Bonne lecture!


Chapitre 29

« Alors il a mis en scène toute cette chasse au trésor... fait Chris. »

Cath hoche la tête, un petit sourire est accroché à son visage depuis ce matin. Son attention est à mille lieux de nos devoirs de DCFM. J'échange un regard avec Christopher, il ne nous a pas fallu deux minutes pour nous rendre compte de l'état passablement euphorique de notre amie lorsqu'elle est venue nous rejoindre à la Bibliothèque. Elle est rayonnante. Mon cœur ronronne de joie pour elle.

« C'est très romantique, soufflé-je, je suis tellement heureuse pour toi Cathy. On voit qu'il te connait bien...

- Ah ça ! se moque gentiment Chris. Ya pas grand monde qui trouverait Stephen King romantique !

- Il aurait pu faire en sorte de se faire mordre par un loup-garou aussi, songé-je avec humour.

- Heureusement que non, ya plus qu'à espérer qu'il a plus de plomb dans la cervelle que Catherine, soupire-t-il amusé.»

Cathy ne nous écoute que vaguement, je ne peux pas lui en vouloir d'être aussi distraite. J'avais une petite idée de qui était derrière tout ça dès qu'elle est venue nous raconter la première énigme et la référence à la ligne verte. Je me suis gardée de m'impliquer dans ce mystère qui avait attisé sa curiosité, et ai convaincu Christopher de la laisser aller fureter dehors en pleine nuit. Je suis impressionnée par l'inventivité et l'implication sans faille d'Henry. Il a tout fait pour se faire pardonner son moment d'égarement qui avait blessé Cath, il la mérite maintenant. Ils sont si parfaits ensemble... Aujourd'hui ils peuvent vivre leurs sentiments au grand jour et c'est un dénouement qui me plait décidément bien plus que tous ceux qui semblaient tristement se dessiner à l'horizon. N'en déplaise à James qui à n'en pas douter rumine sûrement dans un coin.

« Ton frère a pris comment la nouvelle ? demandé-je.

- Il s'en rendra compte de lui-même, hausse-t-elle les épaules avant de marmonner, j'vais pas lui envoyer un faire-part non plus. Mais je crois qu'il s'en doute...

- J'ai hâte de voir sa tête, ironise Chris. Je sens qu'il va prendre la chose avec beaucoup de maturité !

- Ça changera rien du tout, affirme Cath avec un petit air radieux. On est ensemble maintenant, c'est tout.

- Tu as raison, affirmé-je, c'est le plus important. Il finira pas revenir vers toi, tu verras. Tu es sa sœur jumelle. »

Ce n'est pas la première fois qu'il a des réactions extrêmes et déraisonnables. Elle a toujours été assez bienveillante pour lui pardonner tout comme il a toujours su tempérer sa rancœur pour renouer avec sa sœur. J'espère pour Henry qu'ils pourront aussi redevenir meilleurs amis. Ça serait vraiment triste de perdre quelqu' un à cause d'un bonheur qu'on n'avait pas imaginé pour celui-ci.

Un coup d'œil à l'horloge d'où jaillit un petit oiseau gazouillant me fait soudainement réaliser que je vais être en retard à la table ronde. Je m'empresse de ranger mes affaires, saluant Chris et Cath avant de me précipiter dans le couloir pour rejoindre à grandes enjambées le deuxième étage.

Une des salles de classe a été aménagée exprès pour. Les chaises ont été placées en cercle, la cheminée crépite derrière le dos de Mrs McGonagall. La plupart des participants à ma table ronde sont arrivés. Je me glisse en silence sur la première place de libre, jouant nerveusement avec mes doigts en espérant que personne ne m'oblige à prendre la parole. Je jette des petits coups d'œil, je ne reconnais que Nina Grey, Charlotte Heywood une Gryffondor de quatrième année et Sarah, la petite sœur de David. Je m'empourpre lorsqu'elle m'adresse un petit sourire et un signe de la main pour me signifier qu'elle m'a reconnu. Je voudrais me fondre aussitôt dans la tapisserie de la guerre des gobelins derrière moi. Je suis presque certaine qu'elle ne sait pas du tout ce qu'il est arrivé entre moi et son frère, néanmoins je ne peux pas m'empêcher de me sentir stupide et gênée devant son visage ouvert et candide. Et puis elle a sûrement vu ma pancarte comme tous les élèves de Poudlard.

Merlin...

Frénétiquement je rejette cette vision au fond de ma mémoire de peur de perdre toute capacité d'élocution dans l'heure qui va suivre ou de me cacher derrière mes doigts. Je suis juste incroyablement gênée, incapable de repenser à ce désastre sans me sentir étouffer.

« Bien, puisque tout le monde est là nous allons pouvoir commencer, fait la directrice. Je sais que ces derniers temps ont été difficiles pour tout le monde, certains d'entre vous ne se sentaient plus en sécurité ici... d'autres se sont mis à entretenir de la colère pour des camarades d'une autre maison. »

Une main se lève aussitôt.

« Il n'y a pas besoin de lever la main, prenez simplement la parole sans vous interrompre. Mr Biver, oui ?

- Est-ce que Dylan va revenir ?

- Mr Geyjoy ne peut hélas pas revenir étudier à Poudlard, il en a bafoué les fondements même.

- Est-ce que c'est vrai qu'il s'en est pris aussi à des nés-moldus ? demande Sarah.

- J'ai bien peur que oui, acquiesce-t-elle.

- Mais.. pourquoi ? C'est un né-moldu lui aussi !

- Certains élèves ont fait du tort à Mr Greyjoy, il est resté isolé face à cela. Nous sommes ici pour faire en sorte que cela ne se reproduise plus Miss Lehnsherr. »

Plusieurs voix s'élèvent en même temps, certains se demandent si tous les coupables ont été pris ou s'il y a le moindre doute quant à l'implication d'autres élèves qui pourraient trouver un moyen de s'en prendre au Serpentards. La directrice les rassure, certains Poufsouffles s'excusent sans raison et Nina Grey leur adresse un regard méprisant et blessé.

« Vous êtes tous des abrutis, lâche-t-elle, la guerre est finie depuis longtemps ! Les Serpentards ne sont pas les éternels méchants de l'histoire !

- Ils l'ont été pendant la bataille de Poudlard, fait avec détermination Charlotte Heywood. Ils se sont rangés du côté de Voldemort !

- Est-ce que ça veut dire que pour toujours ma maison est une paria ? Siffle-t-elle. Qu'on a le droit de s'en prendre à nous ?

- Ma tante est morte pendant cette bataille, souffle Charlotte.

- Beaucoup de gens sont morts pendant cette bataille. »

Le regard brûlant de tristesse et de colère de Charlotte se voile de larmes contenues. Il y a un long silence que Mrs McGonagall ne cherche ni à briser ni à interrompre. J'en profite pour glisser des coups d'œil aux autres élèves. La mine renfrognée de Sarah attire mon attention.

« Des gens qui n'ont rien fait se sont quand même fait attaquer ! Mon frère a jamais connu la guerre contre Voldemort, avec ma famille on habitait encore à Berlin, s'exclame-t-elle de sa voix fluette, Lui il était totalement innocent, et parce que sa maison c'est Serpentard ça donne quand mêmes le droit de s'en prendre à lui ?

- C'est bête de juger les gens pour leur maison, approuve piteusement Angor Biver. »

C'est aussi peut-être un peu simpliste de ranger les individus dans des cases ou des maisons, de penser qu'ils ne sont qu'un trait de caractère : malin, loyal, courageux ou intelligent. Cette tradition qui demande que nous ayons des salles communes dans lesquelles des élèves d'autres maisons ne peuvent pas venir, des tables où l'on ne se mélange pas... Peut-être que c'est cette catégorisation qui a amené à autant d'incompréhension et de défiance. Je préfère taire cette pensée.

« En effet Mr Biver, vous avez parfaitement raison, approuve Minerva McGonagall. »

La conversation parfois houleuse s'égraine ainsi jusqu'à ce que sonne la fin de l'heure. Nous nous affairons pour quitter la salle et reprendre notre emploi du temps normal, la directrice m'arrête un instant devant la porte.

« Miss Vernon n'aviez-vous vraiment rien à dire sur la situation qui nous préoccupe tous ? »

Je lève timidement les yeux sur elle, son regard gris paisible sous son chapeau pointu qu'adoucissent les rides de son visage me relaxe aussitôt. Je me sens rougir et baisse les yeux sur mes pieds.

« Peut... peut-être qu'on pourrait autoriser les élèves à aller dans les salles communes de toutes les maisons...bafouillé-je. Ou à manger ensemble dans la grande Salle... dans le règlement intérieur... »

Une demi-sourire se glisse sur ses fines lèvres.

« Vous êtes pleine de bonnes idées Miss Vernon, vous devriez vous faire plus souvent confiance et les proposer, complimente-t-elle gentiment. »

Une pointe de fierté me perce la poitrine.

« Voyez-vous, nous sommes justement en train de discuter de telles mesures avec l'ensemble des professeurs. Après tout, les traditions peuvent être aménagées pour mieux s'accorder à notre temps, n'est-ce pas ? »

J'hoche aussitôt la tête. Elle m'adresse un petit salut avant de fermer la porte d'un coup de baguette magique.

OoOoOo

« On pourrait aller tous ensemble à Pré-au-Lard, propose Christopher. Il y a une sortie ce week-end en plus.

- ça serait super cool ! approuve Henry.

- C'est vrai que ça fait longtemps que vous y êtes pas allés ! Fait Cath, vous respectez trop le règlement !

- Il faut bien que certains aient le sens du règlement, ironise Chris.

- On pourrait aller tester le nouveau café, songé-je, il vient juste d'ouvrir et il propose des petits gâteaux très bons selon Marianne. Surtout ceux au chocolat... »

Je décoche un petit clin d'œil à Cath dont la passion pour le cacao – et les choco-grenouilles - est difficilement raisonnée. Elle approuve mon idée d'un hochement énergétique de la tête. Henry lui ébouriffe les cheveux avec affection avant de glisser sa main dans la sienne. Le sourire radieux qu'il fait naître sur son visage m'émeut aussitôt. Il a fallu peut-être plus de détours et d'obstacles que prévus, mais ils se sont trouvés.

« Bon, on va vous laisser profiter de votre soirée en amoureux, s'exclame Chris, yen a qui ont un devoir de sortilège à rendre demain !

- T'as raison, c'est important Sortilège ! insiste Cath avec légèreté.

- Ravi de te l'entendre dire... s'amuse-t-il.

- On est pas en Sortilège ensemble ? Fait remarquer moqueur Henry.

- Ah si si... assure-t-il. Cela semble avoir échappé à Cath...

- Oh Merlin ! S'exclame-t-elle avec une grimace, j'avais oublié !

- Tu pourras copier sur moi, proposé-je gentiment.»

Elle m'adresse un regard de gratitude avant qu'Henry et elle ne bifurquent pour rejoindre la salle commune de Poufsouffle main dans la main en riant d'une boutade absurde. Voilà qui va ravir le cœur romanesque de Cindy. Je le regarde s'éloigner avec contentement avant d'emboiter le pas à Chris en direction de nos dortoirs respectifs.

«Au fait, je suis désolé que votre plan pendant le match n'ai pas fonctionné.»

Une petite crispation me parcourt le dos, je baisse piteusement les yeux sur mes chaussures.

« C'est comme ça, soufflé-je.

- Au moins t'as essayé, me console-t-il gentiment. »

J'hoche la tête avec tristesse avant de la secouer légèrement pour faire disparaître ce douloureux souvenir de derrière mes paupières.

« Et toi alors ? Tu as pu parler à Elisa ?

- J'suis pas sûre que ça pourrait marcher entre nous, hausse-t-il les épaules. J'avais jamais pensé lui faire de la peine, elle a tout de suite supposé que c'était le cas. Elle m'a pas vraiment laissé une chance de m'expliquer. »

J'acquiesce, effectivement c'est peut être un peu excessif... Au moins David a accepté de m'écouter. S'il avait simplement fermé la porte à toute possibilité de résolution, ça aurait été peut-être plus blessant encore. Lui au moins il a voulu finir proprement les choses. Il a attaché de la valeur à notre histoire... Eliza ne s'est pas émue de laisser ainsi dans le vent Christopher, je comprends son sentiment de déception et d'irritation. Toutes les relations ne sont pas faites pour advenir. Un vague à l'âme me saisit l'espace d'un instant.

« Il y aura quelqu'un d'autre de parfait pour toi, assuré-je doucement.

- Pour toi aussi Freddy, affirme-t-il avec un clin d'œil. Y a bien eu quelqu'un pour notre Cath nationale, faut pas perdre espoir !

- C'est vrai, m'esclaffé-je. »

Nous nous séparons ensuite et je retrouve le portrait de la Grosse Dame qui baille derrière son éventail. Le mot de passe donné, j'accède à la chaleur réconfortante de notre salle commune. Charlotte Heywood parle avec animation avec deux de ses amies près du foyer, elle a les yeux rougis. J'imagine qu'elle parle des remarques acerbes de Nina Grey plus tôt dans la journée. Susan Collper est là, lovée dans un des fauteuils de notre salle commune. Je ne sais pas si finalement c'est une si bonne idée de laisser les élèves de toutes les maisons venir dans les salles communes. Moins mon regard se pose sur elle, mieux se porte mon estime de moi. Je me détourne et alors que je monte vers le dortoir m'enfuir sous la couette avec Lord Byron, Réginald m'intercepte.

« Frédérika, je te cherchais. »

La soudaine attention qu'il me porte tend tous mes muscles d'une anticipation inquiète. Il me regarde avec un air doucereux qui me rend soudainement méfiante. Un frisson d'appréhension me saisit.

« Je voulais te rendre ce qui t'appartient. »

Il me tend alors un petit tas de lettres nouées les unes aux autres par un morceau de ficelle. Je reconnais mon écriture instantanément, elle me brûle la rétine de honte et de colère. Avec raideur, je m'en empare sans lâcher le moindre remerciement.

« Susan a pensé que ça serait mieux qu'on te les rende, pour euh... enfin tu vois quoi. »

A vrai dire je n'en ai pas la moindre idée. Toute l'école sait ce qu'elles renferment, à quoi cela sert-il de me les rendre ? Il n'y a rien de plus à en tirer. Susan a eu son moment d'amusement grâce à elles, son air narquois me le confirme. Et elles ont fait disparaître le sourire de David. Elles sont devenues inutiles, j'imagine. Je les fixe sans relever mon regard sur le visage de Réginald. Elles n'ont aucune valeur. Pas plus pour lui que pour moi d'ailleurs.

« Bon, on oublie tout ça maintenant d'accord ? »

Mes doigts s'enfoncent dans le papier, prêts à les réduire en morceaux. Non, je ne pourrai jamais oublier la brûlante humiliation qu'elle m'a infligée. Mon regard court vers Susan avant de revenir vers lui. Il ne peut pas espérer cela, pas plus qu'il ne peut espérer mon pardon ou ma considération. Elle et lui n'ont plus que mon indifférence.

« Au fait, elle était sympa ta pancarte, Vernon, s'exclame Susan de l'autre côté de la salle commune, ça fait chaud au cœur de voir tant de soutien d'un Gryffondor ! Dommage que ça ai pas marché ! La prochaine fois peut-être !»

Il y a un silence dans ma salle commune avant que ne reprennent doucement les conversations. Sa remarque me pince le cœur, je ne me retourne pas. Peu importe maintenant. Réginald a d'abord un petit air gêné qui devient vite confus face à mon dédain. Je le dévisage en m'étonnant de me demander ce que j'ai bien pu voir en lui pour imaginer la personne idéale. Quels traits de sa personnalité ai-je cru déceler derrière son allure altière ? Comment ai-je pu être aussi sotte ?

« Bonne nuit, lâché-je dans un murmure. »

Avec raideur, je grimpe les escaliers en colimaçon jusqu'au dortoir des Septièmes années. Je m'assois sur mon lit, contemplant ces horribles lettres comme un boomerang qui me serait revenu du passé pour venir me frapper en plein visage.

Marianne surgit de la salle de bain, en pyjama et avec un turban de serviettes autour de sa chevelure. Elle remarque aussitôt le petit paquet et fronce les sourcils en comprenant aussitôt de quoi il s'agit.

« Tu vas en faire quoi ? »

Sans répondre, je me lève et les jette dans la cheminée où rougeoient paresseusement des flammes. Elle approuve d'un sourire et se plante devant moi pour contempler le spectacle ô combien satisfaisant de la disparition de ces preuves accablantes de mon aveuglement puéril.

« Tu sais, j'crois que David a pas mal d'admiratrices maintenant, murmure-t-elle avec irritation, je l'ai vu tout mièvre avec deux Serpentards de sixième années.

- Ah oui ? soufflé-je d'une voix éteinte.

- J'pense que tu devrais laisser tomber, continue-t-elle, il s'en fiche. Il a déjà oublié. »

Je continue de fixer les flammes dévorer le papier, dégageant une lumière verdâtre dans l'âtre. J'espérais une catharsis bienvenue mais rien. ça ne résout rien du tout.

« Quand j'pense qu'il t'a fait culpabiliser en te disant qu'il voulait pas être avec toi parce que tu étais pas amoureuse... C'est un sacré hypocrite lui aussi !

- Il a le droit d'être avec qui il veut, secoué-je la tête.

- J'peux aller lui dire ce que j'en pense… propose-t-elle avec agacement.

- Laisse tomber Marianne. Je veux juste qu'il soit heureux. Ne le blâme pas pour essayer de l'être, d'accord ? »

Elle me dévisage, sûrement surprise de mon peu de combativité. Je lui souris doucement.

« C'est mieux ainsi. »

OoOoOo

« Et c'est même là, ici même, sous cet arbre qu'Harry Potter a vu Voldemort boire le sang de la pauvre licorne... en première année, imagine un peu ! On dit que les nuits sans lune on peut entendre les hennissements de la pauvre bête dans le vent, raconte David d'une voix lugubre, et qu'il ne pousse plus rien du tout là où il a tué l'animal... et où a coulé son sang pur... même les autres animaux de la forêt ne viennent plus ici...

- Noooon, s'écrit Cath en plaquant ses mains sur ses joues, mais c'est IN-CRO-YA-B-E !

- Miss Morland ! souffle Willow le concierge, veuillez calmer vos ardeurs !

- C'est trop dommage que ça soit la pleine lune ! se désole-t-elle.

- Ah ça, c'est clair qu'on loupe quelque chose ! assure-t-il avec un hochement de tête énergique, j'ai même entendu dire qu'on pouvait trouver la tanière d'une araignée géante. J'espère que t'es pas arachnophobe Kitkat, parce qu'une acromentule pourrait surgir comme ça... et tac ! Poser ses pattes velues sur nous et nous piquer de son dard empoisonné !

- J'le crois pas... se tourne-t-elle vers moi les yeux brillant d'impatience, mais pourquoi on est pas venu plus tôt Freddy ?! Davidouuuu il faudra revenir !

- Miss Morland ! Concentrez-vous sur votre tâche !

- Je ne m'inquiéterai pas pour ça, lui assure Chris. »

Sa remarque fait éclater de rire David et déclenche mon hilarité. Depuis dix minutes, il essaye de faire croire à Cathy que nous sommes sous l'arbre aux larmes où a été tué l'animal le plus pur du bestiaire magique et où, une nuit sans lune, a marché le seigneur des ténèbres... Pour un peu, elle se serait accroupie par terre pour ramasser un caillou en souvenir. Willow, le concierge, nous dévisage complètement désarçonné par les rires et la fascination de mon amie au lieu des pleurs et des tremblements qu'il espérait. Il nous a conduit pour ramasser des champignons toxiques sous les chênes de la forêt interdite en pleine nuit et dans le froid. Apparemment cette espèce sud-américaine invasive se repère mieux dans l'obscurité car elle projette un halo jaunâtre. C'était sans compter l'excitation de Cath pour les créatures horrifiques et l'amusement de David à attiser sa morbide curiosité. Notre concierge déconcerté est aussi passablement agacé :

« Très bien, puisque vous êtes incapables de vous tenir tous les quatre, je suis obligé de vous séparer. Miss Morland, Mr Brandon, vous venez avec moi. Peut-être arriverez-vous à mieux vous concentrer loin des imbécilités de Mr Lehnsherr ! »

Il foudroie David du regard qui fait mine de n'avoir pas compris le sous-entendu, m'arrachant un sourire amusé. L'instant qui suit j'intègre brusquement la situation dans laquelle je me trouve. Ils s'éloignent, sous les grommellements agacés de Willow, me laissant dans un tête-à-tête silencieux et pesant avec David. Frénétiquement, je porte mes yeux au sol à la recherche des champignons toxiques, m'empourprant progressivement.

« Elle est quand même trop drôle Kitkat, continue-t-il de s'esclaffer. »

J'hoche la tête, incapable de trouver quoi dire pour relancer la conversation. La dernière que nous avons eu résonne trop fort à mes oreilles et me noue douloureusement la gorge. Je me concentre sur ma tâche et cherche dans l'obscurité, ma baguette illuminée devant moi, les champignons luminescents et toxiques pour la forêt. J'en trouve un que j'arrache de ma main gantée de la racine de l'arbre avant de le fourrer dans le sac prévu à cet effet. Je murmure faiblement que j'ai trouvé tout un tapis de ce fongus, il s'accroupit à côté de moi pour s'atteler à la tâche.

« ça va Fred ? Demande-t-il doucement. »

Maladroitement, je relève la tête vers lui et sourit faiblement. Il est hors de question de le faire culpabiliser. Son visage attentif me perce aussitôt la poitrine.

« Réginald m'a rendu mes lettres, soufflé-je soudainement, hier soir. »

Son regard se voile un peu, il se détourne aussitôt.

« Et ça va ? demande-t-il d'une voix lointaine. »

C'est soudainement de mon côté que pèse la culpabilité. Je ne peux pas le laisser avoir ce genre de pensées, si je peux au moins arriver à chasser ce nuage sur son front... Je me sens aussitôt bourdonnante de timidité et de honte.

« Il est tellement... insensible et égocentrique, continué-je maladroitement, c'est... en fait c'est risible de ma part de ne pas m'en être rendue compte plus tôt. Ce n'est vraiment pas une belle personne. »

Je ne me sens pas capable d'affronter son visage, machinalement je continue d'attacher un à un les champignons.`

« Je m'étais... je m'étais bêtement imaginée que c'était une autre personne..., avoué-je honteusement en m'empourprant encore plus, en... en réalité je ne le connaissais tout simplement pas. Je n'étais pas amoureuse de lui. Je…je ne pouvais pas l'être, je ne savais même pas qui il était... C'était... j'étais ridicule. »

L'envie de me couvrir le visage est très forte, malheureusement les gants m'empêchent de me cacher derrière mes mains. Le silence est assourdissant. On n'entend que les hululements d'un hiboux, même la voix de Cath a disparu au loin. Mes doigts tremblent, je les sens moites et rigides sous le tissu épais et rêches. Mon cœur est aussi lourd qu'une pierre.

« Fred, t'as pas à...

- Je suis désolée, coupé-je, je suis tellement désolée de t'avoir fait de la peine. Tu es la dernière personne que je voulais faire souffrir par mon imbécillité... et mon aveuglement. Je ne voulais... je ne voulais pas te faire mal... Je suis désolée que tu ais cru que... que j'étais amoureuse de lui alors que... qu'on sortait ensemble. Ce... ce n'était pas du tout le cas, je t'assure. »

La fraîcheur de la nuit apaise difficilement le feu qui me brûle le visage. Je n'ai même plus envie de pleurer sur mon triste et stupide sort, complétement mérité. Je me force à relever mon regard pour espérer trouver le début d'un pardon ou d'un assentiment dans ses yeux. Il me dévisage sans rien dire. Un vague de regrets m'avale toute entière. La lumière de sa baguette découpe l'ombre de sa mâchoire sur son écharpe.

« J'espère que tu me crois, murmuré-je d'une voix étranglée. Et que tu me voudras bien me pardonner un jour. »

Il hoche la tête tout à coup.

« D'accord. Je te crois Fred. »

Mes yeux s'écarquillent de surprise. Il pose alors sa baguette par terre, la lumière rase les racines noires et les feuilles mortes par terre. J'ai dû mal à comprendre. Il a un petit air gêné sur le visage.

« Je suis désolée, fait-il, je t'ai pas laissé m'expliquer… C'est de ma faute aussi. J'voulais pas vraiment entendre j'crois. ça m'faisait un peu peur ce que tu pouvais me dire…

- Je comprends, tu avais tes raisons et je…

- J'ai eu tort, grimace-t-il, tu veux bien m'excuser, aussi ?

- D'accord, acquiescé-je doucement, d'accord.»

Une mine soulagée se dévoile entre les ombres avant qu'il n'affiche progressivement un sourire aussi lumineux que mutin.

« Est-ce que je peux t'embrasser ? »

Mon souffle se bloque instantanément. Je le dévisage, ébahie et balayée par un puissant et inexorable élan d'espoir. Ses yeux pétillants m'étouffent la poitrine. J'hoche lentement la tête. Un stupide sourire se dessine sur mon visage alors que je le regarde, médusée, retirer ses gants.

Ses mains une fois libres se posent immédiatement sur mes joues, faisant remonter tout mon sang jusqu'à elles. Une sensation presque douloureuse de chaleur me brûle toute entière. Un rire, stupidement soulagé, m'échappe juste avant que ses lèvres ne trouvent les miennes.

Je me dégage maladroitement de mes propres gants. J'enroule vivement mes bras autour de lui. Une sensation euphorique fait frémir mon cœur contre le sien.

« MISS VERNON ! MR LEHNSHERR ! On peut savoir ce que vous fabriquez ?! »