Hey !
Et encore un chapitre. On se rapproche doucement de la fin.
(Pardon, je mets des plombes à poster parce que je suis définitivement passé du côté "original" de la force, tout mon temps libre passe dans les AT du moments et mes romans perso. Je vais essayer de boucler mes corrections en octobre pour finir de poster cette fanfic, mais je promets rien. Gros merci à celleux qui continuent de suivre cette histoire !)
Bonne lecture !
Des histoires de famille
.
La semaine passe et, à chaque réveil, Riku sent la tension grimper. Même Roxas, d'ordinaire si détendu, laisse parfois fuiter l'inquiétude qui l'habite. Axel glisse aussitôt sa main dans ses cheveux.
Les humains savent qu'ils ne resteront pas au manoir le temps de l'affrontement. Mais chacun a ici un lien avec un vampire qui lui tient à cœur, et l'idée de ne pas le retrouver en revenant suffit à écourter leur nuit. Zexion lit, assis près de Demyx. Neku rabroue moins souvent Joshua, malgré son naturel insupportable. Riku croise de plus en plus souvent le rouquin dans les cuisines. C'est agréable de partager son silence.
— Wow, tu me poses une colle.
Un matin où Demyx vient petit déjeuner, Riku en profite pour lui poser une des questions qui lui brûle la langue.
— Alors Sora et Van, tu sais déjà, reprend le musicien. Pareil pour Xemnas. C'est le vieux qui les a transformés. Saïx aussi, d'ailleurs.
Riku hausse un sourcil étonné. Tiens ? Il pensait pourtant que Xehanort n'avait transformé que trois personnes ici. Maintenant qu'il y pense, personne n'a prétendu que c'était le cas. Il ravale son étonnement comme Sora les rejoint. Lui, il ne vient pas déjeuner. Enfin, pas avec des tartines de confiture.
— J'interromps quelque chose ? le nouveau venu lance.
— Riku voulait savoir qui avait transformé qui dans la baraque, mais j'ai pas tout l'arbre généalogique, moi, geint Demyx.
L'activité doit intéresser Sora, parce qu'il vient aussitôt se poser près d'eux.
— Je suis là depuis plus longtemps, il argumente. T'aurais pu me demander, Riri.
— Ouais, mais je suis plus vieux, Dem avance.
Riku tique et demande aussitôt.
— Comment c'est possible ?
— Il est pas d'ici, de base, son ami lui répond.
L'humain tourne son attention vers Demyx comme s'il s'attendait à ce qu'il démente, mais le concerné hoche vigoureusement la tête. Alors c'est un transfuge, comme Joshua ?
— J'suis de chez les Gainsborough, il explique. C'est Demoiselle Aerith qui m'a transformé, y a une paie. Je me trimballais de village en village avec mon instrument, et je me suis cassé la gueule en essayant de passer la montagne où le clan avait bâti le château. Elle m'a sauvé la mise.
— Pourquoi t'es pas resté ?
Il dresse dans sa tête une liste de bêtises que Demyx aurait pu faire, qui lui auraient valu d'être chassé. C'est vrai qu'il est assez… peu conscient des conséquences de ses actes. Un point commun qu'il partage avec Sora, d'ailleurs.
— L'endroit. C'est cool le château, mais bonne chance pour atteindre le patelin le plus proche. Ça me dérangeait pas tant au début, mais les siècles ont passé et quand les villes se sont développées, c'est là que j'ai voulu jouer. J'ai demandé à intégrer ce clan pour me rapprocher des zones habitées. C'est quand même mieux d'avoir un vrai public.
— C'est là qu'on a scellé le pacte avec les Gainsborough, Sora complète.
— Je suis un peu la preuve vivante du traité, Demyx déclare. Enfin, vivante. T'as compris.
Un sourire amusé le prend. Donc, les vampires n'ont pas nécessairement besoin de fuir leur clan d'origine pour en rejoindre un autre. C'est intéressant. Et logique. Si Xehanort n'a pas transformé tout le monde ici, il a dû trouver un autre moyen de former ce groupe hétérogène.
— Et les autres ?
— Saïx, comme je t'ai dit, c'est Xehanort. C'était un monstre sur le champ de bataille, il a insisté pendant des années pour l'avoir.
— Et comment il l'a convaincu ?
— Ça, personne sait.
Riku adresse un regard à Sora dans l'espoir d'une autre version des faits, plus complète. Mais son ami hausse les épaules. Pour une réponse, il gagne un mystère.
— Axel, c'était le garde-manger de Saïx, le garçon lui apprend.
— C'était un peu comme Van et Neo.
Neo. Riku tique. Maintenant qu'il est au courant, tout le monde parle de lui comme si de rien était. Ce qui ressemblait à un secret a soudain éclaté, Logique. C'est avant tout à lui qu'on cachait cette histoire.
— Ils se chopaient entre deux repas, et Axel a fini par franchir le pas, Demyx raconte.
— Ils sont…
— Ensemble ? C'est compliqué. Axel est pas l'homme d'un seul vampire. T'as bien vu comme il est avec Roxas, et Saïx est de la vieille école, ça complique le truc. Il peut pas piffrer le blondinet. Si t'entends un couple se disputer au milieu de la nuit, tu peux être sûr que c'est eux.
Riku imagine bien. Sans vouloir juger les gens à leur tête, Saïx dégage une dureté froide et stricte bien différente de la fantaisie d'Axel. C'est un chêne au milieu de la tempête, là où le rouquin ressemble plutôt à l'oiseau qui se pose de branches en branches.
— D'ailleurs, Marlu est un ancien plan cul d'Axel, Demyx poursuit. C'est un des vampires les plus jeunes, ici. Il a choppé je sais pas quoi, une peste me semble, et Ax' lui a proposé de le transformer avant qu'il crève.
Ça, Riku ne l'aurait pas deviné. C'est vrai qu'il les a déjà vu discuter, mais il ne savait pas… Enfin, il imagine que ce n'est plus d'actualité. Surtout si leur histoire date du siècle dernier.
— Et Xion ? il enchaîne.
— Aussi un caprice de Xehanort. J'crois qu'elle faisait partie d'un genre de secte.
Sa ressemblance avec Vanitas a frappé Riku, la première fois qu'il l'a vue. Il comprend mieux, maintenant. Ces mêmes cheveux de jais, cette peau neige et ce visage de mannequin lisse.
— C'était une assassin, Sora précise. Ses talents l'intéressaient.
— Attends, de son vivant ? son ami s'étonne.
— Ouais. On dirait pas, hein ?
Non. Sa voix délicate et ses gestes minutieux lui donnent des airs de poupée. Elle a dû en avoir plus d'un, avec cette couverture.
— Elle a accepté de venir à la condition que Naminé puisse la rejoindre, Sora précise. Alors Xehanort les a transformées toutes les deux.
Pour le coup, Naminé leur ressemble moins. Elle ne partage que la peau clair de Vanitas, et ses yeux incroyablement jaunes. En revanche, elle a le même visage fin que le reste de la petite famille.
Enfin, famille. Il ne devrait peut-être pas utiliser ce mot, surtout si les deux filles sont ensemble.
— Et Aqua ?
C'est encore celle qui l'intrigue le plus. Et celle pour qui, paradoxalement, il se sent indiscret de poser la question. Comme s'il n'avait pas le droit de savoir.
— Aucune idée, Dem répond. Elle était là quand j'ai rejoint le clan, mais elle m'a jamais raconté comment elle avait atterri ici. Par contre, je suis presque sûr que c'est pas Xehanort qui l'a mordue.
— Non. C'était déjà une vampire quand il l'a rencontrée, Sora confirme.
Deux paires d'yeux pleines de curiosité se tournent soudain vers lui.
Est-ce que c'est une bonne idée de parler de ça ? Les vampires ont l'oreille fine, et il n'est pas exclu qu'Aqua soit dans le coin. Elle est sans doute accaparée par les plans qu'elle prépare, mais Riku s'en voudrait de fouiller sa vie et ses souvenirs dans son dos, surtout si elle le prenait sur le fait.
—T'étais là quand elle est arrivée ? Demyx l'interroge.
Sa voix précipitée trahit ce pressant besoin d'informations qui rappelle à Riku la course des ragots au collège. Le besoin de savoir, celui de parler. Sora se mordille la lèvre, et il devine le dilemme qui titille son ami.
— Ouais. C'était une solitaire, super jeune. Xehanort a pas eu à insister longtemps pour la convaincre de venir avec nous.
Donc, Aqua a été mordue par un autre vampire. Un autre clan, peut-être, ou un immortel errant qui, plutôt que d'en faire son repas, l'aura transformée. C'est cruel.
— Elle vient aussi de Valachie. Autant dire que ça remonte, Sora précise.
— Vous savez qui l'a transformée ? Demyx insiste, curieux.
— Aucune idée. Elle parlait pas beaucoup, au début. Et même quand elle est devenue plus bavarde, elle parlait jamais de sa vie d'avant. En fait, c'est un peu comme si elle avait toujours était là. On était pas si nombreux à l'époque, et le clan s'est renouvelé depuis. C'est une des plus vieilles ici.
Sora hausse les épaules.
— Si quelqu'un sait d'où elle vient, il est plus ici pour nous le dire, il conclut.
Riku se laisse tomber contre le dossier de sa chaise. Il attrape une autre tartine et mord sans y réfléchir, plongé dans ses pensées.
Il a du mal à imaginer Aqua humaine, et pourtant c'est encore celle qui se soucie de plus de ceux qu'elle pourrait considérer comme de simples proies. Elle a cette compassion triste qu'il n'explique pas, et cette rigueur stricte qui la place au-dessus d'eux. Pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre pourquoi Xemnas l'a choisie comme bras droit.
— Et Xehanort ? Riku demande soudain.
Demyx éclate de rire.
— Oublie, personne sait d'où viennent les vieux excepté eux. C'est leur petit secret.
— Ouais, Sora déplore.
Au soupire qu'il pousse, Riku devine qu'il partage sa curiosité, et la sienne n'en est que plus grande. Il connaît l'âge de ses amis, devine celui des autres Mais même ces existences séculaires semblent maigre face à celle des légendes qu'ils évoquent. Des vampires si vieux qu'un regard leur suffit à s'insinuer dans la tête de leur adversaire. Qui les a transformés ? Existe-t-il seulement une créature plus vieille qu'eux? Un vampire originel ?
— Y en a qui racontent que ce sont les premiers vampires. Mais bon, on a pas de preuves. Puis genre, trois vampires apparus comme ça, d'un coup, ce serait chelou.
Pas faux. Riku termine sa tartine sans se soucier du goût sucré qui embaume sa bouche. Le reste du petit déjeuner se fait dans un silence calme, jusqu'à ce que Demyx se lève pour aller rendre son repas.
— Au fait.
Le gris va pour filer à sa suite, mais la petite main de Sora le retient.
— Aqua veut nous voir.
— Maintenant ?
— Le plus tôt possible. C'est par rapport à l'évacuation des garde-manger, je crois.
Bien. Mieux vaut effectivement régler la question au plus vite. Il hoche la tête et se laisse guider par son ami, lequel trouvera plus facilement la vampire que lui.
Mais une tornade noire les arrête. Une main plus ferme que celle de Sora enserre son poignet et il redresse la tête.
— Vanitas ?
— Ils vont le réveiller demain.
Le gris s'arrête. Il comprend bien évidemment de qui Vanitas lui parle, mais il ne sait pas quoi répondre. Comme Aqua, il estime que c'est nécessaire. Il veut leur faire confiance à elle et à Sora, quand ils affirment qu'ils ne voient pas Neo en lui. Qu'il ne risque rien. Mais s'il se trompe…
Son regard s'attarde sur les traits furieux de Vanitas. Le corbeau est épuisé, ça crève les yeux. Fatigué, inquiet, rongé par une colère qui a pour origine la peur au fond de son ventre, il en a les mains qui tremblent.
— Tout se passera bien, Sora lui assure.
Il s'approche pour poser sa main sur son épaule, mais Vanitas le rejette.
— Aussi bien que la dernière fois, tu penses ?
— La dernière fois, c'était pas-
— C'était assez grave pour que le vieux décide de l'exécuter sans procès !
— Il fera rien, Van !
Riku ne sait pas à qui donner raison. Dans un cas comme dans l'autre, il est inutile d'essayer de raisonner Vanitas. Impossible. Il ne laissera personne calmer ses craintes. Les crocs pointent sous ses lèvres pâles alors qu'il les regarde comme on fixe un inconscient incapable de saisir la portée de ses propres mots.
— Tu n'en sais rien ! le noiraud feule. Personne n'en sait rien et tout le monde fait comme si tout allait bien se passer !
— Van-
— C'est facile pour vous ! Vous ne risquez rien ! Ce n'est pas Kairi qu'il a décapité la dernière fois qu'on l'a réveillé !
Le visage de Sora palit.
— Qu'est-ce que tu dirais, si c'était la vie de ta petite chérie qui était en jeu ? Vanitas le raille.
L'injustice de ses propos blesse plus que la colère qu'il exulte. Riku sait que Sora l'aime. Qu'il ne soit pas amoureux de lui comme il l'est de Kairi, ça n'y change rien. Si Xehanort décidait effectivement de l'exécuter… Ce ne serait peut-être pas la blessure saignante que Vanitas a dû traîner avec toutes ces années durant. Mais ça compterait.
— Sa vie sera en jeu tôt ou tard si Ardyn gagne, Sora insiste. S'il révèle notre existence, Riku aussi sera en danger, et toi avec ! Ça vaut pour tout le monde, Van.
La logique de ses mots glisse sur cette peau blanche. Peut-être qu'une part du jumeau furieux comprend. Mais il se détourne sur un rictus dégouté.
— Vous ne comprenez rien.
Une dernière fois, Vanitas cherche l'approbation chez son partenaire. En vain. Il s'éloigne d'un pas sec. Sora le regarde partir en soupirant.
— Désolé. C'est pas sa faute, il est…
— Oui. Je sais.
Riku lui sourit. Ce n'est peut-être pas tant d'arguments que de soutien dont Vanitas a besoin. Et il n'y a qu'une seule personne qu'il acceptera d'écouter. Il refusera peut-être de lui parler, mais l'humain doit essayer.
— Rejoins Aqua, il tranche. Je vous retrouverai plus tard.
Bien qu'il n'ait aucun moyen de savoir où elle se trouvera. Ça, c'est un problème pour le futur Riku. Celui du présent gagne le jardin où son noiraud s'est éloigné et il pose sa main sur son épaule. Aucun rejet. Pas de sursaut. Il retient un soupire rassuré et laisse ses doigts descendre encore sur une taille désormais familière.
— Je t'interdis de me laisser.
Le calme dans la voix, résigné, lui brise le cœur aussi sûrement que ses cris. Si Vanitas s'entendait, son ego en prendrait un sacré coup.
— Je te laisserai pas.
— Ça, c'est pas toi qui en décidera.
— Van.
Riku passe ses doigts sous son menton. Sa peau est toujours aussi froide. Mais sa chair est tendre, plus qu'il ne l'imaginait. Il n'a pas cet épiderme de pierre qu'il imaginait, ni les muscles tendus des cadavres.
Vanitas a peur. Une peur bien vivante.
— Il faut que tu partes, le vampire insiste.
— C'est prévu. Je partirai avec les autres avant la bataille.
— Non. Tu dois partir avant qu'ils réveillent le vieux.
De ce que Riku a compris, ce sera inutile. Xehanort saura de toute façon. Et quand bien même, il doute de pouvoir convaincre chacun des vampires de ce manoir de ne pas révéler ce qui s'est passé ces derniers mois. En fait, il n'imagine pas qu'on puisse échapper à un ennemi de ce genre.
— Aqua aurait pris des mesures, s'il y avait vraiment un risque pour-
— Aqua se moque pas mal des risques ! Elle te laissera crever si ça peut l'arranger !
Le doute le secoue, mais il s'accroche à ce sourire apaisant qu'elle a eu chaque fois qu'elle lui a parlé. Ce n'est peut-être pas le cas de tous les immortels, mais elle aime les humains. Sincèrement.
— C'est faux. Et tu le sais.
Il voudrait prendre Vanitas dans ses bras jusqu'à ce qu'il s'apaise. Les mots ne peuvent rien contre lui, l'annonce est trop fraîche. Il lui faut le temps d'accepter, de dédramatiser.
— Tu crois ça ?
Mais le chat feule et s'éloigne.
— Elle a tué son propre fils, il ricane. Tu penses qu'elle en a quelque chose à faire d'un humain comme toi ?
Son fils.
Riku cherche quelque chose à répondre, mais son cerveau bloque. Les derniers mots de Vanitas s'infiltrent en lui comme un filet de glace. Impossible. Il essaie de se remémorer la conversation qu'il vient d'avoir avec Sora. Même son ami… Personne ne sait. Vanitas ment. Ce ne serait pas la première fois qu'il affabule pour obtenir ce qu'il veut.
Mais. Son fils.
Aqua a…
Non. Il lui manque des détails. Ça ne se peut pas, c'est… Son fils ? Aqua a eu un fils ?
— Les vampires ne peuvent pas avoir d'enfant.
C'est ce que Larxene lui a expliqué. Ils ne peuvent pas porter de bébé, leur corps les dévore dans les premiers jours de leur conception. Et pour ce qui est humains, c'est le foetus qui les tue, avant d'avoir pu mener son développement à son terme. Dans un cas comme dans l'autre, le discours de son amant ne tient pas la route.
— Les vampires ont tous été humains, Vanitas rétorque.
Riku déglutit. Donc… Non. Ou peut-être que si ? Il sait comme la soif brûle la gorge les premiers jours, c'est un désert, une faim constante et dévorante. Elle n'a peut-être pas fait exprès.
Il aura suffit d'un moment d'inattention.
Un millier d'explications lui viennent. Mais il lui faut les chasser. Ce n'est pas le sujet. Plus tard, il se torturera les méninges.
— Tu ne sais pas ce qui pourrait se passer, Vanitas insiste. Je t'ai déjà vu mourir une fois, Neo. Tu n'imagines pas…
Il se tourne.
— Tu n'étais plus là. Et moi si.
Riku sait. Il ne pourra jamais imaginer ce que c'était. L'absence et le vide absolu qui se sont abattus sur lui. La solitude d'une douleur universelle et pourtant si personnelle. Il ne le ressent pas. Tout ce qu'il a, c'est la voix désespérée de Vanitas étouffée dans la neige et ce regard qui tremble aujourd'hui, plein de futurs possibles tous marqués par le sceau de la mort.
Mais Riku est là, maintenant. Et les choses ne passeront pas aussi mal que l'autre le croit. Vanitas doit lui faire confiance, comme il a choisi de faire confiance à Aqua et Sora.
— C'est terminé, ça, le gris le rassure. Je suis revenu.
Le corbeau l'observe comme s'il n'en était lui-même pas sûr.
— Mais je ne suis pas Neo.
Il faut que ça sorte. Riku attrape sa main le plus doucement du monde pour garder son attention. Il comprend pourquoi Vanitas s'accroche à ça, cette idée, cette ressemblance. Neo est une part de lui. Une part indissociable. Mais il est Riku, et c'est peut-être parce que Vanitas ne le comprend pas qu'il s'inquiète autant de la réaction de Xehanort.
Mais les doigts froids s'écartent brusquement des siens.
— Lâche-moi.
Sonné, Riku se recule.
— Qu'est-ce que vous avez tous à me dire ça ? Vous croyez que ça changera quelque chose, quand il se pointera ?
Sa voix siffle méchamment alors qu'il se recule, dents serrées, crocs sorties.
— Tu crois qu'il fera la différence, lui ?
Ce n'est pas le problème. Et oui, Riku voudrait le croire. Mais Vanitas ne lui laisse pas le temps de répondre. Il cligne des yeux, et déjà l'immortel est parti. Son corps tassé s'éloigne dans l'herbe bleue de la nuit, à peine éclairée d'une lune qui décroît. À son tour, le vampire fuit, sa silhouette avalée par la forêt.
Riku soupire. Il n'est même pas blessé, seulement dépité. Si Van refuse de se laisser convaincre, qu'est-ce qu'il peut faire contre ça ? Peut-être qu'il a besoin de temps. De solitude.
Mais il s'est enfermé si longtemps.
Riku jette un coup d'œil vers le manoir, reporte son attention sur les arbres au loin.
Tant pis. Aqua attendra.
Résigné, il avance à son rythme à la suite de son amour. Vanitas n'est pas stupide, mais il aimerait autant le retrouver avant que la nuit qui les préserve du jour ne s'estompe.
. . .
— Ils étaient insupportables. Je sais que les jeunes vampires n'ont pas toujours la cervelle au bon endroit, mais sincèrement, c'était déplorable. Ils avaient toujours faim. Et pas juste de sang.
Neku soupire.
— De vrais lapins. Mais ça, personne ne vous prévient avant de vous transformer.
Trois semaines qu'il supporte Joshua, et il se demande si ce type arrêtera un jour de parler. Il a mis son casque sur ses oreilles, pourtant, mais l'autre ne semble pas comprendre le message.
Est-ce qu'il a capté qu'il n'avait pas mis de musique ? Après tout, ses oreilles sont sans doute plus affûtées que les siennes.
— Ils restaient des jours entiers dans leurs chambres à jouer à la bête à deux dos. Ou trois, ou quatre. Et Ardyn ne dit rien. Si tu veux mon avis, son armée ne vaut pas grand chose. Ses vampires sont nombreux, mais il les transforme sans les former. Il se contente d'éliminer ceux qui ne savent pas se tenir et de recommencer le processus. C'était comme ça du temps où j'y vivais, et je doute que ça ait changé.
Mais seigneur…
Le rouquin se tourne. Soit Joshua sait qu'il l'écoute quand même, soit il adore parler dans le vide. Dans un cas comme dans l'autre… Non le premier est quand même moins inquiétant.
Et lui, Neku s'en veut de continuer à écouter son blabla insupportable. Il se moque bien de savoir que les jeunes vampires baisent à n'en plus pouvoir. Et il n'a pas envie d'imaginer Joshua faire… Ce genre de choses. Parce que s'il vient du fameux clan d'Ardyn, il a dû être un de ces petits nouveaux incapables de tenir leur bite. C'est logique.
Et en même temps, Neku est un peu curieux. Un vampire aussi distingué que lui, qui parle ouvertement de sexe. Il l'aurait pensé prude et dédaigneux, mais c'est tout le contraire. Joshua a beau geindre, c'était sûrement le pire de la bande.
— Tout ça pour dire que tu n'auras pas à t'inquiéter. Aqua vous mettra à l'abri en ville.
— Cool.
— Tiens. Tu m'entends malgré la musique ? Joshua roucoule.
Merde.
— Ou tu n'en as pas mis ? C'est très impoli de faire semblant d'ignorer les gens, Neku. Tes parents ne t'ont pas inculqué les bases de la politesse ?
— Fais pas genre, t'avais compris.
— Du tout.
Neku est sûr qu'il ment. Il sent d'ici le sourire dans son insupportable petite voix de souris qui couine. Saleté de bestiole.
— Moi qui essayait de te rassurer. Je suis vexé.
En lui parlant de vampires qui baisent ? Bien sûr.
— Mon cul.
Pour dire vrai, cette guerre ne l'inquiète pas tant que ça. Il n'en prend pas la mesure. De toute façon, Joshua lui a dit qu'il ne participerait pas. Et avec un peu de chance, l'insupportable vampire perdra sa jolie petite tête bouclée dans la bataille. Il n'aura plus à l'écouter déblatérer en rentrant. Fini, le statut de garde-manger. Il sera libre.
Cette idée devrait le rassurer, pas l'attrister.
Neku glisse ses doigts autour de la chaîne qu'il porte au cou. Celle qu'Aqua lui a confiée après avoir mêlé son sang à celui de l'énergumène. On ne lui a pas forcé la main. Il cherchait un endroit où squatter pour passer la nuit – et les suivantes – , ça l'arrange d'avoir trouvé une place plus confortable que prévue. Il est nourri et logé, tout ça en échange du sang que Joshua n'a pour l'instant pas daigné prélever. C'est un bon deal.
— Oh, je n'osais pas demander, ronronne la pie bavarde. Mais puisque tu proposes…
Qu'il se taise, pitié.
— Enfin, pour tout te dire, je préfèrerais plutôt qu'il soit question de mon cul, mais je ne voudrais pas te-
Neku se bouche les oreilles. Oh, mais il ne s'arrête jamais, celui-là ! Il se tourne et va pour lui balancer un de ces magnifiques oreilles en velours dessus. Mais c'est en le voyant qu'il réalise le silence qui vient de s'abattre sur la pièce.
Effectivement, Joshua s'est tu. Neku lui découvre une impression préoccupée qu'il ne lui avait jusqu'alors jamais vue.
— Eh ? il s'inquiète. Josh ?
Il le voit qui hume l'air avant de se redresser sur une grimace.
— Tu m'en vois navré, mais je crains que nous ne devions remettre cette conversation à plus tard.
