés à Port Angeles ? S'enquiert Charlie.

Je sors le post-it jaune et le tend à Charlie.

« Librairie, acheter des livres.

« C'est quoi, ça ?

« Les livres scolaires à acheter pour les cours.

« Bella...

Je finis de refermer la poche et fixe mon regard sur celui de Charlie.

« Pourquoi tu ne les as pas achetés pendant que tu étais à Port Angeles ? Et j'aimerais que tu me préviennes quand tu quittes la ville.

« Je n'y ai pas pensé, en fait. Et, euh... je pensais que j'avais une voiture pour avoir une sorte d'indépendance ?

« Ça ne veut pas dire que je n'ai pas mon mot à dire et s'il t'arrive quelque-chose, je préfère savoir par où chercher en premier. D'accord ?

« D'accord, désolée. Je préviendrai, la prochaine fois.

« J'imagine que l'achat est urgent ?

« Ohf, non, la secrétaire a dit que je pouvais attendre ce week-end.

« Ok, je te donnerai de l'argent et tu iras samedi. C'est l'heure de dîner, tu m'appelles quand c'est prêt ?

« C'est de l'esclavagisme !

« Fais ta part, Bells, envoie-t-il en allant au salon.


Je remonte dans ma chambre et sort mes achats que je place sur mon bureau. Je range directement le livre d'Angéla dans ma poubelle à papiers. Je souris en voyant ma petite pile de livres puis retire la sur-couverture en papier glacé de l'un d'eux pour le positionner autour du livre de Nálson qui m'a été offert. Je n'ai même pas besoin de faire semblant de lire ces foutus livres, je peux lire mon livre en faisant croire que c'est un classique.

Précepte 3
Développer une amitié

Maintenant que tu as choisie ta cible, que tu as découvert ses passions, ses activités et que tu te les aies appropriés, fais-lui découvrir les meilleures facettes de ta personnalité. […]


J'arrive de bonne heure ce matin, adossée contre la carrosserie rouge délavée, j'attends que ma proie arrive. Il me faut connaître son véhicule, en premier lieu, c'est pourquoi je suis partie tôt de chez moi, pour être sûre de ne pas le manquer.

Les voitures affluent et je commence à me demander si les Cullen ne viennent pas à pied, au final. Je regarde mon portable et vois que les cours commencent dans cinq minutes et plus aucune voiture n'arrive. Alors que je commence à me dire qu'ils sont arrivés par la cour, je vois deux voitures entrer sur le parking. Une Volvo argentée et une Mercedes noire, toutes les deux neuves et brillantes à l'opposé exact des autres véhicules d'ici, c'est sûrement eux. J'en déduis que les Cullen sont riches. Je ne sais pas ce que leur mère fait comme travail, ni même si elle travaille mais ça doit bien gagner sa vie, un médecin. Je pourrais épouser un médecin, du coup.

Edward sort de la Volvo et son regard se pose sur moi. Je lui offre un sourire timide puis le déporte sur le sol en glissant mes cheveux derrière mon oreille. Je pense avoir été convaincante. J'attends que la fratrie soit un peu plus loin pour les suivre, l'air de rien. Après tout, nous allons en cours au même endroit.

Toute la journée, je suis l'ombre d'Edward, il ne se rend compte de rien mais je n'apprend rien d'intéressant. Au déjeuner, je constate qu'Angéla est entrée dans mon petit cercle d'amis car elle se trouve attablée avec la bande de Lauren.

« Stella, lance joyeusement Lauren. Je ne t'ai pas vue de la journée, je pensais que ta première journée avait eu raison de toi, ou Forks de ta santé mentale.

« C'est toujours Bella, Lauren et non, je vais bien.

« Mike fait une soirée samedi soir, claque-t-elle pour signifier son agacement. Tu viendras ?

« Ouais, ok.

Je lance quelques regards vers les Cullen pendant qu'une idée germe dans mon esprit, un plan qui n'a rien à voir avec ma quête de manipuler Edward. Je suis juste capable d'espionner et d'établir des plans machiavéliques en même temps. L'occasion idéale se présente bien plus tôt que je ne l'ai espéré, juste avant le premier cours de l'après-midi. Jessica et Lauren sont entrées toutes les deux aux toilettes, je guide Angéla vers celles-ci en espérant qu'elles soient toutes les deux dans un cabinet. Je souris quand je vois qu'il n'y a personne devant les lavabos.

« Tu vas te déguiser en quoi ? Demandé-je à Angie.

« De... pour quoi ?

« Pour la soirée de Mike ? J'ai oublié de te dire ? On m'a dit que ce sera une soirée costumée, en fait. Le thème c'est les animaux de la ferme mais surtout, faut pas le dire à Jess et Lauren. On sera tous déguisés, elles seront les seules à être en tenue de soirée.

« Ce n'est pas très sympa, objecte-t-elle.

J'allume le robinet et me lave les mains pour donner une excuse à notre présence ici.

« Après, tu peux être solidaires avec elles et ne pas venir déguisée, toi non plus. Je ne sais pas si je vais le faire mais je n'ai pas très envie de faire partie des victimes. J'ai bien pensé à les prévenir mais... personne n'aime les balances.

Je me sèche les mains et nous sortons. Étant donné le temps qu'Angie et moi avons passé là-dedans, il est certain que les deux filles ont attendu que nous partions pour sortir. Je décide de faire une pause dans ma traque d'Edward pour en revenir à ma mission initiale, l'attirer à moi. Je le repère dans la cour pendant la pause et m'assois contre un arbre en lisant la fin du troisième chapitre des préceptes de Nálson mais pour le reste du monde, je lis "Crime et châtiment". Des baskets de marque apparaissent dans mon champ de vision alors que j'arrive à la fin de mon chapitre. J'abaisse mon livre vers moi tout en remontant mon regard pour découvrir Edward, me regardant de haut. L'attirer à moi a été plus facile que je ne le pensais.

« Salut, lancé-je avec un sourire timide.

« Salut. Bella, c'est ça ?

Je hoche la tête.

« Je peux m'asseoir avec toi ?

« Bien sûr. Tu es... Edward, non ?

Il m'offre un sourire et opine de la tête avant de s'asseoir.

« Crime et châtiment, alors ? Tu aimes ?

« Je n'en suis... qu'au début, fais-je évasive.

J'aurais peut-être dû lire le résumé. Il se trouve justement à l'arrière du protège-livre mais ça serait bizarre de le lire maintenant, devant lui.

« Tu l'as lu ? M'intéressé-je faussement.

Il hoche la tête et me fixe comme s'il essayait de pénétrer mon âme.

« J'aime les classiques et visiblement, toi aussi. C'est rare, de nos jours, qu'une ado s'intéresse aux classiques.

« Et bien... il a été un temps où ce livre n'était pas un classique.

« C'est vrai, sourit-il. Alors, tu te plais à Forks ?

Je grimace.

« Forks est mon purgatoire.

« C'est aussi l'impression que j'ai, rit-il.

Les deux ados qui tombent là où ils n'ont jamais voulu être, j'imagine que ça nous rapproche et ce sera probablement la seule chose que nous avons véritablement en commun. Ce qui veut dire que je dois m'en servir.

« Et, depuis que t'es là, t'as trouvé un seul truc qui vaut la peine d'être connu ?

Il m'offre un sourire en coin mais ne répond pas immédiatement, il me scrute de ses yeux dorés.

« Ouais.

« Tu me montrerais ?

À nouveau, il reste silencieux. Plus je le fixe et plus je pense que cette couleur de yeux... n'est pas censée exister. Alors la trouver chez cinq ados qui ne sont même pas supposé être génétiquement de la même famille, c'est bizarre.

« Je pense que non.

Je fronce les sourcils. Merde, putain.

« Pourquoi pas ?

« On ne peut pas être amis, on ne doit pas.

Je reste immobile, essayant de comprendre comment la tournure de la discussion en est venu à notre impossibilité de devenir amis. Ne me voyant pas lui répondre, il se relève. Je l'imite et me place devant lui pour l'empêcher de s'éloigner. Il penche la tête légèrement, les yeux questionneurs, un léger sourire sur les lèvres.

« On ne peut pas ou on ne doit pas ? m'enquiers-je.

« Quelle différence ? Souffle-t-il.

« Si on ne doit pas, ça veut dire qu'on le peut. Il faut savoir contourner les règles.

« Tu ne sais pas de quoi tu parles.

« C'est toi qui est venu me parler ! Je ne t'ai rien demandé, moi.

« C'était une erreur.

« Pourquoi t'es venu, alors ?

« Curiosité.

« Ah ouais ?

« J'ai toujours su cerner les gens... toujours... mais toi... toi, c'est différent, je n'arrive pas à te cerner.

« Si tu apprenais à me connaître, tu...

« Je n'ai aucune envie de te connaître, réplique-t-il, me coupant la parole. Et tu devrais ne pas le vouloir, toi non plus. Lauren et Jess te surveillent, ne crois pas qu'elles t'ont déjà acceptées dans leur cercle d'amis, tu es juste... en probation. Chercher à me parler n'est pas pour ton bien. Tu finiras seule, à la fin parce qu'ils ne voudront plus de toi et je ne veux pas de toi, non plus.

Il se déplace de côté et me dépasse sans plus de cérémonie. Je me tourne et le fixe s'éloigner de moi en direction du bâtiment. Edward n'est pas une proie si facile... mais je vais l'avoir et à la fin, c'est lui qui se retrouvera seul, quand je l'aurais abandonné.


Nda : Bon, au moins, elle a réussi à l'attirer mais ça semble plus compliqué qu'elle ne le pensait, finalement. Vous vous déguiserez en quoi pour la fête de Mike, du coup ? xD